1 partie Equilibre Statique

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L'équilibre d'un objet matériel est évidement très important en Sciences de ... arriver, il faut introduire les concepts de force, de moments de forces et acquérir un.
1ère partie Equilibre Statique Notes de cours de Licence de Physique de A. Colin de Verdière

Introduction Un objet est en équilibre statique lorsque dans un référentiel (défini par un autre objet) il est au repos, immobile, cad sans vitesse relative par rapport à cet autre objet de référence1. L’équilibre d’un objet matériel est évidement très important en Architecture et en techniques industrielles: le bâtiment ou l’objet doit conserver son intégrité physique et il faut choisir la nature et le dimensionnement du matériau pour éviter la casse. « La casse » est la signature d’accélérations relatives entre différentes parties d’un objet. Un grimpeur sur une paroi verticale des Alpes se pose aussi des problèmes d’équilibre (dont la solution desquels sa vie dépend directement). A cette notion d’équilibre il faut ajouter la notion très importante de stabilité: l’équilibre est il stable ? Si je perturbe l’équilibre, l’objet revient il à sa position initiale ? Si oui on parlera d’un équilibre stable : Voila deux positions d’équilibre d’un domino sur une table. On sent bien que 2 est plus stable que 1 mais comment le montrer ?

1

2

Si la résultante des forces est nulle sur un objet, les translations vont être interdites. Mais ici on passe de la position 1 à 2 par une rotation et pour empêcher cette rotation il faut inventer un nouveau concept le moment d’une force et rajouter que la somme des moments est nulle. Pour calculer le moment d’une force, il va falloir introduire une nouvelle opération sur les vecteurs, le produit vectoriel. Si on s’intéresse à l’équilibre d’objets matériels rigides, il n’y a que deux types de mouvements possibles les translations et les rotations. Si on suppose l’objet rigide, la distance AB entre deux points quelconques est constante et il n’y a pas de déformation interne. Translation : le vecteur AB garde la même orientation dans l’espace.

A B

Rotation : par exemple le point B tourne autour de A et le vecteur AB tourne.

Le mouvement d’un corps est déterminé par des forces agissant sur un objet traduisant l’ action d’un corps sur un autre. On est habitué aux forces exercées lorsqu’il y a contact entre deux corps mais il y a aussi le poids qui ne rentre pas dans cette catégorie : le poids est un exemple de force qui agit à distance, c’est à dire entre la masse de la terre et la masse de l’objet séparées d’une certaine distance.

1

Le référentiel associé au corps de référence doit être inertiel (sans accélération). Mécanique Physique (S2) 1ère partie – page 1

La translation d’ensemble d’un corps est déterminée par les forces agissant sur l’objet. Mais ce qui est important c’est la somme vectorielle des forces. On définit ainsi la résultante des forces : R = F1 + F2 + F3 + etc … Une telle égalité vectorielle se traduit par autant d’égalités entre les composantes des vecteurs selon un système d’axes choisis. Par exemple si les forces agissent dans un plan xy : Rx = Σ Fix

y x

Ry = Σ Fiy l’intensité R de la résultante est le module du vecteur R: R = (Rx2 + Ry2)1/2 et son orientation dans le plan xy est donnée par l’angle α : tan α = Ry / Rx

Si les forces Fi agissent toutes en un même point, on parle de forces concourantes et le seul mouvement possible est alors une translation. Si ce n’est pas le cas, l’objet peut tourner, et une nouvelle notion doit être introduite pour voir ce qui cause une rotation.

Le moment d’une force (torque en anglais) Quelles sont les forces qui causent une rotation ?

(D)

Il suffit d’ouvrir une porte (de forme quelconque sur le dessin) pour comprendre comment ça marche ou plutôt quand ça ne marche pas pour commencer. La charnière est en O et la poignée en A. Si j’exerce une force sur la charnière de la porte (en O), rien ne se passe. Si j’exerce une force en A dirigée vers la charnière (selon OA) rien ne se passe. Pour faire tourner la porte autour de son axe de rotation (passant par O), vous constaterez que les circonstances les plus favorables sont que la force F soit perpendiculaire à OA et que A le point d’application de la force soit le plus loin possible de O (c’est le cas des poignées de portes!). Le moment d’une force capture cette expérience quotidienne. On va d’abord définir son intensité comme :

l O

H A Fn

θ F

τ=Fl où l, le bras de levier, est la distance du point O à la ligne d’action de la force, OH en vert sur le dessin. Dans le triangle OAH rectangle en H, si θ est l’angle (OA, F): l = OA sin θ ainsi :

τ = F r sin θ

avec r = OA (distance) Mécanique Physique (S2) 1ère partie – page 2

Notez aussi que F sin θ = Fn est la projection de F sur la perpendiculaire à OA (en rouge), de sorte qu’on a aussi : τ = r Fn Ceci définit le module du moment d’une force mais on en fait un vecteur en donnant aussi la direction du moment. Le moment de F par rapport au point O est ainsi le vecteur τ défini par : τ = OA x F où le signe x signifie le produit vectoriel entre les deux vecteurs OA et F. (On le note aussi parfois ^.) Ce n’est pas une simple multiplication entre deux nombres car les vecteurs OA et F sont des vecteurs. Ce n’est pas un produit scalaire entre deux vecteurs puisque le résultat du produit scalaire est un nombre (pas un vecteur). On définit la direction et le sens de τ comme : •

direction de τ : ⊥ plan formé par OA et F,



sens : diverses règles « avec la main droite ». τ

Main droite selon τ avec paume ouverte vers OA (vers le point d’application de la force) et pouce vers F

A O

F

ou encore : (D)

Pouce dirigé selon τ lorsque les doigts de la main droite sont courbés naturellement dans le sens de la rotation produit par F autour de O. Notes importantes : 1) le produit vectoriel est nul si OA // F.

2) Le produit vectoriel ne change pas si le point d’application A se déplace sur la droite (D), support de la force F [en effet seule compte la distance de O à la droite (D), appellé bras de levier]

Les composantes du produit vectoriel : Supposons que F soit dans le plan xy et appliquée au point A(x,y). Alors le moment τ est selon Oz. Pour calculer cette composante de τ (les autres sont nulles) à partir des composantes Fx et Fy connues on se sert des définitions précédentes: Le moment de Fx par rapport à O est – y Fx

y

O z

F

Fy x

y

x

Fx

L e moment de Fy par rapport à O est + x Fy Fx fait tourner autour de O dans le sens trigonométrique < 0 et c’est pour ça qu’on a mis un alors que Fy fait tourner dans le sens > 0.

Mécanique Physique (S2) 1ère partie – page 3

Si k désigne le vecteur unitaire selon Oz, pour avoir le moment total on fait la somme des contributions au moment dues à Fx et Fy et: τ = k (x Fy – y Fx)

& Fx # $ ! Pour une force définie dans un espace 3D cad avec ses 3 composantes $ Fy ! , on calcule les $ ! % Fz " composantes du moment par rapport a O en appliquant le résultat précédent autour de chacun des axes successivement. Le résultat peut se retrouver rapidement de la façon suivante: x

Fx

y

Fy

1

τx = y F z – z F y z

Fz

2 x

Fx

3 y

Fy

x

Fx

τy = z F x – x F z τz = x F y – y F x

Notez que l’on passe d’une des composantes de τ à la suivante par permutation circulaire de x,y,z et Fx, Fy, Fz. Le cas de plusieurs forces concourantes

F1

Si R est la résultante des forces Fi concourantes en A, on peut calculer le moment de cette résultante par rapport à un point O arbitraire:

A O

r

F2 F3

τ = r x R = r x (F1 + F2 + F3 + …) Mais le produit vectoriel est distributif par rapport à l’addition (pas très difficile à montrer à partir de la définition en composantes) de sorte que : τ = r x F1 + r x F2 + r x F3 + … Le moment de la résultante est la somme des moments élémentaires τ i de chacune des forces Fi : τ = Σ τi Dans leur action sur un objet concourantes peuvent donc être en équilibre, la résultante des moment résultant est aussi nul. concourantes.

(induisant translation et rotation), les forces individuelles complètement remplacées par leur résultante. Si l’objet est forces est nulle et cela impliquera nécessairement que le Mais attention ce résultat n’est valable que pour les forces

Mécanique Physique (S2) 1ère partie – page 4

Couple de forces Un couple est constitué de deux forces égales et opposées agissant sur des droites d’actions parallèles. F1 r1 O

A

l

F2

B Tourne-vis

r2

1) R = F1 + F2 = 0 2) τ = τ 1 + τ 2 = r1 x F1 + r2 x F2 = (r1 - r2) x F1 r1 – r2 = BA (sur le dessin) et l la distance entre les deux droites d’action est le bras de levier du couple de sorte que l’intensité τ = l F1. Notez qu’un couple est indépendant du point O par rapport auquel on a calculé les moments de F1 et F2. F1 Composition de forces parallèles.

y

Supposons une barre soumise à un certain nombre de forces Fi parallèles appliquées en des points d’abcisse xi.

xi

x

O F2

Fi

La composante selon Oy de la résultante est : R = Σ Fi et le moment total par rapport à O (composante selon Oz) s’écrit : τ = x1 F1 + x2 F2 + … = Σ xi Fi Le moment total va être « reproduit » si la résultante R est appliquée en un point C d’abscisse xC tel que : R xC = Σ xi Fi Ainsi l’abscisse xC est elle donnée par: xC = Σ xi Fi / Σ Fi définit le point C sur la barre, le centre de forces parallèles, point d’application de R qui permet de synthétiser l’effet des Fi sur la barre.

Mécanique Physique (S2) 1ère partie – page 5

Exemple : Le cas de la gravité (centre de masse, centre de gravité). Mi ri O

g

Si le corps n’est pas trop gros, on peut considérer que g la gravité à la surface de la terre est un vecteur constant2. La seule différence par rapport au cas précédent est que les points du corps sont identifiés dans un repère 3D.

On discrétise l’objet en un grand nombre de petites masses mi situe au point Mi . Alors le poids total du corps est : P = Σ mi g et le moment total par rapport au point O (origine d’un référentiel) s’écrit : τ = Σ ri x mi g = Σ mi ri x g On voit comme précédemment que si le poids total est appliqué judicieusement en un point repéré par le vecteur position rc, le moment du poids sera égale à la somme des moments : rc x Σ mi g = Σ mi ri x g Ces deux produits vectoriels avec un même vecteur g sont égaux si: rc = Σ mi ri / Σ mi Le point C ainsi défini par le vecteur rc s’appelle le centre de masse du corps. Cette notion nous aidera beaucoup lorsqu’on abordera la dynamique d’un système de particules ou d’un corps solide. Le centre de gravité se définit comme le point d’action de la force gravitationnelle sur le corps mais on vient de montrer qu’il se confond avec le centre de masse lorsque g est un vecteur constant. Notes : 1) Si un corps a une symétrie, la détermination du point C est simplifiée car C doit être sur le centre, l’axe ou plan de symétrie du corps. 2) Il faut voir que la position du point C ne dépend ni de l’orientation de l’objet dans l’espace ni du choix du point O : quelque soit la position du corps dans le champ de gravité, on obtient le même point C. Celui ci ne dépend que de la seule position relative des masses les unes par rapport aux autres. En effet comme OMi = OC+CMi, la relation précédente qui définit OC (= rc) , se re-écrit aussi : Σ mi CMi = 0, une relation indépendante du choix de O.

2

C’est une approximation car g est dirigé vers le centre de la terre et augmente quand on se rapproche du centre. Mécanique Physique (S2) 1ère partie – page 6

Conditions d’équilibre statique On a maintenant tous les éléments pour écrire les conditions d’équilibre. (i)

Pour une particule (c'est-à-dire un objet dont la taille est si négligeable que l’orientation dans l’espace importe peu) « Une particule est en équilibre quand la somme de toutes les forces agissantes est nulle : la résultante R est le vecteur nul. » R = Σ Fi = 0 Ce qui se traduit en 3D par les 3 conditions : Σ Fix = 0 ; Σ Fiy = 0 ; Σ Fiz = 0 Il n’y a pas d’autres conditions car hormis des translations (sur les 3 axes) la particule n’a pas d’autres mouvements possibles. Exemple : Action de 3 forces : F1

F2

F2

F3

F1 F3 On se rend compte assez rapidement que l’équilibre n’est possible que si les 3 forces sont donc dans un même plan et forment les côtés d’un triangle. (ii)

Pour un corps solide : L’orientation de l’objet est maintenant importante et il existe une condition supplémentaire pour annuler les rotations. Comme on a vu que par définition un moment induit une rotation, les conditions d’équilibre sont maintenant : «La somme des forces et la somme des moments par rapport à n’importe quel point doivent être nulles.» Σ Fi = 0

et

Σ τi = 0

On considérera souvent pour se familiariser, des forces agissant uniquement dans un plan et il n’y a alors que 3 équations à considérer : Σ Fix = 0 Σ Fiy = 0 Σ τiz = 0

(les moments sont tous ⊥ au plan xy)

Ce qui veut dire que dans ce cas 2D, seuls les problèmes de statique où il n’y a que 3 inconnues peuvent se résoudre (puisque que nous n’avons que 3 équations !). Il existe des cas où le problème est statiquement indéterminé. Pour lever ces indéterminations statiques, il faut connaître comment les corps se déforment, une branche de la mécanique appellée « Elasticité ».

Mécanique Physique (S2) 1ère partie – page 7

On a maintenant de belles équations d’équilibre et les forces en jeu sont la gravité et les forces de contact mécanique entre les objets. Ces dernières sont normales à la surface de contact entre deux objets si le frottement est négligeable mais incluent une force tangentielle proportionnelle à la composante normale de la force si le frottement est important. Ces forces prennent leur origine à l’échelle moléculaire : lorsque la distance entre 2 atomes diminuent, ils s’attirent puis finissent par se repousser pour de très petites distances. Les forces de contact résultent de l’interaction de ce nombre immense d’atomes sur la surface de contact. La résultante de ces forces sont déterminées empiriquement et dépendent de la nature des solides en contact, de la qualité de la surface, etc…

C

On peut maintenant comprendre pourquoi un domino préfère s’allonger plutôt que rester debout en dessinant d’abord les forces en présence : En 1 et 2 :

C

P

P

N 2

1

P + N = 0.

Il s’agit donc d’un couple de forces. En 1 le moment du couple est nul puisque les forces agissent sur la même droite d’action alors qu’en 2 il se crée un moment du couple non nul qui a tendance à faire tourner le domino dans le sens < 0 et donc à amplifier la perturbation initiale : l’équilibre est instable. On voit que l’inclinaison limite du domino est obtenue lorsque P passe par le point de contact A .

N

« inclinaison limite »

A

Evidemment la perturbation conduisant au basculement est faible lorsque le domino est débout et beaucoup plus grande lorsqu’il est couché puisqu’il faut d’abord le ramener à l’inclinaison limite. Cet exemple montre cette notion très importante qui est celle de la « stabilité d’un équilibre ». Pour tester la stabilité d’un équilibre (c’est-à-dire d’une combinaison particulière de forces appliquées à un objet dont les résultantes des forces et des moments sont nulles), on écarte l’objet de sa position d’équilibre et on observe si les nouvelles forces ramènent l’objet vers la position de départ. Si c’est le cas l’équilibre est stable, dans le cas contraire l’équilibre est instable. Evidemment, l’objet écarté de sa position d’équilibre ne satisfait plus les conditions d’équilibre et il va se mettre en mouvement et donc la notion de stabilité ne peut se traiter qu’au travers d’une description dynamique. On utilise « expérimentalement » cette notion de stabilité tous les jours dans la vie quotidienne.

Mécanique Physique (S2) 1ère partie – page 8

Applications Pour appliquer les conditions d’équilibre statique précédentes, il faut : (i) Choisir le système, c’est à dire l’objet ou les objets dont on examine l’équilibre. (ii) Identifier toutes les forces appliquées par l’extérieur sur le système et leurs points d’application : le poids est appliqué au centre de masse et les forces de contact sont appliquées sur la zone de contact avec un objet extérieur. (iii) Ecrire que les résultantes des forces et des moments sont nulles puis choisir un repère pour traduire ces égalités vectorielles en termes de leurs composantes (projections sur les axes du repère) (iv) Résoudre le problème en littéral et faire les applications numériques après. Les expressions littérales permettent de vérifier la dimension des résultats et permettent de comprendre la sensibilité du résultat vis à vis d’une variation des données d’entrée. Ceci permet de développer la compréhension physique du problème. Exemple 1 Donnez moi un point d’appui et je soulèverai la terre disait Archimède. Quelle est la force F en rouge capable de soulever le poids P ? L’objet à considérer est le levier + l’objet en orange à soulever. L’équilibre des forces est :

l’

l

F + P + N = 0 où N est la force (réaction) exercée par l’axe (en bleu) sur le levier. Prenons maintenant les moments de ces 3 forces par rapport à l’axe en bleu. Le moment de N est nul et il reste en module: Fl’=Pl avec l et l’ les bras de levier respectifs de P et de F. Ainsi : F = (l/l’) P et donc F peut être très faible par rapport au poids P lorsque l