ACCOMPAGNER UNE ÉQUİPE DE CADA DANS UNE ÉVOLUTİON ...

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2- LE PILOTAGE DE L'ACTION : UN MANAGEMENT A ADAPTER.................. 33 .... des prestations, elle se heurte à des réticences de la part de son équipe.
LAFOSSE Annie Promotion 2007/2009

CERTIFICAT D’APTITUDE AUX FONCTIONS D’ENCADREMENT ET DE RESPONSABLE D’UNITÉ D’INTERVENTION SOCIALE (CAFERUIS)

ACCOMPAGNER UNE ÉQUİPE DE CADA DANS UNE ÉVOLUTİON DE SES PRATİQUES PROFESSİONNELLES. MÉMOIRE réalisé sous la direction de : Madame MARCHAIS-GUÉRIN Annie

MÉMOIRE réalisé sous la direction de : Madame MARCHAIS-GUÉRIN Annie

Année 2009 Organisme de formation : IRTS. 11 rue Guyon de Guercheville. BP 10116. 14204 Hérouville Saint-Clair Cedex

PLAN INTRODUCTION. ................................................................................................................... 1 I- LE CADA ET SON ENVIRONNEMENT. ........................................................................ 6 1- LE CONTEXTE POLITIQUE ET LEGISLATIF. ...................................................... 6 a- Immigration et demandeurs d’asile : rapide détour historique. ............................. 6 b- Politique européenne et nationale. ............................................................................. 7 c- Statut des demandeurs d’asile et procédure administrative. ................................... 9 2- L’HEBERGEMENT DES DEMANDEURS D’ASILE. ............................................. 11 a- Le dispositif national d’accueil. ................................................................................ 11 b- Les missions des CADA............................................................................................. 11 3- LE CADA D’ALENCON : ETAT DES LIEUX ET DIAGNOSTIC......................... 13 a- Le paysage institutionnel........................................................................................... 13 b- La méthode d’investigation....................................................................................... 14 c- Une organisation au service des usagers ? ............................................................... 15 d- Le public concerné : typologie et spécificité. ........................................................... 18 e- L’équipe du CADA. ................................................................................................... 20 II- PROJET D’ACTION : ELABORATION ET REFLEXION SUR LA MISE EN ŒUVRE................................................................................................................................... 25 1- LE PROJET D’ACTION. ............................................................................................. 25 a- Origine et pertinence. ................................................................................................ 25 b- De la réflexion à la mise en œuvre. ........................................................................... 27 2- LE PILOTAGE DE L’ACTION : UN MANAGEMENT A ADAPTER. ................. 33 3- UNE DEMARCHE PEDAGOGIQUE AUPRES DE L’EQUIPE. ............................ 35 III- EVALUATION ET PERSPECTIVES D’AVENIR. .................................................... 39 1- EVALUATION. ............................................................................................................. 39 a- La prise en compte des besoins des usagers............................................................. 39 b- La participation de l’équipe et ses effets.................................................................. 40 c- La position du manager. ............................................................................................ 42 2- PROPOSITION D’AMELIORATION ET PERSPECTIVES D’AVENIR. ............ 43 a- Formaliser la procédure. ........................................................................................... 43 b- Favoriser l’implication de l’équipe. ......................................................................... 44 c- Diversifier les modes d’évaluation des besoins des usagers et développer leur participation.................................................................................................................... 45 d- Clarifier la place du cadre. ....................................................................................... 46 e- Articuler cette action avec le projet d’établissement. ............................................. 47 CONCLUSION....................................................................................................................... 48 LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS BIBLIOGRAPHIE ANNEXES

REMERCIEMENTS

Je souhaite adresser mes sincères remerciements :

- à Madame MARCHAIS-GUERIN Annie, en sa qualité de chargée de travaux dirigés de recherche, pour ses conseils et ses avis, - à Madame DECHAUX Dominique, directrice du CADA, et à l’ensemble de l’équipe pour leur accueil et leur disponibilité, - aux résidents du CADA pour le temps qu’ils m’ont accordé et ce qu’ils m’ont appris, - à Madame ELBAZ, Directrice du CHRS où j’exerce, pour m’avoir donné la possibilité d’engager cette formation ; ainsi qu’à tous mes collègues pour leur patience et leur soutien, Et enfin, un remerciement particulier à Christian et Athos pour leur présence et leurs encouragements au quotidien.

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INTRODUCTION.

Au cours de l’année 1991, j’ai obtenu mon diplôme d’éducatrice spécialisée. Je n’imaginais pas alors que, seize ans plus tard, je franchirais de nouveau la porte de l’IRTS pour préparer un diplôme de cadre. Durant ces seize années, j’ai exercé mon métier dans différents établissements, auprès de publics variés. Au fil du temps, mon intervention s’est orientée, et en quelque sorte spécialisée, dans l’accompagnement socio-éducatif d’adultes et de familles. La participation régulière à des actions de formation et à des instances de réflexion m’a permis de suivre les progrès de l’action sociale et médico-sociale et des pratiques professionnelles. Progressivement, l’idée d’une évolution de mon intervention auprès des usagers s’est développée. Tout en gardant une forte motivation pour le travail social, j’ai ressenti le besoin de m’y impliquer différemment. Ce constat est à l’origine de l’émergence de mon projet de formation CAFERUIS débutée en avril 2007.

Au cours de cette formation, j’ai effectué un stage de six semaines dans un CADA (Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile) à Alençon. Guidée par la directrice de cet établissement, j’ai découvert la réalité des fonctions de cadre dans un secteur différent de celui où j’exerce actuellement. J’ai pu développer des connaissances relatives aux demandeurs d’asile et à leurs problématiques, aux CADA et à leurs missions, ainsi qu’à la législation spécifique à ce public et à l’organisation du dispositif national d’accueil. Ce stage a donné matière à des travaux de réflexion et de recherche qui m’ont permis de compléter mes observations et de me projeter dans certains aspects du rôle de cadre. A la lumière de cette expérience et de ces travaux, je souhaite à présent me positionner réellement en tant que responsable d’une unité d’intervention sociale dans une démarche de conception, de programmation et d’évaluation d’un projet d’action. C’est ce qui fera l’objet de ce mémoire.

La loi du 2 janvier 2002, vient réaffirmer la garantie des droits et libertés individuels à toute personne prise en charge par les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Elle inscrit dans son article 7 le droit à « une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la

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personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision». Elle rappelle également dans son article 2 que « l’action sociale et médico-sociale[..] repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux… ». Les CADA font partie des établissements où s’applique cette loi. Afin de garantir sa mise en œuvre, le CADA d’Alençon. a d’ores et déjà engagé un travail conséquent autour des outils de la loi (charte des droits et libertés individuels, contrat de séjour, projet associatif et projet d’établissement..). La directrice du CADA s’est engagée dans une réflexion sur les notions de prise en charge et de projet individualisés. Convaincue de l’intérêt, tant pour les usagers que pour les professionnels, d’un accompagnement élaboré à partir des besoins des usagers permettant une individualisation des prestations, elle se heurte à des réticences de la part de son équipe. Les professionnels qui la composent sont en effet habitués à des pratiques d’accompagnement organisées essentiellement autour de leurs compétences professionnelles. Ce fonctionnement, qui a le mérite d’apporter un savoir-faire très spécialisé, fait néanmoins abstraction de l’évaluation des besoins des usagers. Le contrat de séjour en place est une énumération des prestations proposées ainsi que des engagements des usagers. C’est un document très générique, identique pour tous, qui répond certes, aux exigences législatives en terme de contrat de séjour mais pas en matière d’individualisation des prestations. Ces éléments mettent en lumière un écart certain entre les préconisations de la loi et les pratiques professionnelles, notamment en matière de prise en charge et d’accompagnement des usagers.

Afin d’affiner la compréhension de cette situation j’ai mené, dans le cadre de mon dossier technique, un travail d’observation et d’enquêtes sur les pratiques actuelles, les outils utilisés et les attentes des différents acteurs. Les éléments recueillis dans le cadre d’entretiens individuels viennent compléter mes premiers constats. La directrice du CADA déplore que le fonctionnement actuel ne lui permette pas d’exercer pleinement et de manière satisfaisante son rôle de pilote de projet et de garant de la qualité des prestations. Les professionnels expriment une insatisfaction relative à l’absence d’objectifs communs et à un manque de lien entre leurs différentes interventions. J’ai évoqué avec eux l’idée de méthodes et de pratiques différentes, notamment autour de l’individualisation des prises en charge. Contrairement à ce que j’aurais pu croire, leur première réaction n’est pas une opposition mais plutôt la crainte d’un changement important de leurs habitudes de travail et des interrogations sur leurs compétences et leurs capacités d’adaptation. 2

Les usagers déplorent la difficulté à repérer l’articulation entre les interventions des professionnels du CADA tout en exprimant une satisfaction globale sur l’accompagnement proposé. Ils évoquent également des attentes en matière d’occupation de leur temps et d’activités.

Mes observations, complétées par mon travail d’enquête, me permettent d’affirmer d’une part que les pratiques d’accompagnement, actuellement à l’œuvre au sein du CADA, ne répondent pas totalement aux préconisations de la loi de janvier 2002 en terme d’individualisation des prestations et de prise en compte des besoins des usagers. D’autre part que cette situation génère une insatisfaction, partagée à différents niveaux par tous les acteurs ; insatisfaction qui me semble propice à l’impulsion d’une réflexion.. Ces constats m’amènent à poser la question qui sera le fil conducteur de cet écrit :

Comment accompagner une équipe dans une évolution de ses pratiques professionnelles vers une individualisation de l’accompagnement prenant en compte les besoins repérés des usagers ?

La démarche de projet, que j’ai élaborée pour répondre à cette problématique, s’appuie sur des hypothèses de compréhension et d’action issues de mes travaux d’enquête préliminaires :

Ma première hypothèse porte sur l’organisation du suivi des usagers : l’accompagnement par les professionnels du CADA est organisé autour de pôles de compétences (l’accompagnement administratif, l’apprentissage du français, les animations, le suivi de la scolarité, l’insertion des réfugiés statutaires). Ce fonctionnement, s’il a le mérite d’apporter un savoir faire très spécialisé, comporte aussi le risque que les besoins spécifiques de chacun ne trouve pas de temps et de lieu où s’exprimer. L’impasse faite sur l’évaluation des besoins et des attentes des usagers ne permet pas d’individualiser les prestations ni de mettre en place un parcours et un accompagnement personnalisés. Un de mes objectifs sera donc d’impulser une prise en compte des besoins des usagers tout en dynamisant les compétences techniques à l’œuvre dans cette équipe.

Ma deuxième hypothèse s’intéresse à la place du cadre et à son intervention auprès de l’équipe : les pratiques managériales, mobilisées jusqu’à présent, n’ont pas permis à la directrice d’engager avec son équipe le travail qu’elle souhaitait pour une évolution vers une individualisation de l’accompagnement. Il me faut donc réfléchir et définir la méthode de management qui sera le plus appropriée dans cette situation précise et à ce moment de la vie de l’institution. 3

La troisième hypothèse retenue concerne l’équipe des travailleurs sociaux du CADA ; chacun évoque un sentiment d’isolement qu’il pense inhérent à des interventions sectorisées auprès des usagers ainsi qu’à des origines professionnelles différentes. Ces réflexions m’ont amenée à faire un parallèle avec l’affirmation de Jacques DANANCIER : « pour rester bien vivante et opérationnelle, une institution a besoin de deux choses assez contradictoires : une distinction claire des fonctions et leur capacité à se joindre dans la pratique. Cela n’est possible que si chacun[…]peut exister et se repérer pleinement au niveau de l’usager. »1 Si le premier de ces postulats, la distinction des fonctions, est bien présent dans l’établissement qui nous intéresse, il reste à créer les conditions d’existence du second. La construction d’un projet d’accompagnement personnalisé pour chaque usager est un moyen intéressant de mettre en valeur les interventions des différents professionnels tout en les articulant autour d’un objectif commun et central : l’usager et la réponse à ses besoins et de ses attentes. Afin de prendre en compte les craintes et réticences évoquées par l’équipe, il me paraît indispensable d’associer étroitement celle-ci aux différentes étapes de la réflexion et de la mise en œuvre du projet d’action, préalable indispensable à une adhésion au processus de changement que va immanquablement entraîner cette réflexion.

Ainsi que nous le rappelle Jacques DANANCIER, « le projet individualisé doit intégrer dans sa conception la logique particulière du secteur dans lequel intervient l’établissement ou le service »2. Le rejoignant dans cette affirmation, la première partie de ce travail sera une présentation du secteur dans lequel se situe ma réflexion à savoir les Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile, la politique qui les organisent et la population à laquelle ils s’adressent. J’évoquerai ensuite plus précisément le CADA où se situe mon intervention. Le diagnostic institutionnel me permettra d’analyser l’organisation, les pratiques existantes, le rôle et la position du cadre ainsi que les besoins des bénéficiaires.

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DANANCIER Jacques, Le projet individualisé dans l’accompagnement éducatif. Contexte, méthodes et outils, Paris, DUNOD, 2004, p. 31. 2 Op. Cit, p. 29.

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Dans la seconde partie, en référence à ma question de départ et aux constats issus de mes travaux de recherche, je développerai les actions retenues et leur mise en application à travers trois axes principaux : l’élaboration et la mise en place d’un outil d’évaluation des besoins des usagers, l’implication de l’équipe dans les différentes phases du projet, l’adaptation du management au pilotage de ce projet. Dans la troisième et dernière partie, je proposerai une évaluation des actions menées en reprenant les trois axes développés précédemment et en dégageant des perspectives d’avenir. Enfin, une synthèse de ces réflexions viendra conclure ce travail ; elle me permettra d’aborder l’intérêt et les limites de cette réflexion mais également d’en dégager des prolongements.

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I- LE CADA ET SON ENVIRONNEMENT. « Le projet[…] dans un contexte social ou médico social, a pour référence les droits attachés à la personne et le cadre précis de protection qui lui est éventuellement attaché »3.Si cette affirmation se vérifie pour tous les publics, elle me semble d’autant plus importante pour les demandeurs d’asile accueillis en CADA qu’ils se trouvent confrontés à un cadre législatif et réglementaire particulier. Ce cadre, au sein duquel sont définies les missions générales des CADA, centrées sur la protection et non sur l’insertion, a un effet direct sur les services proposés aux usagers et sur la philosophie même de l’accompagnement mis en œuvre dans ces structures. En conséquence, avant d’aborder le développement de mon projet d’action, je me propose de présenter le secteur qui nous intéresse à travers une analyse de son macro-environnement (repères autour de l’immigration, cadre législatif, politiques sociales) et de son microenvironnement (association et acteurs de terrain).

1- LE CONTEXTE POLITIQUE ET LEGISLATIF. Parler des demandeurs d’asile, c’est parler d’hommes et de femmes qui vivent un parcours d’exil. Leur situation prend place dans le contexte global de l’immigration qu’il convient de resituer historiquement afin d’en comprendre les origines. C’est une population qui fait l’objet d’une législation spécifique en matière d’entrée et de séjour en France et dont le statut, au terme de la procédure de demande d’asile, répond à des critères précis.

a- Immigration et demandeurs d’asile : rapide détour historique. Plutôt que de parler d’immigration, terme générique souvent connoté négativement, la plupart des auteurs s’accordent à parler de flux migratoires, expression qui reflète la diversité des motifs qui conduisent des milliers d’hommes et de femmes à quitter leur pays d’origine. Depuis le Moyen Âge, la France connaît ces flux migratoires. A cette période , il s’agit de « pèlerins, marchands, colporteurs, médecins ambulants… »4dont quelques membres se fixent en France. 3 3

DANANCIER Jacques, Le projet individualisé dans l’accompagnement éducatif. Contexte, méthodes et outils. Paris, DUNOD, 2004, p. 23. 4 GUELAMINE Faïza, Action sociale et immigration en France, Repères pour l’intervention, Paris, Dunod, 2008, p. 14.

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Au début des années 1900, l’immigration est considérablement influencée par les besoins en main d’œuvre. Elle vient alors répondre à des impératifs économiques mais aussi démographiques afin de repeupler un pays affaibli par les guerres. Dans le même temps, des hommes et des femmes fuient leur pays pour échapper à des guerres ou des conflits et fuir des persécutions. Ils viennent demander l’asile politique, interpellant ainsi cette tradition d’accueil dont la France s’est toujours réclamée. A partir des années soixante dix, sur fond de crise économique émergente, on commence à parler de maîtrise des flux migratoires. En 1974, le gouvernement met fin à « l’immigration de travail ». Depuis cette période jusqu’à nos jours, on constate une volonté politique toujours plus marquée visant à limiter et maîtriser les flux migratoires. Ces orientations ne sont pas sans effet sur l’attitude actuelle face au demandeur d’asile soupçonné « d’être un « faux réfugié politique » et de profiter de ce statut pour vivre et travailler en France.»5

b- Politique européenne et nationale. Le droit d’asile en Europe. Le 14 décembre 1950, l’Assemblée Générale des Nations Unies crée le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) dont le mandat est de coordonner l'action internationale pour la protection des réfugiés et de chercher des solutions aux problèmes des réfugiés dans le monde.6 Le 28 juillet 1951, la Convention de Genève est adoptée par une conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides convoquée par l'Organisation des Nations Unies. Elle établit dans son article1, la définition du réfugié : « toute personne qui, par suite d'événements survenus avant le premier janvier 1951 et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ». En 1954, la France ratifie la Convention de Genève. 5 6

Op Cit, p. 14. Source Internet. Site UNHCR.

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Le protocole de New-York du 4 octobre 1967, considérant que de nouvelles catégories de réfugiés sont apparues depuis que la convention a été adoptée, supprime la notion d’événements survenus avant le 1er janvier 1951. Les pays européens ont engagé une réflexion commune sur leurs systèmes d’accueil et de protection. Celle-ci a conduit, en 2004, à l'adoption d'actes juridiques visant à une harmonisation en matière de conditions d'accueil et de reconnaissance du statut, de procédure et de protection temporaire en cas d'afflux massifs de réfugiés. Le Règlement Dublin, intervenant dans le contexte de la libre circulation des personnes en Europe, établit des mécanismes pour déterminer l'Etat responsable du traitement d'une demande d'asile, une demande d'asile conventionnel ne pouvant être déposée que dans un seul pays européen.

Le droit d’asile en France. En France, c’est l’ordonnance du 2 novembre 1945 qui met en place une politique d’encadrement de l’immigration de main d’œuvre. Elle sera modifiée une vingtaine de fois jusqu’à la loi du 26 novembre 2003, dite loi Sarkosy. A l’heure actuelle, le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA) a remplacé l’ordonnance du 2 novembre 1945. Les évolutions législatives successives se sont faites essentiellement en fonction de la situation économique. Il serait complexe de restituer cette législation dans son ensemble, on peut dire qu’elle concerne globalement : « l’accès au territoire, l’exercice professionnel, le regroupement familial, les règles concernant l’expulsion, l’acquisition de la nationalité française ainsi que les règles spécifiques à la demande d’asile qui viennent s’inscrire dans cette politique globale d’immigration ».7 Afin d’être plus complet sur ce sujet du droit d’asile, il est important de rappeler la création en 2007 du Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement. Notons également, la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile promulguée le 2 novembre. Cette loi confirme et précise les objectifs de la politique d’immigration : limitation de l’immigration familiale et développement de l’immigration de travail ; refus de l’immigration subie et régulation d’une immigration choisie. 7

GUELAMINE Faïza, Action sociale et immigration en France, Repères pour l’intervention, Paris, Dunod, 2008. p. 64.

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c- Statut des demandeurs d’asile et procédure administrative. Depuis le 1er janvier 2004, suite à la réforme de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile, il n’existe plus qu’une procédure de demande d’asile. Elle peut conduire à deux types de statuts : - le statut de réfugié (sur la base de l’asile conventionnel8 ou de l’asile constitutionnel9) - le statut issu de la protection subsidiaire10. Ce sont les instances françaises OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) et CRR (Commission des Recours des Réfugiés) en charge de l’examen des demandes d’asile qui détermineront la protection (conventionnelle ou subsidiaire) dont bénéficiera le demandeur d’asile.

Le demandeur d'asile n'est pas obligé d'être muni des documents normalement exigés des étrangers pour entrer en France (passeport, visa, certificat d'hébergement, justificatifs de ressources, garanties de rapatriement, etc.). L'entrée sur le territoire ne peut lui être refusée pour l'absence de ces documents. Cependant, s'il tente de passer par un poste frontière, il risque d'être refoulé ou de se voir appliquer la procédure de maintien en zone d'attente. S'il entre en France sans se faire contrôler, il doit se rendre à la préfecture pour y formuler une demande d'admission au séjour au titre de l'asile.

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En référence à la Convention de Genève de 1951.

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En référence à la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile (dite loi « Chevènement » ) reprenant l’alinéa-4 du préambule de la Constitution de 1945 : « Tout homme persécuté du fait de son action en faveur de la liberté a droit à l’asile sur les territoires de la République ». 10

Introduite par la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile (voir dossier), la protection subsidiaire permet de protéger les personnes qui, ne remplissant pas les conditions pour être reconnues réfugiées sur la base de la convention de Genève, sont pourtant exposées en cas de retour dans leur pays à des « menaces graves ». Est considéré comme telle, la peine de mort, le risque de « torture, de peines ou traitements inhumains ou dégradants », ou le fait d’être exposé à des « menaces graves, directes et personnelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une situation de violence généralisée résultant d’une situation de conflit armé interne ou international », à condition de ne pas être un combattant (article 2-II-2°).

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Le schéma suivant montre les différentes étapes que peut suivre le dossier du demandeur à partir de son dépôt auprès de la préfecture :

Cette représentation permet d’extrapoler la complexité du parcours administratif du demandeur d’asile, depuis son arrivée en France jusqu’à l’obtention d’une réponse.

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2- L’HEBERGEMENT DES DEMANDEURS D’ASILE.

a- Le dispositif national d’accueil. Jusqu’au début des années 1970, l’accueil des réfugiés ne fait pas l’objet de mesures spécifiques. C’est le coup d’état au Chili en 1973 qui va impulser une organisation et la création d’établissements nouveaux : les CPH (Centre Provisoire d’Hébergement). Les réfugiés qui se présentent alors sur le territoire disposent d’un accès aux dispositifs de droits communs aussi bien en matière de travail que de prestations sociales. L’année 1991 va marquer un tournant avec la publication de la circulaire du 26 septembre qui instaure l’obligation d’une autorisation de travail, délivrée depuis au cas par cas. Cette mesure entraîne de fait une perte d’autonomie des demandeurs d’asile qui, faute de pouvoir accéder à l’emploi, ne peuvent assurer leur subsistance et celle de leur famille. Cette même année, les CADA sont créés pour permettre la prise en charge matérielle des demandeurs d’asile. L’ensemble du dispositif d’accueil est piloté au niveau national par le bureau de la Direction de la Population et Migrations (DPM). Il est placé dans chaque département sous la responsabilité du Préfet (DDASS). Depuis le 1er janvier 2004, l’ANAEM (Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations) a en charge la coordination du Dispositif National d'Accueil. Afin d'améliorer la régulation du dispositif, une circulaire du Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 19 décembre 2003, prévoit la déconcentration des procédures d’accueil au niveau départemental.

b- Les missions des CADA. Les CADA sont des centres d’hébergement qui ont été spécialement créés pour l’accueil des demandeurs d’asile primo-arrivants sans logement ni ressources suffisantes. Ils sont financés par l’Etat au titre de l’Aide Sociale, leur contrôle est effectué par la DDASS. Jusqu’alors CHRS (Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale) d’un point de vue juridique, la réforme du CESEDA, adoptée par le parlement le 30 juin 2006 dans le cadre de la loi relative à l’immigration et à l’intégration, les a transformés en catégorie spécifique d’établissements sociaux. Cette mesure rappelle qu’ils doivent accueillir exclusivement des demandeurs d’asile et ne pas maintenir en prise en charge déboutés et réfugiés statutaires.

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Dans le quotidien des CADA, notamment celui d’Alençon, les effets de cette réforme se traduisent par un contrôle accru des entrées et des sorties des demandeurs d’asile .En effet, les préfets se voient rappeler régulièrement, par le ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement, les objectifs de sortie rapide des étrangers déboutés de leur demande d’asile. Ces directives sont répercutées aux gestionnaires de CADA Le non respect de l’obligation de sortie des déboutés fait peser sur les établissements le risque d’une remise en cause de leur financement par l’état voire d’un déconventionnement. La circulaire MES/DPM n°2000-170 du 29 mars 2000 précise les quatre missions spécifiques des CADA : l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile, leur accompagnement social et médical, l’animation et la scolarisation des enfants, la gestion de la sortie du centre. On le voit, il s’agit d’une prise en charge liée à la procédure d’examen de la demande d’asile et à la sortie du centre ; elle ne concerne pas, théoriquement, l’insertion des réfugiés ni la réorientation des déboutés. Dans les faits, la réalité s’avère très différente en raison de la difficulté trouver des solutions d’insertion adaptée à une population trop peu préparée à celleci. Il me semble intéressant à ce propos de citer quelques chiffres : « pour les réfugiés statutaires, la durée de séjour[en CADA] était en 2004 de 563,16 jours dont 171,8 après l’obtention du statut ; pour les déboutés elle était de 632,12 jours dont 113,8 après le rejet définitif. »11. Dans ce contexte sensible, tant pour les résidents que pour les salariés des associations, les évolutions du secteur sanitaire et social doivent continuer à se réfléchir et à se mettre en place. En effet, au sein des CADA, cohabitent deux logiques politiques parfois complémentaires mais fréquemment opposées : celle de l’Aide Sociale avec ses notions d’aide et d’assistance aux personnes démunies et/ou fragilisées, et celle de l’Immigration avec ses orientations actuelles (régulation des flux et immigration choisie). Les CADA font partie des établissements où s’applique la loi du 2 janvier 2002. Leur spécificité, au regard du public accueilli, ne doit pas les exempter de la réflexion sur l’accompagnement et la dynamisation du parcours des usagers.

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France Terre d’Asile. Revue : Les Cahiers du social N°10, Mai 2006 : L’accompagnement socioprofessionnel des réfugiés pris en charge au sein du Dispositif National d’Accueil : Bonnes pratiques, p. 14.

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3- LE CADA D’ALENCON : ETAT DES LIEUX ET DIAGNOSTIC. Avant d’engager un projet d’action, quel qu’il soit, le préalable est de rechercher la connaissance la plus fine possible des acteurs avec lesquels il va se construire et se vivre. Dans la première partie de ce travail, j’ai présenté le macro-environnement, à travers une approche historique, politique et sociale. Nous allons maintenant découvrir le microenvironnement en nous intéressant aux acteurs de terrain. Cette étude permettra de comprendre les positions de chacun, les besoins spécifiques ainsi que les potentiels, mais également d’anticiper d’éventuels freins au projet que nous pourrions d’ores et déjà pressentir.

a- Le paysage institutionnel. - L’association gestionnaire : Parce qu’elle fixe les orientations générales de l’établissement et qu’elle valide chaque projet, l’association gestionnaire du CADA est un acteur incontournable. L’association gestionnaire du CADA d’Alençon existe depuis 1938. Elle gérait alors des colonies de vacances puis a créé, en 1970, un premier Foyer de Jeunes Travailleurs. En 1976, à la demande de France Terre d’Asile, elle ouvre le premier CPH à Alençon. Deux établissements de ce type seront ouverts dans les années 1990 au Mans et à Caen. En 1996, en raison de la sous occupation des places, ces trois établissements sont progressivement transformés en CADA. Dans le même temps, l’association poursuit et développe son activité d’hébergement en direction des jeunes de moins de 25 ans. L’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile fait donc partie des objectifs que s’est donnés l’association depuis de longues années. Le passage d’un statut de CPH à celui de CADA a représenté une modification substantielle des missions. Ces établissements ont évolué d’une mission d’insertion socioprofessionnelle des réfugiés vers un accueil essentiellement basé sur la protection des demandeurs d’asile. Cette transformation s’est accompagnée d’une modification des fonctions des salariés alors en poste. L’évolution a été longue, parfois chaotique, pour parvenir à retrouver une certaine stabilité de l’organisation tant au niveau des établissements que de l’association elle-même.

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Actuellement, dans le cadre des directives de la Loi du 2 janvier 2002, l’association dans son ensemble travaille à une mise en conformité de ses pratiques et de ses outils. Un groupe de réflexion, composé d’élus du conseil d’administration, de représentants des salariés cadres et des salariés non cadres, prépare l’écriture de la Charte et du projet associatifs.

- Implantation géographique et locaux. Le CADA d’Alençon est implanté dans la préfecture de l’Orne. Il est agréé pour accueillir 72 personnes, cependant cette capacité est régulièrement dépassée. Les locaux qui hébergent le CADA lui appartiennent en propre ; il s’agit d’un immeuble collectif avec trente chambres équipées pour deux personnes, cinq studios ainsi que deux cuisines collectives et un local laverie équipé de machines à laver. Ces locaux, quoique répondant aux normes en vigueur en matière de sécurité, s’avèrent vétustes du point de vue de l’isolement phonique ainsi que des équipements collectifs. Depuis peu, l’association loue deux appartements extérieurs pour l’accompagnement vers l’insertion des usagers ayant obtenu une carte de séjour. L’hébergement collectif, s’il est une réponse au risque d’isolement que comporte l’arrivée dans un pays, inconnu aussi bien dans ses coutumes, son organisation que la plupart du temps sa langue, comporte également le risque de ghettoïsation et de sur-identification au groupe des demandeurs d’asile ; aussi bien par le nouvel arrivant que par l’environnement. La directrice du CADA en lien avec le Directeur Général réfléchissent actuellement à une évolution du mode d’accueil vers un hébergement de type éclaté sous forme d’appartements individuels répartis dans la ville.

b- La méthode d’investigation. Afin de recueillir des informations me permettant d’affiner ma connaissance du contexte et des acteurs puis d’analyser ces éléments, je me suis appuyée sur deux techniques : - L’observation directe. Mon postulat de départ, étayé par des échanges informels avec les différents professionnels, est qu’il existe au sein du CADA une véritable technicité de l’accompagnement. Celle-ci est soutenue et mise en œuvre par des outils de travail élaborés individuellement dans un objectif d’organisation et de suivi de l’action. J’ai pu discerner également, une volonté d’adapter l’accompagnement aux besoins des usagers d’une manière qui n’est, actuellement, ni formulée ni formalisée.

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Afin de confirmer cette première impression, il m’a semblé important d’identifier clairement le travail réalisé par chacun ainsi que les outils utilisés. Je me suis donc attachée dans un premier temps à réaliser un état des lieux de l’existant en recensant les tâches de chaque permanent social, les différents écrits et les documents de suivi des usagers. - Les entretiens semi directifs. Dans un second temps, j’ai souhaité compléter ces données par l’avis et les observations de chacun des membres de l’équipe. L’analyse des acteurs est, en effet, un élément essentiel pour une meilleure compréhension du fonctionnement actuel, mais également pour identifier les leviers et les freins éventuels face à un projet d’évolution des pratiques. Ce travail d’entretien est également l’occasion d’impulser une réflexion, d’y associer l’équipe dès son origine et de la préparer à mes futures propositions d’action. Parallèlement, j’ai voulu recueillir le sentiment des usagers sur la place qui leur est accordée au sein du CADA, dans l’élaboration de leur propre projet. Ces informations devraient éclairer l’adéquation du fonctionnement actuel avec les orientations de la loi du 2 janvier 2002 et, à plus long terme, me permettre d’utiliser la parole de l’usager comme élément mobilisateur pour l’équipe. Dans cet objectif, la méthode d’entretiens semi directifs m’a semblé la plus adaptée dans la mesure où elle me permet d’orienter les échanges autour de l’objet de mon étude tout en laissant à chacun la latitude d’exprimer sa position, ses craintes, sa volonté d’évolution. J’ai donc élaboré deux guides d’entretien, l’un en direction des permanents sociaux, l’autre en direction des usagers.12 C’est le résultat de ces observations et de ces échanges que je vais maintenant présenter et analyser.

c- Une organisation au service des usagers ? Le psychologue Abraham Maslow13, dans sa théorie de la motivation, a défini une hiérarchisation des besoins humains. Cette classification a souvent été critiquée pour son aspect réducteur. Elle a cependant le mérite de nous rappeler qu’au delà de la satisfaction de ses besoins primaires, chaque individu éprouve des besoins singuliers. Par ce biais, elle nous amène à nous interroger sur les moyens nécessaires à leur réalisation. 12 13

Annexe1 : Guide d’entretien avec l’équipe. Guide d’entretien avec les usagers. Annexe 2: Pyramide d’Abraham MASLOW. Psychologue, 1916-1972.

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On l’a vu précédemment, les CADA ont étés créés pour répondre aux besoins primaires ainsi qu’aux besoins de sécurité des demandeurs d’asile. En effet, en leur interdisant le droit au travail, le décret de 1991 leur a également ôté la possibilité de pourvoir de manière autonome à ces besoins. Afin de palier cette interdiction, et dans la limite des missions définies par la loi, l’organisation du CADA se veut une réponse aux besoins particuliers de cette population dans le temps de son accueil: -l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile : Lors de l’arrivée d’un usager ou d’une famille, ils sont reçus par la directrice du CADA. Selon la langue qu’ils maîtrisent et leur connaissance du français, elle sollicite pour la traduction la présence d’un membre de l’équipe ou, en l’absence de traducteur compétent, un autre usager partageant la même langue. Elle leur présente le contrat de séjour ainsi que le règlement intérieur de l'établissement et leur remet ces documents dans leur version française, puisqu’il n’en existe pas de traduction écrite. Afin de faire face à leur dépenses quotidiennes (alimentation, hygiène..), il leur est versé mensuellement une allocation sociale globale dont le montant est fixé au niveau national. -l’accompagnement social et médical : Les demandeurs d'asile, hébergés dans les CADA, doivent être accompagnés dans les démarches administratives liées au séjour et à la demande de statut de réfugié pendant toute la durée de la procédure. Une rencontre avec la permanente chargée de cet accompagnement est organisée très rapidement afin de faire le point sur les démarches faites et à faire. Pendant leur séjour, des rendez-vous seront systématiquement fixés afin de suivre l’évolution des dossiers. Un autre membre de l‘équipe accompagne les demandeurs d’asile dans les démarches liées à la santé, qu’elles soient administratives (couverture sociale) ou médicales(soins, prévention, orientation). -l’animation et la scolarisation des enfants : Un animateur est chargé d’accompagner les parents dans les démarches liées à la scolarisation des enfants ainsi que dans les contacts ultérieurs avec les établissements scolaires. Il propose également, pour les familles demandeuses, un temps de soutien scolaire auquel les parents peuvent être associés. En dehors des temps scolaires, le CADA finance l’inscription des enfants aux centres de loisirs locaux, afin de multiplier les occasions d’éveil et d’apprentissage mais aussi afin de limiter la présence collective des enfants dans des locaux qui se révèlent peu adaptés. L’animateur propose également quelques activités en direction des enfants. 16

Une des problématiques spécifiques aux demandeurs d’asile est la gestion de l’attente. Liée à une durée de séjour indéterminée, elle vient renforcer le sentiment d’inutilité imputable à l’inactivité forcée. Afin d’atténuer ces difficultés, les membres de l’équipe animent différentes activités en fonction de leurs propres compétences mais aussi de la demande des usagers (sorties ponctuelles, gymnastique, tricot, initiation à l’informatique.). Dans le cadre de l’animation, deux des membres de l’équipe proposent une initiation au français en fonction du niveau d’acquisition des usagers. Il me paraît intéressant de noter que cette initiation ne fait pas partie des obligations liées au mission des CADA, en conséquence aucun financement spécifique n’est accordé. En dehors de la scolarisation obligatoire, l’ensemble des activités se base sur le principe du volontariat. -la gestion de la sortie du centre : Dès leur arrivée, les demandeurs d’asile sont informés du caractère provisoire de leur accueil en CADA et de la nécessité de penser leur départ, quelle que soit la réponse à leur demande d’asile, accord ou rejet. Ainsi que je l’ai déjà évoqué, un des membres de l’équipe a été recruté pour une mission d’accompagnement à l’insertion des réfugiés statutaires. En ce qui concerne les demandeurs d’asile déboutés de leur demande, et ayant épuisé tous les recours, les textes indiquent qu’ils doivent quitter le territoire dans un délai d’un mois après la réception de l’OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français). Le CADA, tout en rappelant cette obligation aux déboutés, n’a pas pour mission de se substituer aux forces de police en cas de refus des intéressés. On trouve donc, au sein de l’établissement, des usagers en situation irrégulière pour lesquels, en dehors d’un accord de régularisation exceptionnelle du Préfet, les solutions sont inexistantes.

Dans le cadre des missions définies par l’Etat, le CADA a pensé son organisation afin de répondre au mieux aux besoins des demandeurs d’asile. La loi du 2 janvier 2002 a entraîné une réflexion sur les droits des usagers et la mise en place de différents documents de référence (livret d’accueil, contrat de séjour, règlement de fonctionnement). Est-ce pour autant que sont pris en compte les besoins individuels ? Ainsi que je l’évoquais en introduction, et comme viennent le confirmer ces premiers éléments d’analyse, nous nous trouvons dans un cadre où sont pris en compte des besoins généraux et où l’organisation est pensée en fonction de ceux-ci.

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Pendant mes temps de présence dans l’établissement, je n’ai pas identifié de moment ou de lieux d’expression des besoins individuels. Sur ce dernier point, j’ai pu recueillir quelques éléments intéressants à travers les entretiens que j’ai menés avec les usagers.

d- Le public concerné : typologie et spécificité. « L’histoire de chaque étranger se ressemble, mais elle est à chaque fois unique. […]Chaque histoire humaine a commencé quelque part, s’est organisée selon des critères géographiques, historiques, familiaux, intellectuels ou affectifs totalement différents et sa seule ressemblance avec les autres est qu’elle aboutit au même lieu de migration : la France. […]Cela ne veut en aucun cas dire que l’on se trouve face à des projets migratoires uniformes ».14 C’est à la fois cette ressemblance mais aussi cette singularité de chaque usager du CADA que je souhaite mettre en évidence dans ce chapitre. Mon futur projet d’action sous peine de trouver ses limites avant même de se mettre en place devra, en effet, prendre en compte les spécificités de ce public auquel il va s’adresser. Le CADA d’Alençon accueille principalement des familles et des femmes seules venant d’Europe, d’Asie, d’Afrique et plus rarement d’Amérique du Sud. Les origines géographiques des usagers varient en fonction des périodes et des évènements. Leurs nationalités sont diverses15 avec actuellement une majorité de personnes issue des pays de l’Europe de l’Est. On peut noter quelques constantes dont une présence importante de femmes et d’enfants composant pour l’essentiel des familles mono-parentales. Nous l’avons vu en introduction, chaque demandeur d’asile est unique par son histoire de vie, son parcours migratoire et son projet d’avenir. Différentes études se sont intéressées aux problématiques de cette population, sur lesquelles il est nécessaire de s’attarder afin de comprendre en quoi leurs besoins peuvent être particuliers. Les personnes accueillies au CADA, demandeurs d’asile ou réfugiés statutaires, ont dans leur majorité étés contraintes à l’exil du fait de guerre, de conflits ou de persécutions. Elles portent à la fois le traumatisme de ce qu’elles ont vécus (emprisonnement, violences, viols, tortures, humiliation..) mais aussi celui du déracinement et de la perte des repères. Bien souvent, ces expériences douloureuses vont s’exprimer par des troubles psychologiques avec parfois le développement de pathologie, qu’elles soient physiques ou mentales.

14 15

Revue : Hommes et migrations N°1261, 2006, Accueillir autrement, p. 21. Annexe 3 : Répartition de la population du CADA au 28 mai 2008 et Nationalité des adultes.

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Sans formation spécifique, l’équipe du CADA est souvent démunie face à des comportements qui viennent parasiter le déroulement « classique » de l’accompagnement. Les demandeurs d’asile, autorisés par la préfecture à un séjour provisoire, le temps de l’instruction de leur dossier, se trouvent en position d’attente. C’est une période indéterminée d’inactivité contrainte pour les adultes, d’assistance et de dépendance. L’interdiction d’un accès légal au marché du travail renforce le sentiment d’inutilité et d’incertitude face à l’avenir. Il induit également une perte de statut social qui a des répercussions certaines sur les dynamiques familiales (rôle du mari, du père, place de la femme dans des familles devenues brutalement monoparentales). Cette période vient fragiliser des personnes déjà traumatisées. Lorsque les demandeurs d’asile obtiennent le statut de réfugiés, se pose alors un nouvel impératif, certes porteur d’espoir mais parfois tout aussi insécurisant : celui de quitter le CADA et de s’insérer dans le pays qui leur accorde l’asile. De nouvelles difficultés se révèlent, liées à la maîtrise imparfaite de la langue, à la recherche d’un emploi et d’un logement. Malgré la motivation liée à l’obtention de cette autorisation de séjour, le parcours d’insertion se révèle long et complexe. Lors des entretiens menés avec les usagers16, j’ai pu constater qu’ils identifient de manière générale la fonction principale de chaque permanent du CADA en terme technique (le dossier OFPRA , la CMU, l’apprentissage du français, l’animation), ils ciblent donc leur interlocuteur en fonction de leur besoin ; en cas d’absence du « technicien » ils attendent de préférence son retour. Dans l’ensemble, ils pensent que chaque professionnel de l’équipe connaît d’une manière très générale le travail que son collègue fait avec eux; certains pensent même que chaque permanent travaille de façon individuelle sans mise en commun avec les autres membres de l’équipe. Quand j’ai évoqué la notion de projet individuel ou de temps d’échanges sur leur situation, leurs besoins et leurs attentes, les réponses ont été variables et révélatrices de l’absence de formalisation dans ce domaine. Certains évoquent les rencontres ponctuelles avec la directrice; la plupart disent qu’en cas de besoin, ils interpellent l’un des permanents ; seul un usager évoque un rendez-vous avec deux permanents au cours duquel il a pu faire le point sur sa situation, il précise qu’il ne sait pas si ce type de rencontre se reproduira.

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Annexe 1 : Guide d’entretien avec les usagers.

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En conclusion, les usagers expriment une satisfaction globale sur l’accompagnement. Ils évoquent néanmoins une méconnaissance de l’organisation du travail de l’équipe (rythme et contenu des rencontres) et expriment des attentes en terme de gestion du temps et d’activités . Si l’on se situe dans une logique d’individualisation des prestations, on peut penser que ces éléments pourraient être repris dans le cadre d’un projet élaboré avec l’usager.

e- L’équipe du CADA. L’équipe est composée de 8,5 équivalents temps plein : 1 directrice, 4 intervenants sociaux, 1,5 employé de collectivité, 1 veilleur de nuit, 1 homme d’entretien17. Dans cette partie, je vais m’intéresser plus particulièrement à l’équipe socio-éducative : permanents sociaux et directrice. A travers une analyse de l’organisation actuelle, je ferai émerger les éléments du diagnostic qui me paraissent essentiels à prendre en compte dans l’élaboration de mon projet. De l’équipe initiale du CPH, deux salariés travaillent encore actuellement au CADA d’Alençon : une permanente sociale qui était initialement chargée de l’alphabétisation, ainsi que la directrice qui a occupé plusieurs postes (animatrice, secrétaire, permanente chargée des dossiers OFPRA) avant d’accepter de prendre la direction de la structure et de passer un CIS en 2005. Cette évolution des emplois n’est pas sans incidence sur la dynamique actuelle.

-les permanents sociaux : origine et rôles. Comme je l’évoquais en introduction, l’équipe du CADA est composée de professionnels issus de formations variées dont les interventions auprès des usagers sont différenciées. Dans ce paragraphe, nous allons voir les effets de cette pluralité dans l’organisation de l’accompagnement des usagers et envisager la manière dont elle peut servir ou freiner un projet. Le livret d’accueil, remis aux usagers, annonce et illustre la séparation des fonctions. On y voit apparaître trois des permanents sociaux, avec leurs noms et leurs missions ; le quatrième, en raison de la création récente de son poste n’apparaît pas. Lors de la transformation du CPH en CADA, une des salariées a souhaité rester dans la structure. Embauchée pour une mission d’alphabétisation au regard de ses compétences dans ce domaine, elle a dû s’adapter à de nouvelles fonctions d’accompagnement aux démarches administratives et d’animations ponctuelles.

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Annexe 4 : Organigramme.

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Cette évolution de son travail n’a pas été accompagnée, à l’époque, par une formation complémentaire. L’acquisition de compétences inhérentes à ce nouveau poste s’est donc faite essentiellement par l’expérience. Doyenne des membres de l‘équipe, cette salariée est également celle qui, lors des entretiens individuels que j’ai mené, a exprimé son peu de motivation pour s’engager dans une réflexion sur ses pratiques professionnelles, mettant en avant son prochain départ à la retraite. La deuxième fonction, identifiée dans le livret d’accueil, est celle d’aide aux dossiers. Sous ce terme générique, on retrouve un travail essentiel sur l’élaboration des dossiers de demande d’asile dont l’aboutissement conditionne le séjour en France. Ce poste est occupé par une conseillère en économie sociale et familiale qui a, au cours des années, enrichi ses connaissances et ses compétences, par des formations complémentaires. A cette mission principale d’aide aux dossiers, viennent ce greffer des activités d’animations ponctuelles en direction des adultes accueillis au CADA. Cette salariée, tout en étant très attachée à l’organisation actuelle, déplore un manque de mise en commun des différentes interventions. Il en découle, pour elle, un sentiment d’isolement pouvant aller jusqu’à un questionnement sur l’intérêt porté à son travail par ses collègues. Le troisième poste concerne la santé et la scolarité. Plus concrètement il s’agit, pour le salarié qui l’occupe, d’accompagner ponctuellement les usagers dans l’accès aux soins et d’animer régulièrement des activités de soutien scolaire et de loisirs pour les enfants. Ce professionnel est titulaire d’un diplôme d’animateur obtenu en cours d’emploi. Lors des entretiens individuels, il m’a fait part de son questionnement sur la manière dont ses interventions auprès des usagers pouvait s’inscrire dans un projet individualisé pour chaque usager. Enfin, une quatrième salariée, titulaire d’un diplôme d’assistante sociale, a été recrutée à mitemps pour une mission d’accompagnement vers l’insertion des réfugiés statutaires. Elle peut également être amenée à intervenir auprès de l’ensemble des usagers sur des temps de permanence d’accueil. Ces premières observations font apparaître une organisation construite à partir des missions fixées dans la circulaire du 29 mars2000. Il en découle logiquement un accompagnement sectorisé en ce que j’ai qualifié de « pôles de compétences ou « pôle de ressources » où chaque usager va aller chercher auprès d’un seul salarié une réponse à un besoin spécifique. Le corollaire en est, au fil du temps, une « hyper spécialisation » de chaque salarié dans son domaine d’intervention. L’aspect positif que je discerne dans cette organisation est la qualité des réponses qu’elle permet d’apporter aux usagers sur des questions spécifiques.

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Son aspect négatif est de rendre difficilement remplaçable « le spécialiste », de limiter le partage des compétences et des connaissances et de ce fait d’appauvrir les interventions des différents professionnels de l’équipe. C’est également une organisation qui laisse peu de place à l’expression de la singularité de chaque usager et qui oblige celui-ci à s’adapter à l’offre, ce qui reste éloigné de l’idéal dessiné dans la loi du 2 janvier 2002 quand elle évoque l’individualisation des prestations. J’ai pu le constater au quotidien, le cloisonnement des différentes interventions a conduit à des pratiques très individuelles, sans pour autant qu’elles soient individualisées en direction des usagers. Le questionnement sur l’intérêt porté au travail de l’autre et le doute quand à la reconnaissance du travail accompli semblent en découler. L’absence de formalisation d’un projet commun avec et pour l’usager induit une absence de formalisation de temps de partage et de réflexion autour d’une préoccupation commune : l’usager, son parcours, son évolution. J’y vois l’origine du sentiment d’isolement professionnel exprimé par les salariés lors des entretiens. Cet état de fait, déploré à l’unanimité par les membres de l’équipe, loin de représenter un obstacle à mon projet d’action , me paraît être un levier sur lequel chacun va pouvoir appuyer un désir de changement. La pluralité de cette équipe, tant au niveau des origines professionnelles, des motivations et des compétences m’amène à penser que pour mener à bien ce projet d’action, je serais amenée à adopter une « approche managériale situationnelle […]adaptée au niveau de maturité professionnelle de chaque collaborateur ».18Plus précisément, il s’agira pour moi d’évaluer et de prendre en compte les compétences et la motivation de chaque membre de l’équipe afin d’adopter le style de management le plus propice. Cette réflexion va nous amener à nous intéresser à la directrice du CADA et à sa position dans l’institution.

- Le cadre : rôle et positionnement. Dans cette partie, je vais tenter d’analyser l’organisation sous l’angle de son management afin de comprendre en quoi le positionnement actuel de la directrice ne lui a pas permis d’impulser une évolution des pratiques professionnelles dans le sens souhaité d’une individualisation de l’accompagnement.

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RAMOND Philippe, Management opérationnel. Direction et Animation des équipes, Maxima, Laurent Du Mesnil Editeur, Paris 2004, p. 247.

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Salariée d’une association regroupant plusieurs établissements, la cadre du CADA fait partie d’une équipe de direction placée sous l’autorité du directeur général. Patrick LEFEVRE affirme que : « l’équipe de direction permet à chaque cadre de trouver un lieu qui peut écouter, soutenir ou interpeller, et limitant largement le risque pour chacun de se replier au sein du service dont il a la responsabilité. […]elle a apporté un supplément de qualité et de compétences qui se traduit par une légitimité plus sensible des cadres de direction auprès des services et des équipes. »19. La situation qu’il décrit est relativement éloignée de ce qui se vit au quotidien par la directrice du CADA. Celle-ci constate et déplore le manque de rencontres régulières entre les responsables des différents établissements ainsi que l’absence de réflexion commune sur leurs orientations. Il s’ensuit un sentiment d’isolement que ne vient pas compenser la proximité géographique avec la direction générale. L’ensemble de l’équipe du CADA partage ce ressenti et déplore l’absence de rencontres formelles. Cette situation peut s’expliquer par les changements successifs au sein de l’équipe de direction qui n’a retrouvé ni stabilité, ni formalisation de ses pratiques et de ses relations. Cette réalité influe sur les relations internes entre la cadre du CADA et son équipe notamment me semble-t’il en raison de l’absence de délégation formelle du directeur général qui viendrait légitimer la position ainsi que les délégations de sa directrice. Ainsi que je l’évoquais en introduction, la directrice a occupé différents postes au sein de l’association et du CADA avant d’accéder à son poste actuel. Ce parcours l’amène à être parfois dans une position que je qualifierais, reprenant là une analyse de Patrick LEFEVRE, de « position de coéquipier » c’est à dire « de cadre qui n’est pas vraiment différencié de l’équipe avec malgré tout une légitimité liée à son statut et à sa délégation »20 Cette position se trouve, à mon sens, renforcée par l’organisation interne du CADA qui, on le constate à travers l’organigramme, n’a ni secrétariat ni comptabilité identifiés. Ces tâches sont réparties entre la directrice et les membres de l’équipe. C’est une organisation qui se révèle éminemment chronophage et contribue, à travers l’indifférenciation des tâches, à la difficulté de positionnement de la cadre.

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LEFEVRE Patrick, Guide de la fonction de chef de service dans les organisations sociales et médico-sociales, Paris, Dunod, 2001, p. 261. 20 Op. Cit, p. 155.

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L’analyse de ces éléments, sous un angle uniquement négatif, serait réductrice. En effet, le parcours professionnel de la directrice au sein du CADA lui a permis de développer des compétences professionnelles multiples et variées. Ses connaissances sont reconnues par l’ensemble des permanents sociaux qui trouvent auprès de leur cadre un soutien technique dans l’exercice de leurs missions respectives. Si je devais me contenter d’une définition très théorique du style de management adopté par la cadre du CADA, je dirai que celle-ci pratique un management participatif, associant le plus possible l’équipe à l’organisation et aux différents projets de l’établissement. S’appuyant sur les compétences individuelles, elle donne un maximum d’autonomie à chaque salarié dans son domaine d’activités. Néanmoins, l’équipe du CADA réunit des personnalités très différentes ; certains apprécient une autonomie importante pour mener à bien leur missions, d’autres ont besoin de consignes précises. En fonction des personnes, la directrice est donc amenée à donner des directives détaillées, tant en terme d’objectifs que de moyens et de délais, ou au contraire à dégager avec le collaborateur un objectif de travail pour lui laisser ensuite une grande latitude dans les moyens mis en œuvre. Dans le cadre de sa réflexion personnelle sur les projets individualisés, la directrice du CADA fait le constat d’un fonctionnement insatisfaisant, ne lui permettant pas d’exercer pleinement son rôle de pilote de projet, d’animateur d’équipe et de garant de la qualité des prestations. Elle évoque également une difficulté à concevoir des moyens et une méthode lui permettant de mobiliser l’ensemble de son équipe sur un travail concret. Ces difficultés m’amènent à m’interroger sur le caractère fédérateur d’un management uniquement participatif. Nous avons pu voir qu’en fonction des personnalités, des compétences et de la motivation, la cadre était amenée à moduler son intervention et à adopter une attitude parfois plus directive. J’ai pu le constater également lors de l’élaboration du projet d’évolution du mode d’accueil des demandeurs d’asile (projet de CADA éclaté). Dans cette situation, les salariés ont étés informés régulièrement et des consultations informelles permettant de recueillir des suggestions ont pu être menés. L’écriture du projet et sa validation se sont faites au niveau de la cadre du CADA et de la direction générale. Il est envisagé par la suite d’associer plus étroitement l’équipe lors de la concrétisation de ce projet. Dans cette démarche, la notion de participation a été reléguée au second plan au profit d’un fonctionnement très directif. Ce sont ces constats autour du manager et de sa manière d’exercer son rôle, que je vais devoir prendre en compte dans mes propositions d’action, afin adopter un positionnement de nature à utiliser les potentiels repérés et à contourner les difficultés relevées. 24

Le contexte politique et législatif de l’immigration, renforcé par ses récentes évolutions, pose le cadre des missions des CADA et définit le statut de ses usagers. A l’œuvre dans ces établissements, la loi du 2 janvier 2002 entraîne une réflexion sur l’individualisation des prestations et doit impulser une évolution des pratiques. Au CADA d’Alençon, la réflexion qui se poursuit se heurte à des difficultés notamment autour de la question des projets individualisés des résidents. L’état des lieux et le diagnostic que j’ai présenté dans cette première partie, m’ont permis de dégager des clés de compréhension de la situation. Le projet d’action, que je vais développer dans la seconde partie, intègre ces éléments afin de permettre l’utilisation des potentiels existants et l’évitement des écueils repérés.

II- PROJET D’ACTION : ELABORATION ET REFLEXION SUR LA MISE EN ŒUVRE. Dans cette seconde partie, je vais m’intéresser aux solutions que le cadre peut envisager afin de palier les difficultés repérées dans le diagnostic institutionnel. Dans un premier temps, je préciserai l’origine et la pertinence du projet que j’ai présenté à la directrice du CADA puis proposé à l’équipe, j’en exposerai ensuite l’aspect technique. Un deuxième chapitre me permettra de développer ma réflexion sur le pilotage de ce projet à travers son management et l’ajustement de celui-ci à la réalité. Une troisième partie décrira, toujours dans une logique de management de projet, les spécificités de l’équipe et la manière dont je pense les intégrer dans l’animation.

1- LE PROJET D’ACTION. a- Origine et pertinence. La synthèse du diagnostic fait émerger plusieurs constats majeurs auxquels mon projet d’action se veut une réponse. Parmi eux, j’ai retenu trois axes principaux qui sont venus confirmer mes hypothèses initiales et les enrichir d’observations complémentaires : -la prise en compte des besoins des usagers : l’organisation du CADA a été pensée en cohérence avec le cadre législatif qui définit les missions de ce type d’établissement, dans l’objectif de répondre à des besoins pré-déterminés.

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Au quotidien, on constate que cette réponse reste générale. Faute d’une évaluation des besoins spécifiques de chaque usager, le passage à un accompagnement et à des prestations individualisés s’avère impossible. Pour illustrer ce propos, je reprendrai la problématique des troubles psychologiques fréquemment liés au parcours des demandeurs d’asile. Si l’on se limite à ce constat, on se place en situation de faire face dans l’urgence à des situations de crise. Par contre, si l’on se situe dans une logique d’évaluation à priori, on peut imaginer qu’un échange sur les besoins spécifiques d’un individu présentant un mal-être pourrait permettre la mise en place d’actions de prévention ou de soins, et ainsi éviter la dégradation de certaines situations. -une équipe pluridisciplinaire aux interventions sectorisées : les entretiens individuels menés aussi bien avec les professionnels qu’avec les usagers font apparaître les atouts et les limites de cette organisation. Ce qui ressort de manière prégnante reste l’isolement professionnel exprimé par les membres de l’équipe et leur difficulté à intervenir de manière concertée auprès des usagers. -les questionnements du cadre : forte de sa conviction sur l’intérêt et la nécessité d’aller vers une individualisation des prestations et une meilleure prise en compte des besoins des usagers, la directrice du CADA fait le constat de sa difficulté à engager avec son équipe un travail dans ce sens. L’histoire de l’association et l’évolution des emplois et compétences nous donnent quelques clés de compréhension de la situation actuelle, une observation détaillée du management à l’œuvre dans l’institution nous permet d’envisager des ajustements dans ce domaine.

Dans son ouvrage sur le projet individualisé dans l’accompagnement éducatif, Jacques DANANCIER21 pose comme prémisse à sa réflexion que l’absence de projet pour l’institution ou l’individu (qu’il nomme déliaison) s’accompagne de certaines caractéristiques : une perception négative ou péjorative de la population reçue, un extérieur vécu de façon menaçante, des professionnels figés dans leur rôle et leur statut, de façon compartimentée ainsi qu’un sentiment de propriété de chaque intervenant sur le parcours des personnes. Le diagnostic que j’ai développé, fait apparaître, de manière plus ou moins marquée, ces différentes caractéristiques auxquelles s’ajoute une difficulté du manager à mobiliser son équipe.

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DANANCIER Jacques, Le projet individualisé dans l’accompagnement éducatif. Contexte, méthodes et outils, Paris, Dunod, 2004. P 8.

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C’est à partir de cette idée que j’ai élaboré mon projet d’action. Effectivement, si l’on accepte les termes de la proposition de Jacques DANANCIER, on peut en déduire que l’élaboration d’un projet pour un individu va entraîner certaines conséquences : une perception positivée et améliorée de la population reçue, l’évolution des rôles et statuts des professionnels ainsi qu’un sentiment de collaboration autour du parcours des personnes et enfin une opportunité pour le cadre de mobiliser son équipe. Les effets produits par l’élaboration des projets individuels pour les usagers constitueraient alors une réponse adaptée aux problématiques relatives à la prise en compte des besoins des usagers, aux difficultés de l’équipe et à l’exercice de la fonction de cadre du CADA. Dans le même temps, ce travail permettrait de poursuivre la mise en conformité avec les orientations de la loi du 2 janvier 2002 dans le domaine de l’individualisation des prestations. C’est dans cette perspective que mon projet d’action s’intitule : Accompagner l’équipe du CADAdans une évolution de ses pratiques professionnelles vers une individualisation de l’accompagnement prenant en compte les besoins repérés des usagers.

b- De la réflexion à la mise en œuvre. Le cheminement que j’ai suivi, depuis la réflexion sur l’opportunité de ce projet d’action jusqu’à sa mise en œuvre, s’appuie à la fois sur le diagnostic développé dans la première partie mais également sur des références théoriques étudiées pendant ma formation et approfondies par différentes lectures22. Ma propre expérience d’accompagnement d’adultes et d’élaboration de projets individualisés a également contribué à ce travail. Il me semble important de noter que des ouvrages de référence existent dans le domaine de l’immigration mais sont quasi inexistants en ce qui concerne les CADA.

Jean-Luc JOING, s’appuyant sur un travail collectif, a développé des notions qui m’ont semblé un point de départ intéressant : « Le projet individualisé est un processus qui ne peut rester informel pour deux raisons essentielles :sa complexité et son étalement dans le temps rendent sa clarification simplement orale bien trop incertaine ;sa structuration et son contenu nécessitent des enregistrements et des traces écrites aux étapes les plus significatives et aux points critiques.

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Voir bibliographie.

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Les projets individualisés sont en effet une succession d’étapes incontournables, propres à chaque système, et qu’il est impossible de calquer sur une autre organisation. Ces étapes s’expriment avec le vocabulaire habituel de l’institution ; c’est le champ sémantique spécifique à la culture interne, qu’il y a lieu de clarifier lui aussi »23. La première de ces notions m’a amenée à centrer mon intervention autour de la formalisation des procédures et, plus particulièrement, à travailler sur la structuration et le contenu des documents d’évaluation des besoins et d’élaboration de projets. La deuxième réflexion a attiré mon attention sur l’importance de composer avec la culture interne et d’éclaircir le langage qui lui est propre. En effet, si la notion de projet individualisé peut apparaître comme une évidence dans certaines institutions, il n’en est pas de même partout et surtout pas dans les CADA où l’idée de projet vient se heurter à la situation d’attente où se trouvent de fait les demandeurs d’asile. Pour beaucoup, ces deux notions, attente et projet, semblent antinomiques. Il était donc essentiel de m’assurer, dès l’origine, que les sens des termes autour desquels nous allions travailler étaient le même pour tous. Ces réflexions m’ont amenées à définir des phases distinctes dans la mise en œuvre du projet.

 première phase : présentation du projet. Son objectif est de sensibiliser l’équipe à la notion même de projet individualisé et à son intérêt pour les usagers. Dans le cadre d’une réunion avec la directrice du CADA et le permanents sociaux, j’ai présenté une synthèse de mes travaux d’investigation mettant en avant les besoins recensés, tant au niveau des usagers qu’au niveau de l’équipe et du service. A l’issue de cette présentation, j’ai proposé de prolonger ce travail dans lequel l’équipe et les usagers s’étaient déjà engagés par leur participation aux entretiens et le partage de leurs réflexions. Ma proposition consistait en un travail conjoint avec l’équipe sur l’élaboration d’une grille d’évaluation des besoins, des capacités et des attentes des usagers. L’objectif in fine de ce recueil d’information étant l’élaboration d’un projet d’accompagnement personnalisé, déterminant les objectifs prioritaires de chaque usager et les moyens mis en œuvre.

23

JOING Jean-Luc, Maîtriser les projets individualisés (ou projet de vie). Au cœur de la démarche qualité. Avec la collaboration de : Jacques DUBOIS. Thérèse LAIDET. Sylvie MUYLS, Les deux continents, Collection du sextant, Mars 2001. P 75-76.

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Afin de légitimer mon intervention, la directrice du CADA a formalisé la délégation qu’elle me donnait auprès de son équipe en confirmant son accord à mes propositions et aux moyens à ma disposition. D’autre part, afin de pérenniser ce projet, elle a été associée étroitement aux différentes phases de sa réflexion et de sa mise en œuvre.

 deuxième phase : phase pédagogique. Ainsi que le diagnostic a pu le confirmer, l’équipe du CADA est pluridisciplinaire ; de formations et d’expériences variés, les membres qui la composent sont peu ou pas formés au travail d’élaboration de projets et peu familiarisés avec l’idée même de projet individuel, voire réticents. Les échanges avec ces professionnels m’ont permis de percevoir les risques liés à une mauvaise compréhension des termes de bases et l’importance de l’utilisation d’un vocabulaire adapté au contexte. Par ailleurs, la directrice du CADA a attiré mon attention sur les réticences de son équipe vis à vis de termes relevant plus spécifiquement de l’éducation spécialisée. Cette phase, constituée d’échanges et d’apports théoriques a donc permis d’éclairer des termes tels que : projet, accompagnement, évaluation, référent, parcours.24 Ce temps, essentiel dans la démarche, a ouvert des débats de fond sur le sens de l’accompagnement. Pour illustrer ce propos, je reprendrai quelques questions qui ont nourri les réflexions : « comment peut-on se permettre de parler de projet avec les demandeurs d’asile dans la mesure où l’attente de la réponse à leur dossier ne leur permet pas de savoir s’ils seront encore ici demain ? » ou encore « construire un projet avec les demandeurs d’asile n’est-ce pas leur donner de faux espoirs sur une hypothétique régularisation ? » et enfin « pourquoi faire un projet ici avec quelqu’un qui sera peut-être dans l’obligation de quitter la France d’ici peu, à quoi cela va-t’il leur servir ? ». Durant cette phase, j’ai également proposé quelques réflexions sur la loi du 2 janvier 2002 et plus particulièrement ses implications vis à vis de l’individualisation des prestations. A l’issue de cette étape, l’équipe s’est accordée sur le contenu, les objectifs et la dénomination des outils à élaborer, à savoir un Guide d’Evaluation des Compétences (GEC) et un document de Parcours d’Accompagnement Personnalisé (PAP).

24

Annexe 5-3 : Réflexions sur l’utilisation des documents.

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 troisième phase : phase méthodologique d’élaboration du guide d’évaluation des compétences et du document de parcours d’accompagnement personnalisé.25 La méconnaissance de l’équipe face aux modes d’évaluation des besoins des usagers, ajoutée au temps limité dont je disposais, m’ont amenés à proposer de travailler à partir de documents pré-existants. Jean-Yves BARREYRE et Carole PEINTRE, dans leur ouvrage sur l’évaluation des besoins des personnes en action sociale, préconisent de « s’appuyer[…]sur un référentiel qui prenne en compte la personne dans ce qu’elle fait mais aussi dans ses potentialités et de tenir compte des différentes dimensions de l’environnement »26 et précisent que « ce recueil de données sera d’autant plus pertinent qu’il aura été spécifiquement adapté aux particularités des situations de vie concernées et à l’objectif poursuivi par l’observation »27.C’est la méthode que j’ai privilégiée, m’appuyant en l’occurrence sur mon expérience professionnelle. Travaillant depuis plusieurs années en CHRS, j’ai eu l’opportunité, dans des actions de formation interne, d’élaborer en équipe différents outils (livret de parcours, contrat d’accompagnement) et de les utiliser au quotidien. J’ai pu également utiliser ceux-ci auprès de demandeurs d’asile que le CHRS accueille ponctuellement dans le cadre de l’urgence ou auprès de réfugiés statutaires dans le cadre d’un accompagnement à l’insertion après un séjour au CADA. Il faut nous rappeler que jusqu’en 2006, les CADA étaient considérés comme des CHRS. En dépit de l’évolution récente de leur classification, leurs missions restent proches même si sur le terrain l’organisation et les moyens se révèlent différents. Une des principales distinctions concerne l’insertion sociale et professionnelle qui s’adresse exclusivement aux réfugiés statutaires pour lesquels, on s’en souvient, la sortie des CADA doit être organisée dans de courts délais après l’obtention du statut. Prenant en compte ces similitudes ainsi que ces dissemblances, j’ai réétudié notre grille d’évaluation CHRS. Je lui ai apporté certaines modifications destinées à l’adapter aux spécificités de la population des demandeurs d’asile et des missions des CADA.

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Annexes 5 : Guide d’évaluation des compétences. Parcours d’Accompagnement Personnalisé. Réflexions sur l’utilisation des documents. 26 BARREYRE Jean-Yves et PEINTRE Carole, Evaluer les besoins des personnes en action sociale. Enjeux, Méthodologie, Outils, Paris, Dunod, 2004, p. 69. 27 Op Cit, p. 67.

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Une première version a été proposée à l’ensemble de l’équipe accompagnée d’un document appelé « Parcours d’Accompagnement Personnalisé » destiné à servir de support à la rédaction du projet. Après quelques modifications suggérées par l’équipe, j’en ai diffusé une nouvelle version, accompagnée d’une synthèse de nos réflexions sur l’utilisation des outils et le rappel de quelques définitions.28

Parallèlement au travail d’élaboration des outils, une partie de la réflexion s’est portée sur la manière de les utiliser et l’exploitation des informations obtenues. La procédure, décrite cidessous, est le fruit du travail collectif de l’équipe. Il s’est réalisé lors de deux réunions de travail que j’ai animées et pour lesquelles l’ouvrage de Jean-Luc Loing, notamment le chapitre sur la Valorisation des rôles Professionnels29, m’a servi de repère méthodologique.

 Le recueil des informations. Il est réalisé par la permanente chargée du dossier OFPRA, en raison de sa maîtrise de la pratique des entretiens individuels, secondée par l’animatrice chargée de l’alphabétisation pour ses compétences de traductrice. Il se déroule avant la fin du premier mois de séjour afin de laisser à l’usager une période suffisante pour découvrir son nouvel environnement et son organisation matérielle et humaine. Il se tient lors entretien formel proposé par rendez-vous. Son objectif est de présenter et d’expliquer le Guide d’Evaluation des Compétences, de permettre la réponse aux différents item et enfin de définir les axes prioritaires du projet de l’usager.

 L’élaboration du Parcours d’Accompagnement Personnalisé. Il est réalisé par l’ensemble de l’équipe des permanents sociaux sous la responsabilité de la directrice.

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Annexes 5: Guide d’Evaluation des Compétences. Parcours d’Accompagnement Personnalisé. Réflexions sur l’utilisation des documents. 29 JOING Jean-Luc, Maîtriser les projets individualisés (ou projet de vie). Au cœur de la démarche qualité. Avec la collaboration de : Jacques DUBOIS. Thérèse LAIDET. Sylvie MUYLS, Les deux continents, Collection du sextant, Mars 2001, p. 72 à 104.

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Il se déroule dans un temps prévu à l’ordre du jour pendant la réunion d’équipe hebdomadaire. Il consiste en une retransmission des éléments recueillis à partir du Guide d’Evaluation des Compétences (besoins et attentes de l’usager), enrichie par les informations complémentaires de chaque membre de l’équipe. Son objectif est de proposer d’un Parcours d’Accompagnement Personnalisé élaboré à partir des attentes de l’usager et complété par les moyens à mobiliser et les professionnels concernés. Par exemple : Objectif : maîtriser la langue française. Moyen : participer aux cours d’alphabétisation le mardi et jeudi matin de 10H à 12H avec Mme X.

 Le suivi et l’évaluation des Parcours d’Accompagnement Personnalisés. Il importe au préalable de s’assurer de l’adhésion de l’usager en lui faisant part des propositions complémentaires de l’équipe. Pour chacun des professionnels concernés, il s’agit d’échanger régulièrement avec l’usager sur l’évolution de ses objectifs et de rendre compte de ces échanges par le biais des outils de suivi déjà existants (cahier de liaison, fiche individuelle, dossier, notes personnelles). Ce suivi et cette évaluation sont réalisés par l’ensemble des travailleurs sociaux. Ils s’effectuent au quotidien dans les différents temps et actes de l’accompagnement. Chaque trimestre, la directrice du CADA programme un bilan du projet d’accompagnement : réalisé dans un premier temps avec l’usager, il est repris en réunion d’équipe avec l’évaluation de chaque professionnel. Un compte rendu écrit en est fait qui servira de base à la rédaction d’un nouveau PAP. Son objectif est de mesurer l’évolution du parcours et d’adapter les actions proposées.

Cette procédure réfléchie et définie avec l’équipe représente une modification significative des pratiques professionnelles. Il importe donc de m’assurer qu’au delà de la réflexion, elle peut prendre du sens dans le quotidien du CADA tant au niveau du personnel que des usagers. C’est dans cet objectif que j’ai travaillé, avant même sa mise en place, à un mode d’évaluation de ce projet.

Afin de mesurer l’adéquation de la procédure et des outils, j’ai proposé de faire un premier bilan, après une mise en œuvre de trois mois. Celui-ci a pour intérêt de mesurer les effets obtenus au regard de mes objectifs initiaux. A partir de ces derniers, j’ai retenu des critères d’évaluation qui m’ont semblé pertinents au regard des résultats attendus. 32

Ces critères m’ont ensuite permis de décliner des indicateurs à partir desquels je serai en mesure de faire émerger des résultats exploitables30. L’objectif de toute évaluation est, comme nous le rappèle Jacques DANANCIER de « s’interroger sur la valeur d’une action, de façon à la légitimer, à l’adapter ou à la prolonger. »31. Cette première évaluation sera, j’en suis consciente, très partielle dans la mesure où elle intervient après un temps de mise en œuvre relativement court. Cependant, elle pourra d’ores et déjà apporter des informations permettant de relever des éléments à améliorer. 2- LE PILOTAGE DE L’ACTION : UN MANAGEMENT A ADAPTER. Pourquoi ai-je souhaiter m’attarder sur le management ? Dans l’introduction de ce travail, j’émettais l’hypothèse que les pratiques managériales, mobilisées par la directrice ne lui avaient pas permis d’engager un travail sur l’individualisation de l’accompagnement. J’en déduisais qu’il me faudrait réfléchir plus précisément à cette difficulté afin de proposer une méthode de management appropriée. Je suis consciente que le projet que je propose à l’équipe du CADA est vecteur de changement, tant au niveau des pratiques professionnelles que des relations avec les usagers. Tout changement porte en lui une forme de rupture et c’est un des rôles du cadre que d’accompagner l’équipe dans les étapes de ce changement, de sa décision à sa mise en œuvre et son évaluation. A la lumière du diagnostic précédent et des écueils évoqués par la directrice, il m’a donc semblé essentiel de mener une réflexion approfondie sur le management et son adaptation à la problématique présentée. La théorie du management situationnel de HERSEY et BLANCHARD (1982)32 a retenu mon attention dans la mesure où elle propose un modèle souple et adaptable. Cette théorie développe l’idée que pour être efficace , le style du manager doit s’adapter aux situations ainsi qu’aux personnes et à leur degré d’autonomie ; en fonction de l’évolution des situations, il faut pouvoir changer de style et choisir celui qui va être efficace. Si les acteurs ont peu de compétences techniques, le manager devra adopter un style plus « instrumental » ; s’ils sont très compétents, il pourra utiliser un style plus « relationnel ». 30

Annexe6 : Support à l’évaluation. DANANCIER Jacques, Le projet individualisé dans l’accompagnement éducatif. Contexte, méthodes et outils, Paris, Dunod, 2004, p. 70. 32 Annexe 7 : Schéma de la théorie du management situationnel. 31

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Cette théorie reprend les quatre principaux styles de management communément utilisés qu’il m’a paru important de redéfinir rapidement :

-le management directif : il repose sur des processus méthodologiques définis par le manager avec un contrôle fort de celui-ci sur les différents acteurs. Il est intéressant pour sa rapidité et son efficacité et peut sécuriser certaines personnes. Il présente néanmoins l’inconvénient de laisser peu de place à la responsabilisation et à l’autonomie. Pour HERSEY et BLANCHARD, il est adapté aux équipes peu formées au type de travail proposé. C’est le style que j’ai choisi d’utiliser dans la phase d’élaboration de l’outil d’évaluation. En effet, si l’on considère le manque de familiarité des professionnels avec le travail autour des projets individualisés, ainsi que la dimension d’inquiétude et de questionnement qu’il véhicule, ce style de management me semble de nature à sécuriser les plus inquiets et à apporter des éléments concrets aux plus réticents.

-le management persuasif : s’apparentant au précédent, il favorise davantage l’autonomie. Son objectif est de convaincre, de mobiliser et d’impliquer. Il induit la possibilité d’une prise d’initiative mais demande beaucoup de temps et d’énergie de la part du manager, ce qui peut être considéré comme un inconvénient. C’est un style qui m’a paru intéressant, voire incontournable, dans la phase de présentation de mon projet. Effectivement, il s’agit à la fois d’obtenir l’adhésion de l’équipe pour les phases suivantes mais aussi de la convaincre de son intérêt, de mettre en avant les avantages à en tirer sans se laisser arrêter par les freins existants.

-le management participatif : cette forme de management favorise la participation aux décisions par l’association de l’équipe à la définition et à la mise en œuvre des objectifs. Il permet de développer l’autonomie à long terme mais trouve ses limites si la réflexion porte sur une tâche très spécialisée ou en situation de crise. Malgré le temps et la disponibilité qu’il implique, c’est le style que j’ai choisi de privilégier dans la phase d’adaptation de l’outil à la réalité du terrain ainsi que dans la première mise en œuvre. Il va me permettre d’associer l’équipe et de l’impliquer dans la construction de l’outil qu’elle va utiliser par la suite. Il peut également impulser le développement d’une culture professionnelle commune, peu présente actuellement.

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-le management délégatif : c’est celui qui va donner le plus d’autonomie ; son objectif est de confier une mission ou une tâche pour responsabiliser et faire progresser les salariés. Pour Hersey et Blanchard, c’est un type de management qui confie le pouvoir aux équipes. Dans le cadre de mon projet, il interviendrait au moment où l’équipe, après s’être approprié les concepts et les outils, aurait délégation complète pour l’élaboration et la mise en œuvre des projets individualisés des usagers et où, par conséquent, la cadre aurait toute latitude pour exercer son rôle de garant de ces mêmes projets par une action essentiellement de supervision. Une représentation schématique apporte une visualisation de ce cheminement.33

Si la réflexion sur le management m’a paru incontournable, je n’oublie pas que celui-ci n’existe qu’en direction d’une équipe. Sans prise en compte de celle-ci et de ses spécificités, le développement précédent aurait un intérêt limité.

3- UNE DEMARCHE PEDAGOGIQUE AUPRES DE L’EQUIPE. L’équipe du CADA est porteuse d’un dynamique propre qui peut être utile à l’élaboration d’un nouveau projet tout autant qu’elle peut le freiner. C’est pourquoi, afin d’adapter mon travail auprès de cette équipe, il m’a paru essentiel d’en cerner les points forts et les points faibles.

 Des atouts à mobiliser : -la motivation de l’équipe : en dépit des réticences supposées de l’équipe, les entretiens individuels ont fait apparaître un réel intérêt pour une réflexion sur de nouvelles pratiques ainsi que la crainte d’un manque d’adhésion des collègues à des propositions nouvelles. Le travail autour d’un projet commun, parce qu’il permet à chacun d’exprimer ce désir d’évolution et de le partager avec les autres professionnels de l’équipe, est l’occasion de développer cette motivation. -un savoir faire et des interventions de qualité : l’organisation actuelle du CADA a conduit chacun des membres de l’équipe à développer, dans son domaine d’intervention, des connaissances et des compétences affirmées et à proposer aux usagers un accompagnement de qualité. J’y vois une base solide et intéressante pour initier une évolution des pratiques.

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Annexe 7 : Théorie du management situationnel.

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Dans cet objectif, il me semble essentiel de donner à l’équipe des garanties sur la reconnaissance de ses compétences et la pérennisation des points forts du fonctionnement actuel. -des outils existants : l’observation de terrain m’a permis de découvrir les outils de suivi des interventions (cahier de liaison, fiche individuelle, dossier, notes personnelles) et l’utilisation de ceux-ci dans un souci de qualité des prestations. A travers leur utilisation, chaque professionnel a le souci de mesurer les résultats de son intervention. Sans qu’elle soit réellement nommée, je pense qu’il existe une notion d’évaluation sous-jacente à l’action de chacun. Dans le cadre du projet que je vais initier, il s’agira de mesurer l’adéquation des outils de suivi de chacun afin de les adapter à l’évolution des pratiques. L’objectif à moyen terme serait le passage d’une évaluation individuelle, telle qu’elle se pratique actuellement, à une évaluation collective par l’élaboration d’outils communs à l’équipe. -un désir de reconnaissance : chacun des membres de l’équipe exprime, de manière différente, le regret que son travail ne soit pas plus connu par ses collègues voire pour certains plus reconnu. Ce besoin de reconnaissance est un atout majeur pour une évolution vers une pratique plus collective de l’accompagnement des usagers. A travers un projet élaboré avec l’usager et l’ensemble de l’équipe chacun pourra faire partager son travail mais aussi lui donner sa raison d’être au regard des besoins exprimés par l’usager.

 Des freins à ne pas négliger : -des habitudes de travail anciennes : il apparaît qu’au sein de l’équipe, des habitudes de travail se sont installées au fil du temps que certains déplorent mais qui, pour la plupart, sont confortables car bien connues et maîtrisées. Il importe de ne pas méconnaître cette réalité qui peut entraîner des réticences face à des changements trop radicaux. -la crainte d’une augmentation de la charge de travail : dans le cadre d’échanges antérieurs sur l’intérêt de proposer un référent pour chaque usager ou famille, cette crainte avait été mise en avant et avait bloqué la poursuite de la réflexion. Il importe, pour tout nouveau projet, de l’entendre et de la prendre en compte afin d’éviter qu’elle soit à nouveau un obstacle incontournable. -un cloisonnement du travail et une mise en commun non formalisée: le fonctionnement actuel basé sur les compétences techniques de chaque intervenant entraîne des interventions que j’ai qualifié de cloisonnées. Des mises en commun se font de manière essentiellement informelle ; elles ne sont pas réellement identifiées ni surtout articulées autour d’un objectif commun. 36

On peut penser que sur cette question de la communication autour des projets individualisés, les membres de l’équipe vont devoir accepter une véritable transformation de leurs habitudes. L’objectif étant de passer d’une communication essentiellement orale et informelle à une communication organisée et s’appuyant sur des observations écrites.

 Des compétences professionnelles à valoriser. La partie du diagnostic institutionnel, concernant l’équipe des travailleurs sociaux du CADA, a fait émerger de manière prégnante un sentiment d’isolement entraînant un doute quant à la reconnaissance de la qualité du travail effectué. Parallèlement, j’ai pu constater l’existence de compétences professionnelles adaptées. Si l’on en croit Jean-Luc JOING « un ensemble de procédures (un système de GRH) vise à développer les compétences, l’image des personnes et l’efficience des pratiques en favorisant la pensée positive et l’accession de tous, autant que possible, à des rôles culturellement valorisés » 34; cette notion de valorisation des rôles, à travers la clarification des procédures, me semble tout à fait pertinente dans la situation qui nous intéresse. Faire apparaître, nommer et préciser l’intervention de chaque professionnel dans le projet personnalisé de l’usager n’est-il pas un moyen intéressant d’une part de poser sur un même niveau les différentes interventions, et d’autre part de mettre en lumière des actions qui font partie du quotidien de l’institution mais que l’habitude a rendu presque invisible ? C’est cette démarche que je souhaite développer dans mon intervention auprès de l’équipe. Pour exemple, on peut citer l’activité « courses » : il s’agit pour la permanente chargée de l’apprentissage linguistique d’accompagner les usagers découvrir les commerces de la ville dans un objectif éducatif. Au fil du temps, cette activité semble avoir perdu son objectif initial pour se transformer en activité utilitaire, visant à mettre à disposition un moyen de transport pour aller faire ses courses. Il en découle de la part de la salariée qui l’anime une perte de motivation et un désinvestissement. Proposer cette activité à un usager, non plus parce qu’elle existe et qu’elle peut-être pratique, mais parce qu’elle répond à des besoins évalués en terme de découverte et d’apprentissage, peut également impulser un nouveau dynamisme au niveau des salariés en redonnant du sens à leur action pour l’ensemble de l’équipe, cadre y compris.

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JOING Jean-Luc, Maîtriser les projets individualisés (ou projet de vie). Au cœur de la démarche qualité. Avec la collaboration de : Jacques DUBOIS. Thérèse LAIDET. Sylvie MUYLS, Les deux continents, Collection du sextant, Mars 2001. P 72.

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 Une notion d’équipe à développer. Le travail autour de l’élaboration et la mise en œuvre des projets individualisés pour les usagers nécessite l’engagement de tous. Chacun des acteurs doit faire un travail d’ouverture vers les autres afin que la pratique professionnelle ne soit plus essentiellement individuelle mais en quelque sorte appartienne à l’ensemble de l’équipe. Il s’agira pour chacun de penser son intervention comme élément d’un ensemble cohérent. Je suis consciente que pour certains professionnels, ces mises en commun peuvent être vécues comme des prises de risque. Néanmoins, et c’est là qu’en tant que cadre j’aurais un rôle essentiel à exercer, il s’agira de mettre en lumière en quoi les compétences individuelles de chaque professionnel peuvent enrichir le groupe. Pour illustrer ce propos, je pense qu’amener l’animateur à parler de ses interventions dans les rencontres école-parents peut contribuer à mettre valeur ses compétences de médiateur qui sont méconnues de ses collègues, voire sous estimées par lui-même. La prise de conscience de cette compétence présente au sein de l’équipe peut amener le groupe à solliciter le soutien de ce collègue dans une situation précise. Elle peut également sécuriser l’équipe qui aura identifié une personne ressource face à une problématique particulière.

Dans cette deuxième partie, j’ai exposé le projet d’action que j’ai retenu comme réponse aux problématiques soulevées en introduction et confirmées par le diagnostic. J’ai décrit les différentes phases de son élaboration ainsi que la manière dont je prévoyais sa mise en œuvre. La troisième partie va me permettre d’évaluer en quoi ce projet a pu ou non répondre aux problématiques ainsi que les ajustements et les prolongements que j’envisage.

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III- EVALUATION ET PERSPECTIVES D’AVENIR.

1- EVALUATION. Les réflexions que je vais à présent développer ont pour base une première évaluation, réalisée après trois mois de mise en œuvre, et utilisent les informations recueillies à partir des critères définis en amont35. Ces éléments ont pu être enrichis par les commentaires de la directrice du CADA et des permanents sociaux. Ils sont, de fait, très partiels dans la mesure où la réalisation de ce projet n’en est qu’à ses débuts. J’ai choisi de les présenter en les mettant en lien avec mes objectifs initiaux et les effets attendus, soit, pour les résumer : -l’évolution de la prise en compte des besoins des usagers pour aller vers une individualisation des prestations, -la participation de l’équipe à un projet commun pour combattre le sentiment d’isolement des professionnels et développer une reconnaissance mutuelle, - un nouveau positionnement de la directrice dans le suivi des usagers afin de lui permettre d’exercer son rôle de garant de la qualité des prestations.

a- La prise en compte des besoins des usagers. L’individualisation de l’accompagnement était et reste un des objectifs principaux de mon projet d’action au sein du CADA. C’est néanmoins sur cet aspect que la mesure des résultats est la plus limitée. En effet, je peux constater que l’équipe du CADA, à travers la réflexion et la mise en œuvre de l’outil d’évaluation des besoins (GEC), a affiné sa perception d’une évolution nécessaire dans la prise en compte des besoins des usagers. Mais je ne peux pas, à ce stade, affirmer que cette prise de conscience a les résultats escomptés sur l’individualisation des prestations. L’utilisation des outils que nous avons élaboré permet l’existence d’un nouveau temps d’expression pour les usagers, c’est le moment où se remplit le Guide d’Evaluation des Compétences et où s’élabore le Parcours d’Accompagnement Personnalisé. Ce temps, qui favorise l’écoute, les échanges et la réflexion, induit une approche différente et plus individuelle des usagers. C’est à mon sens une première étape vers l’individualisation.

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Annexe 6 : Support à l’évaluation.

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La seconde étape, qui est celle de l’adaptation des moyens proposés par les professionnels aux objectifs définis avec l’usager, est la plus complexe. Elle a néanmoins pu se concrétiser de manière plus facile auprès des réfugiés statutaires. En effet, l’obtention d’une carte de séjour induit la nécessité d’un départ du CADA. De ce fait, la notion de projet semble prendre un sens plus perceptible pour les professionnels qui peuvent alors redonner une place d’acteur à l’usager et composer avec ses capacités. Si l’évolution est palpable pour les réfugiés statutaires, sa généralisation à l’ensemble des usagers appartient à l’équipe mais également à la directrice qui devront rester attentifs pour garantir la pérennisation de ce projet auquel ils ont contribué.

b- La participation de l’équipe et ses effets. La démarche d‘élaboration et de mise en œuvre de ce projet a entraîné la participation de l’ensemble des travailleurs sociaux du CADA, avec pour conséquence, une mise en commun des pratiques professionnelles. La réflexion autour de ces dernières a conduit à les nommer, les clarifier et parfois les redéfinir. Cette méthode participative a permis à chacun une prise de parole facilitée et a contribué à une évolution de la considération respective. Par l’échange autour des pratiques individuelles, chaque professionnel a pu percevoir en quoi l’intervention de ses collègues était complémentaire de la sienne, mais également comment elle pouvait l’enrichir. L’illustration la plus parlante de cette complémentarité a été la mise en lumière des effets de la maîtrise progressive du français par un usager sur l’accompagnement réalisé autour des dossiers OFPRA. Une des difficultés essentielles est liée à ce que je pense être une forme de burn-out ; il s’agit plus concrètement la résistance de certains à envisager des modifications de l’organisation du travail. Si je reprends l’exemple, déjà cité des courses, la salariée concernée craint que l’adaptation de cette activité aux demandes des usagers n’exige une souplesse d’organisation qu’elle ne se sent plus en mesure d’assumer, en raison de son prochain départ à la retraite.

En ce qui concerne les documents Guide d’Evaluation des Compétences et Parcours d’Accompagnement Personnalisé36, l’équipe a relevé la difficulté d’intégrer ces nouveaux outils dans la pratique quotidienne en raison du temps nécessaire à leur utilisation.

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Annexes 5 : Guide d’évaluation des compétences. Parcours d’Accompagnement Personnalisé.

40

Les membres de l’équipe ont pu évaluer que, pour chaque résident, il fallait en moyenne deux heures d’entretien pour remplir le guide d’évaluation (temps d’information sur l’intérêt du document puis temps d’explication de chaque item) et pour dégager ensuite des objectifs d’accompagnement prioritaires. En conséquence, il leur a fallu désorganiser certains fonctionnements et réfléchir à une autre organisation du temps. Cette difficulté a pu être dépassée par l’équipe, c’est néanmoins un élément que j’aurais dû prendre en compte dans l’élaboration du projet. En effet, si en l’occurrence, les professionnels ont démontré leur capacité d’adaptation, je n’exclue cependant pas la possibilité que ce type d’écueil puisse faire achopper un projet. L’élaboration des premiers Parcours d’Accompagnement Personnalisés a mis en lumière l’intérêt de la phase d’évaluation des compétences ; en effet, là où jusqu’à présent des accompagnements étaient mis en place de manière systématique, la prise en compte des capacités de l’usager a permis de moduler l’intervention. L’individualisation de l’accompagnement et des prestations se veut un élément moteur pour une évolution vers une plus grande autonomie. Les difficultés de communication des usagers en CADA ne favorisent pas une prise d’indépendance et amènent parfois les professionnels à faire « à la place ». Cette tentation est renforcée par les missions du CADA centrées sur la protection, la complexité des procédures ainsi que le contexte législatif. Habituée à cette organisation, l’équipe du CADA a pu craindre, à certains moments, de perdre ce qui peut représenter un certain contrôle sur les usagers. Cette crainte a pu également se trouver confortée par la mise en lumière de capacités qui étaient bien souvent connues mais passées sous silence tant par les professionnels que par les usagers eux-mêmes. Nommer les capacités des usagers entraîne le passage d’un usager consommateur de service, à un usager acteur de son projet de vie. Ce que l’équipe a perdu, en contrôle ou en pouvoir, s’est trouvé équilibré par ce qu’elle y a trouvé, en reconnaissance de savoir-faire et de compétences. Chaque permanent peut dorénavant affirmer : « Je ne remplis pas un dossier à votre place parce que moi seul sait le faire, mais je vous aide à compléter un dossier parce que les compétences que j’ai développé dans ce domaine vont vous permettre de répondre de manière adaptée à ce qui est demandé. ». Sur cette question des compétences il me semble que chaque professionnel a pu d’ores et déjà mesurer certains effets d’une meilleure lisibilité de son action. A plus long terme, les échanges d’idées et de savoir-faire, devraient aboutir au développement d’une identité et d’une compétence d’équipe qui ne se limitera pas, alors, à l’addition des compétences individuelles. 41

c- La position du manager. Ainsi que je l’ai développé dans le chapitre sur l’adaptation du management, le pilotage de cette action avait pour objectif d’accompagner l’équipe de manière la plus adaptée. En conséquence, j’ai expliqué les raisons de mon choix d’un management situationnel qui me paraissait correspondre aux différentes étapes de projet. A travers sa mise en œuvre, ce projet m’a permis d’utiliser concrètement différents styles de management et de me confronter à leurs intérêts ainsi qu’à leurs limites respectives.

L’utilisation d’un style de management directif pour l’élaboration des outils d’évaluation me paraissait intéressant pour sa rapidité et son efficacité. Cet intérêt, s’il s’est trouvé vérifié à priori, a été atténué par la suite quand il m’a été nécessaire de consacrer un temps conséquent à l’explication des différents items du Guide d’Evaluation des Compétences. Ce style de management m’a essentiellement permis de composer avec l’absence de formation de l’équipe au travail proposé. Ma maîtrise des concepts et des outils m’a permis d’obtenir l’adhésion des professionnels qui se montraient les plus réticents au départ. Pendant la phase que j’ai appelée phase pédagogique, l’utilisation d’une forme de management persuasive, m’a semblée très naturelle dans la mesure où le contenu du projet et sa déclinaison relevait d’un forte conviction personnelle. Il m’a donc été aisé de présenter et d’argumenter ce projet. La notion de management participatif, à l’épreuve du terrain, a trouvé tout son sens. En position concrète d’animation d’équipe, j’ai utilisé des compétences déjà acquises précédemment mais j’ai également pu développer de nouvelles compétences (animation de réunion, présentation de documents). J’ai pu constater que l’utilisation d’une méthode participative a permis à chaque membre de l’équipe de réfléchir à son action en lien avec celle de ses collègues, et également d’enrichir sa propre conception de la place des usagers et la prise en compte des besoins individuels. Ce type de management a lui aussi trouvé ses limites en raison du temps dont je disposais pour mener à bien ce projet. Enfin, ne pouvant pas faire l’impasse sur le management délégatif, je ne peux que faire le constat qu’il reste pour moi un objectif théorique. La mise en œuvre trop récente de ce projet ne m’a pas permis son utilisation et que je pense qu’il reste de nombreux ajustements à préciser avant de pouvoir confier la responsabilité de la mise en œuvre des Parcours d’Accompagnement Personnalisés à l’équipe.

42

De plus, il me semble à présent que ce type de management ne peut s’utiliser que lorsque les différents acteurs ont une bonne connaissance de leurs capacités respectives. Ainsi que j’en avais émis l’hypothèse, la réflexion préalable sur l’adaptation du management aux différentes étapes a été l’un des éléments favorisant le déroulement de cette action et l’accompagnement de l’équipe.

Les premiers constats, réalisés à ce stade de la mise en œuvre du projet, vont me permettent d’élargir mon propos vers des réflexions complémentaires.

2- PROPOSITIONS D’AMELIORATION ET PERSPECTIVES D’AVENIR. L’évaluation, présentée dans le chapitre précédent, a mis en avant des points faibles dans le projet d’action que j’ai initié durant mon stage au CADA. Loin de représenter des obstacles, ils permettent d’ores et déjà d’envisager des ajustements pour faciliter la mise en œuvre sur le terrain à court et moyen terme. A plus longue échéance, cette réflexion ouvre la voie à des perspectives d’avenir que je développe ci-après en me projetant dans un rôle futur de cadre.

a- Formaliser la procédure.  l’élaboration du projet. Sans vouloir figer l’accompagnement dans des procédures trop rigides, il me semble essentiel de garder à l’esprit les risques que comporte une transmission uniquement orale des informations. En effet, au fil du temps, chacun risque d’en faire une interprétation personnelle ; de plus certains éléments de la procédure risquent de disparaître s’ils n’ont pas étés suffisamment définis ou maîtrisés. La pérennisation du projet et de ses étapes, ne peut pas faire l’économie d’une formalisation écrite. Au delà de l’intérêt que chaque membre de l’équipe peut y trouver par l’existence d’un document de référence, c’est également me semble-t’il un moyen de démontrer la qualité de l’accompagnement et de le faire valoir, aussi bien auprès de l’association que des organismes de tutelle. C’est aussi un document qui permettrait de se préparer à l’évaluation externe.

43

 le suivi des projets. Autant la formalisation de la procédure d’accompagnement des usagers, à laquelle nous avons travaillé, me paraît indispensable, autant je pense que, sans évaluation régulière, elle risque de perdre son sens. C’est l’un des rôles du cadre de garantir le suivi des projets de chaque résident ainsi que de le définir et de l’organiser, à la fois dans la forme et dans le temps. Pour reprendre l’exemple qui nous intéresse, il s’agirait de programmer l’ordre du jour des réunions en y indiquant nominativement les projets individualisés à étudier, les bilans et synthèses réguliers ; de s’assurer préalablement que chaque salarié procède au recueil des éléments nécessaires et dans un deuxième temps de s’assurer que les compte-rendus sont écrits et approuvés. Cette nouvelle formalisation, au delà des aspects déjà exposés, est l’occasion pour le cadre de redéfinir son rôle de garant des projets individuels et d’affirmer la manière dont il souhaite l’exercer.

b- Favoriser l’implication de l’équipe.  vers l’introduction de la notion de référent. Ainsi que je l’ai évoqué à plusieurs reprises au cours de ce travail, la question de la reconnaissance professionnelle est au cœur des interrogations de l’équipe du CADA. Dans mon introduction, j’émettais l’hypothèse que la construction d’un projet personnalisé pour chaque usager était un moyen intéressant de mettre en valeur les interventions des différents professionnels. Au regard du travail que j’ai pu mettre en place au CADA, je pense que l’élaboration des Projets de Parcours Personnalisés est une réponse partielle à cette problématique dans la mesure où ils permettent de décrire l’intervention de chaque professionnel en lien avec les besoins des usagers et en complémentarité avec les différentes interventions de ses collègues. Néanmoins, cette première étape dans le processus de reconnaissance pourrait être utilement enrichie par la mise en place d’un « référent de projet ». Les fonctions que regroupent ce terme peuvent être différentes selon les établissements ; pour ma part, j’emprunterai la définition de Jacques DANANCIER « le réfèrent de projet assure la gestion générale du projet, rassemble les informations concernant la situation générale de l’usager et s’assure de leur diffusion, vérifie la bonne mise en œuvre des actions choisies, présente la situation de l’usager aux instances techniques (réunions de projet, de synthèse, bilans intermédiaires) et rédige un rapport des débats, veille à ce que les décisions et leur sens soient connues de tous les interlocuteurs selon le fonctionnement institutionnel (interlocuteur privilégié des 44

familles) »37.Au delà de la personnalisation du suivi que comporte cette pratique, elle revêt à mes yeux l’intérêt de favoriser l’investissement de chaque salarié aussi bien vis à vis des usagers que de ses collègues. Elle autorise, pour le cadre, une délégation nominative du suivi des projets. Je pense que chacun des membres de l’équipe socio-éducative du CADA, en raison de sa formation initiale, des compétences acquises et son rôle auprès des usagers, est en mesure de remplir cette fonction de référent. Par ailleurs, je présume que cette évolution devra être accompagnée à la fois par le cadre mais également par la mise en place de formations complémentaires.  la formation individuelle et collective. La composition de l’équipe du CADA a fait l’objet d’une présentation détaillée dans le premier chapitre où j’ai évoqué la formation initiale des participants ainsi que les compétences qu’ils ont pu développer dans l’accompagnement des demandeurs d’asile. L’adaptation des ressources humaines aux évolutions des pratiques me paraît être un facteur essentiel dans la réussite d’un projet. Dans le cas présent, la diversité des formations initiales apporte une richesse indéniable à l’établissement mais ne facilite pas l’évolution concertée des pratiques professionnelles. Le développement de références et de compétences communes serait une ressource complémentaire pour poursuivre la réflexion sur l’évaluation des besoins des usagers, il pourrait s’envisager dans le cadre de formations collectives. Pour prolonger la réflexion sur la valorisation des compétences, les entretiens professionnels annuels sont l’occasion pour le cadre d’aborder le sujet du parcours professionnel de chaque salarié et d’échanger sur les besoins individuels de formation, en lien avec les évolutions du secteur et de la structure.

c- Diversifier les modes d’évaluation des besoins des usagers et développer leur participation. Au cours de ce travail, je me suis penchée sur la question de la prise en compte des besoins des usagers et de leur évaluation. Il est cependant d’autres lieux où ces besoins peuvent et doivent s’exprimer de manière plus collective.

37

DANANCIER Jacques, Le projet individualisé dans l’accompagnement éducatif. Contexte, méthodes et outils, Paris, Dunod, 2004. P 182.

45

La loi du 2 janvier 2002 préconise la mise en place de lieu d’expression des usagers sous la forme d’un conseil de la vie sociale ou de toute autre forme de participation des usagers. Le CADA d’Alençon, par la mise en place des réunions de résidents, a marqué sa volonté d’aller dans ce sens. Il me semble néanmoins qu’à défaut de véritables moyens pour favoriser l’expression et la participation, ces réunions se réduisent rapidement à des temps d’information et de rappel des règles de vie collectives. Certes, les difficultés de communication peuvent être un obstacle à la création de réel lieu d’expression, il est cependant de la responsabilité de la structure de veiller à ce que la réflexion autour de cette question se poursuive. On peut également imaginer l’intérêt que pourrait représenter l’évaluation des usagers sur les conditions de leur séjour au CADA après leur départ de celui-ci. Elaborée en gardant à l’esprit les missions spécifiques des CADA et le cadre législatif, une enquête de satisfaction permettrait un recueil d’informations susceptibles d’enrichir la réflexion sur les besoins exprimés par les usagers.

d- Clarifier la place du cadre. Garantir la réussite d’une démarche de projet nécessite la mobilisation de tous les acteurs et ne peut s’imaginer comme une démarche individuelle qui émanerait du seul cadre. Dans le diagnostic initial, j’ai pu mettre en avant le manque de rencontres formelles entre la directrice du CADA et ses collègues de l’équipe de direction, ressenti comme un obstacle au positionnement de la directrice vis à vis de son équipe. Pour faire un parallèle avec ma courte expérience de pilotage de projet, la délégation que m’a donnée la directrice du CADA, et qu’elle a officialisée auprès de son équipe, a été un élément facilitant la suite de mon intervention ; de la même manière, je tends à penser que la formalisation de délégations claires et précises du directeur général en direction des responsables d’établissements serait de nature à favoriser le positionnement de chacun vis à vis de son équipe. Je rejoins sur ce point P.LEFEVRE quand il affirme que « la direction ne se confond pas avec le directeur »38et qu’il poursuit en précisant que « l’équipe de direction apporte un supplément de qualité et de compétence qui se traduit par une légitimité plus sensible des cadres de direction auprès des services et des équipes »39.

38

LEFEVRE Patrick, Guide de la fonction de chef de service dans les organisations sociales et médico-sociales, Paris, Dunod, 2001. P 260. 39 Op cit. P 261.

46

Pour

prolonger

cette

idée,

je

reste

persuadée

que

le

cumul

des

tâches

cadre/secrétaire/comptable est un réel obstacle à un positionnement clair de la directrice vis à vis de son équipe. De plus, le caractère chronophage de ce cumul nuit à la mise en œuvre, par le cadre, de l’ensemble de ses missions et a un impact certain sur la qualité du service rendu. A terme, la redéfinition des fonctions devrait aboutir, me semble-t’il, à la création d’un poste de secrétariat.

e- Articuler cette action avec le projet d’établissement. Enfin, je terminerai ce chapitre sur les perspectives d’avenir avec cette dernière réflexion : le projet d’action que j’ai proposé et auquel nous avons travaillé avec l’équipe du CADA a impulsé une réflexion sur les pratiques d’accompagnement et l’individualisation des prestations. Cette réflexion a permis la proposition d’outils destinés à l’évaluation des besoins individuels et l’élaboration de ce que nous avons appelé Parcours d’accompagnement Personnalisé. Si je fais un lien avec la prochaine réécriture du projet d’établissement, rendu nécessaire par l’évolution à venir du mode d’hébergement des usagers, je pense que le travail que nous avons réalisé trouvera tout à fait sa place dans ce document. J’en vois une démonstration dans cette phrase tirée d’un ouvrage sur l’évaluation et la qualité en action sociale : « L’utilisation d’un référentiel de compétences, parce qu’il oblige à clarifier et à formaliser le processus d’accompagnement […], fait du projet individualisé le lieu où les pratiques professionnelles peuvent enfin s’articuler étroitement au projet d’établissement »40. Au delà de la légitimité renforcée que ce projet peut y trouver, j’y vois également un moyen intéressant de mettre en valeur la qualité du travail effectué au sein du CADA, et de le réaffirmer auprès des différents acteurs ou partenaires.

Pour conclure cette dernière partie, je dirais que les perspectives de prolongements de ce travail sont encore nombreuses et que j’ai fait le choix de me limiter à celles qui me semblent les plus réalistes aussi bien en ce qui concerne les délais que les moyens humains et matériels.

40

Sous la direction de François CHARLEUX et Daniel GUAQUERE, Evaluation et Qualité en Action Sociale et Médico-Sociale. Outils, méthodes et mise en oeuvre, ESF Editeur, Collection Actions Sociales, 2003. P 88.

47

CONCLUSION Arrivée au terme de ce mémoire, il me faut maintenant y mettre un point final. Cette conclusion sera l’occasion d’une prise de recul afin de proposer une synthèse de la réflexion qui a guidé cet écrit. Celle-ci me permettra de mettre en évidence les limites méthodologiques et professionnelles de ce travail mais également d’en envisager des prolongements. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, en réaffirmant le caractère fondamental de la garantie des droits et libertés individuels, a amené les établissements de ce secteur à réinterroger leurs pratiques. Les CADA sont directement concernés par ce questionnement qu’ils doivent mener en cohérence avec la spécificité de leurs missions et de leur public. Un stage de six semaines au CADA d’Alençon, a initié mon questionnement sur la prise en compte des besoins des usagers dans ce type d’établissement, faisant écho aux préconisations de la loi du 2 janvier 2002 sur l’individualisation des prestations. Trois constats majeurs ont guidé mes recherches : l’absence d’évaluation formalisée des besoins des usagers ; la difficulté, affirmée par la directrice, à impulser un travail sur les projets individualisés ; des professionnels de terrain isolés dans leurs interventions et en quête de reconnaissance. Ces constats m’ont amenée à orienter mes réflexions sur les moyens et méthodes susceptibles de permettre au cadre d’accompagner son équipe dans une évolution de ses pratiques professionnelles. La première partie de ce mémoire, à travers une présentation du CADA et de son environnement, m’a permis de développer un diagnostic institutionnel. Cette recherche a été l’occasion de développer de nombreuses connaissances théoriques et de mettre en œuvre des techniques d’enquête et de recueil d’informations. A travers cette étape, j’ai pu mesurer l’importance de la prise en compte de l’histoire et la culture institutionnelle ainsi que de la position des différents acteurs dans le cadre d’une démarche de projet. La deuxième partie m’a conduit à endosser, en situation réelle, une position de cadre. Pour concevoir mon projet d’action, j’ai orienté mes réflexions : - vers les usagers et la prise en compte optimisée de leurs besoins individuels ; - vers l’équipe et les moyens à mobiliser pour susciter son adhésion à une évolution des pratiques professionnelles ;

48

- et enfin, vers le management en proposant des méthodes susceptibles de favoriser l’animation du projet et l’adhésion des acteurs. Ces réflexions ont conduit à l’élaboration de deux documents : le Guide d’Evaluation des Compétences et le Parcours d’Accompagnement Personnalisé : outils d’évaluation des besoins des usagers et de construction d’un projet adapté aux besoins et aux capacités. J’ai pu constater que les particularités du CADA et de ses usagers justifiaient l’adaptation d’un outil d’évaluation des besoins. En parallèle, j’ai également pu mesurer que la démarche de projet individuel, parce qu’elle s’adresse toujours à un individu singulier et unique, peut s’adapter à des populations très différentes. Intégrer à ce projet une réflexion sur son pilotage, en lien avec la réalité de la structure et de son équipe socio-éducative, a permis de mettre en avant les compétences des professionnels, de clarifier voire redéfinir certaines pratiques et d’initier un questionnement sur la notion d’équipe. Cette démarche a confirmé mon hypothèse sur l’importance du facteur humain dans la réussite de tout projet, ainsi que sur la nécessité de travailler, en amont de la mise en œuvre d’une action, à la mobilisation de tous ses acteurs. Après une période d’utilisation de ces outils, j’ai recueilli un certain nombre d’informations susceptibles de nourrir une première évaluation que j’ai développée dans la troisième partie de ce document. Ce projet, qui reste à affiner et à faire vivre au quotidien, aura permis d’impulser une réflexion commune, favorisant une évolution des pratiques. Globalement, j’ai aujourd’hui le sentiment que les objectifs de ce travail étaient ambitieux au regard de mon temps de présence dans l’établissement ainsi que de mon positionnement. Peut-être ce projet aurait-il pu gagner en « mise en œuvre opérationnelle », si je m’étais limitée à la réflexion autour de l’une de mes hypothèses initiales. Néanmoins, le fait de poursuivre cette recherche autour de trois axes a multiplié les occasions d’apprentissages pratiques et théoriques. A travers la réflexion sur la prise en compte des besoins des demandeurs d’asile, ce sont les pratiques professionnelles de l’accompagnement mais également du management que j’ai souhaité interroger. D’une manière plus générale cette réflexion pose la question des droits de l’homme et du citoyen et par conséquent de l’éthique du travail social.

49

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

ALTHEA : Association pour le Logement Temporaire et l’Hébergement d’Alençon ANAEM : Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations APS : Autorisation Provisoire de Séjour CADA : Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile CAFERUIS : Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Encadrement et de Responsable des Unités d’Intervention Sociale CESEDA : Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile CHRS : Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale CIS : Cadre de l’Intervention Sociale CMU : Couverture Maladie Universelle CPH : Centre Provisoire d’Hébergement CNDA : Commission Nationale des Demandeurs d’Asile CRR : Commission des Recours des Réfugiés DDASS : Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales DPM : Direction des Populations et des Migrations DNA : Dispositif National d’Accueil FJT : Foyer de jeunes Travailleurs IRTS : Institut Régional du Travail Social OFPRA : Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides OMI :Office des Migrations Internationales OQTF : Obligation de Quitter le Territoire Français UNHCR : Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES BARREYRE Jean-Yves et PEINTRE Carole, Evaluer les besoins des personnes en action sociale. Enjeux, Méthodologie, Outils, Paris, Dunod, 2004. Sous la direction de François CHARLEUX et Daniel GUAQUERE, Evaluation et Qualité en Action Sociale et Médico-Sociale. Outils, méthodes et mise en oeuvre, ESF Editeur, Collection Actions Sociales, 2003. DANANCIER Jacques, Le projet individualisé dans l’accompagnement éducatif. Contexte, méthodes et outils, Paris, Dunod, 2004. GUELAMINE Faïza, Action sociale et immigration en France, Repères pour l’intervention, Paris, Dunod, 2008. JOING Jean-Luc, Maîtriser les projets individualisés (ou projet de vie). Au cœur de la démarche qualité. Avec la collaboration de : Jacques DUBOIS. Thérèse LAIDET. Sylvie MUYLS, Les deux continents, Collection du sextant, Mars 2001. LEFEVRE Patrick, Guide de la fonction de chef de service dans les organisations sociales et médico-sociales, Paris, Dunod, 2001. MIRAMON Jean-Marie, Manager le changement dans l’action sociale, Rennes, Editions ENSP, 1996. RAMOND Philippe, Management opérationnel. Direction et Animation des équipes, Maxima, Laurent Du Mesnil Editeur, Paris 2004. VERBUNT Gilles, La question interculturelle dans le travail social, Repères et perspectives, Paris, Ed La Découverte,2004.

REVUES France Terre d’Asile. Les Cahiers du social N°10, Mai 2006 : L’accompagnement socioprofessionnel des réfugiés pris en charge au sein du Dispositif National d’Accueil : Bonnes pratiques. Hommes et migrations N°1261, 2006, Accueillir autrement. Le sociographe N°13, Janvier 2004 : Clandestins. Face aux situations contradictoires de migrants.

SOURCES INTERNET CIMADE : www.cimade.org Forum réfugiés : www.forumrefugies.org France Terre D'Asile : www.france-terre-asile.org Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés : www.gisti.org Ministère de l’Emploi et de la Solidarité : www.sante.gouv.fr OFPRA : www.ofpra.gouv.fr UNHCR : www.UNHCR.fr

ANNEXES

ANNEXES 1

Guide d’entretien avec l’équipe. Guide d’entretien avec les usagers.

GUIDE D’ENTRETIEN AVEC L’EQUIPE Cette première partie de l’entretien a pour objectif de vérifier mes premières observations sur le travail de chacun des permanents sociaux et les méthodes utilisées (état des lieux des outils utilisés par chaque membre de l’équipe, leur place dans le suivi individuel).

Dans quel domaine de l’accompagnement des usagers intervenez-vous ?

Quels sont les outils que vous utilisez pour effectuer le suivi de votre action ? (écrits, compte rendu à l’équipe, à la direction, autre…)

Comment ont été élaborés ces outils ?

Vous paraissent-ils satisfaisant pour le suivi de votre action :

-

pour vous

-

pour l’équipe

-

pour les usagers

Quelles modifications souhaiteriez-vous y apporter et pourquoi ?

Avez-vous connaissance du travail réalisé par vos collègues et des outils qu’ils utilisent?

Cette deuxième partie de l’entretien est axée autour des projets individualisés, elle a pour objectif d’évaluer le ressenti de chacun face à cette pratique d’accompagnement, d’évaluer les éventuelles résistances et les atouts mobilisables.

La rédaction de projet individualisé pour chaque usager vous parait-elle intéressante et/ou nécessaire ? Pourquoi ?

Vous parait-elle réalisable à ce jour ?

Quels seraient dans l’organisation actuelle, les obstacles à leur mise en place ?

Seriez-vous prêt à les utiliser au quotidien ?

Quels seraient vos besoins pour la mise en place de ce type de fonctionnement ?(information, formation interne et/ou externe, travail de réflexion en équipe… ) ?

GUIDE D’ENTRETIEN AVEC LES USAGERS

Ces entretiens ont pour objectif d’analyser la manière dont les usagers comprennent l’accompagnement proposé par le CADA, la vision qu’ils en ont et de recueillir leurs suggestions.

Connaissez-vous la fonction et le rôle de chaque membre de l’équipe du CADA ?

Pensez-vous qu’il existe un lien entre les interventions des différents permanents auprès de vous?

Pensez-vous que chaque membre de l’équipe connaît vos projets et leur état d’avancement ? Cela vous paraît-il important, pourquoi ?

Pendant votre séjour êtes-vous ou avez-vous étés consultés sur l’évolution de vos projets ? Par qui ? A quel rythme ?

Cet accompagnement vous paraît-il adapté à vos besoins ? Quelles seraient les modifications à y apporter ?

ANNEXE 2 Pyramide de Maslow

PYRAMIDE DE MASLOW

BESOINS DE REALISATION

BESOINS D’ESTIME

BESOINS SOCIAUX BESOINS D’APPARTENANCE

BESOINS DE SECURITE

BESOINS PHYSIOLOGIQUES

Le psychologue américain, Abraham Maslow (1908-1970), propose en 1943 dans son article «A Theory of Human Motivation » une classification hiérarchique des besoins humains, où il distingue cinq grandes catégories : les besoins physiologiques sont liés à la survie des individus ou de l’espèce. Ce sont des besoins concrets :respirer, boire, faire ses besoins, manger, dormir, se réchauffer. le besoin de sécurité consiste à se protéger contre les différents dangers qui nous menacent. Il recouvre le besoin d'un abri (logement, maison), la sécurité des revenus et des ressources, la sécurité physique et psychologique, une certaine sécurité affective le besoin d’appartenance révèle la dimension sociale de l’individu qui a besoin de se sentir accepté par les groupes dans lesquels il vit (famille, travail, association, ...) le besoin d’estime prolonge le besoin d’appartenance. L’individu souhaite être reconnu en tant qu’entité propre au sein des groupes auxquels il appartient. le besoin de réalisation vise à progresser, accroître sa compétence , décider de sa propre vie

ANNEXE 3 Tableau de Population

REPARTITION DE LA POPULATION DU CADA AU 28 MAI 2008

NATIONALITE

Adultes

Hommes

Femmes

Enfants

Total

CONGOLAISE

5

0

5

7

12

IVOIRIENNE

1

1

0

1

SOUDANAISE

2

1

1

2

4

NIGERIANE

5

1

4

5

10

LIBERIENNE

1

1

0

ARMENIENNE

8

4

4

8

16

AZERBAIDJANAISE

2

1

1

2

4

YOUGOSLAVE

2

1

1

4

6

SERBE

7

3

4

3

10

RUSSE

1

1

1

2

AFRIQUE

1

EUROPE

AMERIQUE LATINE COLOMBIENNE

2

1

1

4

6

MONGOLE

1

0

1

1

2

CHINOISE

1

0

1

1

2

BANGLADAISE

4

2

2

2

6

TOTAL

42

16

26

40

82

ASIE

NATIONALITE PAR ADULTE

YOUGOSLAVE

SERBE

AZERIS CONGOLAISE IVOIRIENNE RUSSE COLOMBIENNE

SOUDANAISE NIGERIANE LIBERIENNE

ARMENIENNE MONGOLE CHINOISE

ARMENIENNE AZERIS YOUGOSLAVE SERBE RUSSE

BANGLADAISE LIBERIENNE

COLOMBIENNE MONGOLE CHINOISE BANGLADAISE

NIGERIANE CONGOLAISE SOUDANAISE

IVOIRIENNE

ANNEXE 4 Organigramme

ANNEXES 5.

5-1 Guide d’évaluation des compétences.

5-2 Parcours d’Accompagnement Personnalisé.

5-3 Réflexions pour l’utilisation des documents.

Annexe5-1 GUIDE D’EVALUATION DES COMPETENCES Ce guide d’évaluation des compétences permettra à la personne et à l’équipe de faire le point sur ses acquis et besoins afin de déterminer des objectifs d’accompagnement.

NOM : PRENOM : DATE :

1- Apprentissage: Je sais faire seule

Je sais faire avec aide

Je ne sais pas faire

Je sais faire seule

Je sais faire avec aide

Je ne sais pas faire

Lire Ecrire Compter 2- Maîtrise du français:

Parler le français Lire le français Ecrire en français 3- Démarches administratives Je sais faire seule

Je sais faire avec aide

Je ne sais pas faire

Comprendre un document administratif Savoir remplir un document administratif Se rendre seule dans une administration 4- Repères spatio-temporels Je sais faire seule Lire un calendrier Lire l’heure Lire un plan Prendre les transports en commun

Je sais faire avec aide

Je ne sais pas faire

5- Santé Je sais faire seule

Je sais faire avec aide

Je ne sais pas faire

Prendre en compte ma santé Prendre en compte la santé de mes enfants Prendre rendez-vous avec les professionnels de santé Me rendre chez des professionnels de santé 6- Budget Je sais faire seule

Je sais faire avec aide

Je ne sais pas faire

Faire une démarche auprès de ma banque Lire mon relevé de compte Gérer mes ressources Faire des économies

7- Scolarité Je sais faire seule

Je sais faire avec aide

Je ne sais pas faire

Apporter une aide aux devoirs Rencontrer les professeurs et échanger avec eux Organiser leurs loisirs (inscription au centre de loisirs, à des activités..)

8- Vie quotidienne Je sais faire seule Entretenir mon logement Faire la cuisine Faire les courses Entretenir le linge

Je sais faire avec aide

Je ne sais pas faire

Pour les personnes concernées 9- Professionnel Je sais faire seule

Je sais faire avec aide

M’inscrire aux ASSEDIC, à l’ANPE, à la Mission Locale Définir un projet professionnel Faire une recherche d’emploi Faire une lettre de motivation et un CV Me présenter à un entretien

Dans quels domaines avez-vous besoin d’aide ? (Reprendre les réponses aux questions précédentes pour préciser les priorités)

Je ne sais pas faire

Annexe 5-3

Réflexions pour l’utilisation du Guide d’Evaluation des Compétences et du document Parcours d’Accompagnement Personnalisé

Le Guide d’Evaluation des Compétences est à remplir par l’usager avec un professionnel de l’équipe dont l’intervention aura pour objectif de traduire si besoin et d’apporter des précisions sur le sens des questions. Son but est d’avoir une sorte de photographie des connaissances et des lacunes de l’usager à un moment donné afin de pouvoir adapter l’accompagnement proposé par l’établissement. Il est donc important de préciser cet objectif à l’usager afin qu’il n’ait pas l’impression qu’il s’agit d’un test auquel il doit avoir un bon résultat. Le document Parcours d’accompagnement Personnalisé (PAP) s’élabore à partir du guide d’évaluation des compétences : en fonction des besoins qui vont émerger, il va être possible de faire ressortir des objectifs d’accompagnement (en lien avec les missions de l’établissement et l’offre de service existante). Il ne s’agit pas de décrire en détail toutes les actions qui seront mises en œuvre mais de faire émerger les objectifs prioritaires les plus importants en terme d’accompagnement. On peut imaginer que le premier PAP, s’il est réalisé dans les premiers temps de l’accueil, sera relativement succinct mais que les suivants seront plus détaillés ; il est important de préciser avec l’usager la durée à l’issue de laquelle ce PAP sera évalué conjointement. Le PAP permet également de mesurer l’évolution du parcours de l’usager et de réadapter les objectifs en fonction de cette évaluation. Cette évaluation se fait avec le résident mais également avec l’ensemble de l’équipe lors de réunion que l’on peut appeler synthèse où chaque professionnel est amené à transmettre à ses collègues le travail qui a été réalisé avec le résident et les objectifs à venir ; on peut imaginer une retransmission de cette synthèse au résident par un membre de l’équipe coordinateur ou référent, voire une participation du résident à une partie de la réunion. Ces deux documents sont évolutifs pour s’adapter aux besoins de l’équipe et à ceux des usagers. Quelques définitions : -référent projet : « fil rouge » auprès de la personne concernée lui donnant du temps notamment par des entretiens pour s’approprier son projet. -coordinateur projet : assure l’articulation des actions et de l’information ou parfois un rôle de « vigie » auprès de l’équipe pluridisciplinaire engagée. -projet : ce que l’on a l’intention de faire et estimation des besoins nécessaires pour le faire. -parcours : chemin, déplacement d’un point à un autre. -accompagner : servir de guide, se déplacer avec.

ANNEXE 6 Support à l’évaluation

SUPPORT A L’EVALUATION

CRITERES

INDICATEURS Nombre de GEC remplis

Intérêt pour les salariés

Nombre de GEC programmés Nombre de PAP élaborés Nombre de PAP programmés Compréhension des questions par les usagers par les salariés Temps passé

Facilité d’utilisation

pour remplir un GEC pour remplir un PAP Intérêt d’un traducteur toujours jamais parfois Mise en évidence de capacités

Intérêt pour les usagers

de besoins Définition d’objectifs précis Définition de moyens adaptés aux objectifs Nombre de GEC étudiés en réunion Nombre de GEC programmés

Intérêt pour le cadre

Nombre de PAP étudiés en réunion Nombre de PAP programmés Nombre de bilans intermédiaires programmés

RESULTATS ET COMMENTAIRES

ANNEXE 7 Schéma de la théorie du management situationnel HERSEY et BLANCHARD

Forte orientation sur l’humain

Management participatif

Faible orientation sur les résultats

Management persuasif

Forte orientation sur les résultats

Management délégatif

Management directif

Faible orientation sur l’humain

THEORIE DU MANAGEMENT SITUATIONNEL

HERSEY et BLANCHARD - 1982

Nom d’usage : LAFOSSE

Prénom : Annie

Date du Jury : Mars 2009

Formation : Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Encadrement et de Responsable d’Unité d’Intervention Sociale. « CAFERUIS » TITRE:

ACCOMPAGNER UNE ÉQUIPE DE CADA DANS UNE ÉVOLUTION DE SES PRATIQUES PROFESSIONNELLES.

Résumé Un stage de six semaines au CADA d’Alençon a initié mon questionnement sur la prise en compte des besoins des usagers dans ce type d’établissement, faisant écho aux préconisations de la loi du 2 janvier 2002 sur l’individualisation des prestations. Les constats, réalisés sur le terrain, m’ont amenée à orienter mes réflexions sur les moyens et méthodes que le cadre peut utiliser pour accompagner son équipe dans une évolution des pratiques professionnelles. Dans la première partie de ce document, je présente l’environnement du CADA avant de développer un diagnostic institutionnel qui doit permettre d’adapter le projet à la culture et aux acteurs de terrain qu’ils soient associatifs, salariés ou usagers. La deuxième partie me conduit à me positionner dans une fonction de cadre. Pour concevoir mon projet d’action, j’oriente mes réflexions d’une part, vers les usagers et la formalisation d’une évaluation de leurs besoins individuels ; d’autre part, vers l’équipe et sa mobilisation dans le processus d’évolution de ses pratiques professionnelles ; et enfin, vers le cadre et le management de ce projet. Ces réflexions sont à l’origine de l’élaboration de deux documents : le Guide d’Evaluation des Compétences et le Parcours d’Accompagnement Personnalisé, outils d’évaluation des besoins des usagers et de construction d’un projet individualisé adapté à leurs besoins et à leurs capacités. Une première évaluation de la mise en œuvre opérationnelle de cette action, permet ensuite de proposer des pistes d’amélioration de la démarche et de dégager des perspectives d’avenir.

Mots clés : Management. CADA. Projet. Evaluation. Individualisation..

Nombre des pages : 49 Centre de Formation : INSTITUT RÉGIONAL DU TRAVAIL SOCIAL 11 Rue Guyon de Guercheville-14200 HÉROUVILLE SAINT-CLAIR