Apprendre à rédiger un compte-rendu d'expérience - Magnard

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CM2, et ayant inspiré la rédaction du paragraphe consacré au compte-rendu d' expérience. (p. 14 du Guide du Maître). Le contenu scientifique correspond ...
Apprendre à rédiger un compte-rendu d’expérience Séquence réalisée en cycle 3 Sylvie FRÉMINEUR P.E., École du Chaumet, Évires, 74 Jean-Michel ROLANDO Formateur, IUFM Bonneville, 74

Les relations entre sciences et maîtrise de la langue ont été développées dans le chapitre 2 de la première partie du guide de l’enseignant Sciences, cycle 3. Ce texte présente une description plus complète et plus précise d’un travail mené dans une classe de CE2, CM1 et CM2, et ayant inspiré la rédaction du paragraphe consacré au compte-rendu d’expérience (p. 14 du Guide du Maître). Le contenu scientifique correspond essentiellement à l’enquête n° 6 du livre de l’élève (« Comment rendre claire de l’eau trouble ? »).

La démarche dans ses grandes lignes Elle est tout à fait classique en didactique de l’écrit. Il s’agit de partir des écrits premiers et spontanés que les élèves produisent sans avoir été guidés (leurs « premiers jets »). L’enseignant les engage alors dans la construction des critères de réalisation du type d’écrit concerné, puis leur demande une réécriture en fonction de ceux-ci. Au cours des écrits ultérieurs, cette grille permet aux élèves de réaliser des premiers jets de meilleurs qualité. Elle rend possible l’auto-évaluation (chaque élève peut lui-même évaluer si son écrit respecte les critères retenus) ou la co-évaluation (même idée, mais les élèves procèdent par petits groupes autour des écrits de chacun).

Choix des premiers jets à analyser À la question « comment rendre claire de l’eau trouble ? », les élèves ont rédigé individuellement une proposition. Ils ont ensuite échangé par petits groupes et, finalement, chaque groupe à choisi une expérience et l’a réalisée. Chaque élève a ensuite rédigé individuellement un premier jet de compte-rendu. La classe dispose donc d’un grand nombre de textes dans lesquels l’enseignant peut puiser pour extraire ceux qui seront proposés à la réflexion des élèves lors d’une séance ultérieure. Ils doivent présenter des caractéristiques diverses et suffisamment contrastées. Nous avons choisi six textes : – un texte très court (texte 1), un autre très détaillé (texte 2) ; – des comptes-rendus avec des schémas (parfois trop détaillés comme le texte 2), d’autres sans schéma (textes 5 et 6) ; – des textes écrits à différents temps et différents modes : passé composé (texte 1), présent (textes 3, 4 et 5), infinitif (texte 2) ; – des documents propres et bien présentés (texte 6), des documents peu soignés (textes 1 et 4) ; – des textes écrits avant l’expérience (texte 6), d’autres écrits après celle-ci (texte 1) pour amener à la distinction entre le protocole et le compte-rendu.

© Éditions Magnard – Sciences Cycle 3

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Texte n° 1

Texte n° 2

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Texte n° 3

Texte n° 4

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Texte n° 5

Texte n° 6

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La phase de recherche par petits groupes Quel que soit le contexte dans lequel on se situe (scientifique ou autre), nous pensons que les phases de recherche nécessitent systématiquement des échanges en petits groupes (après, éventuellement, une première réflexion individuelle). Les confrontations, les désaccords, les co-élaborations qui se produisent dans de petits groupes habitués à travailler ainsi permettent toujours à un plus grand nombre d’élèves d’aller plus loin dans leur réflexion que ce qui se serait passé en cas de travail individuel ou en classe entière. Ainsi, le temps de travail proposé est de répondre, par petits groupes, à la consigne suivante : « À quoi faut-il penser pour faire un bon compte-rendu scientifique ? ». Chaque petit groupe doit rédiger ses idées sur une feuille. Celles-ci sont présentées ci-dessous. Les critères du groupe 1.

Les critères du groupe 2.

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Les critères du groupe 3.

Les critères du groupe 4.

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Les critères du groupe 5.

Le rôle de l’enseignant, pendant ce moment, est bien entendu de circuler pour s’assurer de la bonne compréhension de la consigne, puis pour aider les élèves à expliciter leurs idées. Nous voyons à travers les documents qu’un groupe s’est engagé sur une fausse piste en critiquant l’expérience et non la manière dont elle a été relatée (groupe 2).

La phase de bilan Le travail précédent en petits groupes rend le bilan collectif plus efficace : les élèves ont eu le temps de réfléchir ; ils disposent de certaines idées validées par leur groupe. Ils sont donc dans de bonnes conditions pour présenter leur point de vue, écouter celui d’un autre, y adhérer ou le contester. Un débat animé s’est par exemple instauré pour déterminer s’il est ou non obligatoire de faire un schéma et de dresser la liste du matériel. Une anecdote intéressante mérite en outre d’être rapportée. Parmi les premiers jets que les élèves devaient étudier figure celui d’un élève en grande difficulté scolaire (texte n° 1) et celui d’un autre élève dont tout le monde sait qu’il est excellent (texte n° 2). Or il se trouve que le texte n° 1, malgré un manque de détails et de soin, n’est intrinsèquement pas si mauvais que cela. À l’inverse, le texte n° 2, bien que très complet, est critiquable par la surabondance de détails et de précisions inutiles, tant dans le texte que dans les schémas. Enhardis par les réflexions qu’ils ont menées en petits groupes, de nombreux élèves ont pu se montrer critiques vis-à-vis de ce dernier texte, alors qu’ils ne se seraient certainement pas manifestés si l’activité avait eu lieu directement en classe entière. Présentons maintenant les critères dégagés. La structure du compte-rendu La classe aboutit de manière consensuelle à l’idée qu’il faut un titre formulé sous la forme d’une question. Des explications sont nécessaires. La liste du matériel et les schémas sont possibles, mais la classe est finalement consciente que ce n’est pas une obligation systématique. Les caractéristiques d’un schéma sont discutées : la classe s’accorde pour dire qu’ils ne doivent indiquer que ce qui est nécessaire à la compréhension de l’expérience et faire abstraction des détails inutiles. Enfin, il faut une conclusion qui a donné lieu à un débat intéressant auquel nous consacrons le paragraphe suivant.

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Le problème de la conclusion : l’expérience a-t-elle « marché » ou a-t-elle prouvé quelque chose ? Que mettre dans la conclusion ? Certains proposent d’indiquer si l’expérience réalisée a « marché ». Mais, sous l’impulsion de quelques élèves, le débat s’engage sur le statut de l’expérience : « une expérience, ça marche toujours », expliquent-ils… « si une expérience ne marche pas, c’est que notre idée n’était pas bonne ; on ne doit pas dire qu’une expérience a marché ou n’a pas marché, on doit dire ce qu’elle a prouvé ». C’est ainsi que les élèves acceptent cette proposition : la conclusion sert à expliquer ce que l’expérience a prouvé. Distinction entre protocole et compte-rendu Parmi les textes distribués, nous l’avons précisé plus haut, figurent des textes écrits avant l’expérience et d’autres après. L’objectif est de distinguer le « protocole » d’expérience (qu’on rédige avant) et le compte-rendu (rédigé après). Au-delà de l’intérêt de la distinction, les deux formes requièrent des syntaxes différentes. Le protocole est souvent rédigé à l’infinitif (il s’apparente à la recette), alors que le compte-rendu est en général écrit au passé composé (du moins par les élèves). Opérer cette distinction donne l’occasion à l’enseignant de revenir sur les terminaisons des verbes en [e]. Le contexte permet aux élèves d’en comprendre la nécessité et autorise un réinvestissement quasi immédiat. Le protocole s’accompagne souvent d’une hypothèse. Dans la manière de la rédiger, on retrouve le fait que le résultat de l’expérience nest pas encore connu, ce qui impose l’emploi du conditionnel ou d’une forme évoquant l’incertitude (« l’eau devrait être propre » ; « on pense que l’eau sera propre »). La manière de rédiger une hypothèse peut donc déboucher sur des apprentissages grammaticaux plus spécifiques. Justifiés par un besoin reconnu, ils peuvent être menés dans un climat qui retient l’intérêt des élèves. Ces distinctions, si elle ne sont pas apparues pendant la première phase de travail en groupes, émergent au cours de la discussion sous l’impulsion de l’enseignante qui invite les élèves à rechercher les différences entre deux textes caractéristiques.

La mise au propre des critères Elle prend la forme d’un aide-mémoire saisi à l’ordinateur par quelques élèves (avec leurs propres mots) et photocopié à toute la classe (voir ci-après, l’aide-mémoire élaboré à l’issue du bilan). À partir de cet instant, il sert de référence pour produire les écrits suivants. Aide-mémoire élaboré après synthèse Le compte-rendu de l'expérience. Le titre : Il faut écrire le titre en gros et dans la marge il faut écrire le nom et la date. Le titre est souvent une question. Le texte : Quand on propose une expérience qui n'a pas été réalisée il faut écrire l'hypothèse et écrire les verbes à l'infinitif. Les verbes du texte sont au passé composé quand l'expérience a déjà été réalisée et là il ne faut pas écrire une hypothèse mais le résultat et la conclusion. Les schémas : Les schémas ne doivent pas être serrés au texte. Ils doivent être compréhensibles. On peut mettre des légendes aux schémas mais quand ils sont bien faits, ce n'est pas la peine d'en mettre. La conclusion : Il faut dire le résultat de l'expérience. Il ne faut jamais dire que l'expérience n'a pas marché car si cela se produit, c'est notre idée qui est insuffisante. L'expérience sert à prouver une hypothèse.

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La réécriture Certains enseignants signalent parfois les difficultés qu’ils éprouvent pour faire écrire leurs élèves, et surtout pour les faire réécrire. Cette deuxième phase semble en effet se heurter à certaines réticences de leur part. À cet égard, nous pouvons dire qu’une pratique régulière d’activités expérimentales permet de s’affranchir partiellement de la phase de réécriture1 parce qu’elle donne lieu à des réinvestissements rapides qui se produisent à l’occasion d’autres expériences. Dans le travail relaté, les élèves ont été amenés à réaliser au moins une demidouzaine d’expériences. Ainsi, munis de leur grille de critères, ils ont eu autant d’occasions d’écrire des comptes-rendus d’expérience et de les auto-évaluer. À titre d’exemple, nous présentons ci-dessous des écrits réalisés par les mêmes élèves au début et à la fin de la démarche. Leur amélioration est incontestable. Une élève de CE2 au début de la séquence.

La même élève de CE2 à la fin de la séquence.

1. La nécessité d’un toilettage syntaxique et orthographique reste cependant souvent nécessaire.

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Un élève de CM1 au début de la séquence.

Le même élève de CM1 à la fin de la séquence.

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Un élève de CM2 au début de la séquence.

Le même élève de CM2 à la fin de la séquence.

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Conclusion La maîtrise de la langue, tant orale qu’écrite, nécessite un apprentissage permanent. Les activités scientifiques ne sont pas les seules à apporter leur contribution, mais elles ont un rôle à jouer. Pour autant, il faut conserver à l’esprit qu’elles ne sont pas qu’un simple prétexte aux apprentissages langagiers. Il serait d’ailleurs étonnant que les élèves se motivent pour la rédaction de comptes-rendus d’expériences sur lesquelles ils n’auraient pas réfléchi ou, pire, qu’ils n’auraient pas réalisées eux-mêmes effectivement… En revanche, nous pensons que l’idée inverse est générale : une activité scientifique authentique nécessite l’élaboration d’écrits dont les élèves s’acquittent avec zèle et qui constitue un espace d’exercice et de réinvestissement pour les acquisitions langagières.

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