Bob Dylan

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Bob Dylan. “Hurricane” (1975). Rubin « Hurricane » Carter est un boxeur américain (poids moyen) né en 1937 dans le New Jersey. Un parcours chaotique l'a ...
Bob Dylan “Hurricane” (1975) Rubin « Hurricane » Carter est un boxeur américain (poids moyen) né en 1937 dans le New Jersey. Un parcours chaotique l’a conduit, de larcins en braquages, à intégrer un centre de correction avant de s’engager dans l’armée, d’où il est renvoyé en 1956 pour inaptitude aux activités et à la discipline militaires. Incarcéré pendant 4 ans (1958-1961) après avoir commis de multiples agressions, c’est à la prison d’Etat du New Jersey que Rubin Carter reprend goût à la boxe. Il devient professionnel et accède très vite au Top 10 de la catégorie poids moyens, sa rapidité et sa force de frappe lui valant le surnom de « Hurricane » Carter. Entre 1961 et 1964, Carter remporte 21 victoires pour 4 défaites, dont deux très vraisemblablement prononcées pour motif racial

Le combat opposant Joey Giardello, champion du monde des poids moyens et Rubin Carter, le 14 décembre 1964 à Philadelphie, pour la conquête de la ceinture mondiale. Le combat tres serré fut remporté au terme des 15 rounds par Giardello, à l’unanimité des juges.

En juin 1966, un triple homicide est perpétré dans un restaurant de Paterson, New Jersey. Le patron du « Lafayette », sa femme ainsi qu’un client sont tués par balle. Le témoignage de Patricia Valentine, résidant au deuxième étage au dessus du restaurant, associé à celui de deux malfrats (Alfred Bello et Arthur Dexter Bradley, qui s’apprêtaient à commettre un cambriolage à proximité du restaurant le soir du triple homicide), conduit rapidement la police locale à identifier un véhicule suspect et à interpeller ses deux occupants : Rubin Carter et John Artis. Le FBI s’empare alors de l’affaire. Des balles, de calibre identique à celles retrouvées sur la scène du crime, sont trouvées dans le véhicule. L’écheveau de preuves, malgré sa fragilité et la fiabilité des plus discutables des témoins, conduit un jury composé uniquement de blancs à prononcer en 1967 la triple réclusion à perpétuité pour Carter et Artis.

Rubin « Hurricane » Carter reçut, durant son incarcération, le soutien massif d’anonymes ou de personnalités réclamant la révision du procès ou l’amnistie du boxeur. Parmi eux, la chanteuse folk Joni Mitchell, le boxeur Mohammed Ali, l’écrivain-phare de la beat generation Allen Ginsberg ou encore le très populaire et contestataire songwriter Robert Zimmerman, dit Bob Dylan. Le 17 octobre 1975, 1600 manifestants se réunirent à Trenton (capitale de l’Etat du New Jersey) pour réclamer l’amnistie de Carter. En 1974, Bello et Bradley, les deux témoins-clé du procès, s’étaient rétractés et avaient admis avoir touché chacun 10 000 dollars d’un agent du FBI pour « charger » Carter et voir leurs propres délits jugés avec clémence. Le juge Larner en charge de l’affaire n’ordonna pourtant pas un nouveau procès.

La chanson « Hurricane » fut écrite en 1975 par Bob Dylan après la lecture de l’autobiographie (« The Sixteenth Round ») que Carter avait rédigé en prison et où il clamait son innocence. Dylan rendit visite à Carter au pénitencier. Il dut par ailleurs réécrire et réenregistrer « Hurricane » après en avoir modifié les paroles initiales jugées diffamatoires à l’encontre de Bradley et Bello par sa maison de disque (Columbia). Bradley et Bello y étaient en effet accusés d’être des « voleurs de cadavres ». Le morceau « Hurricane » ouvre l’album « Desire » de Dylan sorti en 1976. Plusieurs morceaux de l’album, dont « Hurricane », sont le fruit de la collaboration de Dylan avec le parolier et psychanalyste new-yorkais Jacques Lévy. La chanson « Joey » issue de cet album et de cette collaboration est consacrée au ponte de la mafia new-yorkaise Joseph Gallo).

Deux « Hurricane Night » furent même organisées, au Madison Square Garden de New York (12 août 1975) puis à Houston le 25 janvier 1976. Ces concerts caritatifs en l’honneur du boxeur emprisonné réunirent des personnalités telles Mohammed Ali, Stevie Wonder, Ringo Starr (batteur des Beatles), Carlos Santana, ou encore Stephen Stills (du groupe Crosby, Stills and Nash), et bien sûr Bob Dylan, dans le cadre de sa tournée nommée Rolling Thunder Revue (où Dylan est accompagné de nombreux artistes dont Roger McGuinn ou Joan Baez). Les fonds récoltés et l’éclairage médiatique grandissant sur l’affaire aboutissent à un nouveau procès en décembre 1976. Carter y voit sa condamnation à la perpétuité confirmée.

Le champion du monde de boxe (poids lourds) Mohammed Ali (au centre du cliché) participant à une manifestation réclamant auprès du gouverneur de l’Etat du new Jersey Brendan Byrne la levée des charges retenues contre Rubin Carter.

Malgré l’existence de critiques à l’encontre des paroles de la chanson jugées non-conformes à certains aspects de la réalité (ainsi, Dylan chante « Number one contender for the middleweight crown » alors que Rubin Carter pointait à la neuvième place au classement des poids moyens avant son incarcération….), l’affaire Carter et la chanson Hurricane illustrent bien la permanence de la question afro-américaine dans la société américaine au tournant des années 60 et 70. Dylan dénonce dans sa chanson le racisme persistant à l’encontre des noirs américains (« In Paterson that's just

the way things go. If you're black you might as well not show up on the street ») Si l’Etat du New Jersey d’où est issue Rubin Carter ne compte pas parmi les treize Etats où des lois ségrégationnistes perdurent jusqu’au milieu des années 60, Rubin Carter est très activement impliquée dans la cause des afro-américains : militant des droits civiques surveillé par le FBI, il s’affiche alternativement aux côtés du non-violent Martin Luther King, lors de la marche sur Washington en 1963, puis aux côtés du radical Malcolm X, lors d'émeutes à Harlem en 1964. La longue route vers la reconnaissance aux afroaméricains de droits égaux à ceux des autres citoyens américains a abouti à la promulgation du « Civil Rights Act » en 1964 par le Président Lyndon Johnson, qui interdit toute forme de discrimination et de ségrégation dans les lieux publics. En 1965, le « Voting Rights Act » suspend les clauses restrictives sur le droit de vote.

En novembre 1985, après 19 années d’incarcération, Rubin Carter est enfin libéré. Le juge fédéral Lee Sarokin, dénonçant le second procès et la profonde partialité de l'accusation qui avait eu recours à «de graves violations constitutionnelles», se fondant «sur le racisme plutôt que sur la raison», ordonne la libération immédiate de Carter, «au nom de la simple décence ». Rappelons que le 14ème amendement de la Constitution américaine, ratifié en 1868 afin de garantir les droits des anciens esclaves, stipule que « All persons born or

naturalized in the United States, and subject to the jurisdiction thereof, are citizens of the United States and of the State wherein they reside. No State shall make or enforce any law which shall abridge the privileges or immunities of citizens of the United States; nor shall any State deprive any person of life, liberty, or property, without due process of law; nor deny to any person within its jurisdiction the equal protection of the laws”. En février 1988, Rubin Carter bénéficie d'un non-lieu et émigre au Canada. Il préside de 1997 à 2005 une association pour la défense des condamnés à tort, milite contre la peine de mort et continue à se battre pour que son innocence soit reconnue.

Ressources complémentaires : * le morceau « Hurricane » de Dylan : http://www.live-e.tv/video-prilog/etv-06-06-2010/bob-dylan-hurricane * Une vidéo d’un combat de 1963 entre « Hurricane Carter » et Georges Benton : http://www.youtube.com/watch?v=T-S-ng23OXg * Le film « Hurricane Carter » de Norman Jewison (1999) avec Denzel Washington dans le rôle-titre s’inspire de l’histoire de Rubin Carter. La vidéo suivante reprend des extraits du film mis en musique par le « Hurricane » de Dylan : http://www.myvideo.de/watch/457144/Bob_Dylan_Hurricane * Les paroles de « Hurricane » (Bob Dylan) (Source : http://www.bobdylan-fr.com/trad/hurricane.html)