Caractérisation et détection par des méthodes ...

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Je voudrais également exprimer ma gratitude aux Drs Éric Leblanc, Régis Peytavi, ...... Allard (NRC), Liviu Clime (NRC), Karel Boissinot (CRI), Sébastien ...
CARACTÉRISATION ET DÉTECTION PAR DES MÉTHODES GÉNOTYPIQUES DES AGENTS BACTÉRIENS AÉROPORTÉS ASSOCIÉS AU BIOTERRORISME

Thèse

SANDRA ISABEL

Doctorat en microbiologie-immunologie Philosophiae doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Sandra Isabel, 2013

ii

Résumé

C

ette thèse de doctorat présente quatre études portant sur la détection des agents bactériens aéroportés associés au bioterrorisme. Tout d‘abord, un

rappel historique des guerres biologiques et du bioterrorisme permettra de mieux comprendre cette menace. Pour cibler la problématique actuelle, les agents biologiques, les procédures d‘intervention des organisations de sécurité et de santé publique ainsi que les méthodes de détection seront ensuite introduites. La capacité de détection rapide des agents biologiques est une des lacunes importantes des procédures d‘intervention. La détection et l‘identification de ces agents biologiques nécessitent plusieurs étapes critiques interreliées. Elles consistent en l‘échantillonnage, la préparation des analytes contenues dans des matrices complexes et finalement l‘identification du micro-organisme en décodant des

macromolécules

signatures,

et

ce,

notamment

par

des

méthodes

génotypiques. Certaines particules peuvent potentiellement être employées pour la préparation d‘armes biologiques aéroportées. De plus, des poudres inoffensives (p. ex., farine) peuvent être utilisées pour terroriser certains individus, des organisations ou la population. Ces composés peuvent toutefois interférer avec les méthodes de détection moléculaire. C‘est pourquoi la première étude traite de l‘interférence sur la détection par la PCR de 23 échantillons poudreux ou environnementaux autres. Cet article présente une méthode séparant des spores de Bacillus de matrices poudreuses afin d‘enlever ces particules nuisibles à la détection. La procédure conceptualisée est simple d‘exécution (10 étapes), rapide (≤ 10 minutes), peu coûteuse (~ 10 $) et permet de traiter une plus grande variété d‘échantillons par rapport à l‘art antérieur. En second lieu, une lyse de spores bactériennes basée sur la sonication rapide (45 secondes) a permis d‘extraire

iii

l‘ADN génomique avec des rendements comparables à une autre méthode de lyse commercialisée performante nécessitant cinq minutes. Le Module fluidique de lyse ultrasonique a été confectionné pour être décontaminé et transféré d‘une zone contaminée à une zone sécurisée, ce qui est un avantage important dans le contexte du bioterrorisme. Le troisième projet concerne le développement d‘un essai de détection basé sur l‘amplification PCR de type large spectre du gène tuf et l‘identification sur biopuce de séquences d‘ADN signatures grâce à une hybridation en microfluidique. Cet essai a permis de détecter rapidement (75 minutes) 12 des 13 agents bactériens aéroportés associés au bioterrorisme listés par les CDC. Finalement, les analyses de séquences du gène cible, tuf, chez le genre Yersinia, ont montré un haut niveau de divergence entre les gènes dupliqués intragénomiques, tufA et tufB (8,3 à 16,2 %). Ce résultat inattendu pourrait montrer les circonstances particulières permettant à des gènes dupliqués d‘acquérir de nouvelles fonctions. De plus, cette étude a permis de faire une analyse phylogénétique de 14 des 17 espèces décrites du genre Yersinia et d‘apporter des informations sur leur classification taxonomique. Prochainement, il serait intéressant de juxtaposer les différentes étapes de détection des agents biologiques présentées ici dans un système intégré d‘analyse totale. Par conséquent, l‘automatisation pourrait faciliter leur utilisation sur le terrain pour détecter et identifier rapidement (~1 h) des agents biologiques associés au bioterrorisme permettant de prendre en charge les victimes plus efficacement et de contribuer à enrayer la propagation.

iv

Abstract

T

his doctoral thesis presents four studies regarding the detection of airborne bacterial biothreat agents. First of all, a historical review of biological warfare

and bioterrorism will allow for better understanding of this threat. To focus on the current problematic, biological agents, intervention procedures of public security and health organisations, as well as detection methods will then be introduced. The lack of systems for the reliable and rapid detection of biological agents is an important limitation of intervention procedures. Many interrelated steps are required to detect and identify biological agents. They consist of sampling, sample matrix processing, and finally, microbial identification by decoding macromolecule signatures, notably using genotyping methods. Some particles potentially employed to produce airborne biological weapons could interfere with molecular detection methods. Moreover, inoffensive powders (e.g. flour) can be used as hoaxes to terrorise individuals, organisations, or the population. Therefore, the first article studied the interference on PCR detection of 23 powdery or other environmental samples. This study presents a method to separate Bacillus spores from powdery matrices to alleviate the impact of these interfering compounds. The developed procedure is fast (≤10 minutes), inexpensive (~ 10$), allows easy handling (10 steps) and treatment of a wider sample variety compared to prior art. Secondly, a bacterial spore lysis based on rapid sonication (45 seconds) allowed extraction of genomic DNA in yields comparable to a robust commercialised lysis procedure requiring 5 minutes. The Fluidic Ultrasonic Lysis Module can be decontaminated and transferred from a contaminated to a secured area, which is advantageous in the context of bioterrorism. The third project shows the development of a detection assay based on a bacterial broad-spectrum PCR

v

amplification of the target gene tuf and the identification of signature DNA sequences using a microfluidic microarray system. This assay allowed the rapid (75 minutes) detection of 12 of the 13 airborne bacterial biothreat agents listed by the CDC. Finally, analyses of tuf gene sequences from the Yersinia genus showed a high level of divergence between intra-genomic tufA and tufB sequences (8.3 to 16.2 %). This unexpected result could reveal particular circumstances allowing duplicated genes to acquire new functions. Moreover, this study allowed a phylogenetic analysis of 14 of the 17 described Yersinia species and added information about their taxonomical classification. In the near future, it would be interesting to combine the different biothreat detection steps presented here into a total analysis system. Hence, automation could facilitate its utilisation in the field to detect and identify (~1 h) biothreat agents resulting in more efficient medical management of victims and contribute to stop propagation.

vi

Avant-propos

Il s‘agit d‘une thèse en version électronique. De ce fait, vous pourrez accéder à certaines informations par des hyperliens qui vous redirigeront vers les sites Internet concernés ou bien vers de l‘information contenue ailleurs dans le document. Chaque type de lien a son propre code de couleur. Voici la liste des types de lien que vous rencontrerez dans cette thèse : 

Références bibliographiques : (Référence 2012). o Ce lien vous redirigera vers la bibliographie à la fin de la thèse. À cet endroit, pour les références électroniques, vous retrouverez un hyperlien vers le site de publication de celles-ci ou du site Internet concerné. Pour les documents non disponibles électroniquement, le numéro de référence ISBN sera accessible.



Tableaux et figures inclus dans le document : (Tableau) et (Figure). o Ce lien vous redirigera vers le tableau ou la figure dont il est question dans le texte.



Tableaux et figures d‘articles déjà publiés : En ligne : (Tableau) et (Figure). o Certains tableaux ou certaines figures ont déjà été publiés en haute définition. Ceux-ci sont disponibles sur le site Internet de publication. Ce lien vous redirigera à cet endroit.



Redirection vers un site Internet : www.redirection.com o Certains liens externes seront inclus dans le texte lorsque pertinents.

vii

Information sur les publications

Les informations sur les publications et la contribution de l‘étudiante à ces publications seront décrites au début de chacun des chapitres correspondants. Chapitre 3 Rapid Filtration Separation-Based Sample Preparation Method for Bacillus Spores in Powdery and Environmental Matrices Chapitre 4 Modular Ultrasonic Lysis System for Rapid Nucleic Acid Extraction and Sample Transfer of Bacillus spores Chapitre 5 Rapid Microarray Microfluidic Screening of Twelve Airborne Bacterial Biothreat Agents Chapitre 6 Divergence among Genes Encoding the Elongation Factor Tu of Yersinia Species

Les tableaux et les figures d‘articles déjà publiés ont été renumérotés afin d‘en faciliter le suivi tout au long de cette thèse. Cependant, le numéro original est indiqué en italique et entre crochets. Par exemple, Tableau 6 [Table 1] signifie qu‘il s‘agit du sixième tableau inclus dans la thèse et du premier tableau présenté dans la publication originale.

viii

Remerciements

J

e voudrais tout d‘abord remercier le Dr Michel G. Bergeron pour l‘opportunité qu‘il m‘a offerte ainsi que la motivation qui l‘anime et qu‘il a su me transmettre. Je tiens également à remercier mon codirecteur de thèse, le D r Maurice Boissinot, pour son sens critique ayant grandement amélioré ma formation scientifique. Je voudrais également exprimer ma gratitude aux Drs Éric Leblanc, Régis Peytavi, François Picard, Gale Stewart, Luc Bissonnette, Ann Huletsky et Sachiko Sato pour leur encadrement dans mes projets de recherche. Je tiens à souligner mon appréciation envers tous les membres de l‘EDM et du CRI, nos collaborateurs de l‘IMI, du COPL, du CERMA, du DRDC, de la GRC et du LNM avec qui j‘ai eu des discussions passionnantes et l‘honneur de collaborer. J‘adresse mes remerciements à plusieurs chercheurs et équipes de recherche qui m‘ont procuré des ADN génomiques de bonne qualité m‘ayant permis de compléter mes recherches doctorales, dont les Drs Douglas E. Bader, Robert R. Brubaker, Louis Bryden, Thomas A. Ficht, Katsuya Hirai, Sharon Peacock, Didier Raoult, Heidi Wood, Donald E. Woods, Daisy Vanrompay et Tina Zimmerman. Je tiens à remercier les Fonds de la recherche en santé du Québec et la Fondation Dr George Phoenix pour leur support financier m‘ayant permis de réaliser ces projets de recherche. Je voudrais également remercier chaleureusement mes parents, Lise et Clément, et toute ma famille, particulièrement Karel, Manon, Marc, David, Valérie, Lynn et Paul ainsi que tous mes amis, notamment Isabelle, Faye, Keith et Anne-Renée, pour leur support et leurs encouragements au cours de ces nombreuses années d‘études. Vous m‘êtes tous très précieux. Je tiens finalement à remercier Manon Tétreault qui m‘a aidée à réaliser la mise en page conviviale et certaines figures présentées dans cette thèse.

ix

À ma mère pour son soutien et son amour inconditionnels

Table des matières

Résumé ................................................................................................................... iii Abstract .................................................................................................................... v Avant-propos .......................................................................................................... vii Remerciements ....................................................................................................... ix Table des matières .................................................................................................. xi Liste des figures ................................................................................................... xvii Liste des tableaux ................................................................................................. xix Liste des abréviations ............................................................................................ xx Liste des abréviations des espèces bactériennes ................................................ xxii 1. Le bioterrorisme .................................................................................................. 1 1.1 Historique des guerres biologiques et du bioterrorisme ................................. 4 1.1.1 De l‘Antiquité à la théorie des germes ..................................................... 7 1.1.2 Au 20e siècle : guerres, armement et traités ............................................ 8 1.1.3 Au 21e siècle : la menace terroriste et les canulars ............................... 11 1.1.4 Apprentissage des évènements passés ................................................ 12 1.2 Les agents biologiques ................................................................................ 14 1.2.1 La sélection des agents biologiques prioritaires par les autorités .......... 14 1.2.2 Diversité des agents biologiques prioritaires ......................................... 19 1.2.3 Modes de dissémination ........................................................................ 24 1.2.4 Les agents bactériens aéroportés sélectionnés pour cette thèse .......... 28 1.3 La préparation contre le bioterrorisme ......................................................... 32 1.3.1 Procédures d‘intervention à la suite d‘un acte bioterroriste ................... 32 1.4 La détection et l‘identification des agents biologiques ................................. 39 1.4.1 Les critères de performance clinique de tests diagnostiques ................ 40 1.4.2 Les critères analytiques d‘un test de détection des agents biologiques. 42 1.4.3 Les défis particuliers au bioterrorisme ................................................... 43 2 Hypothèses et objectifs de recherche ............................................................... 59 2.1 Problématique de la détection des agents biologiques ................................ 60 xi

2.2 Hypothèses de recherche ............................................................................ 61 2.3 Objectifs de recherche ................................................................................. 63 2.4 Aperçu des résultats et contribution scientifique .......................................... 64 3 Méthode de préparation d‘échantillons de poudres suspectes et autres échantillons environnementaux basée sur la filtration ....................................... 66 3.1 Résumé ........................................................................................................ 69 3.2 Abstract ........................................................................................................ 70 3.3 Introduction .................................................................................................. 71 3.4 Materials and methods ................................................................................. 74 3.4.1 Samples studied. ................................................................................... 74 3.4.2 Spore and DNA preparations. ................................................................ 75 3.4.3 Real-time PCR assay. ............................................................................ 75 3.4.4 Prefiltration evaluation. .......................................................................... 76 3.4.5 Removal of soluble and insoluble compounds. ...................................... 77 3.4.6 Spore capture and recovery step. .......................................................... 78 3.4.7 DARE procedure. ................................................................................... 78 3.4.8 Spore recovery. ...................................................................................... 79 3.4.9 PCR detection efficiency. ....................................................................... 79 3.4.10

Imaging of spores and filters. ........................................................... 80

3.5 Results ......................................................................................................... 82 3.5.1 Selection of samples for study. .............................................................. 82 3.5.2 Selection of a filter for removal of insoluble particles. ............................ 82 3.5.3 Removal of soluble and insoluble compounds. ...................................... 83 3.5.4 Evaluation of the spore capture and recovery step. ............................... 85 3.5.5 Evaluation of spore recovery.................................................................. 86 3.5.6 Efficiency of spore DNA detection after the DARE procedure................ 86 3.5.7 Spore penetration in filters ..................................................................... 87 3.6 Discussion .................................................................................................... 89 3.7 Acknowledgments ........................................................................................ 93 3.8 References ................................................................................................... 94 3.9 Tables .......................................................................................................... 96 3.10

Figures .................................................................................................... 99

4 Système modulaire de lyse ultrasonique pour l‘extraction rapide d‘acides nucléiques de spores de Bacillus et le transfert d‘échantillons ........................ 101 4.1 Résumé ...................................................................................................... 104 xii

4.2 Abstract ..................................................................................................... 105 4.3 Introduction ................................................................................................ 106 4.4 Materials and methods .............................................................................. 108 4.4.1 Equipment design and function ........................................................... 108 4.4.2 Preparation of spores .......................................................................... 109 4.4.3 DNA extraction .................................................................................... 109 4.4.4 Analysis of DNA extracts ..................................................................... 110 4.4.5 DNA fragmentation .............................................................................. 110 4.4.6 Fluorescence imaging ......................................................................... 111 4.4.7 Decontamination of the FULM ............................................................. 111 4.4.8 Simulated detection of Bacillus spores in suspect powders ................ 112 4.5 Results....................................................................................................... 113 4.5.1 FULM operation and volume handling ................................................. 113 4.5.2 DNA extraction and fragmentation....................................................... 113 4.5.3 Imaging of disrupted spores ................................................................ 114 4.5.4 Decontamination of the FULM ............................................................. 115 4.5.5 Simulated detection of Bacillus spores in suspect powders ................ 116 4.6 Discussion ................................................................................................. 117 4.6.1 Performance of FULM for spore lysis and DNA extraction .................. 117 4.6.2 Effect of the stainless steel interface ................................................... 117 4.6.3 DNA fragmentation .............................................................................. 119 4.6.4 Simulation of field testing ..................................................................... 119 4.7 Conclusions ............................................................................................... 121 4.8 Acknowledgment ....................................................................................... 122 4.9 References ................................................................................................ 123 4.10

Figures .................................................................................................. 125

5 Développement d‘un essai sur puce à ADN en microfluidique pour la détection et l‘identification de 12 agents bactériens aéroportés associés au bioterrorisme ........................................................................................................................ 128 5.1 Résumé ..................................................................................................... 132 5.2 Abstract ..................................................................................................... 133 5.3 Introduction ................................................................................................ 134 5.4 Materials and methods .............................................................................. 136 5.4.1 Bacterial isolates and genomic DNA preparation. ............................... 136

xiii

5.4.2 Construction of a tuf gene database from complete genome sequences............................................................................................ 136 5.4.3 Design of primers and probes. ............................................................. 137 5.4.4 PCR amplification and exonuclease digestion. .................................... 138 5.4.5 Microfluidic-microarray hybridization. ................................................... 139 5.4.6 Microarray data acquisition and analysis. ............................................ 140 5.5 Result ......................................................................................................... 142 5.5.1 Analysis of the tuf gene region, primer and probe selection. ............... 142 5.5.2 Analytical sensitivity of the CABBA assay ............................................ 144 5.5.3 Analytical specificity of the CABBA assay ............................................ 144 5.6 Discusion ................................................................................................... 146 5.6.1 Evolutionary relationships of tuf sequences ......................................... 146 5.6.2 Biased-broad-spectrum amplification ................................................... 146 5.6.3 Limitation of conserved gene targets ................................................... 147 5.6.4 Possible practical application of the CABBA assay. ............................. 148 5.6.5 Comparison to other biothreat agent detection assays. ....................... 149 5.7 Conclusion ................................................................................................. 150 5.8 Ackowledgments ........................................................................................ 151 5.9 References ................................................................................................. 152 5.10

Tables and figures ................................................................................. 156

6 Divergence du gène codant pour le facteur d‘élongation Tu des espèces du genre Yersinia ................................................................................................. 161 6.1 Résumé ...................................................................................................... 165 6.2 Abstract ...................................................................................................... 166 6.3 Introduction ................................................................................................ 167 6.4 Materials and methods ............................................................................... 170 6.4.1 Bacterial strains ................................................................................... 170 6.4.2 DNA isolation ....................................................................................... 170 6.4.3 Primer design ....................................................................................... 173 6.4.4 Sequencing of tufA and tufB genes...................................................... 173 6.4.5 Phylogenetic analyses ......................................................................... 174 6.4.6 Nucleotide sequence accession numbers ............................................ 176 6.5 Results ....................................................................................................... 177 6.5.1 tufA and tufB gene similarities.............................................................. 177 6.5.2 Phylogenetic tree ................................................................................. 178 xiv

6.5.3 Phylogenetic network .......................................................................... 179 6.5.4 Yersinia species .................................................................................. 186 6.6 Discussion ................................................................................................. 188 6.7 Acknowledgments...................................................................................... 195 6.8 References ................................................................................................ 196 7 Discussion générale........................................................................................ 201 7.1 Retour sur les objectifs de recherche ........................................................ 202 7.2 Méthode de préparation d‘analytes à partir d‘échantillons de poudres suspectes ou environnementaux ............................................................... 203 7.2.1 Étude des échantillons fréquemment recueillis.................................... 203 7.2.2 Art antérieur et objectifs ....................................................................... 204 7.2.3 Les filtres sélectionnés et perspectives ............................................... 205 7.2.4 Perspectives : traitement d‘autres échantillons.................................... 206 7.2.5 Transportabilité et automatisation........................................................ 207 7.3 Système modulaire de lyse ultrasonique pour l‘extraction d‘acides nucléiques et le transfert d‘échantillon ......................................................................... 208 7.3.1 Art antérieur et direction du projet ....................................................... 208 7.3.2 L‘interface en acier inoxydable, un avantage ...................................... 208 7.3.3 Transfert sécuritaire du FULM et perspective ...................................... 209 7.4 Développement d‘un essai sur puce à ADN pour la détection et l‘identification des agents bactériens associés au bioterrorisme ............... 210 7.4.1 Art antérieur et objectifs de recherche ................................................. 210 7.4.2 Défi de design : la diversité biologique ................................................ 211 7.4.3 Les avantages, limitations et perspectives de l‘essai CABBA ............. 212 7.4.4 Puces à ADN, perspectives ................................................................. 214 7.5 Divergence du gène codant pour le facteur d‘élongation Tu des espèces du genre Yersinia ........................................................................................... 217 7.5.1 Découverte inattendue et objectifs ...................................................... 217 7.5.2 Résultats obtenus à la suite de la publication de l‘article ..................... 217 7.5.3 Analyses phylogénétiques de pointe ................................................... 218 7.5.4 L‘évolution du vivant, perspectives ...................................................... 219 7.5.5 Fonctions de EF-TuA et EF-TuB, perspectives ................................... 219 7.5.6 Tolérance aux antibiotiques, perspectives ........................................... 220 7.6 Perspectives générales du projet doctoral ................................................. 222 8 Conclusion ...................................................................................................... 224 xv

Annexe 1 ............................................................................................................. 226 Historique des guerres biologiques et du bioterrorisme : biohazard ou psychohazard ? ............................................................................................... 226 De l‘Antiquité à la théorie des germes.............................................................. 227 Au 20e siècle .................................................................................................... 230 Au 21e siècle .................................................................................................... 235 Annexe 2 ............................................................................................................. 238 Figures supplémentaires à l‘article présenté au Chapitre 3 ................................. 238 Annexe 3 ............................................................................................................. 245 Tableaux supplémentaires à l‘article présenté au Chapitre 5 .............................. 245 Annexe 4 ............................................................................................................. 252 Analyses phylogénétiques supplémentaires à l‘article présenté au Chapitre 6 ... 252 Bibliographie ........................................................................................................ 259

xvi

Liste des figures

Figure 1. Ligne du temps d‘évènements marquants au sujet des armes biologiques de l‘Antiquité à aujourd‘hui. .............................................................................. 6 Figure 2. Modes de dissémination des agents biologiques. .................................. 25 Figure 3. Schéma de l‘arbre pulmonaire, des diamètres (D) des voies respiratoires et des diamètres (D) approximatifs des micro-organismes y pénétrant. ........ 28 Figure 4. Modèle schématique illustrant les fenêtres d‘utilisation des tests de détection et diagnostiques lors des procédures à la suite d‘une attaque bioterroriste. ................................................................................................... 36 Figure 5. Modèle schématique de la propagation des agents biologiques en fonction de leur détection et de leur contagion............................................... 38 Figure 6. Principes de détection des macromolécules signatures des agents biologiques. .................................................................................................... 40 Figure 7. Les quatre points cardinaux analytiques d‘un test diagnostique. ........... 42 Figure 8. Principes méthodologiques de la préparation des analytes. ................. 47 Figure 9. Représentation schématique d‘une puce, ou microdamier, à ADN en deux dimensions. ........................................................................................... 54 Figure 10. Design d‘amorces d‘amplification à large spectre et de sondes de capture spécifiques utilisant les gènes conservés. ........................................ 56 Figure 11. Représentation schématique de la plateforme pour l‘hybridation rapide sur puce à ADN en microfluidique. ................................................................. 57 Figure 12. Procédure pour réaliser un essai de détection des agents biologiques sur puce à ADN.............................................................................................. 61 Figure 13 [Figure 1]. DARE procedure and DNA extraction. ............................... 99 Figure 14 [Figure 2]. Penetration and expulsion of bacterial spores in the 0.45-µmpore-size filters............................................................................................. 100 Figure 15. Design and configuration of the FULM. .............................................. 125 Figure 16. Effect of sonication time on the concentration of genomic DNA extracted from spores of B. atrophaeus. ...................................................................... 126 Figure 17. Confocal microscopy image revealing the damage inferred to FITClabeled spores of B. atrophaeus upon exposure to ultrasound for 2 × 15 s. 127

xvii

Figure 18. tuf gene sequence variability for 12 CABBA using the SVARAP program. ....................................................................................................... 157 Figure 19 [Figure 1]. Phylogenetic trees for tufA and tufB nucleic acid sequences from Yersinia and non-Yersinia enterobacterial strains. ............................... 184 Figure 20 [Figure 2]. Phylogenetic network for tufA and tufB nucleic acid sequences from Yersinia and non-Yersinia enterobacterial strains. ............. 185 Figure 21. Le nombre de publications au sujet des technologies basées sur l‘analyse des acides nucléiques. .................................................................. 216 Figure 22. Système intégré d‘analyse totale microfluidique rotatoire permettant le traitement de a) l‘échantillon (macrovolume), b) la lyse microbienne (microvolume), c) l‘amplification d‘ADN, d) et l‘hybridation sur puce à ADN. 223 Figure 23. Schéma de la trousse DARE. ............................................................. 239 Figure 24. Protocole des procédures DARE et de lyse et fonction(s) de chaque étape entre parenthèses............................................................................... 240 Figure 25. Diamètres des micro-organismes aéroportés associés au bioterrorisme, poudres et autres référentiels en comparaison avec ceux des pores des filtres sélectionnés. ................................................................................................ 241 Figure 26. Visualisation des filtres sélectionnés en microscopie optique. ........... 242 Figure 27. Représentation virtuelle du positionnement des spores dans les filtres avec la taille des pores de 0,45 µm. ............................................................. 243 Figure 28. Schéma analytique présentant le nombre d‘échantillons sur les 23 analysés interférant avec la lyse bactérienne ou la PCR. ............................ 244 Figure 29. Arbre phylogénétique des séquences du gène tuf du genre Yersinia de Paradis et al. (2005) et de génomes. ........................................................... 253 Figure 30. Arbre phylogénétique des séquences d‘acides nucléiques des gènes tufA et tufB des souches du genre Yersinia, incluant Y. massiliensis, Y. similis et d‘autres de la famille Enterobacteriaceae................................................. 255 Figure 31. Arbre phylogénétique du programme fastDNAml des séquences en acides nucléiques de 51 souches de Yersinia, de 8 autres espèces d‘Enterobacteriaceae et enraciné avec V. cholerae. .................................... 256 Figure 32. Arbre phylogénétique des copies multiples du gène 16S rDNA de Y. enterocolitica, Y. pestis et E. coli. ............................................................ 257 Figure 33. Arbre phylogénétique des copies multiples du gène 23S rDNA de Y. enterocolitica, Y. pestis et E. coli. ................................................................. 258

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Liste des tableaux

Tableau 1. Travaux d‘armement biologique de plusieurs pays. ............................ 10 Tableau 2. Agents biologiques prioritaires du bioterrorisme selon les CDC et le NIAID et leurs pathologies. ............................................................................ 16 Tableau 3. Classification taxonomique des agents biologiques prioritaires du CDC et du NIAID. ................................................................................................... 21 Tableau 4. Caractéristiques et pathologies des agents bactériens aéroportés. .... 30 Tableau 5. Tableau de contingence pour l‘évaluation des critères cliniques d‘un test diagnostique. ........................................................................................... 41 Tableau 6 [Table 1]. Interference of powdery and environmental samples, without treatment or after treatment, with PCR and lysis. ........................................... 96 Tableau 7 [Table 2]. Percentages of bacterial spore recovery after filtration steps. ....................................................................................................................... 97 Tableau 8 [Table 3]. PCR efficiency without treatment and with the DARE procedure and detection thresholds. .............................................................. 98 Tableau 9. CABBA and diseases. ....................................................................... 156 Tableau 10. Biased-broad-spectrum PCR primers used for amplification of tuf gene of 12 CABBA. ............................................................................................... 158 Tableau 11. CABBA assay capture probes and hybridization results for each capture probe using low quantity of gDNA. .................................................. 159 Tableau 12. Specificity of microarray probes, results of hybridization of all CABBA and 40 other species. ................................................................................... 160 Tableau 13 [Table 1]. Yersinia strains used in this studya. ................................ 171 Tableau 14 [Table 2]. tuf sequence variations in Yersiniaa. ............................... 181 Tableau 15 [Table 3]. Interspecies variations of tuf sequences in Yersinia. ...... 182 Tableau 16. GeneBank Accession numbers from which tuf gene sequences were retrieved. ...................................................................................................... 246 Tableau 17. Number of strains from which genome sequences were available, and tuf gene sequences were retreived or not. ................................................... 251

xix

Liste des abréviations

ADN : acide désoxyribonucléique AN : acide nucléique ARN : acide ribonucléique ARNr 16S : Sous-unité 16S de l‘acide ribonucléique ribosomique ATP : adénosine triphosphate bp : base pair BoNT : neurotoxine botulinique BSL : biosafety level, niveaux de biosécurité de 1 à 4, 1 étant le niveau le plus faible et 4 le plus élevé1 CDC : Centers for Disease Control and Prevention (Atlanta, Géorgie, États-Unis) CFU : unité formant des colonies CMIU : Centre de mesures et d‘interventions d‘urgence de Santé Canada CLSI : Clinical and Laboratory Standards Institutes CNS : Center for Nonproliferation Studies, Monterey Institute of International Studies (Monterey, Californie) DL50 : dose létale 50 % FBI : Federal Bureau of Investigation (Washington, D. C., États-Unis) FITC : isothiocyanate de fluorescéine FN : faux négatif FP : faux positif GRC : Gendarmerie royale du Canada (Ottawa, ON, Canada) ICTV : International Committee on Taxonomy of Viruses IMI : Conseil national de recherches Canada - Institut des matériaux industriels (Boucherville, QC, Canada) Interpol : Organisation internationale de la police criminelle (Lyon, France) i.p. : intrapéritonéale i.v. : intraveineuse 1

http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/lbg-ldmbl-04/

xx

LNM : Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada (Winnipeg, MA, Canada) LPM : litre par minute LRN : Laboratory Response Network dirigé par les CDC (Atlanta, Géorgie, ÉtatsUnis) LSPQ : Laboratoire de santé publique du Québec, Institut national de santé publique du Québec (Sainte-Anne-de-Bellevue, QC, Canada) MCL : Maximum Composite Likelihood NIAID : National Institute of Allergy and Infectious Diseases, National Institute of Health (Bethesda, Maryland, États-Unis) NSABB : National Science Advisory Board for Biosecurity OMS : Organisation mondiale de la santé (Genève, Suisse) pb : paire de bases PCR : Réaction de polymérase en chaîne Q50 : dose infectieuse nécessaire afin d‘infecter 50 % des humains exposés sur 1 km2 de surface (mesure standard utilisée par l‘agence Biopreparat). s.c. : sous-cutané SNA : système nerveux autonome SNC : système nerveux central SRAS-CoV : Syndrome respiratoire aigu sévère – Coronavirus U.R.S.S. : Union des républiques socialistes soviétiques USAMRIID : United States Army Medical Research Institute of Infectious Diseases (Fort Detrick, Maryland, États-Unis) µTAS : Micro Total Analysis System (micro-système d‘analyse totale) VIH : virus de l‘immunodéficience humain VN : vrai négatif VP : vrai positif VPP : valeur prédictive positive VPN : valeur prédictive négative

xxi

Liste des abréviations des espèces bactériennes

B. abortus : Brucella abortus B. anthracis : Bacillus anthracis B. atrophaeus : Bacillus atrophaeus B. canis : Brucella canis B. cepacia : Burkholderia cepacia B. cereus : Bacillus cereus B. mallei : Burkholderia mallei B. melitensis : Brucella melitensis B. pseudomallei : Burkholderia pseudomallei B. subtilis : Bacillus subtilis B. suis : Brucella suis C. botulinum : Clostridium botulinum C. burnetii : Coxiella burnetii C. perfringens : Clostridium perfringens C. psittaci : Chlamydophila psittaci C. septicum : Clostridium septicum C. sporogenes : Clostridium sporogenes C. tetani : Clostridium tetani E. agglomerans : Enterobacter agglomerans E. carotovora : Erwinia carotovora E. coli : Escherichia coli E. vulneris : Escherichia vulneris F. philomiragia : Francisella philomiragia F. tularensis : Francisella tularensis H. alvei : Hafnia alvei K. pneumoniae : Klebsiella pneumoniae L. pneumophila : Legionella pneumophila M. avium : Mycobacterium avium M. kansasii : Mycobacterium kansasii M. terrae : Mycobacterium terrae M. tuberculosis : Mycobacterium tuberculosis N. meningitidis : Neisseria meningitidis O. anthropi : Ochrobacterium anthropi O. proteus : Obesumbacterium proteus xxii

P. aeruginosa : Pseudomonas aeruginosa P. luminescens : Photorhabdus luminescens P. shigelloides : Plesiomonas shigelloides R. akari : Rickettsia akari R. conorii : Rickettsia conorii R. felis : Rickettsia felis R. prowazekii : Rickettsia prowazekii R. rickettsii : Rickettsia rickettsii R. typhi : Rickettsia typhi S. aureus : Staphylococcus aureus S. enterica : Salmonella enterica S. fonticola : Serratia fonticola S. flexneri : Shigella flexneri S. marcescens : Serratia marcescens V. cholerae : Vibrio cholerae W. persica : Wolbachia persica Y. aldovae : Yersinia aldovae Y. aleksiciae : Yersinia aleksiciae Y. bercovieri : Yersinia bercovieri Y. enterocolitica : Yersinia enterocolitica Y. frederiksenii : Yersinia frederiksenii Y. intermedia : Yersinia intermedia Y. kristensenii : Yersinia kristensenii Y. massiliensis : Yersinia massiliensis Y. mollaretii : Yersinia mollaretii Y. pestis : Yersinia pestis Y. pseudotuberculosis : Yersinia pseudotuberculosis Y. regensburgei : Yokenella regensburgei Y. similis : Yersinia similis Y. rohdei : Yersinia rohdei Y. ruckeri : Yersinia ruckeri

xxiii

1. Le bioterrorisme

P

lusieurs romans et films ont abordé les effets dévastateurs de la propagation accidentelle ou volontaire de souches microbiennes hautement infectieuses

dans

la

population.

Ces

scénarios

catastrophiques fictifs ainsi

que

la

reconnaissance de la subtilité des armes biologiques, souvent invisibles à l‘œil nu et pernicieuses, ont non seulement conscientisé la population mondiale, mais de surcroît augmenté sa peur face à ce type d‘armes. Par conséquent, un questionnement quant à la part de réalité, de propagande et de fiction s‘impose. Le bioterrorisme et les guerres biologiques ont en commun l‘utilisation d‘agents biologiques, organismes vivants ou leurs toxines, afin d‘infliger la mort ou bien la maladie à des êtres humains, des animaux ou des plantes (CDC 2007). Les armes biologiques sont quant à elles constituées principalement d‘un agent biologique, d‘une munition (contenant pour la conservation), d‘un système de transport ainsi que d‘un mécanisme de dissémination (Zilinskas 1997). Le concept de guerre biologique s‘applique à l‘utilisation d‘armes biologiques à des fins stratégiques durant un conflit armé entre nations. Commis par des organisations ou des individus, souvent radicaux, dans le but de faire avancer leur cause, le bioterrorisme mise davantage sur l‘aspect symbolique que stratégique de l‘acte. Interpol met d‘ailleurs l‘emphase sur l‘aspect biopsychosocial et politique dans la définition qu‘elle donne du bioterrorisme : « Bioterrorism refers to the intentional release of biologic agents or toxins for the purpose of harming and killing humans, animals or plants with the intent to intimidate or coerce a government or civilian population to further political or social objectives » (Interpol 2007). De plus, selon les Nations Unies, « Les armes biologiques sont nettement plus faciles à fabriquer que les armes chimiques ou nucléaires et coûtent beaucoup moins cher. Tout pays ou tout groupe infraétatique déterminé à fabriquer un agent biologique peut probablement le faire avec un investissement minimal et, même si la diffusion des agents biologiques est difficile, certains moyens de dissémination peuvent être obtenus assez facilement » (Organisation des Nations Unies (ONU) 2012). 2

Les armes biologiques sont donc classées parmi les armes de destruction massive accessibles et certains individus, certaines organisations et certains états pourraient en tirer avantage. C‘est pourquoi il est important de comprendre comment les armes biologiques ont été utilisées dans le passé, sans glisser dans la fiction ou la propagande, afin de se protéger à l‘avenir. Je ferai donc un tour d‘horizon relatant certains faits historiques qui permettront de comprendre davantage le bioterrorisme et les guerres biologiques ainsi que d‘orienter les travaux présentés dans cette thèse.

3

1.1 Historique des guerres biologiques et du bioterrorisme L‘utilisation d‘armes biologiques est survenue plutôt rarement dans les conflits armés ou lors d‘actes terroristes comparativement à d‘autres types d‘arsenal. En fait, de 1900 à 2001, 77 « actes » biologiques ont été répertoriés dans la base de données sur le terrorisme du Center for Nonproliferation Studies (CNS) du Monterey Institute of International Studies (Carus 2001; Leitenberg 2001; Zilinskas et al. 2004). En scrutant la littérature historique plus ancienne, on constate que d‘autres actes utilisant des agents biologiques ont été retracés (Berche 2009; Christopher et al. 1997; Lutwick et Lutwick 2009; Mayor 2003; Riedel 2004). J‘ai donc élaboré une ligne du temps permettant de comprendre la chronologie d‘évènements marquants au sujet des armes biologiques (Figure 1). Certaines attaques biologiques permettront de comprendre les interrelations entre leurs quatre composantes principales : le criminel ou l‘organisation responsable, l‘agent biologique, le moyen de dissémination et les cibles (Radosavljevic et Belojevic 2009). Le lecteur est référé à l‘annexe 1 s‘il désire avoir davantage d‘information au sujet de certains évènements historiques marquants.

4

5

Figure 1. Ligne du temps d’évènements marquants au sujet des armes biologiques de l’Antiquité à aujourd’hui.

6

1.1.1 De l’Antiquité à la théorie des germes Bien avant la venue de la microbiologie moderne, l‘humain avait déjà compris qu‘il était possible de provoquer, par différents vecteurs, la transmission de maladies afin de gagner un avantage stratégique face à un ennemi. Dès l‘Antiquité, des animaux malades auraient été dirigés vers les ennemis (Trevisanato 2007). Des carcasses, des cadavres ou des fèces ont été utilisés à plusieurs reprises pour contaminer les puits de villages ennemis (Christopher et al. 1997; Mayor 2003). De plus, des flèches souillées par des enduits de toxines ou des fèces étaient souvent employées à la guerre (Mayor 2003). Au Moyen Âge, des cadavres de pestiférés pouvaient être catapultés pour infecter à distance davantage de personnes. Cette maladie hautement contagieuse pouvait se propager comme une traînée de poudre (Christopher et al. 1997; Derbes 1966). En 1767, passant d‘une technique grossière à une technique plus raffinée et imperceptible, un général anglais, Sir Jeffrey Amherst, ordonna la distribution de couvertures et de mouchoirs de varioleux aux populations autochtones d‘Amérique du Nord qui aidaient les Français. Il anticipait la propagation de la maladie sur une population qu‘il savait fragile (Berche 2009; Christopher et al. 1997). Ces exemples montrent qu‘au fil du temps, malgré le manque de connaissances scientifiques, l‘humain a su adapter ses méthodes pour accroître l‘efficacité de ses attaques, laissant moins de place au hasard. Dès la Renaissance, les avancées scientifiques ont permis de développer des outils pour l‘étude de la microbiologie. Les travaux d‘Antonie Van Leeuwenhoek ont permis d‘observer au microscope des micro-organismes (Ronan 1988; van Zuylen 1981). Edward Anthony Jenner a ensuite réalisé des travaux montrant l‘immunisation offerte par la vaccination (Jenner 1801; Ronan 1988). Ses travaux ont toutefois ouvert une boîte de Pandore puisqu‘on pouvait maintenant s‘immuniser spécifiquement contre un agent biologique alors que l‘adversaire n‘y 7

était pas protégé. Finalement, la théorie des germes, créditée principalement, mais non exclusivement, à Louis Pasteur et Robert Koch pour leurs travaux, a amené un changement de perspective au sujet des maladies infectieuses (Baxter 2001; Black 2003; Kaufmann et Schaible 2005; King 1952; Nobelprize.org 1967 ; Ronan 1988). De nombreux scientifiques leur ont succédé et ont continué à repousser les limites du savoir en microbiologie et en infectiologie. Les nombreuses avancées dans le domaine, principalement la microscopie, l‘immunisation, la culture pure et les Postulats de Koch, ont ouvert la voie aux programmes d‘armement biologique plus sophistiqués. 1.1.2 Au 20e siècle : guerres, armement et traités Le concept d‘armement biologique, de l‘anglais weaponisation, englobe tous les travaux qui ont servi à développer des armes biologiques d‘autant plus puissantes que

redoutables.

Pour

ce

faire,

plusieurs

stratégies

ont

été

utilisées,

particulièrement, en augmentant, par exemple, la dissémination et la résistance à l‘environnement ou aux antibiotiques. L‘objectif était d‘augmenter leur impact : morbidité, mortalité, chute de l‘économie, état de panique général, etc. (Alibek et Handelman 2000; Zilinskas 1997). Tel que détaillé au Tableau 1, plusieurs grandes puissances ont travaillé secrètement par le passé sur des programmes d‘armement biologique à grande échelle. Les agents biologiques et les modes de dissémination développés ou utilisés ont été variés (Leitenberg 2001). Ces agents biologiques encore considérés comme prioritaires seront retrouvés dans le Tableau 2. Durant la Première Guerre mondiale, de 1914 à 1918, l‘utilisation d‘armes chimiques a été plus marquante que celle d‘armes biologiques. En effet, près d‘un tiers des évacuations de soldats était causé par les armes chimiques (Mauroni 2003). À la suite de la Première Guerre mondiale, l‘utilisation d‘armes chimiques et biologiques faisait mauvaise figure. C‘est pourquoi le premier traité international 8

interdisant l‘emploi d‘armes biologiques pour faire la guerre, le Protocole de Genève, a été signé initialement en 1925 et est entré en vigueur en 1928 (Comité international de la Croix-Rouge 2012). Toutefois, il présentait une portée limitée puisqu‘il n‘interdisait ni la production, ni le stockage d‘armes chimiques et biologiques. La Deuxième Guerre mondiale, de 1939 à 1945, a ravivé l‘intérêt pour le développement d‘armes biologiques. En effet, les Alliés ainsi que le Japon ont développé et expérimenté plusieurs armes biologiques lors de simulations ou d‘opérations militaires (Bryden 1989; Frigon 2010; Leitenberg 2001; Lockwood 2009; Lutwick et Lutwick 2009; Riedel 2004).

9

Tableau 1. Travaux d’armement biologique de plusieurs pays. Dates

Pays

Maladies (Agents biologiques)

Capacités de production et moyens de dissémination

19141918

Allemagne

Maladie du charbon Morve

Animaux

19391945

U.R.S.S.

Typhus Peste

Développement d‘un dispositif fixé à un avion pour la dispersion d‘une émulsion de Y. pestis.

19441945

Alliés (États-Unis, Canada, GrandeBretagne)

Maladie du charbon

Projet pour la production de bombes de B. anthracis avorté. Production de tourteaux contaminés par B. anthracis. Développement de fines particules de B. anthracis aéroportées.

19541969/72

États-Unis

Production et/ou recherche Botulisme Brucellose Coxiellose Encéphalite équine du Venezuela Fièvre jaune Fièvre pourprée des montagnes Rocheuses Maladie du charbon Peste Psittacose Tularémie Entérotoxine staphylococcique

Ex. Production de 650 tonnes de Brucella suis par mois. Entreposage d‘armes biologiques. Développement : ogives, vaporisateurs pour avion, réservoirs pour armes humides ou sèches. Tests avec des simulants sur des villes métropolitaines.

19451993?

U.R.S.S.

Production et/ou recherche Brucellose Coxiellose Encéphalites équines du Venezuela, japonaise et transmises par les tiques Fièvres hémorragiques de Lassa, d‘Argentine, de Bolivie, Ébola et Marburg Maladie du charbon Mélioïdose Morve Peste Tularémie Variole

Préparations poudreuses aérosolisées de B. anthracis. Capacité de production de B. anthracis de 5 000 tonnes par année. Réserve de 20 tonnes du virus de la variole. Missiles balistiques contenant des simulants ont été testés.

~19751991?

Irak

Production et/ou recherche Aflatoxine Conjonctivite hémorragique Gastro-entérite Clostridium perfringens Maladie du charbon Ricine Toxine botulinique Variole du chameau

Développement : ogives, bombes aériennes, système de vaporisation pour avion ou hélicoptère.

~19811993

Afrique Sud

Choléra Maladie du charbon Plusieurs espèces de Clostridium spp.

Production de petites quantités. Assassinat par la contamination d‘aliments avec B. anthracis. Contamination de puits avec V. cholerae. Développement : systèmes de dispersion.

du

Adapté de : (Alibek et Handelman 2000; Leitenberg 2001).

10

Les travaux d‘armement biologique débutés lors de la Deuxième Guerre mondiale et poursuivis par la suite ont été précurseurs à un traité de désarmement bien plus restrictif que le Protocole de Genève. La Convention sur les armes biologiques ou à toxines a été signée en 1972 et mise en vigueur en 1975 afin d‘interdire la production et le stockage d‘armes biologiques et de forcer leur destruction (Biological and Toxin Weapons Convention (BTWC) 1972; US Central Intelligence Agency 2010). Toutefois, l‘U.R.S.S. a continué ses travaux d‘armement biologique et l‘accident de Sverdlovsk en 1979 força Moscou à l‘admettre (Alibek et Handelman 2000; National Security Archive 2001; Steele 2000). L‘Irak et l‘Afrique du Sud ont également eu des programmes d‘armement biologique par la suite (Duelfer 2004; Leitenberg 2001; Zilinskas 1997). D‘autres organisations non étatiques ont également montré la capacité de produire des agents biologiques. Les sectes Bhagwan Shree Rajneesh et Aum Shinrikyo sont deux exemples plus connus. La première a contaminé les bars à salade d‘une ville en Oregon avec la salmonelle pour influencer les résultats d‘un vote municipal (Torok et al. 1997). Quant à la seconde, elle a, entre autres, dispersé une souche de B. anthracis, heureusement non virulente, au-dessus de la ville de Kameido au Japon (Fouet et Mock 1996; Keim et al. 2001; Riedel 2004; Smith 1995). 1.1.3 Au 21e siècle : la menace terroriste et les canulars Les attaques terroristes de 2001 et les lettres de menace accompagnées de préparations poudreuses de B. anthracis ont ravivé la peur de la population. En effet, ces évènements ont montré à quel point la population pouvait être vulnérable aux actes bioterroristes et l‘importance de s‘y préparer pour diminuer leurs impacts. Ils allaient de plus initier des changements au sujet des réglementations en biosécurité et motiver les états à se préparer contre ce type d‘attentat. Depuis, des mécanismes ont été implantés afin d‘éviter la publication de recherches pouvant être utilisées à mauvais escient pour le développement d‘armes biologiques. Même s‘ils sont controversés, ces mécanismes ont montré leur utilité 11

récemment lors d‘études portant sur les modifications géniques augmentant la virulence de souches de l‘influenza H5N1 (Herfst et al. 2012; Imai et al. 2012; MacKenzie 2011; Office of Biotechnology Activities 2012; Selgelid et Weir 2010; Shoham 2012; World Health Organization 2012). Malgré toutes les mesures mises en œuvre à la suite de l‘automne 2001, d‘autres incidents utilisant des agents biologiques ont été répertoriés (Lutwick et Lutwick 2009). Depuis, le plus grand fardeau pour les autorités est toutefois le résultat de canulars. En effet, des milliers d‘enveloppes contenant des poudres inoffensives et des lettres de menace avertissant le destinataire de la présence d‘agents biologiques ont été postées par de nombreux individus ou groupes avec des intentions variées (La Scola et al. 2003; Leask et al. 2003; Santerre 2012; Tengelsen et al. 2002; Wills et al. 2008). Les autorités de sécurité et de santé publiques doivent donc fréquemment intervenir afin d‘évaluer ce type de menace et d‘offrir un support psychologique et médical aux victimes potentielles. 1.1.4 Apprentissage des évènements passés Cet aperçu historique a montré que les types d‘actes bioterroristes et de guerres biologiques effectués dans le passé ont été hétéroclites. Les motivations ont été très variées : criminelles, militaires, politiques ou religieuses. Des attaques utilisant des armes biologiques ont été planifiées par des individus ou encore commanditées par certains états ou certaines organisations. Les moyens de dissémination ont connu une grande évolution au cours de l‘histoire, se sophistiquant avec les avancées scientifiques (Figure 1). La capacité de cibler de plus grands nombres de personnes a ainsi augmenté. Qu‘elle soit stratégique (grande échelle), opérationnelle (moyenne échelle) ou bien tactique (petite échelle), l‘amplitude des attaques peut varier considérablement (Radosavljevic et Belojevic 2009). Plusieurs grandes puissances ont secrètement développé un savoir-faire permettant de produire des armes biologiques de destruction massive (Tableau 1) (Alibek et Handelman 2000; Leitenberg 2001; Zilinskas 1997). 12

L‘objectif d‘une attaque peut également être la perturbation sociale, telle qu‘exploitée lors d‘envois de lettres contenant des poudres inoffensives. La grande biodiversité du monde microbien a été en partie exploitée puisque plusieurs pathogènes ont été utilisés et que d‘autres ont été étudiés en vue de l‘être (Tableau 1). La grande variété de types d‘attaques biologiques potentielles et leurs subtilités complexifient la tâche pour s‘y préparer. Il est maintenant essentiel d‘acquérir une perspective scientifique des différents éléments du bioterrorisme en y intégrant les connaissances actuelles. J‘explorerai donc tout d‘abord la composition de ces armes biologiques ainsi que les modes de dissémination pouvant potentiellement être exploités. Par la suite, j‘enchaînerai avec la préparation contre le bioterrorisme, en présentant notamment les procédures d‘intervention et l‘importance des tests de détection des agents biologiques.

13

1.2 Les agents biologiques La biodiversité du monde microbien, fruit de l‘évolution de milliards d‘années de sélection génétique, est aussi vaste qu‘impressionnante. Chaque année, de nouvelles espèces microbiennes sont découvertes. Parmi celles-ci, certaines peuvent être pathogènes pour l‘espèce humaine et elles seront alors nommées pathogènes

émergents.

Dans

les

40 dernières

années,

le

virus

de

l‘immunodéficience humain (VIH) est probablement l‘exemple le plus connu ayant affligé notre société, d‘un continent à l‘autre. En 2001, une étude a chiffré le nombre de pathogènes humains à 1 415, dont 538 espèces bactériennes, 307 fongiques, 287 helminthiques, 217 virales ou de prions et 66 de protozoaires (Taylor et al. 2001). Depuis, plusieurs autres pathogènes humains émergents ont été rapportés, dont un exemple frappant est le SRAS (Olano et Walker 2011; Woo et al. 2008; Woolhouse et al. 2005). De ce fait, de nombreux micro-organismes pourraient donc être utilisés lors d‘actes bioterroristes, mais contrairement à certaines croyances, il n‘est pas nécessaire qu‘ils infligent un haut taux de mortalité pour se révéler efficaces (Lindler et al. 2005). En effet, même si les armes biologiques sont catégorisées comme étant des armes de destruction massive, le but recherché peut être différent, par exemple, la perturbation sociale. 1.2.1 La sélection des agents biologiques prioritaires par les autorités Fortes des connaissances modernes en infectiologie ainsi que d‘informations au sujet de certains programmes d‘armement biologique du passé, plusieurs organisations nationales et internationales ont établi des listes de pathogènes humains possiblement employés (Guillemin 2005). Quoique ces listes se ressemblent beaucoup, une des plus employées est celle des Centers for Disease Control and Prevention (CDC). C‘est notamment parce qu‘elle classifie les pathogènes prioritaires par ordre d‘importance en trois catégories, A, B et C, en évaluant la menace qu‘ils constitueraient pour la santé s‘ils étaient utilisés lors 14

d‘actes bioterroristes (CDC 2000; Rotz et al. 2002). Le NIAID (National Institute of Allergy and Infectious Diseases) a, pour sa part, défini une liste plus détaillée d‘agents biologiques sur lesquels il est prioritaire de faire des recherches. Leurs objectifs sont, de ce fait, d‘augmenter nos connaissances au sujet de ces agents biologiques ainsi que de développer non seulement des vaccins et des thérapies, mais également des méthodes diagnostiques à la fine pointe de la technologie (NIAID 2003). Un autre avantage de cette liste est le fait qu‘elle soit mise à jour régulièrement par le NIAID (NIAID 2012). 1.2.1.1 Définitions des catégories A, B et C du CDC Le Tableau 2 présente donc la compilation des agents biologiques listés par les CDC et le NIAID ainsi que les pathologies qui leur sont associées. J‘y ai également ajouté d‘autres agents biologiques sur lesquels il y a eu des recherches à des fins d‘armement (Leitenberg 2001; Zilinskas 1997). Ce tableau permet de constater rapidement la variété d‘agents biologiques et de pathologies potentielles. Ces maladies ont un large spectre de dangerosité, cela va des gastro-entérites plus communes nécessitant rarement des hospitalisations aux fièvres hémorragiques virales dévastatrices contre lesquelles l‘arsenal prophylactique et thérapeutique est plus limité (Burnett et al. 2005; Sampath et al. 2011). La séparation des agents biologiques en trois catégories permet d‘évaluer l‘impact qu‘ils auraient s‘ils étaient utilisés lors d‘actes bioterroristes. Premièrement, les agents biologiques de la catégorie A ont le plus haut niveau de dangerosité. Ils peuvent être aisément disséminés et certains peuvent être transmis de personne à personne; ils pourraient donc se répandre sur un grand secteur s‘ils étaient utilisés comme armes biologiques (CDC 2000; Masci et Bass 2005). Ces pathogènes ayant des taux de mortalité élevés auraient un impact majeur sur la santé publique. C‘est pourquoi il est nécessaire de prendre des mesures préparatoires pour lutter contre ces agents biologiques et de nombreuses recherches ont été faites depuis 2001 afin de s‘en protéger. Les agents de la catégorie B présentent un potentiel de 15

dissémination et un taux de morbidité modérés, mais un taux de mortalité faible. Il est donc nécessaire de surveiller les maladies associées et d‘améliorer leurs méthodes diagnostiques. Finalement, les agents de la catégorie C incluent les pathogènes émergents, qui pourraient être relativement facilement produits et disséminés, et potentiellement impliquer un haut niveau de morbidité et de mortalité. Ils représentent donc une menace émergente et il est important d‘améliorer nos connaissances à leurs sujets ainsi que de surveiller ces pathogènes (CDC 2000; NIAID 2003).

Tableau 2. Agents biologiques prioritaires du bioterrorisme selon les CDC et le NIAID et leurs pathologies. Catégorie

Type

Agent infectieux

Maladie

Bacillus anthracis

Maladie du charbon

Francisella tularensis

Tularémie

Yersinia pestis

Peste

Clostridium botulinum (Neurotoxine botulinique)

Botulisme

Virus de la Variole

Variole

Autres Poxviridae

Autre

(p. ex. Virus de la variole du singe et Virus de la variole du chameau

(Varioles du singe et du chameau)

Bactérie Bactérie ou Toxine

Virus de Guanarito Virus de Junin

A

Virus de la fièvre de Lassa Arenavirus Virus

Virus de la chorioméningite lymphocytaire Virus de Machupo Filoviridae Flavivirus Bunyaviridae

16

Virus de l‘Ébola Virus de Marburg Virus de la Dengue Hantavirus spp. Virus de la fièvre de Rift Valley

Fièvres hémorragiques virales

Catégorie

Type

Agent infectieux

Maladie

Brucella spp.

Brucellose Morve (anglais : Glanders) Mélioïdose

Burkholderia mallei Bactérie

Burkholderia pseudomallei Chlamydophila psittaci Coxiella burnetii

Bactérie et toxine Toxine végétale

Rickettsia prowazekii Clostridium perfringens (toxine Epsilon) Staphylococcus aureus (entérotoxine B : SEB) Ricinus communis (ricine)

Psittacose Fièvre Q (synonyme coxiellose) Typhus épidémique Maladie de la toxine epsilon Intoxication à la SEB Intoxication à la ricine

Virus de l‘encéphalite équine de l‘Est (EEE)

Virus

Virus de l‘encéphalite équine de l‘Ouest (WEE) Virus de l‘encéphalite équine du Venezuela (VEE) Virus de l‘encéphalite de Californie Virus de l‘encéphalite japonaise

Encéphalites virales

Virus de la maladie de la forêt de Kyasanur Virus de LaCrosse Virus du Nil occidental (WNV) Campylobacter jejuni

B

Pathogènes de l‘eau ou alimentaires

E. coli diarrhégénique (p. ex. O157 :H7)

Bactérie

Listeria monocytogenes Salmonella spp. Shigella spp.

Champignon

Vibrio cholerae

Choléra

Vibrio spp. pathogéniques

Gastro-entérites

Yersinia enterocolitica

Gastro-entérite

Microsporidia Cryptosporidium parvum

Entamoeba histolytica

Microsporidioses Cryptosporidiose Infection à Cyclospora Amibiase intestinale

Giardia lamblia

Giardiase

Cyclospora cayatanensis Protozoaire

Virus

Entérite Entérite, colite hémorragique, syndrome hémolytique urémique Gastro-entérite Salmonellose/Fièvre typhoïde Shigellose

Toxoplasma gondii

Toxoplamose

Calicivirus

Gastro-entérites

Virus de l‘Hépatite A

Hépatite A

17

Catégorie

Type

Bactérie

Champignon

Maladie

Mycobacterium tuberculosis, souches multirésistantes aux antibiotiques

Tuberculose

Autres Rickettsia spp.

NA

Rickettsia conorii

Fièvre boutonneuse méditerranéenne

Rickettsia rickettsii

Fièvre pourprée des montagnes Rocheuses

Rickettsia typhi

Typhus endémique

Coccidioides immitis Coccidioides posadasii

Chikungunya

Virus de la fièvre jaune

Fièvre jaune

Virus de l‘encéphalite transmis par les tiques

Encéphalite

Virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo

Fièvre hémorragique

Virus de l‘influenza

Grippe

Virus du Nil Occidental

Encéphalite du Nil Occidental

Virus de Nipah

Encéphalite

Autres Hantavirus

Syndrome cardiopulmonaire à Hantavirus

Virus de la rage

Rage

Virus du syndrome respiratoire aigu sévère

Syndrome respiratoire aigu sévère

Type

Agent infectieux

Maladie

Champignon ou toxine

Aspergilus parasiticus (Aflatoxine)

Virus

Aspergillus flavus (Aflatoxine) Autres

Coccidioïdomycoses

Virus de Chikungunya C

Catégorie

Agent infectieux

Fusarium spp. et autres genres (Trichothécènes mycotoxines)

Aflatoxicose Variable, inflammation du système digestif, déficit de l‘hématopoïèse, etc.

Adapté de (CDC 2000; Ciottone 2006; Leitenberg 2001; NIAID 2012; Rotz et al. 2002; Zilinskas 1997).

18

1.2.2 Diversité des agents biologiques prioritaires Les tableaux 3a-3c présentent la classification taxonomique des agents biologiques afin d‘illustrer leur biodiversité. En effet, quatre des six règnes du vivant décrits par Cavalier sont représentés (Cavalier-Smith 1998), et ce, sans compter les virus dont l‘inclusion dans le monde du vivant est débattue (RuizSaenz et Rodas 2010). Quoique les agents biologiques puissent être d‘origine variée, ils sont principalement représentés par des bactéries (Tableau 3a) ou des virus (Tableau 3c). En effet, la facilité du nombre de bactéries à croître en culture axénique explique en partie le fait que plusieurs espèces aient été étudiées lors de programmes d‘armement biologique. Un second attrait pour les bactéries est le fait que les antibiotiques pourraient également, la plupart du temps, permettre de traiter le fabricant au cas où il serait accidentellement infecté. Ceci n‘est pas le cas pour plusieurs maladies virales puisque des vaccins et des antiviraux ont été développés seulement contre certaines de ces infections (Burnett et al. 2005; Sampath et al. 2011). Les difficultés de production de virus sont plus élevées, entre autres, puisque ces derniers ont nécessairement besoin de l‘appareillage cellulaire d‘un hôte afin de se reproduire. Ces deux contraintes majeures pourraient limiter les fabricants souhaitant se protéger et produire des quantités de virus importantes avec des budgets restreints. Par contre, les faibles doses infectieuses et la haute contagiosité de certaines maladies virales, dont la variole, ont tout de même justifié leur inclusion dans les programmes de certains pays (Tableau 1) (Alibek et Handelman 2000; Leitenberg 2001). D‘autre part, certains protozoaires (Tableau 3b) ont été inclus dans la catégorie B du CDC et du NIAID puisqu‘ils pourraient être utilisés pour contaminer l‘eau ou les aliments. Quant au règne des fungi (Tableau 3b), il est représenté par certaines mycotoxines (Ciottone 2006; Zilinskas 1997) ainsi que l‘embranchement des Microsporidia, dont l‘appartenance taxonomique controversée a précisément été clarifiée par des études phylogénétiques plus récemment (Capella-Gutierrez et al. 2012). 19

Finalement, la ricine est le seul agent biologique listé ici qui n‘est pas d‘origine microbiologique (Tableau 3b). Elle est reconnue comme étant l‘une des toxines les plus létales sur la planète et est extraite d‘une plante nommée Ricinus communis. Les agents biologiques listés ici sont si différents qu‘ils ont également des modes de transmission variés.

20

Tableau 3. Classification taxonomique des agents biologiques prioritaires du CDC et du NIAID. Tableau 3a. Les procaryotes. Domaine

Règne

Embranchement

Classe

Ordre

Famille

Genre

Actinobacteria

Actinobacteria

Corynebacteriales

Mycobacteriaceae

Mycobacterium

Chlamydiae

Chlamydiia

Chlamydiales

Bacilli

Bacillales

Chlamydiaceae Bacillaceae Listeriaceae Staphylococcaceae

Chlamydophila Bacillus Listeria Staphylococcus

Clostridia

Clostridiales

Clostridiaceae

Clostridium

Rhizobiales

Brucellaceae

Brucella

Rickettsiales

Rickettsiaceae

Rickettsia

Betaproteobacteria

Burkholderiales

Burkholderiaceae

Burkholderia

Epsilonproteobacteria

Campylobacterales

Campylobacteraceae

Enterobacteriales

Enteroacteriaceae

Campylobacter Escherichia Salmonella Shigella

Firmicutes

Alphaproteobacteria Bacteria

Bacteria

Protoebacteria

Gammaproteobacteria

Yersinia Legionellales Thiotrichales

Coxiellaceae Francisellaceae

Coxiella Francisella

Vibrionales

Vibrionaceae

Vibrio

Espèce tuberculosis complex psittaci anthracis monocytogenes aureus botulinum perfringens spp. prowazekii spp. mallei pseudomallei jejuni coli spp. spp. enterocolitica pestis burnetii tularensis cholerae Autres Vibrio pathogènes

Références : (Bergey's Manual Trust 2010; Brenner et al. 2005; Krieg et al. 2010; Vos 2009).

21

Tableau 3 b. Les virus Domaine

Type d’AN

Ordre

Famille

Arenaviridae

Bunyaviridae

Orthomyxoviridae Filoviridae Mononegavirales Nidovirales

Virus

Paramyxoviridae Rhabdoviridae Coronaviridae Caliciviridae

ARNsb +

22

Orthobunyavirus Phlebovirus Influenzavirus A Ebolavirus Marburgvirus Henipavirus Lyssavirus Betacoronavirus Norovirus Sapovirus

Flaviviridae

Flavivirus

Poxviridae

Orthopoxvirus

Togaviridae

Alphavirus

Picornaviridae

Hepatovirus

NR

Picornavirales Légende.

Arenavirus

Hantavirus Nairovirus

NR ARNsb

Genre

a

Espèce

Guanarito virus Junín virus Lassa virus Lymphocytic choriomeningitis virus Machupo virus spp. Crimean-Congo hemorrhagic fever virus b La Crosse virus California encephalitis virus Rift Valley fever virus Influenza A virus spp. Marburg marburgvirus Nipah virus Rabies virus Severe acute respiratory syndrome-related coronavirus Norwalk virus Sapporo virus Dengue virus Japanese encephalitis virus Kyasanur Forest disease virus Tick-borne encephalitis virus West Nile virus Yellow fever virus Variola virus Camelpox virus Monkeypox virus Autres Eastern equine encephalitis virus Venezuelan equine encephalitis virus Western equine encephalitis virus Hepatitis A virus

AN : acide nucléique. ARNsb + : acide ribonucléique simple brin à polarité positive. ARNsb - : acide ribonucléique simple brin à polarité négative. NR : pas de rang attitré. a b : Les noms des espèces de virus sont présentés selon la nomenclature de l‘ICTV (ICVT 2009) ou selon Hollidge et al. (Hollidge et al. 2010).

Tableau 3 c. Les eucaryotes. Domaine

Règne

Fungi

Eukarya Protozoa

Embranchement

Ascomycota

Classe

Ordre

Famille

Genre

Eurotiales

Trichocomaceae

Aspergillus

Onygenales

NR

Coccidioides

Nectriaceae NS Cryptosporidiidae Eimeriidae Sarcocystidae

Fusarium NS Cryptosporidium Cyclospora Toxoplasma Giardia Entamoeba

flavus parasiticus immitis posadasii spp. NS parvum cayetanensis gondii intestinalis* histolytica

Euphorbiaceae

Ricinus

communis

Eurotiomycetes

Microsporidia

Sordariomycetes NS

Hypocreales NS

Apicomplexa

Coccidia

Eucoccidiorida NR

Viridiplantae Légende :

Streptophyta

Sous-classe : rosids

Malpighiales

Espèce

NS : non spécifié. NR : pas de rang attitré. * anciennement Giardia lamblia.

Référence : (National Center for Biotechnology Information (NCBI) 2012).

23

1.2.3 Modes de dissémination La revue historique préalable (Figure 1 et Tableau 1) a montré que plusieurs voies de transmission ont été exploitées afin de propager les agents biologiques. La Figure 2 illustre les modes de dissémination possibles des agents biologiques, que ce soit des micro-organismes ou encore des toxines. Tels que montrés en bleu, ces agents peuvent être dispersés directement dans l‘environnement ou en utilisant des véhicules (transporteurs inanimés d‘agents infectieux). D‘autre part, d‘autres organismes vivants illustrés en vert peuvent transmettre ces agents biologiques par un contact direct ou encore un contact indirect, ce dernier nécessitant un transfert dans l‘environnement avant d‘atteindre l‘hôte (Black 2003; Prescott 2010; Siegel et al. 2007). Les épithéliums constituent généralement une barrière mécanique efficace contre l‘entrée d‘agents biologiques présents dans l‘environnement. En plus d‘avoir un rôle de protection, les épithéliums des muqueuses digestives et respiratoires ont un rôle important à jouer pour l‘absorption des nutriments ou les échanges gazeux. Ces épithéliums constitués d‘une seule couche de cellules sont donc plus vulnérables à l‘invasion par des corps étrangers. Plusieurs agents biologiques ont

donc développé des

mécanismes leur permettant d‘exploiter cette vulnérabilité en pénétrant l‘organisme par les systèmes digestif ou encore respiratoire (Cotran et al. 2010; Salyers et Whitt 1994). Je développerai davantage au sujet de cette dernière voie de transmission puisque mon projet se concentre sur les espèces bactériennes aéroportées associées au bioterrorisme.

24

MODES DE DISSÉMINATION

Aérosols

Aéroportée

Environnement ou véhicule

Percutanée

Gouttelettes

Muqueuse

Noyaux de gouttelettes

Peau

Transmission verticale

Hommes

Contact direct Animaux

Contact indirect

Vivants

Alimentaire

Plantes (toxines)

Objets

Insectes

Figure 2. Modes de dissémination des agents biologiques.

1.2.3.1 La transmission aéroportée Theodore Rosebury et Elvin Kabat (1947), deux scientifiques renommés de Columbia University ont publié, après la Deuxième Guerre mondiale, un rapport dans lequel ils ont conclu que « The air-borne route of infection seems to be the most practicable for bacterial warfare […] ». En effet, il a été estimé que dans une ville métropolitaine, 100 kg de préparation de spores de B. anthracis disséminés dans l‘air lors de conditions environnementales favorables pourraient causer jusqu‘à trois millions de décès (Alibek et Handelman 2000; Inglesby et al. 1999). Plusieurs types de particules permettent la transmission dans l‘air des agents biologiques : gouttelettes, noyaux de gouttelettes et aérosols. Par définition, la transmission par gouttelettes nécessite la formation de particules contaminées qui sont transportées dans l‘air sur une courte distance, historiquement considérée comme étant moins d‘un mètre. Toutefois, cette distance est controversée puisque de nombreuses conditions peuvent influencer leur déplacement. Les gouttelettes peuvent sédimenter ou être transformées rapidement par dessiccation en noyaux de gouttelettes et pouvant voyager sur une plus grande distance. Quant aux aérosols, ils sont de fines particules, incluant par exemple les noyaux de 25

gouttelettes et les poudres, qui peuvent rester en suspension dans l‘air, être transportés aisément sur de plus grandes distances et pénétrer plus profondément l‘arbre pulmonaire (Siegel et al. 2007). Dans la contexte du bioterrorisme, des poudres ou poussières extrêmement fines peuvent être utilisées comme additifs pour créer des aérosols et ainsi augmenter la dispersion et la résistance des agents biologiques dans l‘environnement (Alibek et Handelman 2000; Duncan et al. 2009; Shoham et Jacobsen 2007). L‘attaque aux lettres contenant des préparations poudreuses de B. anthracis en 2001 ainsi que des études expérimentales ont montré le potentiel dévastateur de ce mode de transmission (Duncan et al. 2009; Jernigan et al. 2001; Kournikakis et al. 2001). 1.2.3.2 L’anatomie du système respiratoire et ses défenses Il est important d‘observer l‘anatomie du système respiratoire et ses mécanismes de défense pour comprendre comment les agents biologiques peuvent y pénétrer (Figure 3) (Levitzky 2007). D‘autant plus qu‘à chaque minute, environ sept litres d‘air infiltrent les voies respiratoires pour assurer des échanges gazeux efficaces, transportant également des particules et des micro-organismes. C‘est pourquoi plusieurs mécanismes de défense sont à l‘œuvre chaque jour pour protéger nos voies respiratoires composées de tissus sensibles. L‘air pénètre donc par le nez ou la bouche pour traverser le pharynx et le larynx, ceci constitue les voies respiratoires supérieures. Un système de piégeage efficace, grâce entre autres aux poils nasaux, à la turbulence dans les fosses nasales et au mucus, permet d‘éliminer nombre de particules, surtout si l‘air est inspiré par le nez. Ensuite, l‘air pénètre les voies respiratoires inférieures ayant des diamètres se rétrécissant cent fois. Les cellules ciliées, la toux, les expectorations et la déglutition sont autant de moyens pour éliminer le mucus contaminé du système respiratoire inférieur. Les 480 millions d‘unités alvéolaires constituent une surface d‘échange gazeux estimée entre 50 et 100 m2 chez l‘adulte (Levitzky 2007). La Figure 3 illustre également les diamètres approximatifs des micro-organismes pouvant pénétrer les 26

voies respiratoires (Kowalski et Bahnfleth 1998; Levitzky 2007). Finalement, lorsque les mécanismes de défense principalement mécaniques ne réussissent pas à éliminer ces corps étrangers, les macrophages alvéolaires libres patrouillant la surface de l‘épithélium à la recherche de particules étrangères à phagocyter prennent la relève. Si les toxines ou micro-organismes réussissent à franchir toutes ces frontières et à pénétrer l‘espace interstitiel ou le sang, d‘autres phagocytes pourront prendre en charge leur destruction et activer le système immunitaire acquis (Levitzky 2007). Une proportion des agents biologiques dispersés dans l‘air peut toutefois pénétrer plus profondément les voies respiratoires et trouver des moyens d‘échapper aux défenses immunitaires causant ainsi des infections ou des toxicoses. C‘est pourquoi je présenterai les caractéristiques des agents bactériens aéroportés associés au bioterrorisme.

27

Figure 3. Schéma de l’arbre pulmonaire, des diamètres (D) des voies respiratoires et des diamètres (D) approximatifs des micro-organismes y pénétrant.

1.2.4 Les agents bactériens aéroportés sélectionnés pour cette thèse Plusieurs notions théoriques d‘épidémiologie des maladies infectieuses sont essentielles à la compréhension du potentiel dévastateur de chaque agent biologique : caractéristiques morphologiques, maladies, modes de transmission, temps d‘incubation, doses infectieuses, traitements curatifs et prophylactiques disponibles, et résistances dans l‘environnement. Le Tableau 4 expose de façon succincte ces informations. Les agents bactériens aéroportés sélectionnés pour cette thèse sont au nombre de 12. Leurs caractéristiques microbiologiques sont diversifiées : coloration, forme, sporulation et croissance. Les maladies causées par les agents bactériens aéroportés sélectionnés sont également nombreuses. Les prodromes de plusieurs de ces maladies se présentent par des symptômes 28

pseudogrippaux et cette similarité complexifie le diagnostic (Masci et Bass 2005). De plus, les doses infectieuses estimées sont variables, passant de 1 bactérie pour C. burnetii à 2 500 - 55 000 spores pour B. anthracis (Ciottone 2006; Inglesby et al. 1999; Lindler et al. 2005). Ceci aura une influence sur le nombre de personnes pouvant être infectées lors d‘une attaque bioterroriste. Les taux de mortalité ont également un spectre très étendu et sont modulés par les traitements prophylactiques et curatifs disponibles. Des vaccins sont disponibles pour s‘immuniser préventivement ou rapidement à la suite de l‘exposition contre seulement certains de ces agents biologiques. Des antibiothérapies et des antitoxines peuvent également être disponibles. Comme vous pouvez constater, la durée des traitements même prophylactiques, par exemple de 60 jours dans le cas de la maladie du charbon, peut être longue. De là l‘importance d‘identifier efficacement les victimes infectées à l‘aide de technique de détection rapide, car les réserves limitées de certains de ces traitements devront être utilisées de façon judicieuse. Par ailleurs, la résistance dans l‘environnement peut être également très différente d‘un agent biologique à un autre. Par exemple, les spores de B. anthracis peuvent persister dans l‘environnement des années alors que la forme végétative de Y. pestis y survit moins d‘une heure (Ciottone 2006; Sinclair et al. 2008). Vous comprendrez donc pourquoi les procédures de décontamination contre B. anthracis en 2001 ont été très complexes et dispendieuses (Campbell et al. 2012). Toutes ces informations rassemblées permettent de comprendre les conséquences qu‘aurait un acte bioterroriste utilisant chacun de ces pathogènes sur la population. Par conséquent, ce tableau permet de comprendre l‘importance réelle de se préparer en cas d‘acte bioterroriste.

29

Tableau 4. Caractéristiques et pathologies des agents bactériens aéroportés. Agent biologique

Morphologie

Maladie

Transmission aéroportée

Dose infectieuse (inhalation)

Incubation

Taux mortalité

Traitement curatif et prophylactique possible

Estimation de la viabilité dans l'environnement

B. anthracis

Bacille G+

Maladie du Charborn (Inhalée)

Inhalation

2 50055 000 spores

1 à 5 jours, jusqu'à 6 semaines

Tr : 50 % STr : 95 %

Antibiothérapie 60 jours, vaccin

Années

Toxine botulinique (C. botulinum)

Bacille G+, sporulant

Botulisme

Inhalation

LD50 : 3ng/kg

2 h à 1 semaine

90 %

Antitoxine

Années (spores)

F. tularensis

Coccobacille G -

Tularémie (Pneumonique, Septicémique)

Inhalation Absence de PàP

10 à 50 CFU

1-10 jours

Tr : 1 % STr : 30 %

Antibiothérapie 14 jours

Air : 95 %

Antibiothérapie 24 semaines Attention à la résistance

Qq. mois

B. pseudomallei

Bacille G-

Mélioïdose (Pneumonie, Bactériémie, Infection locale, Infection chronique purulente, Asymptomatique)

Inhalation

Antibiothérapie 22-24 semaines

Années

Toxine epsilon (C. perfringens)

Bacille G+ sporulant

Maladie de la toxine epsilon

Inhalation

Support

Années (spores)

30

100 CFU (modèle murin d’infection 2 jours à chronique) plusieurs années Jusqu'à 40 % 2 500 CFU (modèle (29 ans) murin d’infection aiguë) LD : 1µg/kg

≤12 heures, décès possible en 30-60 min

ND

Agent biologique

Morphologie

Maladie

Transmission aéroportée

Dose infectieuse (inhalation)

Incubation

Taux mortalité

Traitement curatif et prophylactique possible

Estimation de la viabilité dans l'environnement

C. psittaci

Bactérie intracellulaires obligatoire

Psittacose (Pneumonie atypique, Bactériémie)

Inhalation P à P (rare)

Modèle bovin : 106 UFI

1 à 15 jours

Tr : 1 % STr : 20 %

Antibiothérapie, 10 à 14 jours patient afébrile

Jusqu'à 1 sem

C. burnetii

Anciennement considérée bactérie intracellulaire obligatoire Maintenant : culture axénique possible

Coxiellose Synonyme : Fièvre Q (Maladie fébrile, Pneumonie, Hépatite)

Inhalation

1 UFI

10 à 40 jours

1%

Antibiothérapie : 14 à 21 jours Si comorbidité ou complication cardiaque : tr. 1 à 3 ans Vaccin

Semaines à mois

R. prowazekii

Bactérie intracellulaire obligatoire

Typhus épidémique

Inhalation

< 10 particules

7 à 14 jours, 10-50 ans

STr : 12-20 % Complication vasculaires : 15-40 %

Antibiothérapie, 3 jours patient afébrile Vaccin

100 jours

M. Bacille acido-alcoolotuberculosis résistants multirésistant

Tuberculose (Primaire, Réactivation, Pulmonaire, Extrapulmonaire, Asymptomatique)

Inhalation PàP

10 CFU

< 1 à > 20 ans

Antibiothérapie 6-9 mois Forme active Traitement antibiotique en STr : ≤66 % fonction de la résistance de la souche. Vaccin BCG

Plusieurs mois

Références : (Azad 2007; Ciottone 2006; Conejero et al. 2011; Inglesby et al. 1999; Kramer et al. 2006; Lindler et al. 2005; Lutwick et Lutwick 2009; Reinhold et al. 2012; Sinclair et al. 2008; Vynnycky et Fine 2000; World Health Organization 2012). NB : la majorité des informations présentées dans ce tableau ont été tirées de Ciottone 2006, les références appuyant ces informations n‘ont pas toutes pu être contre-vérifiées et validées. Légende :

CFU : unité formant des colonies DI50 : Dose pouvant infecter 50 % des individus G - : Gram négatif G + : Gram positif LD50 : Dose létale 50 % LD : Dose létale

ND : non disponible P à P : tranmission personne à personne STr : sans traitement Tr : traitement UFI : unité formant des inclusions

31

1.3 La préparation contre le bioterrorisme Les armes biologiques ont des particularités distinctives. Alors que les explosifs et les armes chimiques peuvent causer des dommages immédiats dans un secteur délimité, les agents biologiques nécessitent un temps d‘incubation avant de provoquer des symptômes et certains d‘entre eux, contagieux, peuvent même se transmettre par la suite de personne à personne. Cette subtilité explique pourquoi une fois les agents biologiques dispersés dans l‘environnement, les responsables peuvent perdre eux-mêmes le contrôle de leur arme biologique (Rosebury et Kabat 1947). La préparation des états à ces attaques nécessite donc l‘élaboration et le perfectionnement de procédures d‘interventions, de méthodes de détection et diagnostiques ainsi que de traitements prophylactiques et curatifs. Il est maintenant important de comprendre les procédures d‘intervention contre la menace biologique. 1.3.1 Procédures d’intervention à la suite d’un acte bioterroriste Cette section présentera un bref aperçu des procédures d‘intervention à la suite d‘un acte bioterroriste pour faciliter la compréhension de cette thèse. Je focaliserai sur celles internationales ainsi que celles du Canada et des États-Unis. Lors d‘une menace de bioterrorisme, il est important en premier lieu d‘éliminer l‘éventualité de menaces chimiques, explosives ou radioactives. La sécurité du personnel d‘intervention est primordiale; les entraînements et équipements appropriés sont nécessaires. L‘équipe d‘intervention est généralement constituée d‘officiers de police ou de pompiers arrivant en première ligne, d‘équipes spécialisées, d‘un conseiller en biosécurité, d‘enquêteurs et de responsables des relations publiques. La tâche est complexe; ils devront en plus d‘établir un périmètre de sécurité, évaluer la menace, collecter les échantillons, coordonner les interventions médicales, recueillir la preuve, procéder à la décontamination du site, enquêter et 32

informer le public (Interpol 2007; Raber et al. 2011). Au Canada, le Centre de mesures et d‘interventions d‘urgence (CMIU) de l‘Agence de la santé publique du Canada est l‘organisme gouvernemental en santé autoritaire en ce qui a trait au bioterrorisme (Santé Canada 2002). En cas d‘urgence, le Système de la réserve nationale

d‘urgence

peut

faire

parvenir

des

fournitures

médicales

et

pharmaceutiques ainsi que déployer des unités médicales dans un délai de 24 heures (Agence de la santé publique du Canada 2012). 1.3.1.1 Attaques annoncées ou non annoncées Les procédures d‘intervention varient considérablement selon l‘annonce ou non d‘une attaque bioterroriste (Figure 4) (CDC 2000; Interpol 2007). En effet, la sécurité publique peut être informée (attaque annoncée) de l‘imminence d‘une attaque par, entre autres, des lettres de menace, des dénonciations et la découverte de matériels ou d‘agissements suspects. Les autorités chercheront donc à identifier la source de l‘agent infectieux pour procéder aux arrestations et à la décontamination. Pour ce faire, ils devront recueillir des échantillons afin d‘effectuer des tests de détection sur le terrain ainsi qu‘en laboratoire suivant les standards de la preuve microbiologique légale. Les autorités de la sécurité publique informeront également les responsables de la santé publique de cette menace afin que les institutions médicales se préparent à offrir des soins appropriés aux victimes présumées ou identifiées (CDC 2000; Interpol 2007). Ces dernières pourront recevoir des traitements prophylactiques lorsque disponibles, tel que décrit au Tableau 4. Des tests diagnostiques seront ensuite réalisés chez les victimes potentielles ou les patients avec des présentations cliniques pouvant être expliquées par l‘agent biologique en cause. La panique de la population engendrée par cette menace peut inciter de nombreuses consultations médicales et le système de santé devra se préparer à un achalandage grandement augmenté (Ciottone 2006).

33

Il est plus probable que les attaques bioterroristes ne soient pas annoncées pour maximiser leurs effets, car à la différence des autres types d‘attentats (p. ex. explosifs ou chimiques), les délais d‘apparitions des symptômes sont plus longs (période d‘incubation) (CDC 2000). Dans cette éventualité, la santé publique sera la première instance à intervenir lorsque les victimes demanderont des consultations médicales. Plusieurs agents biologiques causeront des prodromes non spécifiques amenant donc le clinicien vers un vaste diagnostic différentiel (Masci et Bass 2005). C‘est pourquoi il est important de se référer à des tests diagnostiques qui permettront d‘identifier l‘agent biologique en cause. De plus, ces méthodes diagnostiques permettront de distinguer les personnes réellement affectées des autres présentant des syndromes apparentés. Certains tests diagnostiques nécessitent toutefois des délais considérables avant d‘identifier l‘agent causal (Bissonnette et Bergeron 2010; Boissinot et Bergeron 2003; Pingle et al. 2007). La santé publique émettra l‘alerte à la suite d‘une augmentation ou d‘une recrudescence dans la population d‘une infection ou d‘une toxicose particulière. Les soins médicaux des victimes seront retardés comparativement à une attaque annoncée. Ces délais pourront avoir des répercussions sur la réponse clinique, la morbité et la mortalité. Les autorités de sécurité et de santé publiques s‘affaireront conjointement à identifier la source : responsable(s) et lieu(x) grâce à l‘enquête et à des tests de détection (CDC 2000; Interpol 2007). Selon la contagiosité des agents biologiques ou la multiplication des attaques, d‘autres vagues de victimes pourraient arriver dans les centres médicaux (CDC 2000). La possibilité d‘une attaque non annoncée dans des endroits jugés à haut risque suscite l‘intérêt pour le développement de systèmes de surveillance permettant la détection d‘agents biologiques dans l‘air. Le programme américain BioWatch en est un exemple. Ce type de systèmes permettrait de prévenir plus rapidement les autorités, de situer le lieu et de connaître le moment de l‘attaque (Burnett et al. 2005; Shea et Lister 2003).

34

Présentement, les organisations de sécurité publique doivent souvent intervenir pour évaluer les poudres suspectes découvertes ou postées. En effet, le USA today rapporte que depuis septembre 2001, les autorités ont dû intervenir pour plus de 30 000 incidents reliées principalement à des poudres, mais également à des liquides ou d‘autres produits suspects (Hall 2008). C‘est pourquoi nous nous sommes consacrés au développement de systèmes de détection lors de la découverte de poudres suspectes (attaque annoncée).

35

A ATTAQUE BIOTERRORISTE

Annoncée

Intervention des autorités

Non annoncée

Dissémination de l'AB

Tests de détection (surveillance)

Malades

Malades

Intervention des autorités

Tests diagnostiques

Tests diagnostiques

Dissémination de l'AB

Panique

Tests de détection

Pas de dissémination de l'AB

Intervention des autorités

Intervention des autorités

Panique

Tests de détection

B Intervention des autorités

Enquête

Tests de détection

Source identifiée

Source non identifiée

Arrestations

Décontamination

Dissémination/ Propagation de l'AB continue

Arrêt de la dissémination de l'AB

Arrêt de la propagation de l'AB

Malades

Figure 4. Modèle schématique illustrant les fenêtres d’utilisation des tests de détection et diagnostiques lors des procédures à la suite d’une attaque bioterroriste. A) Attaque bioterroriste annoncée ou non annoncée. B) Intervention des autorités de sécurité publique. AB : Agent biologique.

36

1.3.1.2 Les lacunes des procédures d’intervention En 2007, Interpol indique dans un rapport : « Hazard assessment in a potential bioterrorism incident is complicated by the lack of consistently reliable field detection equipment capable of rapidly identifying biological agents » (Interpol 2007). Une détection et une identification rapides et précises des pathogènes permettraient de minimiser leurs impacts (Figure 5). En effet, les autorités concernées pourraient intervenir et identifier rapidement la ou les sources, les agents biologiques, les lieux et les responsables du crime, afin d‘initier les procédures de décontamination adéquates autant pour les victimes que l‘environnement. Il est également important de comprendre les défis distincts pour enrayer la propagation d‘une maladie non contagieuse et d‘une maladie contagieuse, celle-ci étant transmissible d‘une personne à une autre même après la décontamination (Rosebury et Kabat 1947). En effet, si l‘agent infectieux n‘est pas contagieux, les personnes contaminées pourraient développer la maladie, mais après avoir été décontaminées, elles ne pourraient plus transmettre l‘infection. L‘infection serait donc limitée aux individus exposés initialement à des doses suffisantes de l‘agent biologique. Par contre, une maladie contagieuse pourrait se propager dans la population après avoir infecté seulement quelques individus (Prescott 2010). Elle serait donc beaucoup plus difficile à contrôler par les agences de santé publique. La quarantaine, la vaccination massive et les traitements prophylactiques seraient les moyens de choix pour limiter la propagation, s‘ils sont disponibles. Je présenterai donc certains systèmes commercialisés pour la détection et l‘identification des agents biologiques. De plus, je discuterai brièvement des analyses en laboratoire permettant de confirmer non seulement l‘espèce en cause, mais aussi de caractériser le variant afin de porter des accusations criminelles.

37

Dissémination de l’agent biologique

Détectée

Non détectée

Délai de réponse

Décontamination Victimes & Environnement

Contamination & Infection

Maladie non contagieuse

Traitement

Décès & Disposition appropriée

Maladie contagieuse

Traitement & Isolement

Décès & Disposition appropriée

Arrêt de la propagation Figure 5. Modèle schématique de la propagation des agents biologiques en fonction de leur détection et de leur contagion. Les cases et flèches rouges signifient que la propagation de l‘agent biologique continue alors que les vertes montrent l‘arrêt.

38

1.4 La détection et l’identification des agents biologiques De nombreuses macromolécules constituant les micro-organismes peuvent comporter une signature propre à un rang taxonomique permettant son identification. La Figure 6 montre la diversité des techniques de détection et d‘identification des agents biologiques (Persing 2011). La culture microbienne nécessite des délais, représentés par les aiguilles d‘une horloge, inhérents aux temps de multiplication variables d‘une espèce à une autre. Ensuite, des tests biochimiques peuvent être effectués séparément ou dans des systèmes en réalisant plusieurs simultanément. La microscopie permet d‘étudier la morphologie du micro-organisme en cause. Ces trois dernières méthodologies permettent l‘identification phénotypique. D‘autre part, les toxines peuvent être détectées et biotypées grâce à des bioessais nécessitant des jours de délais. Les immunoessais, grâce à des anticorps spécifiques, peuvent identifier des microorganismes, leurs toxines ou les anticorps produits par les patients infectés. Les séquences

d‘acides

nucléiques

peuvent

être

analysées

par

différentes

méthodes génotypiques : séquençage, hybridation d‘ADN et amplification PCR. Finalement, la chromatographie peut permettre d‘identifier les signatures spectrométriques de macromolécules ou de cellules entières (Persing 2011). Certaines de ces méthodes, plus simples ou automatisées, sont utilisables sur le terrain et d‘autres, nécessitant des manipulations plus complexes, sont seulement réalisables en laboratoire. Les méthodes d‘analyse possibles sont si nombreuses qu‘il est essentiel d‘utiliser des critères standardisés afin de les comparer objectivement en se basant sur des données probantes. Ces critères de validation permettent également d‘interpréter le résultat du test utilisé considérant ses limitations et seront passés en revue brièvement.

39

Figure 6. Principes de détection des macromolécules signatures des agents biologiques.

1.4.1 Les critères de performance clinique de tests diagnostiques L‘importance des critères de performance cliniques de tests diagnostiques est reconnue par la communauté médicale. Ces caractéristiques sont évaluées au départ lors d‘études cliniques en comparant le test diagnostique à valider à celui de référence pour une maladie donnée. Ceci permet de construire un tableau de contingence (Tableau 5). En bref, la sensibilité diagnostique (

) est la

capacité d‘un test particulier à donner un résultat positif chez un sujet présentant la maladie. Quant à la spécificité diagnostique (

), elle permet d‘obtenir un

résultat négatif lorsque la maladie est absente. Les résultats obtenus permettent d‘évaluer la valeur prédictive positive (VPP) et la valeur prédictive négative (VPN). La première (

40

) correspond à la probabilité que la maladie soit

présente lorsque le test est positif alors que la seconde (

) estime la

probabilité que la maladie soit absente lorsque le test est négatif. Ces valeurs (VPP et VPN) sont influencées par la prévalence de la maladie dans la population cible. Par exemple, si la prévalence d‘une maladie est plus élevée dans la population à laquelle le patient appartient, la VPP augmente et la VPN diminue (Beaucage et al. 2009; Saah et Hoover 1997; T. D. R. Diagnostics Evaluation Expert Panel et al. 2010). Forts de ces données probantes et de cette compréhension, les cliniciens peuvent prendre des décisions cliniques en considérant les probabilités qu‘un test particulier procure le bon diagnostic et ajuster leurs plans de traitement en conséquence. Il est important de distinguer les critères de performance clinique servant à évaluer un test diagnostique, tels que présentés ci-haut, de ceux analytiques.

Tableau 5. Tableau de contingence pour l’évaluation des critères cliniques d’un test diagnostique. Test de référence Tests diagnostiques

Test évalué

Total

Résultat positif (Malade)

Résultat négatif (Non-malade)

Résultat positif

Vrai positif (VP)

Faux positif (FP)

VP + FP

Résultat négatif

Faux négatif (FN)

Vrai négatif (VN)

FN + VN

VP + FN

FP + VN

VP + FP + FN + VN

Total

Adapté de (Beaucage et al. 2009; T. D. R. Diagnostics Evaluation Expert Panel et al. 2010).

41

1.4.2 Les critères analytiques d’un test de détection des agents biologiques. Les critères analytiques d‘un test diagnostique ou de détection sont aussi connus comme étant les quatre points

cardinaux :

la

rapidité,

la

sensibilité, la spécificité et l‘ubiquité analytiques (Boissinot et Bergeron 2003). Pour certaines maladies et plus particulièrement dans le contexte du bioterrorisme, le délai d‘attente des résultats peut avoir des répercussions

Figure 7. Les quatre points cardinaux analytiques d’un test diagnostique. Adaptée de (Boissinot et Bergeron 2003).

importantes. C‘est pourquoi la rapidité d‘acquisition du résultat est un élément primordial. Toutefois, celle-ci peut être à contre sens avec la sensibilité analytique, soit la plus petite quantité de la cible qu‘un essai puisse détecter avec fiabilité (Saah et Hoover 1997). En effet, les tests rapides sont souvent moins sensibles pour détecter de faibles quantités d‘échantillons. Quoique les préparations d‘agents biologiques propagées dans l‘environnement soient réputées pour contenir de fortes charges microbiennes, l‘échantillon recueilli pourrait contenir de plus faibles quantités après la dispersion. De plus, tel que montré dans le Tableau 4, certains agents biologiques ont une dose infectieuse extrêmement faible. De ce fait, une sensibilité analytique élevée peut donc être un avantage important afin de détecter avec fiabilité même des traces de l‘agent causal. Quant à la spécificité analytique, elle permet de détecter seulement la cible sans être affectée par d‘autres composantes ou microorganismes (Saah et Hoover 1997). Ce paramètre est également important puisque la possibilité d‘obtenir un résultat faussement positif pourrait entraîner des conséquences néfastes importantes (p. ex. coûts élevés, stress importants dans la population). Toutefois, puisqu‘on ne peut pas tester en laboratoires toutes les 42

molécules pouvant être présentes dans l‘environnement, certains tests de détection donnent des résultats faussement positifs difficilement prévisibles sur le terrain (Lim et al. 2005). L‘ubiquité est un concept moins bien connu dont l‘objectif, dans le contexte des maladies infectieuses, est de détecter toutes les souches de la cible microbienne, considérant la variabilité phylogénétique lui étant intrinsèque (Boissinot et Bergeron 2003). Cette rose des vents permettra de comparer de façon objective les tests de détection des agents biologiques et de baliser leur utilisation. Lors du développement et de l‘évaluation d‘un essai diagnostique ou de détection, il est important de chercher un compromis entre ces quatre paramètres répondant aux besoins. 1.4.3 Les défis particuliers au bioterrorisme Dans le contexte du bioterrorisme, il est important de considérer d‘autres critères se juxtaposant aux quatre points cardinaux. La méthode idéale décrite par Lim et al. (2005) présente plusieurs de ces critères opérationnels qui indiquent davantage le potentiel d‘utilisation réel sur le terrain ou en laboratoire. Les plateformes de détection doivent pouvoir identifier les agents biologiques contenus dans diverses matrices, par exemple, des poudres, des liquides, des aliments, des écouvillons nasaux, etc. L‘analyse simultanée de nombreuses cibles est importante puisque, tel que discuté ci-haut, de nombreux agents biologiques pourraient être utilisés. Considérant la quantité massive d‘échantillons pouvant être analysés, la capacité d‘en passer rapidement au crible est aussi très importante. De plus, les tests développés pour être employés sur le terrain par les premiers répondants doivent répondre à certains critères supplémentaires : robustesse, facilité d‘utilisation, transportabilité et résistance aux conditions difficiles

(choc, température,

décontamination, etc.). Finalement, une portion de l‘échantillon doit idéalement rester intacte afin de protéger la preuve et de permettre d‘autres analyses plus sophistiquées en laboratoire (Lim et al. 2005). Mon projet de doctorat s‘insère dans le cadre d‘une demande commune de la Défense nationale et de la GRC visant le 43

développement de nouveaux tests de détection d‘agents biologiques dans des échantillons poudreux. Les différentes méthodes simples qui peuvent être exécutées sur le terrain ainsi que les tests de confirmation en laboratoire plus sophistiqués seront présentées dans un ordre sensiblement chronologique, de l‘échantillonnage au séquençage du génome. 1.4.3.1 L’échantillonnage La première étape pour analyser une poudre suspecte est l‘échantillonnage. Les méthodes d‘échantillonnage comportent de nombreux défis. En effet, dans des conditions de travail ardues, ces procédures doivent, d‘une part, permettre une analyse scientifique rigoureuse et, d‘autre part, répondre aux normes légales, notamment à des fins d‘enquête ou de poursuite judiciaire. L‘équipe responsable de la collecte des échantillons est en général composée d‘au moins trois personnes. Deux manipulateurs seront en charge de récupérer les échantillons, un sera en contact direct avec les échantillons suspects et l‘autre procurera du nouveau matériel propre. Le troisième membre pourra documenter la procédure en photographiant et en prenant des notes (Emanuel et al. 2008; Interpol 2007). La procédure d‘échantillonnage doit être réalisée de façon rigoureuse puisqu‘elle influencera les résultats des tests. En bref, les quantités doivent être suffisantes pour atteindre la sensibilité analytique du test choisi (Emanuel et al. 2008; Lim et al. 2005). De plus, il est important de recueillir des échantillons contrôles dans des zones similaires non contaminées et de valider les lots du matériel utilisé (Emanuel et al. 2008; Interpol 2007). Nous retrouvons dans la littérature plusieurs méthodes d‘échantillonnage qui seront choisies selon les besoins. Lorsque le matériel est visible, par exemple une poudre suspecte, il peut être écouvillonné ou même recueilli avec une spatule. Lorsque le matériel est invisible, par exemple sous forme d‘aérosols, il devra être concentré afin d‘évaluer la présence d‘agents biologiques dans l‘air (Ryan et al. 2009).

44

1.4.3.2 La préparation des analytes Les types d‘échantillons suspects recueillis dans l‘environnement peuvent être variés et contenir de nombreux composants chimiques interférant potentiellement avec la détection des agents biologiques. Les autorités en sécurité publique doivent souvent évaluer une menace biologique parce que des poudres ont été postées ou découvertes à des endroits suspects. Ces poudres sont le plus souvent composées de substances biologiquement inoffensives, telles que le bicarbonate de soude ou la farine, mais psychologiquement offensives. Même si elles ne contiennent pas d‘agent biologique, elles peuvent interférer avec les méthodes de détection subséquentes. Il a également été rapporté que certains additifs pourraient être incorporés aux préparations d‘agents biologiques et affecter les tests (Alibek et Handelman 2000; Lim et al. 2005; Shoham et Jacobsen 2007). De ce fait, des méthodes de préparation des analytes doivent être adaptées aux tests de détection et d‘identification utilisés. Plusieurs principes méthodologiques peuvent être employés pour réaliser la préparation des analytes (Figure 8). Sur le terrain, lorsque la poudre ou un autre échantillon suspect est visible, des principes de dilution sont souvent utilisés. Toutefois, si le matériel est invisible, par exemple aérosolisé, alors la concentration par filtration, par impaction ou par culture, facilitera la détection ultérieure. La plupart des méthodes de détection sur le terrain nécessitent de diluer l‘échantillon afin d‘éviter de surcharger le système et ainsi d‘obtenir des résultats faussement négatifs. D‘ailleurs, le RAZORTM (Idaho Technology Inc., Utah, USA) utilise ce principe et stipule que certains types d‘échantillons pourraient nuire à l‘analyse PCR et qu‘un contrôle d‘inhibition permettant de repérer cette interférence a été intégré (Idaho Technology Inc. 2012). Plusieurs

macromolécules des agents biologiques peuvent être analysées

(Figure 6) et différentes composantes de la matrice peuvent interférer. C‘est pourquoi de nombreuses méthodes de séparation (Figure 8) peuvent être

45

employées en utilisant les propriétés intrinsèques de l‘analyte cible. En effet, la taille, la masse et l‘adsorption peuvent permettre de séparer l‘analyte de la matrice avec ou sans dissociation préalable ou ultérieure. Toutefois, ces méthodes souvent plus sophistiquées, doivent être exécutées en laboratoire par du personnel spécialisé.

Le

système

d‘analyse

total

en

développement

FilmArray®

Biosurveillance System (Idaho Technology Inc. 2011) se démarque par son intégration d‘une méthode de capture d‘ADN par des billes magnétiques. Il n‘y a toutefois pas d‘études scientifiques publiées révisées par des pairs permettant d‘évaluer les critères de validation présentés ci-haut2. Considérant le défi de ces méthodes de préparation des analytes, deux techniques ont été développées durant ce projet de doctorat (Chapitres 3 et 4).

2

Recherche : FilmArray et Biosurveillance sur : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/, consulté le 2012-0729. 46

Filtration Tailles

Tamissage Colonne

Time of flight

Éch. visible

Suspensiondilution

Masse / Charge

Préparation d'analytes

Séparation

Éch. invisible

Centrifugation

Électrophorèse

Concentration

Chimique

Absorption (ligand) Filtration

Impaction

Spécifique (anticorps)

Culture Électrostatique

Chimique

Dissociation

Enzymatique

Mécanique

Figure 8. Principes méthodologiques de la préparation des analytes.

1.4.3.3 Les méthodes utilisées sur le terrain 1.4.3.3.1 La détection de protéines La détection de protéines combinée à la mesure du pH est une méthode facile qui permet d‘éliminer de l‘équation certains composés inoffensifs utilisés fréquemment tels que le bicarbonate de soude, la fécule de maïs et le plâtre (Wade et al. 2006). Il est important de rappeler que la grande majorité des appels placés au 911 concernant une menace biologique sont des canulars (Hall 2008; Leask et al. 2003; Wills et al. 2008). Lorsque ce type de test est effectué sur un échantillon de qualité et de quantité adéquate et donne un résultat négatif, le risque d‘une menace réelle est faible. Le BioCheckTM (20/20 GeneSystems Inc., Rockville, MD) 47

coûtant 22,80 $ utilise ce principe. Il est simple d‘utilisation, nécessite 5 minutes et 100 µg de ricine, entre 1 × 107 et 1 × 108 CFU de B. anthracis ou Y. pestis (Poore et al. 2009). Le manufacturier recommande d‘utiliser 100 µg ou plus d‘échantillon, donc ce test est adapté pour les échantillons visibles et non le monitoring. Le BioCheckTM n‘est toutefois pas spécifique pour les agents biologiques, puisque d‘autres poudres inoffensives peuvent produire un signal positif, par exemple, la farine ou la levure (20/20 GeneSystems 2012). C‘est pourquoi des tests ont été développés pour détecter plus spécifiquement les agents biologiques en utilisant des anticorps monoclonaux. 1.4.3.3.2 Les méthodes utilisant des anticorps Les tests de grossesse sur bandelettes détectant l‘hormone β-HCG à l‘aide d‘anticorps sont des examens diagnostiques facilement utilisables, ce qui leur a conféré une grande popularité (Bernstein et Weinstein 2007). C‘est pourquoi certaines compagnies ont mis sur le marché des tests de détection d‘agents biologiques utilisant des principes similaires. Les essais BioThreat Alert® (TetraCore, Inc., Rockville, MD) sont facilement utilisables sur le terrain puisqu‘ils ne nécessitent que de resuspendre l‘échantillon dans un solvant aqueux (dilution 1 : 50) et de le déposer sur la carte. Le Plague Biothreat Alert® a montré une limite de détection de 7 × 103 CFU/ml et était dans un ordre de grandeur comparable à celles d‘autres immunoessais (103 à 105 CFU/ml) (Sapsford et al. 2008; Tomaso et al. 2007). Toutefois, 3 des 10 souches de Y. pestis résultaient en des bandes de faibles intensités, ce qui n‘a pas été rapporté pour les autres essais évalués. Il serait donc intéressant d‘évaluer davantage l‘ubiquité de ce test. Le Plague Biothreat Alert® s‘est révélé spécifique contre 10 autres espèces du genre Yersinia parmi le panel des 45 espèces testées. Ce test peut donc être intéressant à utiliser sur le terrain puisqu‘il permet la détection de Y. pestis en 25 minutes au coût de 20 $, même si d‘autres tests semblaient montrer des performances comparables ou supérieures (Tomaso et al. 2007). Le RAID DXTM permet l‘analyse simultanée

48

de huit agents biologiques en quinze minutes : B. anthracis, Brucella, F. tularensis, Y. pestis, orthopox, ricine, BoNT et entérotoxine staphylococcique (Alexeter Technologies LLC 2012). Des études évaluées par les pairs n‘ont toutefois pas été publiées3. De plus, quoique la rapidité et la facilité d‘utilisation de ces tests semblent intéressantes, le Plague Biothreat Alert® a une sensibilité analytique équivalente à environ 20 fois la LD50 estimée à 343 bactéries chez le grivet. Dans les cas où les doses infectieuses sont inférieures à 10 3 bactéries, les systèmes de détection basés sur les acides nucléiques seraient avantageux puisqu‘ils présentent généralement des sensibilités analytiques supérieures à celles des tests utilisant des anticorps (Lim et al. 2005). 1.4.3.3.3 Les méthodes détectant les acides nucléiques La majorité des macromolécules sont exprimées de façon variable, en fonction des conditions de culture, à l‘exception du code génétique. De plus, les banques de données publiques de séquences nucléiques ont eu une croissance importante au cours de la dernière décennie. Ces deux avantages majeurs ont été des catalyseurs pour le développement de méthodes de détection génotypiques, notamment basées sur la PCR (Irenge et Gala 2012; Lim et al. 2005; Persing 2011; Rao et al. 2010; Riehm et al. 2011; Stewart et al. 2008). Les techniques PCR mises au point ont l‘avantage d‘être rapides et d‘avoir une haute sensibilité, mais elles sont toutefois extrêmement sensibles aux contaminations extérieures nécessitant une préparation d‘analytes de qualité suffisante. La PCR en temps réel est plus rapide que la PCR conventionnelle puisque le niveau d‘amplification est analysé pendant l‘amplification grâce aux marqueurs fluorescents utilisés, plutôt qu‘à la fin sur gel d‘électrophorèse (Persing 2011). Parallèlement, elle permet de déterminer les niveaux d‘interférence initiaux par une courbe d‘étalonnage et peut cibler de quatre à six séquences d‘ADN systématiquement. Cette technologie permet de répliquer l‘ADN à des concentrations très élevées résultant 3

Recherches : RAID DX, Tetracore et Alexeter sur http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/, consulté le 2012-07-03. 49

généralement en une excellente sensibilité analytique pouvant même aller jusqu‘à une molécule.

Aussi,

le

design

rigoureux

d‘amorces

permet

d‘amplifier

spécifiquement et ubiquitairement une cible. Un des avantages principaux de la PCR en temps réel, en tube fermé, par rapport à la méthode conventionnelle est d‘éviter la contamination pré-PCR par des amplicons causant des résultats faussement positifs. De plus, le délai d‘analyse est en général de moins d‘une heure, un peu plus long que certains tests immunologiques présentés préalablement, mais bien plus rapide que la culture microbienne. La compagnie Idaho Technology Inc. s‘est démarquée en commercialisant le RAZOR™ 10 Target, un test PCR en temps réel relativement facile à exécuter sur le terrain permettant la détection simultanée de 10 agents biologiques, i.e. B. anthracis, Brucella spp.,

C. botulinum,

C. burnetii,

E. coli O157:H7,

F. tularensis,

R. communis, Salmonella spp., Y. pestis et le virus de la variole, en 30 minutes. Ce système ne contient toutefois pas d‘étape de préparation d‘échantillon séparant les analytes de la matrice environnementale. Idaho Technology Inc. a ensuite poussé les standards de l‘industrie en développant le FilmArray® Biosurveillance, un système intégré d‘analyse totale incluant les étapes d‘extraction et de purification d‘ADN, d‘amplification d‘acides nucléiques totaux et de multiples PCR en temps réel, permettant la détection de 17 pathogènes en parallèle (Idaho Technology Inc. 2011). Il n‘y a actuellement pas d‘études scientifiques publiées et révisées par des pairs permettant de connaître les quatre points cardinaux du FilmArray® Biosurveillance4. De nombreux autres tests PCR ont été développés pour être exécutés en laboratoire et seront énoncés à la section 1.4.3.4.2. 1.4.3.4 Les méthodes utilisées en laboratoire L‘éventail des analyses possibles en laboratoire est impressionnant, de l‘identification à l‘espèce par des méthodes diversifiées jusqu‘à l‘identification du variant par des méthodes phylogénétiques avant-gardistes. Lors d‘une menace 4

Recherche : FilmArray sur http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/ et Web of science, consulté le 2012-07-29. 50

terroriste, selon la juridiction, les premiers répondants seront dirigés sur les lieux. Aux États-Unis, le Laboratory Response Network (LRN) chapeauté par les CDC est en charge de diriger un réseau de plus de 150 laboratoires afin de répondre rapidement aux attaques biologiques ou chimiques et aux crises de santé publique. En ce qui a trait au bioterrorisme, le LRN a une structure séparée en trois paliers : les laboratoires sentinelles, de référence et nationaux. Les laboratoires sentinelles sont les laboratoires cliniques, soit l‘instance de première ligne recevant des victimes et en charge de poser des diagnostics. Ils doivent transmettre les échantillons suspects aux laboratoires de référence. Ces derniers peuvent détecter et confirmer l‘identification des agents biologiques et ainsi enclencher des procédures pour répondre à un acte bioterroriste. Finalement, les laboratoires nationaux sont en mesure de réaliser de nombreux tests afin d‘identifier plus précisément la souche en cause et de manipuler des agents biologiques hautement infectieux (Centers for Disease Control and Prevention 2012). Au Canada, certains laboratoires, dont le Laboratoire de santé publique du Québec à Sainte-Anne-de-Bellevue et le Laboratoire national de microbiologie à Winnipeg ont les installations, BSL-3 ou BSL-4, ainsi que l‘expertise nécessaires pour recevoir des échantillons suspects à analyser. Ils pourront procéder à des tests de détection et d‘identification des agents biologiques dans ces enceintes de biosécurité. Une étude de performance des laboratoires sentinelles américains a montré leurs capacités et leurs limitations. Le temps de notification de la découverte d‘un agent biologique pour certaines évaluations est passé de plus de 10 jours (2007) à 3-4 jours (2008). Malgré cette amélioration, de 4,6 à 7,8 % des participants ne référaient pas les échantillons de F. tularensis, B. anthracis et Y. pestis aux paliers supérieurs du LRN (Wagar et al. 2010). 1.4.3.4.1 Les méthodes de microbiologie classique La mise en culture des micro-organismes est importante lors d‘une attaque bioterroriste afin de les étudier suffisamment et de constituer la preuve. On doit

51

identifier ou confirmer l‘espèce, évaluer la présence de résistance aux antibiotiques ou de facteurs de virulence, et même identifier la provenance. Les méthodes de microbiologie classique demeurent donc celles de référence pour la détection et l‘identification des agents biologiques. Ces protocoles se basent sur l‘évaluation des caractéristiques morphologiques et biochimiques et sur la culture utilisant des milieux sélectifs et différentiels (Lim et al. 2005). Les méthodes de microbiologie classique sont souvent assez sensibles, spécifiques et ubiquitaires. Toutefois, ces techniques actuellement employées sont pour la plupart basées sur les méthodes de culture ayant été développées par les professeurs Pasteur et Koch à la fin du 19e siècle. Même si certains systèmes ont été mis au point pour simplifier ces protocoles, comme les Galeries API, les systèmes Microscan, Vitek 2 et Phoenix (Orenga et al. 2009), les délais requis du prélèvement à l‘identification sont souvent calculables en jours et semblent, à l‘ère de la biologie moléculaire, trop longs (Bissonnette et Bergeron 2010; Boissinot et Bergeron 2002; Pingle et al. 2007). De plus, lorsqu‘on se penche sur la problématique des micro-organismes fastidieux, de la culture virale et parasitaire, on constate les limites de ces techniques. Des agents biologiques sélectionnés pour ce projet, seules C. psittaci et Rickettsia prowazekii sont considérés comme des bactéries intracellulaires obligatoires complexifiant leur culture et leur identification (Beare et al. 2011). En fait, un milieu et des conditions de culture ont récemment été optimisés par des études de pointe en transcriptomique pour permettre la croissance axénique de C. burnetii. Ceci facilitera la recherche sur ce pathogène, toutefois, l‘utilité pour la détection ou le diagnostic clinique est moins probable considérant les délais de croissance de six jours (Beare 2012). Les bioessais utilisant des petits animaux de laboratoire sont encore les méthodes de référence coûteuses et complexes pour la détection de certaines toxines et leur typage, par exemple les toxines botuliniques (Persing 2011). 52

1.4.3.4.2 Les méthodes génotypiques de détection et d’identification moléculaires des agents biologiques Les avantages et limitations de la technologie de la PCR ont été résumées ci-haut. De nombreux autres tests utilisant la PCR ont été développés pour la détection et l‘identification des agents biologiques en laboratoire (Irenge et Gala 2012; Lim et al. 2005; Persing 2011; Rao et al. 2010; Riehm et al. 2011; Stewart et al. 2008). Ils permettent l‘identification de l‘espèce, de la sous-espèce, et même de facteurs de virulence ou de résistances aux antibiotiques (Antonov et al. 2008; Leski et al. 2009). Cette technologie laisse encore place à amélioration quant à la capacité de passer au crible les nombreux agents biologiques prioritaires en simultané (Lim et al. 2005). 1.4.3.4.3 Concepts généraux des puces à ADN Les biopuces, ou microdamiers, peuvent quant à elles permettre de poser des centaines, voire même des milliers, de questions simultanément. Les puces à ADN sont constituées de nombreuses sondes apposées à un support solide, par exemple une lame de verre ou des microbilles. Ces sondes peuvent être de courts oligonucléotides ou encore des produits d‘amplification PCR plus longs. Dépendamment de l‘objectif, de l‘ARNm total, de l‘ADN génomique ou plasmidique ou des amplicons PCR avec ou sans étape de transcriptase inverse peuvent être analysés. À la suite d‘une étape de marquage avec un fluorophore, leurs séquences particulières leur permettront d‘être hybridés au brin complémentaire, leurs sondes de capture spécifiques fixées (Raoult et al. 2004; Tulpan 2010). La position de ces dernières est connue, par exemple à l‘aide d‘un système cartésien en deux dimensions sur des lames de verre ou en trois dimensions avec des microbilles de couleurs différentes. Les puces à ADN permettent d‘analyser plusieurs centaines, voire même plusieurs milliers de cibles simultanément grâce à l‘hybridation des séquences d‘acides nucléiques complémentaires aux sondes de capture. Utilisée seule, cette technologie a toutefois pour inconvénient d‘être moins

53

sensible que les méthodes PCR puisqu‘elle n‘inclut pas l‘amplification des acides nucléiques et nécessite une étape de marquage. Combiner la technologie de l‘amplification, du marquage par la PCR et l‘analyse sur les puces à ADN a résolu ces problèmes (Bissonnette et Bergeron 2010; Miller et Tang 2009; Raoult et al. 2004). C‘est pourquoi les puces à ADN peuvent être utilisées pour détecter et identifier des micro-organismes (Miller et Tang 2009; Tulpan 2010). La Figure 9 illustre cette approche et montre comment les signaux d‘hybridation sur puce à ADN peuvent être interprétés.

Figure 9. Représentation schématique d’une puce, ou microdamier, à ADN en deux dimensions. Des sondes de capture sont déposées de façon cartésienne sur une surface solide, souvent une lame de verre, pour former une matrice de points. L‘hybridation des amplicons d‘ADN marqués avec un fluorophore aux sondes de capture à la surface nous permet d‘identifier la cible. Dans cet exemple, en jaune, on voit la position d‘une sonde jouant le rôle de contrôle positif d‘hybridation et de la sonde de Y. pestis produisant des signaux positifs. Ceci confirme ainsi la présence de cette espèce dans notre échantillon analysé. On voit en vert les positions des sondes ciblant des espèces non présentes (B. anthracis et F. tularensis) dans l‘échantillon qui sont négatives et seulement révélées par des sondes de contrôle d‘impression dans une différente longueur d‘onde.

Différentes approches peuvent être employées lors du développement des puces à ADN dépendamment des besoins. Premièrement, le choix du des gènes est primordial. Les gènes souvent utilisés sont conservés dans l‘évolution, comme l‘ARNr 16S. La Figure 10 montre les principes de design des amorces et des sondes de capture spécifiques pour les gènes conservés. Il est donc possible 54

d‘avoir une seule réaction d‘amplification avec des amorces à large spectre pour ensuite détecter et identifier spécifiquement la cible grâce à de multiples sondes. Toutefois, l‘utilisation d‘autres types de gènes, parfois moins conservés, peut être plus avantageuse, par exemple, pour la détection de résistances aux antibiotiques ou de facteurs de virulence. Deuxièmement, des règles pour le design des sondes de capture ont été élaborées pour répondre aux besoins des analyses. Par exemple, les sondes courtes (~20 nucléotides) permettent un bon compromis entre la sensibilité et la spécificité analytiques. De plus, la proportion et le positionnement

des

guanines/cytosines

et

adénines/thymines

influencent

également ces paramètres (Lockhart et al. 1996). Le nombre de mésappariements et leur distance peuvent également être optimisés in silico pour augmenter leur spécificité (Hadiwikarta et al. 2012). Finalement, la position des courtes sondes de capture sur leur amplicon cible affecte la cinétique d‘hybridation, et ce modèle guide le design afin d‘augmenter la sensibilité analytique (Brinker et al. 2010; Peytavi et al. 2005). Les bases de données publiques contiennent maintenant des quantités impressionnantes de séquences de nombreux agents biologiques. Ceci facilitera certainement le design complexe d‘essais de détection sur puce à ADN.

55

Figure 10. Design d’amorces d’amplification à large spectre et de sondes de capture spécifiques utilisant les gènes conservés. Les gènes conservés présentent des régions plus conservées entre des espèces phylogénétiquement éloignées puisqu‘ils sont souvent d‘importance pour la structure ou la fonction protéique. Les amorces à large spectre cibleront ces régions afin d‘amplifier un plus grand éventail de micro-organismes. D‘autres régions des gènes conservés évoluent plus rapidement. Celles-ci seront utilisées pour le design de sondes de capture spécifiques à un taxon ou à un groupe de taxa microbiens. Certains logiciels permettent d‘identifier rapidement des régions conservées pour le design d‘amorces (Colson et al. 2006) ou des régions divergentes pour les sondes (Martel 2011).

D‘autre part, les procédures d‘hybridation sur puces à ADN sont classiquement longues, 14-16h (Affymetrix Inc. 2012; Walter et al. 2011). Des systèmes microfluidiques peuvent résoudre ce problème puisqu‘ils permettent d‘accélérer la procédure d‘hybridation. En effet, une revue de la littérature réalisée par Wang et Li (2011) présente un panel de 16 systèmes microfluidiques d‘hybridation d‘amplicons PCR nécessitant des temps d‘hybridation de 2 minutes à 18 h (Wang et Li 2011). Une des plateformes microfluidique évaluée par Wang et Li (2011) a été mise au point dans notre laboratoire (Figure 11) et permet l‘hybridation des amplicons PCR sur des puces à ADN diagnostiques en seulement cinq minutes (Peytavi et al. 2005).

56

Figure 11. Représentation schématique de la plateforme pour l’hybridation rapide sur puce à ADN en microfluidique. A) Les cellules avec chambres et microcanaux en PDMS (polydiméthylsiloxane) sont juxtaposées sur une lame de verre ayant des sondes imprimées à la surface, formant ainsi des unités microfluidiques. Les chambres de ces unités sont remplies d‘amplicons (2), de tampon de lavage (3), ou de tampon de rinçage (4). Ceci permet le déversement séquentiel de ces réactifs à travers un microcanal afin de rejoindre la chambre d‘hybridation (1). B) Représentation schématique de la chambre d‘hybridation (1) de 8 500 par 500 µm ayant une capacité de 250 sondes de capture. C) Jusqu‘à 6 unités microfluidiques peuvent être fixées au support rotatoire. La vitesse de rotation accélérée de façon séquentielle permet de produire une force centripète augmentant et contrôlant l‘ouverture des valves entre les chambres d‘amplicons, de lavage et de rinçage. Cette figure a été adaptée avec la permission de Peytavi et al. (2005).

Outre la rapidité, les systèmes microfluidiques comportent d‘autres avantages. Premièrement, les volumes des réactifs sont petits, diminuant ainsi les coûts (Wang et Li 2011). La microfluidique offre également la possibilité de conceptualiser un système fermé évitant des problèmes de contamination (p. ex. autres micro-organismes ou amplicons). Finalement, les systèmes microfluidiques permettent le design de systèmes d‘analyse totale automatisés. Ceux-ci pourraient donc être portables, autant au chevet du patient que sur le terrain. Cependant, certains défis restent de taille, particulièrement en ce qui a trait à la préparation d‘échantillon. Cette étape cruciale est souvent négligée et la concentration de l‘échantillon représentant un macrovolume (p. ex. 1 ml à 10 ml) à un microvolume pour l‘analyse est complexe (Siegrist et al. 2009; 2010; 2010). C‘est pourquoi une partie de mon projet a consisté à simplifier des procédures de préparation d‘analytes (Chapitres 3 et 4) afin de faciliter leur automatisation future. 57

1.4.3.4.4 Concepts généraux phylogénétiques

du

séquençage

et

des

analyses

Le séquençage de nouvelle génération permet d‘obtenir des quantités massives d‘information (Hu et al. 2011; Torok et Peacock 2012). Le Clinical and Laboratory Standards Institutes (CLSI) a établi des standards pour l‘identification des microorganismes par l‘analyse de séquences (Petti et CLSI 2008). La validité des analyses phylogénétiques subséquentes est basée sur plusieurs assomptions (Baxevanis et Ouellette 2005). Premièrement, le choix du gène cible (ou des gènes cibles) est important puisque sa diversité doit permettre de résoudre l‘énigme. Par exemple, plusieurs gènes conservés peuvent être utilisés : ARNr 16S, rpoB, tuf, gyrA, gyrB, sodA et hsp. Les séquences de l‘ARNr 16S, le gène bactérien le plus hautement conservé, sera ainsi limité par son pouvoir discriminatoire entre deux espèces (Petti 2007). En second lieu, la séquence de la souche à identifier doit être de qualité, provenir du micro-organisme à l‘étude et être alignée adéquatement avec ses homologues de base de données. D‘autre part, la base de données doit contenir suffisamment de représentants, ou taxa, et de variabilité pour assurer l‘identification. Par exemple, Paradis et al. (2005) montrent que les gènes atpD, tuf et 16S ARNr permettent l‘identification de nombreuses espèces de la famille des Enterobacteriaceae (Paradis et al. 2005). Finalement, les types d‘analyses phylogénétiques sont nombreux et ont des avantages et des limitations particulières. Ils doivent donc être utilisés avec parcimonie afin de répondre aux questions posées (Baxevanis et Ouellette 2005; Felsenstein 2004; Hall 2011) et j‘en présenterai certains dans le Chapitre 6.

58

2 Hypothèses et objectifs de recherche

2.1 Problématique de la détection des agents biologiques Les actes bioterroristes sont difficiles à prévoir et à prévenir. De plus, les canulars sont fréquents. La difficulté à détecter et identifier rapidement les agents pathogènes constitue une lacune importante nuisant à la qualité de l‘intervention. Il est donc nécessaire de développer des systèmes de détection des agents biologiques, ce qui présente de nombreux défis, tel que discuté préalablement (Section 1.4.3). Les types d‘échantillons devant être analysés pour détecter la présence d‘agents biologiques sont variés (Leask et al. 2003; Wills et al. 2008). Les matrices contenant les agents biologiques peuvent être complexes et interférer avec les analyses moléculaires (Lim et al. 2005). De plus, la grande diversité de pathogènes pouvant être employés lors d‘actes bioterroristes représente un défi lors de la conceptualisation de tests moléculaires. C‘est pourquoi plusieurs des tests développés ne permettent d‘analyser qu‘un nombre limité de pathogènes simultanément (Hadjinicolaou et al. 2009; Lim et al. 2005; Matero et al. 2009; Persing 2011; Tomaso et al. 2007). Toutefois, certaines organisations, dont Idaho Technology Inc., se sont démarquées en commercialisant des essais de détection permettant d‘analyser sur le terrain un plus grand nombre d‘agents biologiques associés au bioterrorisme simultanément (Alexeter Technologies LLC 2012; Idaho Technology Inc. 2011; 2012). La mise au point de méthodes rapides de détection moléculaire des agents biologiques devient donc un enjeu majeur de recherche. Ce projet doctoral a été réalisé afin de développer des outils de préparation des analytes et de détection rapide des agents biologiques dans des matrices poudreuses. Ceux-ci pourraient permettre d‘optimiser la réponse immédiate à un acte bioterroriste et de minimiser son impact sur la population.

60

2.2 Hypothèses de recherche Hypothèse générale : Les avancées en génomique et en technologie d‘analyse des acides nucléiques pourraient permettre de développer des tests de détection des acides nucléiques plus rapides et efficaces dans le contexte du bioterrorisme. Les

puces

à

ADN

suscitent

l‘intérêt

puisqu‘elles

permettent

l‘analyse

multiparamétrique de haute envergure (Bryant et al. 2004; Leski et al. 2010; Liu 2008; Miller et Tang 2009). Les avancées en microfluidique ont permis d‘accélérer les procédures d‘hybridation sur puces à ADN (Wang et Li 2011). Dans notre laboratoire, une plateforme microfluidique permet une procédure d‘hybridation sur puces à ADN rapide (15 minutes) (Peytavi et al. 2005). De l‘échantillonnage jusqu‘à l‘analyse de données, plusieurs étapes sont nécessaires pour réaliser les tests de détection (Figure 12). L‘optimisation de chacune des étapes est donc souhaitable afin de développer une plateforme de détection d‘agents biologiques transportable et performante.

Figure 12. Procédure pour réaliser un essai de détection des agents biologiques sur puce à ADN.

61

Hypothèse 1 : Il est possible de séparer plus rapidement et simplement les analytes d‘une grande diversité de poudres, que ce soit des additifs potentiels d‘aérosolisation ou encore des canulars. Hypothèse 2 : Il est possible d‘avoir un système efficace, rapide et décontaminable d‘extraction des acides nucléiques d‘agents biologiques, y compris pour les formes les plus coriaces : les spores. Hypothèse 3 : Il est possible d‘utiliser une cible génétique conservée pour amplifier, détecter et identifier les principaux agents biologiques, soit les agents bactériens aéroportés. Hypothèse 4 : On peut utiliser l‘information de la cible génétique afin d‘étudier les évènements complexes d‘évolution moléculaire du gène cible.

62

2.3 Objectifs de recherche Objectif général : Développer une famille d‘outils rapides et efficaces pour la préparation d‘analytes d‘échantillons suspects poudreux et pour la détection des agents bactériens aéroportés associés au bioterrorisme. Objectif spécifique 1 : Développer une méthode de filtration différentielle rapide et simple de préparation d‘analytes contenus dans une variété d‘échantillons poudreux et environnementaux pour en extraire l‘ADN bactérien présent (Chapitre 3). Objectif spécifique 2 : Tester un module d‘extraction et de fragmentation d‘ADN rapide utilisant les ultrasons pouvant être transféré d‘une zone contaminée à une enceinte de biosécurité dans une zone sécurisée (Chapitre 4). Objectif spécifique 3 : Développer une méthode basée sur la PCR à large spectre et la technologie des puces à ADN dans un système microfluidique permettant la détection rapide (~1 h) des 12 agents bactériens aéroportés ciblés (Chapitre 5). Objectif spécifique 4 : Étudier la divergence du gène cible tuf dupliqué chez le genre Yersinia et la phylogénie de ses taxa (Chapitre 6).

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2.4 Aperçu des résultats et contribution scientifique Le premier volet de mon projet de doctorat a porté sur le développement d‘une méthode rapide (2 minutes) de séparation par filtration des spores de Bacillus mélangées à

23 matrices

poudreuses ou

environnementales

différentes

(Chapitre 3). La méthode de préparation des analytes présentée est innovante puisqu‘elle permet la séparation des spores contenues dans la matrice avant l‘extraction d‘acides nucléiques. J‘ai conceptualisé et éprouvé la trousse de traitement d‘échantillons poudreux et environnementaux avec des seringues plus facilement manipulables et potentiellement utilisables sur le terrain (Figure 23, Annexe 2). De plus, j‘ai élaboré de concert avec Julie-Christine Lévesque la méthode d‘imagerie confocale permettant d‘étudier en trois dimensions la pénétration des spores fluorescentes dans des filtres. Cette technique pourrait avoir d‘autres utilités en recherche. En second lieu, mon projet de doctorat a porté sur le développement d‘une méthode rapide (45 secondes) d‘extraction et de fragmentation de l‘ADN de spores bactériennes basée sur la sonication donnant des rendements comparables à ceux d‘une technique commercialisée (Chapitre 4). J‘ai conceptualisé et mis à l‘épreuve la méthode de transfert sécuritaire de l‘appareillage d‘une zone contaminée à une zone propre. Ce type de transfert est complexe et important dans le contexte du bioterrorisme. Le troisième volet de mon projet de doctorat a porté sur la conceptualisation d‘un essai moléculaire basé sur les technologies des puces à ADN et de la microfluidique pour détecter les agents bactériens aéroportés associés au bioterrorisme (Chapitre 5). Plusieurs tests disponibles ciblent les bactéries de la catégorie A du CDC seulement (Irenge et Gala 2012; Skottman et al. 2007; Yang et al. 2008). J‘ai tenu à passer au crible les espèces bactériennes répondant aux critères de sélection dans les catégories A, B et C du CDC. Mon design complexe 64

de l‘essai moléculaire a permis l‘amplification dans un tube des agents sélectionnés ayant une grande diversité génétique ainsi que leur identification sur puce à ADN. Le quatrième et dernier volet de mon projet de doctorat a porté sur une étude plus fondamentale; l‘analyse du gène cible de l‘essai de biopuce a montré une divergence chez le genre Yersinia. Celle-ci était inattendue puisque les gènes dupliqués sont généralement hautement similaires (Lathe et Bork 2001). Un nouveau type d‘analyse, les réseaux phylogénétiques, a permis d‘explorer la divergence du gène dupliqué à l‘étude, un processus évolutif clé. Mes analyses ont également permis de complémenter les informations phylogénétiques au sujet du genre Yersinia dans la littérature.

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3 Méthode de préparation d’échantillons de poudres suspectes et autres échantillons environnementaux basée sur la filtration

Avant propos

Rapid Filtration Separation-Based Sample Preparation Method for Bacillus Spores in Powdery and Environmental Matrices COURT TITRE: Powdery and environmental sample preparation AUTEURS Sandra Isabel1, Maurice Boissinot1, Isabelle Charlebois1, Chantal M. Fauvel1, Lu-E Shi1, Julie-Christine Lévesque2, Amélie T. Paquin1, Martine Bastien1, Gale Stewart1, Éric Leblanc1, Sachiko Sato2, and Michel G. Bergeron1† 1

2

Centre de recherche en infectiologie de l‘Université Laval, Centre de recherche du CHUQ, Québec City, Québec, Canada. Bioimaging platform, Centre de recherche en infectiologie de l‘Université Laval, Centre de recherche du CHUQ, Québec City, Québec, Canada.

† Corresponding author. Mailing address: Centre de recherche en infectiologie de l‘Université Laval, Centre de recherche du CHUQ, 2705 Laurier Blvd., Québec City, Québec, Canada G1V 4G2. Phone: (418) 654-2705. Fax: (418) 654-2715. E-mail: [email protected].

Précisions sur le rôle exact de l’étudiante dans la préparation de l’article. L‘étudiante a contribué à l‘élaboration du projet de recherche et du schéma expérimental. Elle a réalisé une partie des expériences ainsi que l‘interprétation des résultats. L‘étudiante a conceptualisé la trousse de traitement d‘échantillons environnementaux basée sur la manipulation de seringue et potentiellement utilisable sur le terrain. De plus, l‘étudiante a élaboré conjointement avec JulieChristine Lévesque la méthode d‘imagerie permettant d‘étudier la pénétration des spores fluorescentes dans des filtres. L‘étudiante a écrit la première version du 67

manuscrit et a procédé aux modifications suggérées par les coauteurs et les réviseurs. Précisions sur le rôle des coauteurs dans la préparation de l’article. Michel G. Bergeron, Maurice Boissinot, Éric Leblanc et Gale Stewart ont élaboré et supervisé le projet de recherche. Maurice Boissinot a suivi les avancements de près. Gale Stewart a, de plus, contribué aux analyses statistiques. Martine Bastien et Éric Leblanc ont développé le concept préliminaire de préfiltration. Isabelle Charlebois, Chantal M. Fauvel, Amélie T. Paquin et Lu-E Shi ont montré la reproductibilité de la technique et ont réalisé une partie importante des expériences présentées dans cet article. Julie-Christine Lévesque a réalisé les expériences de microscopie et Sachiko Sato a contribué à l‘analyse de ces données. Tous les coauteurs ont révisé et commenté le manuscrit. Précisions sur le statut de l’article. L‘article au sujet de la préparation d‘échantillons poudreux ou environnementaux a été accepté pour publication dans le journal Applied and Environmental Microbiology le 12 décembre 2011. Isabel, S., M. Boissinot, I. Charlebois, C.M. Fauvel, L.E. Shi, J.C. Levesque, A.T. Paquin, M. Bastien, G. Stewart, E. Leblanc, S. Sato et M.G. Bergeron. 2012. Rapid filtration separation-based sample preparation method for Bacillus spores in powdery and environmental matrices. Applied and Environmental Microbiology 78(5): 1505-12. [En ligne: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22210204] Commentaires sur les modifications apportées à l’article inséré dans la thèse comparativement à l’article publié originalement. Le chapitre 3 de cette thèse inclut cet article et représente la version finale, telle que publiée originalement en anglais dans le journal Applied and Environmental Microbiology. 68

3.1 Résumé Les autorités doivent analyser fréquemment des poudres suspectes et d‘autres échantillons afin de détecter des agents biologiques et évaluer la sécurité de l‘environnement. De nombreuses technologies de détection des acides nucléiques ont été développées afin de détecter et d‘identifier les agents biologiques dans des délais raisonnables. L‘extraction d‘acides nucléiques microbiens contenus dans une grande variété de poudres et d‘échantillons environnementaux demeure un défi technique. Nous avons développé une méthode rapide et versatile pour séparer les bactéries de ces échantillons et ensuite en extraire leurs acides nucléiques. Bacillus atrophaeus sous-espèce globigii a été utilisé à titre de simulant de Bacillus anthracis. Nous avons étudié les effets sur la détection par la PCR d‘une grande variété de poudres et d‘échantillons environnementaux et les étapes nécessaires afin d‘éliminer leurs interférences. En utilisant une méthode d‘extraction d‘ADN de référence commercialisée, la majorité (17/23) des échantillons interféraient avec la lyse bactérienne ou la détection par la PCR. C‘est pourquoi nous avons développé la dual-filter method for applied recovery of microbial particles from environmental and powdery samples (DARE). La procédure DARE permet la séparation bactérienne de matrices contaminantes interférant avec la détection par la PCR. La procédure de séparation bactérienne développée DARE requiert seulement 2 minutes, alors que la procédure d‘extraction d‘ADN dure 7 minutes, pour un total de moins de 10 minutes. Cette procédure de préparation d‘échantillons permet de récupérer des spores bactériennes nettoyées et de retirer les interférences de détection d‘une grande variété d‘échantillons. Notre technique a été facilement exécutée en laboratoire et serait transposable pour des applications sur le terrain ainsi que pour une automatisation.

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3.2 Abstract Authorities frequently need to analyze suspicious powders and other samples for biothreat agents in order to assess environmental safety. Numerous nucleic acid detection technologies have been developed to detect and identify biowarfare agents in a timely fashion. The extraction of microbial nucleic acids from a wide variety of powdery and environmental samples to obtain a quality level adequate for these technologies still remains a technical challenge. We aimed to develop a rapid and versatile method of separating bacteria from these samples and then extracting their microbial DNA. Bacillus atrophaeus subsp. globigii was used as a simulant of Bacillus anthracis. We studied the effects of a broad variety of powdery and environmental samples on PCR detection and the steps required to alleviate their interference. With a benchmark DNA extraction procedure, 17 of the 23 samples investigated interfered with bacterial lysis and/or PCR-based detection. Therefore, we developed the dual-filter method for applied recovery of microbial particles from environmental and powdery samples (DARE). The DARE procedure allows the separation of bacteria from contaminating matrices that interfere with PCR detection. This procedure required only 2 min, while the DNA extraction process lasted 7 min, for a total of