Ce parterre est la fois impressionnant et mouvant - Cndp

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souvent marquée par le cérémonial de remise, une tradition « vieille France » et, ... autour de la légende de Pierre Curie, et surtout Topaze de Marcel Pagnol ...
L’histoire de l’ordre des palmes académiques Assemblée à la fois impressionnante et émouvante ! Je suis de ceux qui, en poste dans cette académie ont croisé beaucoup d’entre vous. Je voudrais dire, pour commencer, le plaisir particulier que j’éprouve à vous revoir, Madame et Messieurs les recteurs honoraires de l’académie de Reims, et vous adresser, en direct aujourd’hui mes salutations à la fois respectueuses et cordiales. Dire aussi à Monsieur le recteur Steyer les remerciements de l’association que je représente ici pour l’honneur qui nous est fait d’intervenir à cette table.

À l’occasion du bicentenaire, beaucoup de publications retracent l’histoire des palmes académiques ; à coté des très nombreux sites informatiques, je citerai un ouvrage « papier » largement diffusé : aux éditions Altipresse, le très beau livre Les Palmes académiques, une histoire de l’école publique de Josette Demory et Dominique Antérion. N’étant pas historien de formation, je vous prie maintenant de m’autoriser à prendre quelques libertés avec la chronologie de l’histoire des palmes.

Il faut, je crois, commencer par poser la question de l’image de cette distinction aujourd’hui dans le public et d’abord chez les enseignants : une médaille pour distinguer, honorer, et même récompenser, certes, mais aussi, et parfois « une breloque », voire « un hochet », « une médaille en chocolat ». Nous entendons tous ces commentaires : « Pourquoi lui ? » et surtout « Pourquoi pas moi ? », « Je le vaux bien »… Il est vrai aussi qu’il y a parfois ce qu’on appelle pudiquement des « erreurs » dans les nominations ! On rapporte en 1921, déjà :

« … qu’un forgeron solognot fut sacré officier d’académie en tant que sous-chef soliste de la fanfare de trompettes à la société de pêche de sa commune… » !

Avoir ou ne pas avoir les palmes, un sujet d’échanges, de sourires polis, mais rarement de conflit, dans les salles des professeurs, des comportements qui masquent le plus souvent l’ambiguïté de la simple jalousie ; on envie secrètement son collègue promu, en prétendant haut et fort qu’on n’est pas intéressé par les médailles !

Comme toutes les décorations républicaines, les palmes académiques souffrent d’une image souvent marquée par le cérémonial de remise, une tradition « vieille France » et, il faut bien le reconnaître, l’âge des personnes promues : 35 ans au moins pour le premier grade de Discours prononcé le 6 mai 2008, à l’occasion du Bicentenaire des académies et des recteurs : L’histoire de l’ordre des palmes académiques Jean-Marie MUNIER, président de la section Marne de l’AMOPA (association des membres de l’ordre des palmes académiques)

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chevalier et 15 ans au service de l’éducation ! On ironise volontiers auprès des titulaires des palmes académiques, qualifiés, non sans malice, de « palmés ». Les palmes de Monsieur Schutz pièce de Jean-Noël Fenwick créée en 1989 à Paris et le film de Claude Pinoteau autour de la légende de Pierre Curie, et surtout Topaze de Marcel Pagnol illustrent bien ce regard franco-français un brin moqueur, mais finalement respectueux et bienveillant, sur les palmes académiques.

Cette décoration qui nous vient du Premier Empire et qui a failli disparaître au moment de la création en 1963 de l’Ordre National du Mérite, a traversé sans encombres, deux monarchies, le Second Empire et quelques républiques ! Dans l’ensemble des décorations officielles françaises, on distingue actuellement les Ordres nationaux (au premier rang desquels se trouve la Légion d’honneur, puis la Croix de la Libération, la médaille militaire et l’ordre du Mérite), les Ordres Ministériels (Palmes académiques, Mérite agricole, Mérite Maritime et Croix des Arts et Lettres), enfin un nombre important de décorations militaires et de médailles commémoratives diverses. Les palmes académiques, la plus ancienne des médailles décernées à titre civil occupent le 8e rang dans la hiérarchie des décorations françaises.

Les palmes académiques prennent quelquefois le joli nom de « la violette » ; oui, les palmes, c’est d’abord une couleur, tout comme le rouge vif de la Légion d’honneur, le bleu outremer du Mérite ou le vert « poireau » du Mérite Agricole, les palmes, c’est d’abord un ruban violet. Bleue et blanche, brodée sur la toge universitaire à sa création, la décoration devient insigne violet sur l’habit noir de l’enseignant, pour finalement s’en détacher totalement afin d’être porté par ceux qui n’ont pas de costume officiel. C’est Napoléon III (et son ministre Victor Duruy) qui opère ce changement déterminant pour les palmes académiques en 1866.

(V. Duruy : « …Je prie votre Majesté de bien vouloir, en signant le décret ci-joint, régulariser la coutume qui s’est instituée, de porter un ruban avec une broderie qui permettrait à l’instituteur de village de gagner, par de bons services, l’insigne que le Ministre de l’Instruction Publique s’honore de porter dans les cérémonies officielles, comme les maréchaux de France qui portent la Médaille Militaire que votre Majesté confère aux simples soldats… » )

Dès lors les palmes académiques sont réellement accessibles à tous : la hiérarchie enseignante, mais aussi bientôt les femmes, et surtout les non enseignants. De broderie, les Discours prononcé le 6 mai 2008, à l’occasion du Bicentenaire des académies et des recteurs : L’histoire de l’ordre des palmes académiques Jean-Marie MUNIER, président de la section Marne de l’AMOPA (association des membres de l’ordre des palmes académiques)

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palmes académiques deviennent une médaille ; elles ne distinguent plus seulement la fonction, elles récompensent les services rendus. Et c’est bien Napoléon III, par ailleurs né en 1808, année de la création des palmes, qui assure ainsi l’avenir de cette décoration.

La couleur violette sur un ruban moiré de 32 mm de largeur est considérée comme le signe d’un équilibre entre le bleu et le rouge qui s’y mélangent, un signe de sagesse, mais aussi un signe de connaissance, d’autorité et de spiritualité… Notons, avec un clin d’œil, que le violet, ce violet-là, c’est aussi et très curieusement, la couleur de l’encre de nos écoles communales, celle qui tachait nos cahiers du jour, nos buvards et nos blouses grises, mais aussi celle qui nous a permis d’apprendre à écrire !

Initialement, le décret impérial du 17 mars 1808, institue trois titres attachés à certaines hautes fonctions : les titulaires (grands maîtres, chanceliers, trésoriers…), les officiers de l’Université (conseillers, inspecteurs, recteurs, doyens, professeurs de faculté… l’université intègre à l’époque les lycées), les officiers d’académie (proviseurs, censeurs, professeurs…). Jusqu’en 1850 la décoration est constituée d’une palme et d’un rameau d’olivier brodé sur le coté gauche de l’habit - l’uniforme, en quelque sorte - en or, en argent ou en soie selon le grade.

Avec la loi Falloux, en 1850, les membres de l’enseignement élémentaire et ceux des écoles « libres » peuvent être promus ; les officiers de l’Université deviennent les officiers de l’instruction publique ; le grade supérieur est supprimé ; demeurent deux grades, les officiers de l’instruction publique et les officiers d’académie, et cela pendant presque un siècle !

Il faut attendre la Quatrième République pour voir institués les trois grades actuels : les commandeurs, les officiers et les chevaliers, avec la création de l’Ordre des palmes académiques, le premier des Ordres ministériels dont le siège est au Ministère de l’Éducation nationale.

Le ruban violet est commun aux trois grades de chevalier, d’officier, et de commandeur ; il supporte, sur la poitrine ou en cravate, deux palmes symétriques de laurier. Depuis 1955, l’insigne des chevaliers et officiers, créée selon les normes officielles par le ferronnier d’art Raymond Subes, membre de l’Institut, est constituée de deux palmes parfaitement Discours prononcé le 6 mai 2008, à l’occasion du Bicentenaire des académies et des recteurs : L’histoire de l’ordre des palmes académiques Jean-Marie MUNIER, président de la section Marne de l’AMOPA (association des membres de l’ordre des palmes académiques)

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identiques. Les feuilles des lauriers d’une hauteur de 35 mm sont émaillées de violet ; elles sont réalisées en alliage de métaux : le zamac. Une rosette orne le ruban de la médaille d’officier. La médaille de commandeur, plus élaborée, comporte des rameaux de onze et douze feuilles ainsi qu’une couronne d’attache également émaillée de violet. On peut s’étonner d’autant de précisions dans le détail de la réalisation de la médaille elle-même ; le législateur, en créant une norme, a voulu éviter la transformation de la décoration en bijou, et toutes les fantaisies possibles (ciselures et incrustations diverses) ; la médaille est médaille, non par la technique de sa fabrication mais par ce qu’elle représente ; elle est coulée, et non frappée, sobre et conforme ; réalisée à l’origine par la Monnaie de Paris (organisme d’État rattaché au Ministère de l’Intérieur), elle est également fabriquée aujourd’hui par des ateliers privés.

On s’est beaucoup interrogé sur la nature des végétaux qui constituent les palmes académiques : le décret de 1808 prévoyait des rameaux d’olivier brodés, mais la réforme de Victor Duruy officialise le laurier qui symbolise la réussite par l’effort. Ce ne sont pas des olives, mais des boutons de laurier prêts à fleurir qui ornent la bélière de l’insigne de commandeur !

Le nombre de nominations et promotions est contingenté depuis 2002 : 280 commandeurs, 3 785 officiers et 7 570 chevaliers. Contrairement aux ordres nationaux de la Légion d’honneur et du Mérite, il n’y a pas de protocole particulier pour la remise et le parrainage n’est pas obligatoire ; néanmoins, des pratiques se sont mises en place ; c’est le cas dans cette ville où traditionnellement une remise de médailles est organisée chaque année en l’hôtel de ville de Reims sous la présidence du Recteur.

On ne demande pas les palmes académiques, il faut être proposé ; l’ensemble des propositions et promotions est soumis à l’avis du Conseil de l’Ordre et à la signature du Ministre ; les noms des nouveaux nommés et promus sont publiés au Bulletin Officiel des décorations, médailles et récompenses. Il y a deux promotions par an : celle du 14 juillet, dite du Recteur, pour les membres de l’enseignement en activité ou en retraite, et celle du 1er janvier, dite du Préfet, pour les personnalités. Une anecdote : Edgar Faure, souvent Ministre (dont l’Éducation nationale) et Président du Conseil a toujours été parlementaire ; créateur de l’Ordre et des grades actuels, il n’a jamais reçu les palmes ! En effet, un Ministre, un député ou un sénateur ne peut recevoir aucune décoration pendant son mandat !

Discours prononcé le 6 mai 2008, à l’occasion du Bicentenaire des académies et des recteurs : L’histoire de l’ordre des palmes académiques Jean-Marie MUNIER, président de la section Marne de l’AMOPA (association des membres de l’ordre des palmes académiques)

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Les palmes académiques ont 200 ans ; créées par Napoléon 1er et destinées aux seuls universitaires, elles sont aujourd’hui accessibles à tous les personnels de l’éducation, français, mais aussi étrangers ainsi qu’à tous ceux qui de près ou de loin s’intéressent à notre jeunesse et aux questions d’éducation. La Légion d’honneur récompense les « mérites éminents » au service de la Nation et le Mérite National les « mérites distingués » ; les palmes académiques honorent les personnels hors de toute hiérarchie. L’histoire des palmes se confond avec l’histoire de notre école et celle de nos enseignants.

Créée en 1962, l’association des membres de l’ordre des palmes académiques, (Amopa) rassemble en sections départementales 30 000 membres dont 1 200 dans 48 sections à l’étranger. Reconnue d’utilité publique, l’Amopa est l’une des premières associations culturelles de notre pays : elle attache une importance particulière à la défense et au rayonnement de la langue française dans le monde ; elle propose des activités culturelles dans les domaines les plus divers, elle organise des concours scolaires, des colloques, des concerts, des expositions, des voyages à thème… Elle distribue des bourses d’étude et envoie des manuels et des ouvrages scolaires dans les pays francophones (en collaboration avec le navire-école « La Jeanne d’Arc » et les services culturels de nos ambassades).

Dimanche prochain, 11 mai 2008, l’Amopa tiendra son congrès annuel au Canada francophone dans la ville de Québec, réunissant ainsi deux anniversaires : les 200 ans des palmes académiques et les 400 ans de la ville de Québec. La section de la Marne compte près de 500 membres. Parmi les nombreuses activités qu’elle propose, je tiens à souligner : - notre concours destiné aux écoliers, collégiens, lycéens centré sur la langue française : le thème du rêve cette année. Une centaine de prix distribués chaque année ; - le concours des 10 mots de la francophonie sur le thème de la rencontre en 2008 ; - notre soutien à l’opération de rénovation des tombes des poilus de la guerre 14-18 dans les carrés militaires des cimetières de Reims et Tinqueux avec les élèves du lycée professionnel de Tinqueux ; - nos sorties proches et lointaines, nos conférences, nos spectacles lyriques sans oublier bien sûr la cérémonie de remise de médailles à l’issue de notre assemblée générale annuelle ; -

et cette année 2008, notre concert du Bicentenaire au Conservatoire de Reims en

janvier dernier.

Discours prononcé le 6 mai 2008, à l’occasion du Bicentenaire des académies et des recteurs : L’histoire de l’ordre des palmes académiques Jean-Marie MUNIER, président de la section Marne de l’AMOPA (association des membres de l’ordre des palmes académiques)

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Les activités associatives de la section de la Marne se veulent culturelles et tournées vers les jeunes ; à l’Amopa, on cultive aussi une authentique amitié…

-… Ah Monsieur Topaze ! Voici le dossier que vous m’aviez remis pour les Palmes académiques… Et j’ai le plaisir de vous dire… De vous dire… Que Monsieur l’Inspecteur d’académie m’a parlé de vous dans les termes les plus flatteurs. - Vraiment ? - Il m’a dit « Monsieur Topaze mérite dix fois les Palmes ! » - Dix fois ! - Mérite dix fois les Palmes, et j’ai eu presque honte quand j’ai appris qu’il ne les avait pas encore. - Oh ! Je suis confus Monsieur le Directeur ! - D’autant plus, a-t-il ajouté, que je ne puis pas les lui donner cette année ! - Ah ! Il ne peut pas ! - Eh non. Il a dû distribuer tous les rubans dont il disposait à des maîtres plus anciens que vous… Tenez, reprenez votre dossier. Ses dernières paroles ont été : « Dites bien à Monsieur Topaze que pour cette année, je lui décerne les Palmes moralement. » - Moralement ? - Moralement, c’est peut-être encore plus beau ! …

Entre Monsieur Muche et Monsieur Topaze, Topaze de Marcel Pagnol

Les dates : -

Loi du 10 mai 1806 et décret du 17 mars 1808 (Napoléon 1er) (création)

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Loi Falloux de 1850 (extension)

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Décret du 7 avril 1866 (Napoléon III – Victor Duruy) (médaille détachée et pendante)

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Décret du 26 décembre 1885 (Troisième République) (possibilité de ruban ou rosette à la boutonnière)

Discours prononcé le 6 mai 2008, à l’occasion du Bicentenaire des académies et des recteurs : L’histoire de l’ordre des palmes académiques Jean-Marie MUNIER, président de la section Marne de l’AMOPA (association des membres de l’ordre des palmes académiques)

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Décret du 4 octobre 1955 (Quatrième République – Jean Berthouin – Edgar Faure – René Coty) (création de l’Ordre et des trois grades actuels)

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Circulaire du 3 décembre 1965 (je me permets de la signaler parmi les textes importants, bien que n’étant pas au même niveau que les lois et décrets). Une cérémonie est souhaitée : « …elle doit revêtir un caractère officiel contribuant à maintenir le prestige qui s’attache à cette décoration… »

Discours prononcé le 6 mai 2008, à l’occasion du Bicentenaire des académies et des recteurs : L’histoire de l’ordre des palmes académiques Jean-Marie MUNIER, président de la section Marne de l’AMOPA (association des membres de l’ordre des palmes académiques)

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