Commentaire sur le psaume 94 (95) - Les psaumes

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Les versets et les citations font référence à la traduction liturgique du psautier. La liturgie chrétienne a largement repris ce psaume qui faisait partie de la liturgie ...
Commentaire sur le psaume 94 (95) Paru dans Préludes, revue de l'ANFOL (Association Nationale de Formation des Organistes Liturgiques) © Préludes, reproduction interdite sans autorisation Les versets et les citations font référence à la traduction liturgique du psautier La liturgie chrétienne a largement repris ce psaume qui faisait partie de la liturgie du temple, à Jérusalem. On le retrouve à la messe mais c'est aussi un "psaume invitatoire", qui sert d'introduction de louange à la première prière du matin dans la "prière des heures", le "bréviaire" des ministres ordonnés et des religieux. La liturgie dominicale évite soigneusement la menace mécontente et agressive des deux derniers versets, mais elle est bien dans son contexte, et peut aussi nous parler même si nous imaginons un Dieu tellement amour qu'il ne ferait pas de mal à une mouche. C'est avant tout un psaume de louange. Les deux premiers versets y invitent quatre fois : "crions de joie", "acclamons-le" (répété) et "rendant grâce". Jusqu'au verset 7, il énumère les raisons de cette joie : Dieu est le Seigneur, notre rocher, notre salut, le grand roi, mais surtout le créateur qui domine l'univers entier, y compris les puissances cosmiques déifiées (évoqué 5 fois dans les versets 4-6). C'est de la louange gratuite, pure, un cri de joie qui fait du bien dans un début d'automne où la grisaille fait regretter le soleil d'été et dans une messe où l'évangile vient nous écraser : "vous êtes des serviteurs quelconques", c'est un peu moins démoralisant que "inutiles", mais c'est tout juste... Le verset 7 apporte un tournant : l'exultation a baissé d'un ton et ouvre à l'instruction. C'est Dieu qui parle. Il évoque l'Exode, le temps de son exploit, où le peuple est resté dans le refus et le défi. Et sa colère n'a rien d'une menace, c'est un constat déçu. Même Dieu ne peut rien contre le refus de l'homme : celui qui refuse l'amour ne peut vivre dans l'amour. Ce n'est pas une punition, une damnation éternelle, implacable condamnation de la sainte colère de Dieu, mais le constat déçu d'un amour trompé : l'homme, décidément, est toujours prêt à exploiter Dieu, à se servir de ses exploits, mais la reconnaissance et la gratitude lui sont étrangers. Mais ce peuple au cœur égaré, ce ne sont pas seulement les générations du désert. Toute l'histoire d'Israël est émaillée de ces refus, de ces défis, de ces provocations. Et ça fait du bien de se rappeler qu'on ne peut pas à la fois provoquer Dieu, refuser son amour, et entrer dans son repos. Question de cohérence. Dans la liturgie du temple, un lévite ouvrait les portes au groupe qui venait offrir un sacrifice, il l'invitait à la joie at à la fête, et à venir "jusqu'à lui", c’est-à-dire à l'autel où le sacrifice allait être célébré, juste devant le bâtiment des "lieux saints". Arrivés sur place, il répétait sa "monition liturgique" (verset 6) : "entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons", dans un crescendo de l'attitude du corps à la disposition du cœur. Venait alors l'avertissement : "aujourd'hui, écouterezvous sa parole ?" avec l'exposé des risques d'un cœur fermé... Aujourd'hui, en 2007, fermerez-vous votre cœur ? Les défis, les provocations et les refus ne se sont pas arrêtés avec la crucifixion de Jésus et les juifs n'en ont pas l'exclusivité. C'est une faiblesse de l'humanité entière. Entrons donc sans réserve dans la joie et l'exultation, en contemplant notre Dieu et son amour créateur qui nous offre la merveille du cosmos, mais ouvrons notre cœur pour que notre louange ne soit pas simplement de pure forme, et pour que cet amour puisse germer en nous pour nous conduire au bonheur de vivre avec Dieu. Alain Bonnet