DROIT PUBLIC DE LA CONCURRENCE - Cossalter.net

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30-33. NICINSKI S., Règles de concurrence et exploitation des ressources essentielles, JCP A, 29 octobre 2007, p.57. RICHER Laurent, Le droit à la paresse ?
UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS II Année universitaire 2009-2010

Travaux dirigés - Master 1 DROIT PUBLIC DE L’ÉCONOMIE I Cours de Mme la Professeure Martine LOMBARD Distribution du 14 au 19 décembre 2009

Séances n° 9 et 10

DROIT PUBLIC DE LA CONCURRENCE

1°/ BIBLIOGRAPHIE Pour la préparation de la séance, les étudiants sont invités à lire ou relire les décisions suivantes : CE, Sect., 3 nov. 1997, Sté Million et Marais, GAJA et références citées CE, Sect., avis du 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard Consultants, req. n° 222.208 (AJDA 2000, p. 1066 et chron. M. Guyomar et P. Collin, p. 987 ; RFDA 2001, concl. C. Bergeal, p. 112.; DA 2001, comm. n° 4, chron. Y. Laidié. ; JCP G 2001, I, p. 357, note E. Delatour ; CJEG 2001, p. 58, note M. Degoffe et J.-D. Dreyfus) CE, Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, req. n° 275.531 (AJDA 2006, n° 29, p. 1592, note C. Landais et F. Lenica ; Contrats et Marchés publics, juillet 2006, n° 7, p. 12-14, note G. Eckert). Ouvrages généraux : CONSEIL D’ÉTAT, Collectivités publiques et concurrence, Rapport public 2002, EDCE n°53, Paris, La Documentation française, 2002, pp. 219-338 (spéc. pp.333 et s.). CHARBIT, N., Le droit de la concurrence et le secteur public, Paris, L’Harmatthan, coll. Logiques juridiques, 2002, 517 p. CLAMOUR, G., Intérêt général et concurrence, essai sur la pérennité du droit public en économie de marché, Paris, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèses, 2006, 1044 p. DESTOURS, S., La soumission des personnes publiques au droit interne de la concurrence, Paris, Litec, 2000, 587 p. FARJAT, G., Pour un droit économique, Paris, PUF, Les voies du droit, 2004, 199 p. KATZ, D., Juge administratif et droit de la concurrence, PUAM, 2004. NICINSKI, S., Droit public de la concurrence, Paris, LGDJ, coll. Systèmes, 2005, 230 p.

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RACLET, A., Droit communautaire des affaires et prérogatives de puissance publique, Paris, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des thèses, 2002, 545 p. Sur les ressources essentielles :

BAZEX M., « Entre concurrence et régulation la théorie des facilités essentielles », Revue de la concurrence et de la consommation, n° 119, janvier 2001, p. 37-44. CANIVET G., Le droit de propriété confronté à la théorie des infrastructures essentielles, Rev. Lamy droit des aff., décembre 2006, p.79. IDOT Laurence, Dans quelle mesure le droit de la concurrence (déloyale) impose-t-il de donner à d'autres opérateurs économiques accès à des infrastructures, services ou informations que l'on détient ?, Revue internationale de la concurrence, n° 183, 1997, p. 1625, et n° 186, 1998, p. 30-33. NICINSKI S., Règles de concurrence et exploitation des ressources essentielles, JCP A, 29 octobre 2007, p.57. RICHER Laurent, Le droit à la paresse ? Essential Facilities. Version française, D. 1999, chron., p. 523-525. WEINGARTEN Florence, La théorie des infrastructures essentielles et l'accès des tiers aux réseaux en droit communautaire, CJEG, 1998, p. 461-480.

2°/ LISTE DES DOCUMENTS Document n° 1 : C.E., Sect. 26 mars 1999, Société EDA, AJDA 1999 p. 427, concl. J.-H. Stahl, note M. Bazex ; CJEG 1999, p. 264, concl. J.-H. Stahl ; D. 2000, note J.-P. Markus ; RDP 1999, note S. Manson. Document n° 2 : T. confl., 18 octobre 1999, Aéroports de Paris et Air France c/ TAT, LPA 2000, n° 84, p. 4, note A. Guedj ; Gaz. Pal. 2001, n° 145, p. 6, note J. Petit ; AJDA 1999, p. 996, chron. Fombeur et Guyomar et p. 1030, note M. Bazex ; CJEG 2000, p. 18, concl. Schwartz ; RFDA 2000, p. 567, note Y. Laidié Document n° 3 : C.E., avis, 22 novembre 2000, Société L&P Publicité SARL, RFDA 2001, p. 872, concl. Austry ; RDP 2001, p. 393, note Ch. Guettier ; AJDA 2001, p. 198, note M.-Ch. Rouault ; Dr adm. Janvier 2001, p. 1235, note G. Gonzalez et p. 2110, obs. N. Albert ; LPA 21 février 2001, n° 37, p. 12, note N. Charbit. Document n° 4 : CE, 29 juillet 2002, Société CEGEDIM, req. n° 247.769. AJDA, 28 octobre 2002, n° 16, p. 1072-1077, note S. Nicinski ; DA, novembre 2002, n° 11, pp. 13-15, comm. M. Bazex et S. Blazy ; JCP E, 23 janvier 2003, n° 4, p. 179-181, note J.-M. Bruguière ; CJEG, janvier 2003, n° 594, p. 16-22, concl. C. Maugüe ; D., 2003, jurispr., p. 901, note G. Gonzalez ; CCC, 1er mars 2003, n° 39, p. 12-13, comm. M. Malaurie-Vignal. Document n° 5 : CJCE, 24 octobre 2002, ADP c/ Commission et Alpha Flight Services SAS, aff., C-82/01, Rec., 2002, p. I-9297. J.-Y. Chérot, L’identification par la Cour de justice des Communautés européennes de l'activité économique au sens du droit de la concurrence, AJDA, 10 mars 2003, n° 9, p. 436442 ; L. Idot, Europe, 1er décembre 2002, n° 12, p. 13 ; S. Poillot-Peruzzetto, CCC, 1er janvier 2003, n° 1, p. 15-16 ; C. Prieto, JDI, 1er avril 2003, n° 2, p. 632-634.

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Document n° 6 : CE, 30 juin 2004, Département de la Vendée, AJDA 2004, p. 2210, note S. Nicinski, et p. 2309, note N. Charbit ; RJEP 2004, p. 487, concl. Collin ; Rev. Lamy conc. 2004, n° 1, p. 50, note S. Destours ; JCP A 2004, n° 1712, note M.-Ch. Rouault. Document n° 7 : Cass. Com., 6 février 2007, SARL Les Oliviers, req. n° 05-21.948, RLC n° 12/2007, p. 64, obs. S. Destours. Document n° 8 : CE, 17 oct. 2008, n° 293220, Société OGF ; Rec. CE 2008, tables ; DA n° 1, Janvier 2009, comm. 4. Document n° 9 : Cass. com., 12 juillet 2005, NMPP, pourvoi n°04-12.388. JCP E, 2005, p.1994 ; Rev. Lamy droit des aff., décembre 2006, p.76 ; Gaz. Pal., 15 juin 2007, p.37. Document n° 10 : Cass. com., 17 juin 2008, SARL Vedettes Inter-îles vendéennes c/ Min. Éco., Fin. et Ind., n° 05-17.566, FS-P+B. Revue de droit des transports n° 10, octobre 2008, comm. 206, L. Grard ; Revue Contrats Concurrence Consommation, août 2008, comm. G. Decocq ; Document n° 11 : CA Paris, 9 juin 2009, « Département de la Vendée », n° 2008-20337. M. Bazex, « Régulation tarifaire des interventions des opérateurs publics », Droit Administratif n° 8, Août 2009, comm. 122.

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3°/ CAS PRATIQUE Le maire de la commune de Gigapolis a de fortes ambitions pour sa commune et entend développer une politique de communication intensive pour les faire connaître. Il a décidé de créer à cette fin, en plus du bulletin mensuel d’information municipale, un journal hebdomadaire de diffusion gratuite, financé par des annonces publicitaires et dont la réalisation est confiée à une régie municipale. Cette régie, qui utilise les matériels qui sont par ailleurs affectés à la publication du bulletin municipal et à la maintenance du site Internet de la commune, offre en outre, au sein d’un centre baptisé Cyber-espace.com, installé au cœur d’un quartier piétonnier très fréquenté, un haut lieu de la communication électronique, dans lequel les habitants de la commune peuvent surfer gratuitement sur l’Internet à haut-débit et accéder à de nombreux services connexes payants comme l’impression de documents numérisés ou la reproduction de documents papiers. Le succès du journal est lié notamment au tarif des annonces commerciales qu’il publie, particulièrement attractif pour les annonceurs, et au fait qu’il est diffusé à tous les habitants de la commune, grâce au fichier d’adresses constitué pour les besoins de la distribution du bulletin municipal. En outre le centre Cyber-espace.com offre un excellent service, rendu à des prix défiant également toute concurrence, inférieurs de près de 50% aux tarifs habituels du marché. Plusieurs commerçants s’inquiètent cependant de voir leur propre chiffre d’affaires affecté par la multiplication de ces nouveaux services municipaux. Le premier, Infocom, propose dans un Cybercafé l’accès payant à un réseau de douze postes informatiques. Un autre, TOP impression, est spécialisé dans la reproduction de documents et souhaite mettre à la disposition des clients des bornes publiques d’accès à cet effet. Un autre, enfin, réalise luimême depuis six mois dans le département un journal gratuit financé par des annonces commerciales, dont il a cependant des difficultés à assurer la distribution dans les boîtes à lettres, faute de fichier adapté et de moyens. Ces commerçants entendent contester par tous moyens les initiatives prises par la municipalité, car ils estiment que ces nouveaux services captent leurs anciens clients. Ils sont d’autant plus en colère que le maire a refusé de leur accorder des moyens équivalents à ceux dont bénéficie la régie municipale. Enfin, ils s’interrogent sur la légalité d’un arrêté du maire du 10 mars 2009 interdisant l’affichage publicitaire dans toute la zone piétonnière, ce qui oblige de fait les commerçants à insérer des annonces commerciales dans la ou les publications existantes pour se faire connaître. Le maire, inquiet de rumeurs faisant état d’initiatives contentieuses qu’entendent prendre ces commerçants, qui sont allés consulter des avocats à cet effet, désire savoir si la situation de la régie municipale est conforme aux règles des droits français et communautaire, notamment en matière de concurrence. Il voudrait aussi connaître les voies de droit que pourraient utiliser ces commerçants et leurs chances de succès.

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Document n° 1 : CE, Sect., 26 mars 1999, Société EDA. Vu l’ordonnance, en date du 26 novembre 1998, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 30 novembre 1998, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et notamment les articles R. 54 et R. 82, les demandes présentées à ce tribunal par la SOCIETE EDA ; Vu la requête, enregistrée le 2 octobre 1998 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par la SOCIETE EDA, (…) ; la SOCIETE EDA demande au tribunal administratif : 1°) d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, la décision du 7 août 1998 par laquelle “Aéroports de Paris” (ADP) l’a informée de ce que son offre, en vue d’exercer son activité de loueur de voitures sans chauffeur sur les aéroports d’Orly et Roissy-Charles de Gaulle n’avait pu être examinée, d’autre part, la décision d’accueillir les offres des sociétés Citer, Sixt Eurorent et Thrifty ; 2°) d’enjoindre à “Aéroports de Paris” de produire tous les documents relatifs aux modalités selon lesquelles le jury de sélection des offres a été composé et a procédé au dépouillement, à l’examen et à la sélection des offres des différents candidats ; 3°) de désigner un expert aux fins de constater que dans les aéroports d’Orly et RoissyCharles de Gaulle, il n’existe aucun manque de place justifiant que le nombre de loueurs soit limité à cinq ou six, que ce soit en termes d’installations de comptoirs ou de parkings de proximité ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ; Vu le code de l’aviation civile et notamment ses articles R. 252-12, R. 252-17 et R. 252-18 ; Vu le code du domaine public ; Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; […] Sur la compétence du Conseil d’Etat : Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret susvisé du 30 septembre 1953 : “Le Conseil d’Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort : ... 3° des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif” ; que le litige soulevé par la requête de la SOCIETE EDA est relatif au domaine public dont “Aéroports de Paris” est affectataire et qu’il gère ; que ce litige porte sur des dépendances du domaine public situées à Orly et à Roissy Charles de Gaulle ; que les dépendances concernées s’étendant ainsi au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif, le Conseil d’Etat est compétent pour connaître de ce litige en premier et dernier ressort ; (…) Sur les conclusions dirigées contre la décision rejetant l’offre de la société requérante : Considérant que s’il appartient à l’autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l’intérêt du domaine et de son affectation que dans l’intérêt général, il lui incombe en outre lorsque, conformément à l’affectation de ces dépendances, celles-ci sont le siège d’activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération les diverses règles, telles que le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ou l’ordonnance du 1er décembre 1986, dans le cadre desquelles s’exercent ces activités ; qu’il appartient alors au juge de l’excès de pouvoir, à qui il revient d’apprécier la légalité des actes juridiques de gestion du domaine public, de s’assurer que ces

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actes ont été pris compte tenu de l’ensemble de ces principes et de ces règles et qu’ils en ont fait, en les combinant, une exacte application ; Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 26 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée, le Conseil de la concurrence “peut être consulté par les juridictions sur les pratiques anticoncurrentielles définies aux articles 7, 8 et 10-1 et relevées dans les affaires dont elles sont saisies” ; qu’en vertu de ces dispositions, le juge administratif peut, lorsqu’il doit apprécier la légalité d’un acte administratif en prenant en compte le droit de la concurrence, consulter le Conseil de la concurrence et lui demander des éléments d’appréciation ; Considérant qu’à l’encontre de la décision d’”Aéroports de Paris” de ne pas retenir l’offre qu’elle avait déposée dans le cadre de la consultation organisée en vue de la passation de conventions d’occupation du domaine public pour l’exploitation de points de location de voitures sans chauffeur sur les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles de Gaulle, la SOCIETE EDA fait valoir des moyens tirés, notamment, de la méconnaissance des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; que l’examen de ces moyens conduit à des appréciations portant, d’une part, sur l’existence, sur les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles de Gaulle, de marchés “pertinents” tant pour la fourniture d’installations pour la location de véhicules sans chauffeur que pour la location de véhicules sans chauffeur, d’autre part, sur les incidences, en termes de concurrence, de l’obligation faite aux candidats de présenter une offre portant conjointement sur ces deux aéroports ; qu’il y a lieu, pour le Conseil d’Etat, de demander au Conseil de la concurrence des éléments d’appréciation sur ces questions ; DECIDE : Article 1er : Il n’y a pas lieu à statuer sur les conclusions de la requête de la SOCIETE EDA dirigées contre les décisions du directeur général d’”Aéroports de Paris” de passer, avec les sociétés Citer, Sixt et Thrifty, des conventions d’occupation temporaire du domaine public. Article 2 : Avant-dire droit sur les conclusions de la requête de la SOCIETE EDA dirigées contre la décision d’”Aéroports de Paris” rejetant son offre, le Conseil de la concurrence : 1sera consulté sur la question de savoir si les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles de Gaulle constituent, chacun séparément ou ensemble, au regard du droit de la concurrence, un marché “pertinent”, tant pour la fourniture d’installations pour la location de véhicules sans chauffeur que pour la location de véhicules sans chauffeur dans lesdits aéroports ; 2- sera invité à fournir tous éléments d’appréciation susceptibles de permettre au Conseil d’Etat de déterminer si l’obligation faite aux candidats de présenter une offre portant conjointement sur les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles de Gaulle constitue un abus de position dominante. (…)

Document n° 2 : T. confl., 18 octobre 1999, Aéroports de Paris et Air France c/ TAT. Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 juin 1999, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant AEROPORTS DE PARIS et la société Compagnie Nationale AIR FRANCE à la société TAT European Airlines devant la cour d’appel de Paris ; Vu le déclinatoire présenté le 31 décembre 1998 par le PREFET DE LA REGION D’ILE-DEFRANCE, PREFET DE PARIS, tendant à voir déclarer la juridiction de l’ordre judiciaire incompétente ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; Vu la loi du 24 mai 1872 ; Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;

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Vu l’ordonnance des 12-21 mars 1983 modifiée ; Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ; Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ; […] Considérant que la Cour d’appel de Paris a été saisie conformément à l’article 2 de la loi n° 87-499 du 6 juillet 1987 d’un recours contre la décision du Conseil de la concurrence qui a prononcé des sanctions pécuniaires à l’encontre de l’établissement public AEROPORTS DE PARIS et de la compagnie Air France ; qu’à la charge de ces derniers ont été relevées des pratiques d’entente illicite ayant conduit au regroupement dans l’aérogare d’Orly-Ouest du trafic du groupe Air-France ; qu’en outre, a été retenu contre AEROPORTS DE PARIS un abus de position dominante consistant, d’une part, dans le refus opposé le 17 juin 1994 à la société TAT European Airlines d’ouvrir à partir de l’aérogare d’Orly-Ouest de nouvelles liaisons et d’autre part, dans le fait d’avoir imposé à ladite société de ne pas recourir à son propre personnel mais d’utiliser les services d’assistance en escale d’AEROPORTS DE PARIS sur l’aérogare d’Orly-Sud alors qu’une telle obligation n’était pas imposée à la Compagnie Air France ; Considérant que si dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de services les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l’autorité judiciaire, les décisions par lesquelles ces personnes assurent la mission de service public qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence de la juridiction administrative pour en apprécier la légalité et, le cas échéant, pour statuer sur la mise en jeu de la responsabilité encourue par ces personnes publiques ; Considérant que les décisions de regrouper à l’aérogare d’Orly-Ouest les activités du groupe Air-France et de refuser à la société TAT European Airlines d’ouvrir de nouvelles lignes à partir de cette aérogare qui se rattachent à la gestion du domaine public constituent l’usage de prérogatives de puissance publique ; qu’il suit de là qu’en ce qui concerne les pratiques relevées par le Conseil de la concurrence qui sont en réalité indissociables de la réorganisation des aérogares d’Orly décidée par l’établissement public puis approuvée, le 4 mai 1994, par le ministre de l’équipement, du transport et du logement, c’est à bon droit que le conflit a été élevé ; Considérant en revanche, que sont détachables de l’appréciation de la légalité d’un acte administratif, les pratiques d’AEROPORTS DE PARIS susceptibles de constituer un abus de position dominante consistant dans l’obligation faite à la Compagnie TAT European Airlines d’utiliser les services d’assistance en escale de cet établissement public en substitution à ses personnels ; que c’est par suite à tort que l’arrêté de conflit a revendiqué pour la juridiction administrative la connaissance desdites pratiques DECIDE : Article 1er : L’arrêté de conflit pris le 12 mars 1999 par le PREFET DE LA REGION D’ILEDE-FRANCE, PREFET DE PARIS, en ce qu’il concerne les effets attachés à la décision ministérielle du 4 mai 1994 et à la décision d’AEROPORTS DE PARIS du 17 juin 1994 est confirmé. Il est annulé pour le surplus. Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure relative aux effets attachés aux actes administratifs mentionnés à l’article 1er et l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 février 1999 en ce qu’il déclare la juridiction judiciaire compétente pour en connaître. ….

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Document n° 3 : C.E., avis contentieux, 22 novembre 2000, Société L&P Publicité SARL Vu, enregistré le 28 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 13 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Pau, avant de statuer sur les demandes de la SOCIETE L&P PUBLICITE SARL tendant à l'annulation de deux arrêtés du maire de Bayonne en date du 7 décembre 1998 mettant en demeure cette société de déposer deux panneaux publicitaires, a décidé, en application des dispositions de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen les questions de savoir : 1°/ si lorsque l'administration prend une décision de police affectant directement les activités économiques dans un secteur concurrentiel, elle doit, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tenir compte des règles de la concurrence, 2°/ si, dans l'affirmative, la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte permise par l'article 10 de la loi du 29 décembre 1979 - qui peut aboutir par la limitation du nombre de panneaux d'affichage à conférer, sur une zone urbaine éventuellement étendue, une position dominante à un nombre restreint d'entreprises d'affichage - peut être regardée comme affectant de façon suffisamment directe l'activité économique de l'affichage pour imposer, que lorsqu'il réglemente la publicité dans cette zone, le maire de la commune tienne compte des règles de la concurrence, 3°/ et si, dans l'affirmative, le souci de limiter le développement de l'affichage publicitaire dans les conditions permises par la loi du 29 décembre 1979 doit être assujetti à cette prise en compte des règles de concurrence ou au contraire peut justifier le maintien d'une position dominante dont le ou les titulaires sont ensuite mis en mesure d'abuser ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes ; Vu l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; (…). 1/ Dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l'administration a pour mission de protéger ou de garantir n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application. 2/ La réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte peut, en vertu de l'article 10 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes, "déterminer dans quelles conditions et sur quels emplacements la publicité est seulement admise" et "interdire la publicité ou des catégories de publicité définies en fonction des procédés et dispositifs utilisés". Tout en ayant pour objectif la protection du cadre de vie, elle est susceptible d'affecter l'activité économique de l'affichage. Dès lors un maire, lorsqu'il réglemente cette activité dans une zone de publicité restreinte, doit prendre en compte la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence, dans les conditions mentionnées ci-dessus.

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3/ Si la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte ne peut légalement avoir par elle-même pour objet de créer une position dominante sur un marché pertinent, elle peut avoir un tel effet, notamment par la limitation du nombre des emplacements d'affichage. Toutefois la création d'une position dominante par l'effet de la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte n'est incompatible avec le respect des dispositions relatives à la concurrence que si cette réglementation conduit nécessairement à l'exploitation de la position dominante de manière abusive. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient au maire, lorsqu'il réglemente la publicité sur le territoire de sa commune, de veiller à ce que les mesures de police prises par lui ne portent aux règles de concurrence que les atteintes justifiées au regard des objectifs de la réglementation de l'affichage. Document n° 4 : CE, 29 juillet 2002, Société CEGEDIM. Considérant que l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) gère le répertoire national d'identification des entreprises et de leur établissement, dénommé répertoire SIRENE, qui comprend des informations relatives aux entreprises ; que ce fichier est commercialisé par l'INSEE sous la forme de licences d'usage final interdisant de communiquer ses données aux tiers et sous la forme de licences de rediffusion permettant la commercialisation des données du répertoire auprès de tiers ; que la société CEGEDIM demande l'annulation de l'arrêté du 11 août 1998 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie relatif aux conditions de tarification s'appliquant à l'accès au service public d'information sur les entreprises, organismes publics et leurs établissements, qui fixe les conditions de commercialisation du répertoire SIRENE ; Considérant que l'arrêté attaqué a été pris en application de l'article 1er du décret du 17 février 1995 relatif à la rémunération de certains services rendus par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) qui prévoit que peut donner lieu à rémunération la fourniture par l'INSEE à des particuliers ou à des organismes publics ou privés autres que l'Etat de certaines prestations ; que cet arrêté fixe un tarif dégressif en fonction du nombre d'unités documentaires, c'est-à-dire d'adresses d'entreprises pour la mise à disposition de l'ensemble du répertoire SIRENE à l'usage des titulaires d'une licence d'usage final ; qu'il prévoit en revanche que les titulaires d'une licence de rediffusion, les rediffuseurs, doivent acquitter un abonnement obligatoire aux mises à jour du répertoire et leur impose une redevance de 8 centimes par unité documentaire en cas de cession à un utilisateur final pour un usage unique et de 20 centimes par unité documentaire en cas de cession pour un usage multiple : Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ; Considérant qu'en vertu de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-2 du code de commerce, est prohibée "l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci" ; Considérant que si l'Etat peut percevoir des droits privatifs à l'occasion de la communication de données publiques en vue de leur commercialisation, lorsque cette communication peut être regardée, au sens des lois sur la propriété littéraire et artistique, comme une œuvre de l'esprit, ces droits ne peuvent faire obstacle, par leur caractère excessif, à l'activité concurrentielle d'autres opérateurs économiques lorsque ces données constituent pour ces derniers une ressource essentielle pour élaborer un produit ou assurer une prestation qui diffèrent de ceux fournis par l'Etat ; que, dans un tel cas, la perception de droits privatifs

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excessifs constitue un abus de position dominante méconnaissant les dispositions législatives précitées ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis en date du 28 décembre 2001 du Conseil de la concurrence demandé par une décision avant dire droit du Conseil d'Etat en date du 15 mars 2000, qu'il existe un marché des fichiers de prospection de grande taille vendus à des entreprises afin d'effectuer des opérations de démarchage direct de leurs clients ; que l'INSEE intervient directement sur ce marché en commercialisant le répertoire SIRENE ; que des concurrents de l'INSEE, comme la SOCIETE CEGEDIM, interviennent également sur ce marché en commercialisant des fichiers élaborés à partir du répertoire SIRENE mais qui se distinguent de celui-ci par les opérations d'enrichissement qu'ils effectuent sur le fichier originel et constituent donc un produit différent du répertoire SIRENE vendu par l'INSEE ; que le répertoire SIRENE constitue une ressource essentielle pour les sociétés qui élaborent de tels fichiers de prospection, dès lors notamment que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le registre national du commerce et des sociétés ne contient pas toutes les informations figurant au répertoire SIRENE et ne peut ainsi lui être substitué ; Considérant que l'application d'une redevance proportionnelle de 20 centimes par adresse rediffusée prévue par l'arrêté du 11 août 1998, qui provient principalement de l'existence de droits privatifs de l'INSEE sur le répertoire SIRENE et non de coûts liés à la reproduction de cette base de données, a pour effet d'empêcher les rediffuseurs de dégager une marge pour la cession des fichiers de grande taille élaborés par eux au regard du prix de cession d'extraits pratiqué par l'INSEE ; qu'ainsi, les rediffuseurs ne peuvent proposer leurs produits sur le marché des fichiers de grande taille ; Considérant que si le ministre soutient que le contrat de commissionnaire, qui est un contrat d'un an renouvelable par tacite reconduction, permettrait aux rediffuseurs de dégager un bénéfice et de réaliser, le cas échéant, une prestation d'enrichissement du répertoire SIRENE pour le compte de leurs clients, ce contrat ne permet pas en principe de procéder à des modifications sur le produit livré et ne peut donc être regardé comme équivalent à une licence de rediffusion ; Considérant que la circonstance que les licences de rediffusion accordées sur le fondement de l'arrêté attaqué ont plafonné le montant de la redevance exigée par l'INSEE pour la commercialisation des fichiers est sans incidence sur la légalité de cet arrêté qui ne prévoit pas un tel plafonnement ; Considérant, par suite, que l'arrêté attaqué en établissant à la fois un tarif unitaire dégressif pour les clients finaux de l'INSEE et une redevance proportionnelle de 20 centimes pour les rediffuseurs est de nature à placer l'INSEE en situation d'abuser automatiquement de sa position dominante sur le marché pertinent des fichiers de prospection commerciale de grande taille et méconnaît les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, compte-tenu des modalités de calcul ainsi fixées, l'arrêté attaqué présente un caractère indivisible et ne peut qu'être annulé dans son intégralité ; DECIDE : Article 1er : L'arrêté du 11 août 1998 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est annulé. Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CEGEDIM et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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Document n° 5 : CJCE, 24 octobre 2002, ADP c/ Commission et Alpha Flight Services SAS, aff., C-82/01. […]

Sur le huitième moyen, tiré d'une violation de l'article 86 du traité s'agissant de la définition du marché 84. ADP fait valoir que, dans la mesure où les redevances commerciales en cause ne sont que la contrepartie de l'occupation privative du domaine public, laquelle n'est pas nécessaire à la prestation des services d'assistance en escale, le Tribunal a retenu à tort comme marché pertinent celui des «services de gestion des aéroports parisiens». L'octroi par ADP d'une autorisation d'accès à la zone réservée de l'enceinte aéroportuaire ne serait pas limité aux prestataires occupant de manière privative le domaine public et ne donnerait lieu en tant que tel à la perception d'aucune redevance. II en résulterait une violation de l'article 86 du traité s'agissant de la définition du marché. 85. ADP fait valoir à cet égard que le Tribunal a commis une erreur de droit en faisant une application erronée de la jurisprudence de la Cour. En effet, dans l'affaire à l'origine de l'arrêt du 11 novembre 1986, British Leyland/Commission (226/84, Rec. p. 3263), il aurait été nécessaire d'obtenir un certificat de conformité pour immatriculer les véhicules importés, alors que, en l'espèce si des redevances sont perçues en contrepartie de l'occupation privative du domaine public, cette dernière n'est pas nécessaire pour exercer une activité de services d'assistance en escale, comme en témoignerait la situation de HRS qui, tout en exerçant une telle activité, n'occupe pas le domaine public et ne paye pas de redevance. 86. Quant aux modifications introduites par ADP, postérieurement à la communication des griefs, dans le cadre du nouveau régime d'accès aux installations aéroportuaires mis en place à compter du 1er mars 1999, régime dont le Tribunal fait état au point 127 de l'arrêt attaqué, elles prouveraient que, à l'époque des faits de l'espèce, le seul accès aux installations aéroportuaires ne pouvait juridiquement, en tant que tel, donner lieu à la perception d'une redevance. 87. ADP soutient que, en tout état de cause, dans la mesure où les redevances concernées étaient perçues en contrepartie de l'occupation privative du domaine public, le Tribunal a violé l'article 86 du traité en refusant d'inclure, dans sa définition de la dimension géographique du marché pertinent, l'ensemble des surfaces et des immeubles de la région parisienne équivalents au domaine public d'ADP, sur lesquels un prestataire de services d'assistance en escale peut se livrer à son activité. (…) 90. Quant au fondement de cette branche du moyen, il convient de rappeler qu'il ressort de l'examen du cinquième moyen que le Tribunal a justement constaté que les redevances commerciales en cause constituaient la contrepartie des services de gestion des installations aéroportuaires. 91. Le Tribunal a pu, à bon droit, en conclure, au point 137 de l'arrêt attaqué, que le marché à prendre en considération est celui des services de gestion des aéroports parisiens, sur lequel ADP est, en tant que gestionnaire de ces aéroports, l'offreur, tandis que les prestataires de services d'assistance en escale, qui ont besoin, pour exercer leur activité, de l'autorisation délivrée par ADP et des installations aéroportuaires, sont les demandeurs sur ce marché.

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92. À cet égard, contrairement aux allégations d'ADP, le Tribunal a pertinemment rapproché la situation de l'espèce de celle dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt British Leyland/Commission, précité, qui concernait le monopole dont disposait British Leyland plc pour la délivrance des certificats de conformité nécessaires à l'immatriculation des véhicules de sa marque. Dans cet arrêt, la Cour a, en effet, considéré que le marché en cause était celui des services indispensables en fait aux revendeurs professionnels pour assurer la commercialisation des véhicules produits par British Leyland plc. De la même façon, en l'occurrence, le marché pertinent est celui de la gestion des installations aéroportuaires, qui sont indispensables à la prestation des services d'assistance en escale et auxquelles ADP donne accès, ainsi que le Tribunal l'a relevé au point 138 de l'arrêt attaqué. 93. Cette définition du marché du produit pertinent n'est pas remise en question par le fait que l'un des prestataires de services d'assistance en escale, à savoir HRS, exerce son activité sans occuper de manière privative le domaine public et sans verser de redevance. En effet, dans ce cas, l'autorisation d'ADP est également nécessaire pour accéder au marché des services offerts par ADP et un tel accès est indispensable à la fourniture des services d'assistance aux compagnies aériennes. Comme le relève à juste titre le Tribunal au point 139 de l'arrêt attaqué, il est constant qu'aucune entreprise ne peut avoir accès au domaine aéroportuaire géré par ADP sans son autorisation ni encore moins y fournir des services. Par ailleurs, la circonstance qu'aucune redevance n'est demandée aux prestataires n'ayant pas besoin de locaux situés dans le périmètre de l'aéroport ne saurait, en tout état de cause, affecter la définition dudit marché. (…) 95. En ce qui concerne la seconde branche du huitième moyen, qui porte sur la détermination du marché géographique visé, à supposer même qu'elle soit recevable dans la mesure où elle ne se limiterait pas à réitérer la thèse développée par ADP devant le Tribunal et examinée au point 141 de l'arrêt attaqué, elle est en tout état de cause non fondée. 96. En effet, il ressort des points 91 à 93 du présent arrêt que le marché pertinent est celui des installations aéroportuaires dans lesquelles, par définition, doivent être effectuées les prestations de services d'assistance en escale. C'est ainsi que le Tribunal a relevé à bon droit, au point 141 de l'arrêt attaqué, que sont en cause les conditions d'accès aux installations aéroportuaires fixées par ADP afin de pouvoir y fournir des services d'assistance en escale, lesquels ne peuvent être assurés que dans le domaine aéroportuaire et avec l'autorisation d'ADP. Il en a déduit correctement que les biens immobiliers de la région parisienne ne peuvent être pris en considération puisqu'ils ne permettent pas, en eux-mêmes, de fournir lesdits services. 97. Dès lors, le huitième moyen doit être également rejeté. Sur le neuvième moyen, tiré d'une violation de l'article 86 du traité s'agissant de la position dominante d'ADP 98. ADP soutient que les droits détenus sur son domaine public sont équivalents à ceux d'un propriétaire et que, contrairement à ce que le Tribunal a considéré aux points 149 et 151 de l'arrêt attaqué, il ne détient donc pas plus de «monopole» sur ledit domaine que n'importe quel propriétaire sur son bien. Ce domaine public ne constituerait pas un marché au sens du droit de la concurrence. 99. Selon ADP, le marché pertinent inclut l'ensemble des locaux et des surfaces immobilières de la région parisienne susceptibles d'être utilisés de la même manière par les prestataires de services d'assistance en escale que les locaux et les surfaces situés sur le domaine public d'ADP dont l'usage a pour contrepartie les redevances en cause. Il serait manifeste que le 12

requérant ne détient aucune position dominante sur un marché ainsi défini, le domaine public d'ADP représentant une part extrêmement réduite des surfaces et des locaux concernés. 100. Quant à l'autorisation délivrée, à l'époque, par ADP pour l'accès à la zone réservée de l'enceinte aéroportuaire, ADP rappelle qu'elle n'était nullement réservée aux prestataires occupant de manière privative le domaine public et que sa délivrance ne donnait lieu en tant que telle à aucune redevance. 101. Le Tribunal aurait donc violé l'article 86 du traité en qualifiant de dominante la position d'ADP sur le marché. (…) 105. L'affirmation d'ADP, selon laquelle les pouvoirs dont il dispose sur son domaine public sont ceux de n'importe quel propriétaire sur son bien, n'est pas de nature à modifier l'appréciation selon laquelle ADP jouit d'une position dominante sur le marché pertinent. 106. En l'occurrence, ADP, en tant que propriétaire des installations aéroportuaires, est seul à pouvoir en autoriser l'accès. Ainsi que le Tribunal l'a relevé à juste titre au point 149 de l'arrêt attaqué, ADP dispose, en vertu de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile français, du monopole légal de la gestion des aéroports concernés et lui seul peut donner l'autorisation d'y exercer des activités d'assistance en escale et fixer les conditions d'exercice de celles-ci. 107. Dans ces conditions, le Tribunal a pu, à bon droit, conclure, au point 150 de l'arrêt attaqué, qu'ADP se trouve dans une situation de puissance économique qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants. 108. Par conséquent, le neuvième moyen doit être rejeté comme non fondé. LA COUR (sixième chambre) déclare et arrête: 1) Le pourvoi est rejeté. 2) Aéroports de Paris est condamné aux dépens.

Document n° 6 : CE, 30 juin 2004, Département de la Vendée. Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre 2002 et 23 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA VENDEE, (…) ; le DEPARTEMENT DE LA VENDEE demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 28 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, réformant le jugement du 6 janvier 2000 du tribunal administratif de Nantes, a annulé à la demande de la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes (V.I.I.V), le premier alinéa de l'article 4, l'article 5 et l'article 8 de l'arrêté du 30 mars 1998 du président du conseil général de la Vendée formant règlement d'utilisation des installations portuaires de Fromentine et a condamné le département requérant à verser à cette société une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes et de faire droit à sa demande tendant à ce que cette société soit condamnée à lui payer la somme de 762,25 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; 3°) en tout état de cause, de condamner la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes à lui verser la somme de 3 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la note en délibéré présentée le 11 juin 2004 pour la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes ; Vu le code de justice administrative ; (…) Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la desserte maritime de l'Ile d'Yeu est assurée notamment à partir du port départemental de Fromentine, situé dans la commune de la Barre de Monts (Vendée) ; que ce port est constitué d'une estacade en bois de 76 m débouchant sur une plate-forme d'accostage, posée et ancrée au fond par des pieux ; que cette plate-forme comprend deux postes d'amarrage dont l'un, situé sur le côté ouest, permet l'amarrage des paquebots alors que l'autre, situé au nord, constitué d'un ponton flottant ancré sur le débarcadère, est destiné à l'accostage des navires de plus petit gabarit ; que ce ponton flottant est utilisé, à la fois, par l'unité rapide de la régie départementale des passages d'eau de la Vendée (R.D.P.E.V) et par les vedettes de compagnies privées dont la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes (V.I.I.V) ; que par arrêté du 30 mars 1998, le président du conseil général de la Vendée a réglementé l'utilisation des installations du port de Fromentine ; que l'article 4 de cet arrêté dispose que l'accostage au ponton flottant des bateaux des compagnies privées pour l'embarquement et le débarquement de passagers est interdit : / - une demi-heure avant l'arrivée prévue et un quart d'heure après le départ effectif de l'unité rapide de la régie/ - pendant l'escale de ladite unité/ - une demi-heure avant l'arrivée prévue et un quart d'heure après le départ effectif d'un paquebot de la régie/ pendant une heure après l'arrivée et pendant une heure avant le départ d'un paquebot de la régie (...) ; qu'aux termes des dispositions de l'article 8 du même arrêté : Le stationnement au ponton des bateaux des compagnies privées est strictement limité au temps nécessaire à l'embarquement ou au débarquement des passagers ; que l'article 5, non divisible des articles 4 et 8, prévoit que dans les créneaux horaires non réservés au service public exercé par la régie départementale, l'accostage au ponton flottant des bateaux des compagnies privées pour l'embarquement et le débarquement des passagers est interdit une demi-heure avant l'arrivée prévue de l'unité suivante et un quart d'heure après le départ effectif de l'unité suivante ; que, par jugement du 6 janvier 2000, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes tendant à l'annulation de cet arrêté ; que le DEPARTEMENT DE LA VENDEE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur l'appel de la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes, a, infirmant sur ce point le jugement du tribunal administratif de Nantes, annulé les dispositions précitées des articles 4 (alinéas 1 à 5), 5 et 8 de l'arrêté du 30 mars 1998 ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ; Considérant que s'il appartient aux collectivités et personnes morales publiques, auxquelles sont affectées ou concédées les installations des ports maritimes, de permettre l'accès aussi large que possible des armements à ces installations, elles n'en sont pas moins corollairement en charge de fixer, par une réglementation adaptée à la configuration des ports concernés, des conditions d'utilisation de ces installations propres à assurer la sécurité des usagers et la

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protection des biens du domaine public maritime ; qu'en outre, si ces mêmes collectivités et personnes morales publiques ne sont autorisées par aucune disposition législative à consentir aux entreprises chargées d'un service public de transport maritime le monopole de l'utilisation des ouvrages portuaires et, dès lors, en l'absence de circonstances exceptionnelles à réserver à ces entreprises l'exclusivité de l'accès aux installations portuaires, il leur appartient, dans des limites compatibles avec le respect des règles de concurrence et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, d'apporter aux armements chargés d'un tel service public l'appui nécessaire à l'exploitation du service et, le cas échéant, de leur accorder des facilités particulières pour l'utilisation du domaine public ; Considérant qu'en jugeant, après avoir rappelé les principes énoncés ci-dessus, que les exigences découlant de la mission de service public de la régie départementale des passages d'eau de la Vendée (R.D.P.E.V) ne pouvaient être regardées, au même titre que les contraintes techniques ou de sécurité, comme des nécessités de fonctionnement du port que pouvait prendre en compte, dans les limites énoncées plus haut, l'autorité réglementaire, la cour a commis une erreur de droit ; que l'arrêt attaqué doit, dès lors, être annulé dans ses articles 1 et 2; Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ; Sur la régularité du jugement attaqué : Considérant, que le moyen tiré par la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes de ce que le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes n'aurait pas répondu au moyen tiré par elle de l'illégalité de l'article 8 du règlement litigieux manque en fait ; Sur la légalité des trois premiers alinéas de l'article 4 et de l'article 8 du règlement attaqué : Considérant, que les dispositions combinées des alinéas 1 à 3 de l'article 4 de l'arrêté du 30 mars 1998 interdisent l'accostage au ponton flottant des bateaux des compagnies privées d'une part, une demi-heure avant l'arrivée de l'unité rapide de la régie départementale et un quart d'heure après son départ effectif, d'autre part, pendant l'escale de cette unité rapide ; que l'article 8 du même règlement limite strictement le temps de stationnement de ces mêmes bateaux au temps nécessaire à l'embarquement ou au débarquement des passagers ; que la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes soutient que la combinaison de ces dispositions aboutit en pratique à ce que, pendant le stationnement de l'unité rapide de la régie qui peut se prolonger pendant six heures à marée basse, ses bateaux sont empêchés d'accoster au ponton flottant et donc d'assurer, par suite, la desserte de l'île d'Yeu, en méconnaissance tant du principe de la liberté du commerce et d'industrie que du principe d'égalité de traitement entre armateurs ; Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que la régie départementale assure en ce qui concerne la desserte de l'île d'Yeu une mission de service public qui implique des traversées régulières toute l'année et par tous temps ; que l'accomplissement de cette mission explique que l'unité rapide de la régie départementale ait un tirant d'eau sensiblement plus important que celui des unités de la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes (V.I.I.V.), ce qui la rend tributaire des horaires des marées et lui interdit notamment de sortir du port de Fromentine ou d'y accéder à marée basse ; que la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes n'est pas, compte tenu de son activité exclusivement estivale et de la taille, de la capacité et du

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tirant d'eau de ses bateaux, dans une situation identique à celle de l'armement chargé du service public ; que la longueur limitée du ponton flottant rend techniquement difficile et, en tout état de cause, dangereux pour la sécurité des opérations d'embarquement et de débarquement des passagers compte tenu de la taille des bateaux concernés, l'accostage simultané de deux unités rapides ; que dès lors, eu égard aux circonstances rappelées cidessus, le président du conseil général a pu, sans porter d'atteinte excessive au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, ni méconnaître les règles de concurrence ainsi que l'égalité de traitement entre armateurs, apporter à la régie départementale l'appui nécessaire à l'exploitation du service public dont elle est chargée en faisant bénéficier la seule unité rapide de la régie de la possibilité d'un stationnement prolongé sur le ponton flottant au cours des périodes de marée basse pendant lesquelles cette unité ne peut, compte tenu de son tirant d'eau, passer dans le chenal d'accès et en interdisant, pendant ce stationnement prolongé, toute possibilité d'accostage d'une unité rapide appartenant à la compagnie V.I.I.V, qui dispose d'ailleurs, à 500 mètres du port de Fromentine, d'un site propre de mouillage à partir duquel elle peut assurer ses liaisons maritimes vers l'Ile d'Yeu ; Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des trois premiers alinéas de l'article 4 ainsi que de l'article 8 du règlement attaqué ; Sur la légalité des quatrième et cinquième alinéas de l'article 4 du règlement attaqué : Considérant que les dispositions combinées des premier, quatrième et cinquième alinéas de l'article 4 du même règlement ont pour effet de limiter aux seuls bateaux des compagnies privées l'interdiction d'accostage au ponton flottant, d'une part, pendant l'escale d'un paquebot de la régie, d'autre part, une demi-heure avant l'arrivée prévue et un quart d'heure après le départ effectif d'un tel paquebot ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle restriction, constitutive d'une rupture d'égalité entre les vedettes de la régie et celles des compagnies privées, soit rendue nécessaire par des contraintes de sécurité publique liées soit aux conditions de navigation dans le chenal d'accès au port de Fromentine, soit aux modalités d'embarquement et de débarquement des passagers des unités rapides lors des manoeuvres ou de l'escale d'un paquebot de la régie ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la mission de service public dont est investie la régie départementale justifierait que ses unités rapides soient exonérées du respect de règles édictées dans l'intérêt de la sécurité des mouvements de navires et de passagers ; que, dès lors, la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des quatrième et cinquième alinéas de l'article 4 de l'arrêté litigieux, en tant que leurs dispositions ne s'appliquent qu'aux bateaux des compagnies privées ; Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le DEPARTEMENT DE LA VENDEE et la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes sur le fondement de ces dispositions ; DECIDE :

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Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 28 juin 2002 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés. Article 2 : Le jugement du 6 janvier 2000 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes tendant à l'annulation des quatrième et cinquième alinéas de l'article 4 de l'arrêté du 30 mars 1998 du président du Conseil général de la Vendée. Article 3 : Les quatrième et cinquième alinéas de l'article 4 de l'arrêté du 30 mars 1998 du président du Conseil général de la Vendée sont annulés, en tant qu'ils ne s'appliquent qu'aux bateaux des compagnies privées pour l'embarquement et le débarquement des passagers ; Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la société Vedettes InterIles Vendéennes devant le tribunal administratif de Nantes est rejeté. …. Document n° 7 : Cass. Com., 6 février 2007, SARL Les Oliviers, req. n° 05-21.948. AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 15 novembre 2005), que la société Les Oliviers, qui a exploité de 1997 à 2001 une maison de retraite à Saint-Etienne dans des locaux loués à la société anonyme immobilière d'économie mixte de la commune de Saint-Etienne (SAIEM), a saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques anticoncurrentielles qui auraient été mises en oeuvre, sur le marché local de l'hébergement des personnes âgées dépendantes, par la commune de Saint-Etienne, par la SAIEM et par le centre communal d'action sociale (CCAS), établissement public auquel la commune avait confié la gestion de quinze résidences pour personnes âgées ; que la société Les Oliviers a fait valoir que le CCAS pratiquait des prix d'hébergement abusivement bas et abusait, grâce à des subventions d'équilibre versées par la commune, de la position dominante qu'il détenait sur le marché en cause ; qu'elle a en outre invoqué des faits d'entente et un abus de dépendance économique résultant du fait que le montant excessif du loyer imposé par la SAIEM ne lui permettait pas une exploitation équilibrée ; que, par décision n° 05-D-05 du 18 février 2005, le Conseil a dit la saisine irrecevable s'agissant des premiers faits dénoncés et l'a rejetée pour le surplus faute d'éléments suffisamment probants ; Sur le premier moyen : Attendu que la société Les Oliviers, représentée par son liquidateur amiable, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil estimant que les faits d'abus de position dominante dénoncés ne relevaient pas de ses attributions, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 13 et 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 respectivement codifiées aux articles L. 464-8 et L. 410-1 du code du commerce, que le Conseil de la concurrence et, sur recours la cour d'appel de Paris, sont compétents pour connaître de toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques ; que relève ainsi de la compétence du Conseil de la

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concurrence l'examen d'un comportement global caractérisé par un ensemble de pratiques générales détachables de décisions administratives particulières, imputé à un opérateur économique auquel il est reproché l'abus d'une position dominante sur un marché donné, peu important que cet opérateur ait agi dans le cadre d"une mission de service public pourvu qu'il n'ait mis en oeuvre aucune prérogative de puissance publique et que le comportement incriminé touche à une activité économique exercée en concurrence avec des opérateurs privés et non à la gestion d'un service public régalien ou remplissant une mission de caractère exclusivement social fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de caractère commercial ; qu'en l'espèce, la société Les Oliviers incriminait le comportement anticoncurrentiel adopté par le centre communal d'action sociale de la ville de Saint-Etienne sur le marché local des résidences pour personnes âgées dépendantes sans mettre en cause la légalité des décisions concourant à l'organisation de l'activité de service public gérée par cet opérateur ; que dès lors que le centre communal d'action sociale ne remplissait pas une mission exclusivement sociale mais exerçait une activité marchande consistant à commercialiser des services auprès du grand public et n'appelant pas la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, les griefs formés à son encontre par la société Les Oliviers relevaient de la compétence du Conseil de la concurrence ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Mais attendu que si dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de services les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire, les décisions par lesquelles ces personnes assurent la mission qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence de la juridiction administrative ; Attendu qu'après avoir rappelé que la commune de Saint-Etienne a confié au CCAS la gestion de résidences pour personnes âgées auparavant exploitées en régie directe, les modalités de ce transfert résultant, selon le Conseil, de conventions des 8 septembre 1997 et 14 mai 1998 prévoyant notamment la possibilité pour le CCAS de percevoir des subventions de la commune, la cour d'appel, qui retient, par motifs propres et adoptés, que la contestation de la gestion par le CCAS de quinze résidences met directement en cause l'organisation et le fonctionnement du service public de l'hébergement des personnes âgées tel qu'il résulte des conventions de transfert, que la décision d'allouer une subvention au CCAS relève des prérogatives de puissance publique de la commune et que les prix de journée des établissements sont fixés par le président du conseil général, a fait l'exacte application des dispositions invoquées en décidant que ces décisions, dont l'appréciation de la légalité relève du juge administratif, n'entraient pas dans le champ de compétence du Conseil de la concurrence ; que le moyen n'est pas fondé ; Et sur le second moyen : Attendu que la société Les Oliviers, représentée par son liquidateur amiable, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil estimant que les faits d'exploitation abusive de dépendance dénoncés n'étaient pas établis, alors, selon le moyen : 1 / qu'une entreprise peut se prévaloir des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance de 1986, aujourd'hui codifiées à l'article L. 420-2 du code de commerce, pour autant qu'elle se trouve dans un rapport de client à fournisseur avec l'auteur des pratiques dénoncées ; qu'un tel rapport existait en l'espèce dès lors que la société Les Oliviers exerçait son activité dans des locaux qu'elle louait à la SAIEM ; que la cour d'appel a violé le texte précité en tirant argument de l'existence d'un bail pour décider que la société Les Oliviers ne pouvait invoquer le bénéfice de ses dispositions ;

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2 / qu'en se bornant à retenir que la société les Oliviers ne démontrait pas qu'elle était dans l'impossibilité de rechercher d'autres locaux pour exercer ses activités sans vérifier de façon concrète si, du fait de la nature particulière de ses activités, cette entreprise ne se trouvait pas, comme elle le faisait valoir, dans l'impossibilité de déménager dans des conditions acceptables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-2, alinéa 2, du code de commerce ; Mais attendu que, pour rejeter l'argumentation de la société Les Oliviers qui soutenait que le montant excessif du loyer qui lui était imposé par la SAIEM constituait une exploitation abusive de son état de dépendance économique d'autant qu'elle n'avait pu obtenir une autorisation d'ouverture pour les 80 lits demandés, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'après que la société Les Oliviers se soit vue refuser, le 16 juillet 1996, l'autorisation d'ouvrir un établissement de 80 lits, les parties ont librement négocié le 7 octobre 1996 une augmentation du montant du loyer correspondant à la prise en charge par la locataire d'une partie des travaux nécessaires à l'accueil de personnes âgées dépendantes, et que la société Les Oliviers, qui a bénéficié d'un long délai avant d'obtenir le 26 février 1998 une autorisation d'ouverture, ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité de rechercher d'autres locaux pour exercer son activité moyennant paiement d'un loyer plus adapté à ses perspectives de rentabilité ; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que l'état de dépendance économique dont se prévalait la société Les Oliviers n'était pas établi, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Les Oliviers, prise en la personne de son liquidateur amiable, M. X..., aux dépens ;

Document n° 8 : CE, 17 octobre 2008, n° 293220, Sté OGF ; Rec. CE 2008, tables. [...]

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par convention signée le 18 avril 1992, la ville de Moulins a concédé à la SA Pompes funèbres du sud-est la construction et l'exploitation d'une chambre funéraire ; que l'article 9 de ce contrat prévoyait « qu'en vertu de l'article L. 361-19 du Code des communes, la ville de Moulins fixe un droit de séjour établi sur la base de 100 F forfaitaire et par corps qui sera perçu et reversé intégralement, mensuellement, par la concessionnaire à la mairie de Moulins » ; que, par convention signée le 7 mai 1993, le centre hospitalier de Moulins-Yzeure a confié à la société l'accueil dans cette chambre funéraire du corps des personnes décédées au centre hospitalier et sur la voie publique, en s'engageant à verser, en contrepartie, au prestataire une rémunération forfaitaire de 80 000 francs correspondant à une durée de séjour de tous les corps de 48 heures ; que l'article 18 de la convention du 7 mai 1993 prévoyait que les forfaits de transport et de séjour dans la chambre funéraire des personnes décédées au centre hospitalier ne prenaient pas en compte les éventuelles taxes de séjour à la chambre funéraire et que "ces taxes connues ou à venir sont à la charge du Centre hospitalier" ; que la société a demandé 19

sans succès au centre hospitalier, en application des stipulations précitées de l'article 18 de la convention du 7 mai 1993, de lui rembourser les montants de la taxe de séjour versés par elle à la ville de Moulins ; Considérant que, par un jugement du 21 octobre 1999, le tribunal administratif de ClermontFerrand a condamné le centre hospitalier à verser à la SA Pompes funèbres du sud-est la somme de 203 705 francs avec intérêts correspondant aux montants des taxes de séjour réglées par cette société à la ville de Moulins ; que, par un arrêt du 9 mars 2006, contre lequel la Société OGF, qui vient aux droits de la SA Pompes funèbres du sud-est, se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur la requête du centre hospitalier de Moulins-Yzeure, annulé le jugement et rejeté la demande de la SA Pompes funèbres du sudest ; Sur le pourvoi : Considérant qu'aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 applicable à la date des faits litigieux et repris à l'article L. 420-3 du Code de commerce : « Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles 7 et 8 » ; que l'article 8 de la même ordonnance, repris à l'article L. 420-2 du même code, dispose qu'est prohibée, notamment « l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprise d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci » ; Considérant que, pour juger, par un moyen relevé d'office, que la convention signée le 7 mai 1993 était nulle et n'avait pu faire naître d'obligations entre les parties et en déduire que la SA Pompes funèbres du sud-est ne pouvait utilement se prévaloir des stipulations précitées de son article 18, la cour a estimé que cette convention créait au profit de la SA Pompes funèbres du sud-est, concessionnaire de la ville de Moulins, une position dominante au sens des dispositions précitées de l'article 8 de l'ordonnance ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la convention litigieuse plaçait la société en situation d'abuser automatiquement de la position dominante qu'elle avait identifiée, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que la Société OGF est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; Considérant qu'il y a lieu en application de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative de régler l'affaire au fond ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que, préalablement au dépôt de sa demande devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, la SA Pompes funèbres du sud-est a adressé, le 17 septembre 1996, au centre hospitalier une demande de remboursement des taxes municipales de séjour au titre de la période du 18 mai 1993 au 31 juillet 1996 pour un montant total de 203 705 F ; que, par lettre du 20 septembre 1996, le directeur des affaires générales et médicales du centre hospitalier a refusé de faire droit à cette demande ; que, par suite, le centre hospitalier de Moulins-Yzeure n'est pas fondé à soutenir que la demande de la société serait irrecevable faute que le contentieux ait été lié ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Pompes funèbres du sud-est a versé à la ville de Moulins les taxes de séjour litigieuses ; qu'en application des stipulations de l'article 18 de la convention du 7 mai 1993 précitée, qui ne sont en elles-mêmes affectées d'aucune cause de nullité, le centre hospitalier était tenu de prendre en charge le montant des taxes, sans pouvoir utilement exciper dans le présent litige, pour s'exonérer de son obligation

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à l'égard de la société, de la circonstance, à la supposer établie, que les taxes auraient été illégalement instituées par la ville ; que, dès lors, le centre hospitalier de Moulins-Yzeure n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à la SA Pompes funèbres du sud-est la somme de 203 705 F ;

Document n° 9 : Cass. com., 12 juillet 2005, NMPP […] Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Messageries lyonnaises de Presse (les MLP) a saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques mises en œuvre par la société Nouvelles Messageries de la presse parisienne (les NMPP) et la Société auxiliaire pour l'exploitation des messageries transports de presse (la SAEM-TP) qui abuseraient de la position dominante conjointe qu'elles détiendraient sur le marché de la distribution de la presse au numéro, d'une part, en lui refusant un accès direct au tronc commun du logiciel Presse 2000 mis en place par les NMPP, logiciel qui sert aux dépositaires pour le suivi de la distribution de la presse par les marchands de journaux et dont le tronc commun est utilisé par les trois messageries de presse, d'autre part, en pratiquant certaines conditions tarifaires ; que les MLP ont sollicité le prononcé de mesures conservatoires ; que, par décision n° 03-MC-04 du 22 décembre 2003, le Conseil a notamment, à titre conservatoire, fait injonction aux NMPP "d'accorder aux MLP un accès direct au tronc commun du logiciel Presse 2000 dans des conditions économiques équitables en mettant en place -pour chaque dépôt qui le souhaiterait et selon des modalités qui devront faire l'objet d'un accord entre les parties concernées- un transfert automatique de fichiers entre le système informatique des MLP, TID ou équivalent, et Presse 2000" et "de ne pas reconduire le système de bonification exceptionnelle figurant dans ses barèmes"; que la cour d'appel a rejeté les recours formés par les NMPP et la SAEM-TP ; … Sur le sixième moyen : Attendu que la société NMPP fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil ayant au titre des mesures conservatoires et dans l'attente d'une décision au fond, enjoint aux NMPP "d'accorder aux MLP dans un délai de quatre mois un accès direct au tronc commun du logiciel Presse 2000, dans des conditions économiques équitables, en mettant en place -pour chaque dépôt qui le souhaiterait et selon des modalités qui devront faire l'objet d'un accord entre les parties concernées- un transfert automatique de fichiers entre le système informatique des MLP, TID ou équivalent, et Presse 2000" et "de ne pas reconduire le système de bonification exceptionnelle figurant dans ses barèmes", alors, selon le moyen, que le Conseil de la concurrence ne peut pas ordonner, à titre conservatoire, une mesure qui aurait des effets identiques à ceux qui résulteraient d'une décision au fond sanctionnant des pratiques anticoncurrentielles ; qu'en ordonnant les mesures précitées "dans l'attente d'une décision au fond", donc sans terme précis, et en donnant aux MLP la possibilité irréversible d'avoir accès à l'ensemble des données du logiciel Presse 2000, le Conseil de la concurrence a prononcé des

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mesures dépourvues de caractère provisoire ; qu'en validant sa décision, la cour d'appel a violé l'article L. 464-1 du Code de commerce ; Mais attendu qu'en faisant injonction aux NMPP de ne pas reconduire le système de bonification exceptionnelle figurant dans ses barèmes, la cour d'appel a ordonné une mesure conservatoire dont le terme est celui de la décision au fond ; que le moyen, sans objet pour le surplus en l'état de la cassation à intervenir sur le troisième moyen, n'est pas fondé ; Mais sur le troisième moyen, pris en ses première et quatrième branches : Vu les articles L. 420-2 et L. 464-1 du Code de commerce ; Attendu qu'après avoir constaté que les dépositaires qui, ayant notamment pour mission de réceptionner la presse, la répartir, reprendre les invendus et assurer la comptabilisation de ces opérations, jouent un rôle central dans la transmission de l'information entre les éditeurs et les diffuseurs de presse et utilisent pour ce faire un logiciel dit Presse 2000 créé et exploité par les NMPP, logiciel dont les fonctionnalités essentielles, dites "tronc commun" soit le référencement des diffuseurs, celui des titres, la mise en œuvre du réglage des titres, la gestion des réassortiments et des invendus et la création des documents comptables, sont partagées par les trois messageries de presse et qu'après avoir relevé que les MLP, qui ne disposent pas d'un accès direct à ce tronc commun, ont développé leur propre système informatique dit TID pour assurer la transmission des informations qu'elles échangent avec les dépositaires, ces informations devant être ressaisies par les dépositaires pour être utilisées par Presse 2000 à destination des diffuseurs, et les informations en provenance de ceux-ci tels les ventes et invendus par titre et point de vente devant de même être recopiées de Presse 2000 sur disquette pour être transférées sur TID, la durée quotidienne de ces manipulations étant estimée à une heure, la cour d'appel retient que le tronc commun du logiciel Presse 2000 constitue pour la distribution de la presse au numéro une infrastructure essentielle dont la reproduction à des conditions économiques raisonnables n'est pas envisageable ; qu'en effet, la création par les MLP d'un logiciel dédié qui serait utilisé par les dépositaires parallèlement au logiciel Presse 2000 n'apparaît pas réaliste compte tenu, d'une part, des particularités du contexte concurrentiel caractérisé tant par une forte intégration verticale des différents niveaux de distribution de la presse que par le poids des NMPP sur le réseau des dépositaires centraux et compte tenu, d'autre part, de l'attachement à un système informatique unique proclamé par le Syndicat national des dépositaires de presse (SNDP), syndicat dont la dépendance à l'égard des NMPP ne peut être exclue ; qu'il en est de même de la création par les MLP, qui ne détiennent que 15 % des parts du marché en cause, dont les NMPP et la SAEM-TP détiennent ensemble les autres parts, de la création trop coûteuse d'un réseau propre de dépositaires ; que le refus des NMPP de consentir aux MLP un accès direct au tronc commun du logiciel Presse 2000 qu'elles utilisent serait susceptible de constituer une pratique prohibée par l'article L. 420-2 du Code de commerce ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel ; Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que des solutions alternatives économiquement raisonnables, fussent-elles moins avantageuses que celles dont bénéficient les NMPP, ne pourraient être mises en oeuvre par les MLP qui avaient admis devant le Conseil être en mesure matériellement et financièrement de concevoir un logiciel équivalent à Presse 2000 et avoir mis en place un logiciel qui leur permettrait d'adapter les quantités livrées au réseau et de communiquer avec ce dernier, et faute par conséquent de constater que le tronc commun du logiciel Presse 2000 serait indispensable à l'exercice de l'activité des MLP, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

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CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'en rejetant les recours, il a ordonné aux NMPP d'accorder aux MLP un accès direct au tronc commun du logiciel Presse 2000, l'arrêt rendu le 12 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Document n° 10 : Cass. com., 17 juin 2008, SARL Vedettes Inter-îles vendéennes c/ Min. Éco., Fin. et Ind., n° 05-17.566, FS-P+B, [...] Attendu, selon l'arrêt attaqué, que depuis 1986, la société Vedettes inter-îles vendéennes (la VIIV), qui exploite trois vedettes rapides, assure le transport maritime de passagers entre l'île d'Yeu et le continent pendant la saison estivale du mois d'avril au mois de septembre cependant que d'autres compagnies privées assurent également cette liaison pendant la même période, que la régie départementale des passages d'eau de la Vendée (la régie), établissement public industriel et commercial départemental, qui exploite deux ferries de 750 passagers chacun et une vedette rapide l'« Amporelle » (350 passagers), a pour mission d'assurer l'exploitation directe du service maritime de passages d'eau entre l'île d'Yeu et le continent et doit assurer un service quotidien suivant les exigences des marées, effectuant le transport des voyageurs, des marchandises, des véhicules et divers, fonctionnant selon les contraintes du trafic ainsi que, à chaque fois que possible et selon les besoins du trafic, des services supplémentaires y compris de voyages, excursions ; que le conseil général de Vendée, a mis à disposition de la régie en 1992, la vedette rapide « Amporelle » dont il est propriétaire ; que les deux ferries, comme la vedette rapide « Amporelle » ont le gabarit nécessaire pour assurer le service de transport par tout temps ; que le 28 mars 2001, la VIIV a saisi le Conseil de la concurrence en reprochant à la régie départementale des passages d'eau de la Vendée d'abuser de la position dominante qu'elle occupe sur le marché de transport de passagers entre l'île d'Yeu et le continent en période estivale, en développant une offre de transport à des prix inférieurs à leur coût de revient et de pratiquer des prix prédateurs sur lesquels les sociétés privées concurrentes ne peuvent s'aligner ; qu'après avoir ordonné une expertise, le Conseil de la concurrence a, par décision du 23 décembre 2004, dit qu'il n'était pas établi que la régie ait enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce ; Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable : Attendu que la régie fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'incompétence au profit du tribunal administratif de Nantes, alors, selon le moyen, qu'une activité de service public peut s'exercer aussi bien dans une situation de monopole que sur un marché ouvert à la concurrence ; qu'en l'espèce la régie est investie par le département de la Vendée d'une mission de service public de continuité territoriale consistant à assurer toute l'année et par tous temps la desserte de l'île d'Yeu, depuis le continent, par voie maritime ; qu' en énonçant que la liaison maritime ne relevait pas du service public pendant les mois d'été – des opérateurs de droit privé l'assurant pour en déduire que la fixation des tarifs par la régie au cours de la période d'été ne constituait pas un acte administratif et relevait de la compétence du juge judiciaire, la cour d'appel violé la loi des 16 et 24 août 1790, ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs ; Mais attendu que l'arrêt retient que la régie est chargée d'une mission de service public consistant à transporter les marchandises et les passagers entre le continent et l'île d'Yeu,

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durant la totalité de l'année, que pendant la période d'avril à septembre, sa vedette rapide participe à cette mission de service public, que le fait que la régie assure des obligations de service public confiées par le conseil général de la Vendée n'implique pas que toutes ses activités relèvent par nature de ce service public, et que s'agissant des transports en vedette rapide assurés pour la période pendant laquelle existe une offre concurrente la régie n'exerce aucune prérogative de puissance publique en déterminant librement ses prix ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel qui n'a pas énoncé que la liaison maritime ne relevait pas du service public pendant les mois d'été, a exactement déduit que les activités concurrentielles que la régie assure d'avril à septembre ne relevaient pas de ce service public et que le litige ne ressortissait pas à la compétence du tribunal administratif ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche : Vu l'article 1134 du Code civil ; Attendu que l'arrêt retient qu'il ressort d'une décision du Conseil d'État du 30 juin 2004 que la taille de l'Amporelle répond à des contraintes liées à l'état de la mer l'hiver et qu'elle correspond aux nécessités de la mission de service public assurée par la Régie qui implique des traversées régulières toute l'année et par tous les temps ; Attendu qu'en statuant ainsi alors que le Conseil d'État ne s'est pas prononcé sur la nécessité pour la régie d'utiliser l'Amporelle afin d'accomplir sa mission de service public, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ; Et sur ce moyen pris en sa quatrième branche : Vu l'article L. 420-1 du Code de commerce ; Attendu que viole les dispositions de l'article précité l'entreprise qui, disposant d'une position dominante assurant une mission de service public, offre des prestations sur un marché ouvert à la concurrence à un prix inférieur au coût incrémental de ces prestations, c'est-à-dire au coût que l'entreprise ne supporterait pas si elle n'exerçait pas l'activité concurrentielle ; Attendu que pour décider que le coût de la mise en service de l'Amporelle constituait un coût fixe commun à la mission de service public et à l'activité concurrentielle de la régie et que ce coût ne devait donc pas être inclus dans le coût incrémental de l'activité concurrentielle de la régie, l'arrêt retient encore que la régie expose que le nombre de passagers que l'Amporelle peut transporter lui permet d'assurer en toutes circonstances les traversées rapides notamment de la population scolaire et étudiante qui rentre sur l'île le mercredi ou les week-end d'hiver ; Attendu qu'en se déterminant ainsi par des motifs impropres à établir que si elle ne consacrait pas l'Amporelle d'avril à fin septembre à l'exploitation d'une activité sur un marché ouvert à la concurrence, la régie, qui disposait par ailleurs de ferries, serait obligée de supporter le coût de l'Amporelle pour assurer ses missions de service public, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule (...).

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Document n° 11 : CA Paris, 9 juin 2009, « Département de la Vendée », n° 2008-20337 […] IIIa – Marché pertinent en présence d'un SIEG Considérant qu'aux termes de l'article L. 420-2 du Code de commerce, est prohibée l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprise d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ; Considérant que le traité instituant la Communauté européenne interdit à une entreprise dominante d'éliminer un concurrent et de renforcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent de la concurrence par les mérites ; que dans cette perspective, la concurrence par les prix ne peut pas toujours être considérée comme légitime ; Considérant que la position dominante peut, selon plusieurs avis (n° 99-A-11) ou décisions (00-D-47 du 22 nov. 2000, EDF ; 00-D-50, 5 mars 2001,...) du Conseil de la concurrence, découler d'une situation de monopole, de fait ou de droit ; Considérant que l'examen d'une attitude de prédation, quelle que soit l'analyse juridique et économique menée à son sujet, impose la définition du marché pertinent dans lequel s'exercent les activités concurrentes ; Que ce marché est le cadre dans lequel le juge détermine les parts des différents concurrents, compare les produits ou services, enfin applique la notion fonctionnelle et concrète d'abus, en l'occurrence de prix prétendument bas ; Considérant que selon une jurisprudence constante rappelée pour la période immédiate par le TPI des Communautés européennes (arrêt du 30 janv. 2007, aff. T-340/03, France Telecom c/. Commission, § 78 ; pourvoi rejeté par CJCE, 2 avr. 2009, aff. C-202/07 P), les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre du marché regroupant l'ensemble des produits ou services qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d'autres produits ou services ; qu'en outre, étant donné que la détermination du marché en cause sert à évaluer si l'entreprise concernée a la possibilité de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective et d'avoir un comportement, dans une mesure appréciable, indépendant de celui de ses concurrents, on ne saurait à cette fin se limiter à l'examen des seules caractéristiques objectives des services en cause, mais il convient également de prendre en considération les conditions de la concurrence et la structure de la demande et de l'offre sur le marché ; Que de même, la Commission, dans une communication sur la définition du « marché en cause » en droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, pt 7), énonce qu'un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur Considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et l'usage auquel ils sont destinés ; Considérant que cette recherche du « marché pertinent », préalablement à toute définition d'une position dominante et à toute comparaison des prix, prend, lorsque comme en l'espèce le

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concurrent accusé d'abus de position dominante est un service économique d'intérêt général, un relief particulier ; Considérant qu'en effet, et à titre de remarque générale, le fait de fournir un service public crée une présomption de position dominante ; qu'en effet, si l'ouverture à la concurrence d'un marché jusqu'alors totalement monopolistique, entraîne une perte de parts de ce marché pour l'opérateur chronologiquement premier, ce dernier conserve sauf exceptions un rôle symbolique auprès de la clientèle, dispose avant ses concurrents d'infrastructures appropriées et souvent déjà amorties, et peut – telle la Régie pendant la période hivernale – demeurer de fait la seule entreprise active dans tel ou tel cas, et apparaître pour la clientèle comme l'opérateur de droit commun ; Que cette présomption n'a de sens que si le marché pris en considération inclut les périodes, les modalités et autres circonstances de l'activité de service public ; que réciproquement, il n'est ni juste ni rationnel de retenir contre un service d'intérêt économique général l'imputation, juridiquement désavantageuse, de position dominante sur la seule période ou dans les seuls lieux ou bien avec les seuls moyens de l'exercice en concurrence, en omettant les charges que constituent, – le plus souvent jusqu'au déficit chronique –, le temps, le lieu, l'objet et les moyens de l'exercice en monopole (de droit ou de fait) ; qu'une telle démarche systématique rendrait irréfragable, par le biais d'une segmentation imaginaire du marché, la présomption de position dominante ; Considérant qu'en somme, la segmentation du marché, démarche intellectuelle indispensable pour dessiner les contours d'un marché pertinent, prend une dimension spécifique en présence d'un SIEG ; Que pour vérifier la validité de cette segmentation, il est notamment permis de s'assurer que les coûts de l'activité sur le marché invoquée peuvent être calculés de manière plausible ; IIIb – Détermination et fragment des coûts du SIEG pour qualifier la prédation par les prix sur un marché peu segmenté Considérant que dans une conception élargie du marché pertinent les coûts sont nécessairement abordés de manière peu fractionnée ; Considérant qu'autrement dit la prédation par les prix est un grief qui, s'il est dirigé contre SIEG, requiert du rapporteur la preuve des coûts réellement exposés par ce service pour exploiter le marché prédéfini comme pertinent ; Que cette détermination des coûts du SIEG doit se doubler d'une possibilité de les fractionner dans l'exacte mesure où le marché pertinent sera segmenté ; Considérant que la Commission a sur ce point statué (20 mars 2001, Deutsche Post, Comp/35.141) dans le cas d'une entreprise disposant d'un « domaine réservé » (ce qui semble pouvoir s'entendre comme un secteur d'activité de caractère monopolistique ou quasimonopolistique), le plaignant affirmant que les recettes tirées de cette activité ne doivent pas servir à financer des ventes ou services à perte dans le secteur concurrentiel (mécanisme dit de « subventions croisées », décrit § 3 et 5 et de la décision de la Commission) ;

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Que précisément la décision du 20 mars 2001 pose en règle (§ 6 et 7) que pour être répréhensible, le mécanisme des subventions croisées suppose, d'une part, que les produits d'un service donné ne permettent pas de couvrir les coûts incrémentaux propres à ce service et, d'autre part, qu'il existe un service ou tout un domaine d'activité de l'entreprise dont les produits dépassent les « coûts de fourniture Isolée » ; que l'excédent de couverture des « coûts de fourniture isolée » indique la source des subventions croisées et le déficit de couverture des coûts incrémentaux la destination (des subventions) ; que dans le cas de Deutsche Post, le domaine réservé constitue une source durable de financement, (dont la totalité des produits) dépassent ses « coûts de fourniture isolée » ; que dès lors, pour déterminer si les coûts incrémentaux propres aux prestations en concurrence sont couverts, il convient d'établir une distinction entre les coûts additionnels propres aux prestations, qui découlent uniquement de la fourniture de ce service, et les coûts fixes communs, qui ne sont pas imputables à ce service seulement ; Qu'autant que de besoin, la Commission précise en notule numéro 7 la définition qu'elle donne des coûts incrémentaux « coûts qui ne sont liés qu'à un seul service ; les coûts fixes qui ne sont pas liés qu'à un seul service, dits coûts fixes communs, ne sont pas des coûts incrémentaux ; les coûts fixes communs ne disparaîtraient que si l'entreprise cessait de fournir tous ses services » ; que cette définition apparaît plutôt restrictive, comparée à celle que donne la littérature économique de différence entre le profit d'une entreprise en concurrence et le profit d'une entreprise en concurrence astreinte à un service universel ; Que plus loin, la Commission explique comment ces notions s'appliquent spécialement à un service d'intérêt économique général (§ 8 à 10) ; qu'à ce sujet, la Commission admet qu'un SIEG conserve une capacité de réserve suffisante pour couvrir à tout moment des pointes d'activité dans le respect des critères qualitatifs légaux ; qu'il faut donc distinguer les coûts communs de maintien des capacités et les coûts incrémentaux propres aux prestations ; que ceux-ci, dans le cas de Deutsche Post, résultaient uniquement de la fourniture d'un service audelà du simple service de guichet ; Que ces énonciations de la Commission sir les coûts du SIEG imposent, comme le démontre d'ailleurs l'hypothèse de « Deutsche Post » sur laquelle a porté sa décision, une segmentation plausible, à la fois économiquement et juridiquement, du marché, pour permettre de dessiner les contours du « marché pertinent » ; Que cette segmentation ne pose pas de difficultés insurmontables lorsqu'une entreprise en position de monopole ou disposant en tout cas de ce que la Commission dénomme le « domaine réservé », y ajoute une activité d'une nature nouvelle en concurrence directe avec des entreprises de pur droit privé, ce qui était le cas de la Deutsche Post, monopolistique sur la distribution « historique » de courrier mais désireuse de concurrencer UPS sur la distribution « nouvelle » de colis spéciaux ; que la segmentation est autrement plus hasardeuse lorsque comme dans le cas de la régie le service public exerce exactement la même activité, dans les mêmes lieux et toute l'année, la variable étant l'irruption de la concurrence de droit privé dans certaines de ces circonstances seulement ; Considérant que pour sa part, la Cour de justice européenne a énoncé (5e ch., 3 juill. 1991, C62/86, Mao c/. Conne) que des prix inférieurs à la moyenne des coûts variables (c'est-à-dire à ceux qui varient en fonction des quantités produites) par lesquels une entreprise dominante cherche à éliminer un concurrent doivent toujours être considérés comme abusifs ; que par ailleurs, des prix inférieurs à la moyenne des coûts totaux, qui comprennent les coûts fixes et

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les coûts variables, mais supérieurs à la moyenne des coûts variables, doivent être considérés comme abusifs lorsqu'ils sont fixés dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer un concurrent ; Que ces bases d'évaluation ont vraisemblablement été celles de l'expert Nussenbaun ; qu'elles auraient dû reposer sur une analyse, relativement complexe, des données bilancielles, là où la méthode « Deutsche Post » se contente d'un examen plus élémentaire du compte de résultat, qui peut au besoin être ramené à une période courte, telle qu'un mois ou une saison prédéfinie ; Mais considérant que le recours à ces critères ou tests, éventuellement approprié lorsque deux entreprises de droit privé sont en concurrence sur un même marché bien identifié, est très difficilement transposable lorsque l'entreprise en position dominante est un service d'intérêt économique général, qui reçoit des aides d'État au sens du traité (ce qui inclut les subventions départementales) et dont les « coûts moyens » sont en bonne part irréels ; Qu'en effet, le versement de subventions d'équilibre, mécanisme en vigueur pour la régie pour la période considérée, soldées en fin d'exercice annuel de sorte de parvenir à un résultat comptable neutre ou positif, permet à elle seule, comme l'indique la rapporteure elle-même dans la notification de griefs (p. 35) et comme le laisse entendre la ministre chargée de l'économie dans ses écritures, d'équilibrer de toute manière la gestion, de compenser au besoin tous les déficits d'exploitation, de pratiquer durablement une politique de prix bas à destination de tout ou partie de la clientèle ; qu'autrement dit, la gestion d'un service public ne répond pas, en tout cas structurellement, aux priorités d'économies, qui s'imposent au dirigeant d'entreprise privée, doit d'ailleurs répondre aux exigences de continuité et au voeu de qualité du service public, et peut conduire, si l'autorité publique de financement est assez généreuse, à augmenter régulièrement les salaires, à fournir des prestations attractives aux yeux des usagers, à investir dans des actifs nouveaux sans augmenter immédiatement les prix, à amortir plus rapidement les matériels que ne le ferait un entrepreneur de droit privé, en somme à favoriser l'usager aux dépens du contribuable ; Qu'ainsi, les calculs de coûts entre concurrents sont faussés d'emblée, les deux modes de gestion étant sans aucun rapport entre eux sur un plan économique et les données de la comptabilité d'un service public et de la comptabilité d'une société commerciale n'étant nullement comparables, sinon de manière superficielle ; Que d'ailleurs, dans un arrêt du 24 juillet 2003 (aff. C-280/00, Altmark), la même Cour de justice européenne a dû aborder autrement – sous l'angle des « aides d'État » – la question du tarif des services d'intérêt économique général et qu'à leur tour, les instances normatives de l'Union ont en bonne part transposé les préconisations de la Cour dans des décisions caractéristiques (21 déc. 2005, Banque Postale) puis lors de la mise au point du paquet « Monti-Kroes » relatif aux SIEG en application de l'article 87 du Traité (règl. CE n° 1998/2006 du 15 déc. 2006 ; circ. min. Int., 4 juill. 2008, B0.800133.C) ; Considérant enfin qu'à supposer que les tests « Akzo », c'est-à-dire les coûts moyens (variables, totaux), soient sérieusement évaluables nonobstant le mécanisme particulier de la subvention d'équilibre, ils le seront presque nécessairement sur des exercices annuels globaux, qui sont le cadre normal de l'aide d'État, sans possibilité de segmentation géographique, chronologique ou autre, sinon par l'effet d'une règle de trois dont l'artifice n'échapperait pas à la critique ;

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Considérant qu'en somme, les tests « Alczo » et « DeutschePost », s'ils n'obéissent manifestement pas aux mêmes notions comptables et économiques et ne sont ni l'un ni l'autre les instruments adéquats pour répondre aux questions de l'espèce, montrent en tout cas la nécessité d'une définition appropriée du marché pertinent, aussi peu segmentée que possible dès lors qu'un SIEG est en cause, en lien avec une évaluation plausible des coûts ; IIIc – Segmentation artificielle en l'espèce Considérant qu'en l'espèce ici jugée, la segmentation du marché, pratiquée tour à tour par la rapporteure du Conseil de la concurrence dans sa notification de griefs, puis par le Conseil lui-même dans sa décision, enfin par la cour d'appel dans son arrêt cassé, ne paraît pas pouvoir être opérée ; Considérant qu'en effet, la segmentation n'est plausible ni par la chronologie, ni par la nature des services proposés, ni par le type de moyens (ici, de navires) utilisés ; Considérant que, s'agissant d'une segmentation par la chronologie, autrement dit d'une distinction opérée entre une saison d'hiver et une saison d'été (« début octobre », « fin mars ») elle a été retenue d'office dans la notification de griefs du 10 novembre 2003 ; Que pourtant, elle ne procède fondamentalement que d'un libre choix des transporteurs de naviguer ou pas avant et après ces dates puisqu'il n'existait pas de monopole légal ni d'activité « réservée », au sens de la décision Deutsche Post, à la Régie non plus qu'aux opérateurs concurrents ; Qu'elle n'a été reprise, dans un règlement portuaire – qui sera au demeurant jugé nul par le tribunal administratif compétent – qui a régi l'accès aux pontons de Port-Joinville, qu'en considération des ambitions concrètes des prestataires de pur droit privé ; que si ces ambitions avaient été plus larges, et avaient par exemple englobé la période plus difficile de navigation en hiver, ce règlement aurait été nécessairement refait ; qu'autrement dit, si ce règlement portuaire a pu conforter quelque temps le monopole de fait de la Régie entre octobre et mars, il ne pouvait déterminer une « période réservée » et rendre ce monopole objectif et stable ; Que la segmentation chronologique retenue ne correspond d'ailleurs à rien dans le calendrier civil ou scolaire ; Qu'elle ne recouvre pas davantage de différences dans le service rendu, qui doit être assuré continûment, y compris en cas de mauvais temps ou pour très peu d'usagers ; Que cette segmentation opère une distinction entre « clients d'hiver » et « clients d'été », dont on sait qu'elle est fausse puisque l'île accueille des résidents secondaires en toute saison et que réciproquement, les islais se rendent sur le continent pour affaires ou pour leurs loisirs toute l'année ; Qu'en somme, les notions centrales de la décision « Deutsche Post » de « coûts fixes communs plusieurs activités) » et de « coûts de fourniture isolée » n'ont pas de sens économique pour la Régie dans les circonstances d'espèce ;

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Considérant maintenant, s'agissant d'une segmentation par la nature des services proposés, autrement dit selon qu'il s'agit de passagers, de marchandises, de véhicules, ou s'agissant d'une segmentation par nature de clientèles, autrement dit selon qu'il s'agit d'islais ou de continentaux, d'adultes ou de scolaires, ou toute autre distinction du même genre, la Rapporteure puis le Conseil lui-même y ont renoncé ; Considérant enfin, s'agissant de la segmentation par type de moyens utilisés, autrement dit d'une distinction opérée entre le marché de « L'Amporelle » et celui des autres navires, qu'elle conduit, comme l'a suggéré la Cour de cassation dans son arrêt du 17 juin 2008, à ignorer l'existence des ferries ; Que la notification des griefs du 10 novembre 2003 se contente à ce sujet d'un énoncé ainsi rédigé, non sans approximations de fait ou de droit et contradictions : « En ce qui concerne les ferries et les vedettes rapides, l'offre est différente, monopole de la régie sur les ferries, concurrence sur les vedettes rapides, le service rendu est différent et les passagers qui voyagent sans véhicule ou avec peu de bagages préfèrent probablement les vedettes rapides ; malgré ces différences, les ferries et les vedettes rapides peuvent être considérées comme suffisamment substituables pour les pesages, pour être sur le même marché ; en effet, les passagers choisissent la plupart du temps un horaire de bateau et non une catégorie de bateau donnée ; ils doivent d'ailleurs obligatoirement utiliser les ferries les jours où les vedettes rapides ne circulent pas ou sont complètes » ; que d'ailleurs, dans le corps du rapport (page 35), le marché est finalement décrit comme « celui du transport de passagers entre l'île d'Yeu et le continent » ; quant au Conseil, bien qu'il renonce expressément à cette approche dans son analyse du marché pertinent (§ 88), il y recourt finalement (§ 100 à 103) pour poser en règle que les coûts incrémentaux qu'il cherche à identifier sont tous liés à l'exploitation de « L'Amporelle » ; que le consultant David Spector, interrogé par la société ViiV, procède de même à l'analyse du sort de « L'Arnpoirelle », isolée des autres moyens de la Régie ; Qu'autrement dit, il n'est pas exagéré d'énoncer que la segmentation par le type de moyens utilisés n'a pas été la même d'un bout à l'autre de la procédure, ce qui traduit un doute dirimant sur sa viabilité ; Considérant qu'il n'est donc que la segmentation géographique (faire un sort à part à la desserte depuis la ville des Sables-d'Olonne, nettement plus distante) qui apparaisse plausible et qui d'ailleurs a été retenue par le Conseil ; que cependant, aucun des griefs articulés contre la Régie n'est relatif à ce port ; Considérant que de ce qui précède, il se déduit que la cour ne retrouve pas la preuve que la Régie ait bénéficié sur un marché pertinent clairement et rationnellement défini, d'une position qui serait conséquemment dite « dominante », ni qu'elle ait abusé de cette position selon un examen fiable des coûts engagés pour exploiter le marché ; Qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce, en ayant pratiqué des prix prédateurs pour le transport de passagers, ou en ayant utilisé une partie des subventions du département pour financer, sur l'Amporelle pendant la période estivale, des prix de vente inférieurs aux coûts totaux et avoir ainsi perturbé durablement le marché ;

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Que dès lors, la cour rejettera le recours engagé par la société ViiV contre la décision du 23 décembre 2004 qui avait, à juste titre et serait-ce pour de tous autres motifs, écarté les griefs notifiés par la rapporteuse à la Régie ; (...)

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