Evaluation de l'incontinence urinaire de la femme 2 - Cofemer

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D'une extrême fréquence, l'incontinence urinaire de la femme ne pose pas tant un ... En effet, un certain nombre de fuites peuvent être secondaires à une.
EVALUATION CLINIQUE DE L’INCONTINENCE URINAIRE DE LA FEMME G. Amarenco (1), F. Richard (2) (1) Service de Rééducation Neurologique et d’Explorations Périnéales Hôpital Rothschild, 75571 Paris Cedex 12 (2) Service d’Urologie, Hôpital de la Pitié-Salpétrière, 47-83 bd de l’Hôpital Paris 75013

La mise en évidence du ou des mécanismes physiopathologiques de l’incontinence urinaire et de son étiopathogénie est un préalable indispensable à toute prise en charge. La recherche d’un facteur précipitant (infection urinaire, incontinence iatrogène, hyperdiurèse), d’une cause mécanique (hypermobilité cervico-uréthrale), hormonale (carence oestrogénique) ou neurogène (neuropathie pudendale, lésion périphérique ou centrale) font partie de l’examen clinique. Si les explorations urodynamiques complètent souvent le premier bilan clinique car elles précisent au mieux le mode de fonctionnement vésico-sphinctérien et partant la physiopathologie des troubles, les stratégies diagnostiques et thérapeutiques ne peuvent pourtant se concevoir sans une évaluation qualitative et quantitative de l’incontinence permettant de hiérarchiser d’une part le type d’examen complémentaire à proposer à la patiente et d’autre part de choisir en fonction du retentissement les modalités de traitement. Cette évaluation clinique multidimensionnelle, physique et psychologique, sociale et environnementale, fait appel le plus souvent à des instruments d’analyse robustes et fiables que sont les différents scores de symptôme et de qualité de vie (1). 1. L’ANALYSE CLINIQUE DE L’INCONTINENCE URINAIRE D’une extrême fréquence, l’incontinence urinaire de la femme ne pose pas tant un problème diagnostique que physiopathologique. En effet ses mécanismes sont nombreux et peuvent même être associés entre eux. L’interrogatoire et l’examen clinique restent un

préalable indispensable à toute autre évaluation même s’ils ne sont pas dans tous les cas contributifs. Les fuites en jet non précédées de besoin lors des efforts (toux, rire, éternuement, marche, course, saut) définissent l’incontinence urinaire à l’effort. Elles sont le plus souvent secondaires à une hypermobilité cervico-uréthrale isolée et/ou associées à une incompétence urétrale. Ces fuites à l’effort doivent être distinguées des fuites par regorgement (trop-plein), secondaires à une rétention urinaire chronique dont le diagnostic sera évoqué par la palpation pelvienne et confirmé par une évaluation du résidu post mictionnel (par échographie ou sondage). L’examen clinique vessie pleine, en décubitus puis debout, retrouve ces fuites à la toux éventuellement corrigées par la manœuvre de Boney (repositionnement du col vésical effectué manuellement ou à la pince), parfois des fuites à la poussée (manœuvre de Vasalva) en cas de défaillance sphinctérienne associée. La manoeuvre de soutènement de l’urèthre distal (soutènement à la pince 1 cm en arrière du méat et de part et d’autre de l’axe urèthral) permet par sa positivité de préjuger d’une efficacité future d’une intervention de type « TVT » et confirme l’existence d’une hypermobilité cervico-urèthrale. Trophicité vulvo-vaginale, analyse des prolapsus, calibrage urétral, appréciation de la contraction des muscles périnéaux complètent l’examen. Les fuites liées aux efforts ne sont pas forcément le fait d’une hypermobilité cervicourèthrale, d’une défaillance urèthrale ou d’une altération des stuctures musculo-ligamentaires de soutien activo-passif. En effet, un certain nombre de fuites peuvent être secondaires à une fatigabilité pathologique de ces structures musculaires striées dont on connaît l’importance dans la physiologie de la continence (théorie du hamac de de LANCEY, théorie d’ULMSTEN et de PAPA PETROS). A l’examen clinique, la fuite urinaire n’apparait pas après un effort de toux isolé mais après une répétition rapide de ces efforts générée alors par un véritable épuisement de la fibre musculaire. L’étude sphinctérométrique dynamique permettra lors du bilan urodynamique de confirmer ce mécanisme physiopathologique. Les fuites urinaires sur urgence mictionnelle sont plutôt le fait d’une hyperactivité vésicale qu’il s’agisse d’une banale instabilité ou d’une hyper-réflexie neurogène. L’hyperactivité vésicale dont la seule confirmation est cystomanométrique, peut être

responsable outre de cette incontinence par urgence mictionnelle, de pollakiurie, d’impériosité isolée, voire d’énurésie. La encore, le caractère lié aux efforts est possible, la toux pouvant par exemple induire une contraction non inhibée du détrusor ce qui est aisément démontrable au cours d’une exploration cystomanométrique. L’interrogatoire et l’examen clinique, dans le cadre de ces instabilités vésicales, permet d’apporter des éléments en faveur d’une étiologie neurogène ou non. Les antécédents personnels ou familiaux d’énurésie, la notion de troubles mictionnels à type d’impériosité datant de la prime enfance, l’abence de troubles anorectaux associés, la stricte normalité de l’examen neurologique sont autant d’argument en faveur d’une instabilité idiopathique (immaturité vésicale). La constation de troubles morphologiques (pieds creux, fossette coccygienne, lipome, touffe de poils, angiome présacré) sont des éléments en faveur de la responsabilité d’une atteinte congénitale du cône terminal. L’existence associée de troubles anorectaux ou génitosexuels, le caractère récent de la symptomatologie, la présence de troubles sensitifs associés (diminution de la perception du besoin d’uriner ou du passage urèthral des urines), d’une anomalie de l’examen neuropérinéal (perte de la sensibilité, diminution du réflexe clitorido-anal, hypotonie anale) ou neurologique (syndrome pyramidal, déficit sensitivo-moteur des membres inférieurs, abolition d’un réflexe ostéo-tendineux) sont autant d’argument pour une étiologie neurogène. Les fuites permanentes, insensibles, non précédées de besoin, non liées à l’effort doivent faire éliminer un abouchement ectopique de l’uretère et rechercher une fistule vésicovaginale en présence d’antécédents évocateurs (chirurgie, accouchement difficile, radiothérapie) qui sera confirmée cliniquement par un test au bleu de méthylène. Ces fuites insensibles peuvent aussi être la traduction d’une instabilité urèthrale mécanisme physiopathologique encore bien obscur à l’étiopathogènie mal cernée et à la définition floue. Les fuites post mictionnelles en gouttes peuvent être le fait de la vidange d’un diverticule urèthral, mais aussi de mictions vaginales. Ces dernières peuvent être diagnostiquée par le port d’un tampon intravaginal immédiatement mis en place après la miction et s’avérant mouillé quelques minutes après celle-ci. A noter que l’efficacité d’un tampon vaginal est observé au cours d’autres mécanismes physiopathologiques (correction par le tampon d’une hypermobilité cervico-uèthrale, suppléance par compression directe d’une insuffisance sphinctérienne). Parfois même le diagnostic de fuites urinaires est difficile et peut préter à confusion avec des pertes vaginales voire avec une hypersudation périnéale. Là encore le test au tampon après avoir fait ingérer quelques comprimés de Myctasol permet,

par la coloration bleue que prends le tampon imbibé d’urines colorées par le médicament, de confirmer le diagnostic de fuites urinaires. Dans tous les cas une prise médicamenteuse pouvant retentir sur le fonctionnement vésico-sphinctérien est à rechercher, qu’il s’agisse d’alphabloquant pouvant diminuer les pressions urèthrales ou d’anticholinergiques pouvant déterminer une rétention chronique incomplète susceptible d’engendrer une incontinence par regorgement notamment chez la femme agée. Au delà de la typologie de l’incontinence urinaire (fuites à l’effort, fuites sur urgence mictionnelle, fuites insensibles) un certain nombre d’éléments cliniques peuvent orienter le diagnostic étiologique. Si l’importance quantitative d'une incontinence n'est pas spécifique d’une étiologie donnée mais plutôt du mécanisme physiopathologique causal (les fuites modérées en gouttes ou en petit jets de l’incontinence d’effort s’opposant aux fuites innondantes, abondantes des incontinences par impériosité secondaires aux hyperactivités vésicales), en revanche, l'indifférence affective vis à vis d'un trouble décrit ou observé comme majeur évoque de prime abord une étiologie psychogène. L'âge de la patiente peut dans certains cas être un élément d'orientation diagnostique. L'apparition d'une énurésie chez un adulte doit faire évoquer une étiologie neurologique. D'une manière plus générale l'existence de troubles urinaires chez l'adulte jeune sans facteurs de risques notamment obstétricaux constitue un élément d'orientation en faveur d'une étiologie neurologique possible. Les antécédents sont fondamentaux à préciser car ils constituent des arguments étiologiques majeurs. L'existence d'une maladie neurologique ou urologique connue, évolutive ou stabilisée, traitée ou non, est bien entendu un des éléments d'orientation mais qui ne doit pas occulter la possibilité d'étiologies intercurrente ou mixte. L'apparition récente de troubles périnéaux doit faire rechercher des antécédents évocateurs susceptibles de déterminer une maladie neurologique même frustre. L'existence d'antécédents de lombalgies, de lombosciatalgies, d'une intoxication éthylique, d'un diabète, de circonstances favorisant l'apparition d'une neuropathie périphérique (médicaments ou produits neurotoxiques, piqûre de tique, affections virales, maladies systémiques) doit être systématiquement recherchée et plus généralement toute donnée pouvant suggérer la possibilité d'une atteinte du système nerveux périphérique ou de la moelle basse. De même, des arguments en faveur de certaines

pathologies centrales focales (encéphaliques, médullaires, extra-pyramidale, cérébelleuses) ou diffuses (sclérose en plaques, atrophies multi systématisées), sont à rechercher car déterminant volontiers une incontinence urinaire et/ ou un syndrome pollakiurie/impériosité. La recherche d'antécédents en faveur d’une pathologie extra-neurologique est d'une grande utilité : intoxication tabagique facteur de risque de cancer vésical, notion de radiothérapie pelvienne pouvant déterminer une cystopathie radique source de pollakiurie et de mictions impérieuses mais aussi parfois responsable de myélite ou de plexite radiques, prise de médicaments pouvant retentir sur l'équilibre vésico-sphinctérien. De même les antécédents personnels ou familiaux de troubles urinaires remontant à l'enfance (énurésie, mictions impérieuses) peuvent plaider en faveur d'une étiologie idiopathique dans le cadre d'une immaturité vésicale. Enfin, il faut souligner l'importance des antécédents gynécoobstétricaux, le nombre de grossesses et d'accouchements, leur modalité, le poids des enfants, leur durée, leur difficultés, tous facteurs de risques certes pour un prolapsus mais aussi pour une neuropathie d'étirement du nerf honteux interne. Le mode d'installation des troubles vésico-sphinctériens est tout aussi important à préciser. L'apparition récente des troubles peut être un élément sémiologique déterminant devant une hyperactivité vésicale en faveur d'une étiologie neurologique en opposition à une immaturité vésicale idiopathique avec son apparition dès l'enfance avec énurésie tardive et urgence mictionnelle souvent présente tout au long de la vie. L'installation très aiguë d'un trouble urinaire plaide en faveur de son origine neurologique, une installation moins brutale, progressive évoquant plutôt une étiologie urologique obstructive (sténose urètrale intrinsèque ou extrinsèque). Le caractère secondaire d'un symptôme (énurésie par exemple) plaide en faveur d'une étiologie non idiopathique. Le profil évolutif de la symptomatologie clinique peut évoquer son origine : si l'évolution d'un "seul tenant" s'observe aussi bien dans les étiologies mécaniques que neurologiques, l'évolution des troubles urinaires par intermittence (variabilité), plaide plutôt en faveur d'une étiologie neurologique (telle une sclérose en plaques, un angiome médullaire, une hydrocéphalie à pression normale), tout en connaissant la possibilité de troubles urinaires cycliques d'origine gynécologique (incontinence par insuffisance sphinctérienne et/ou instabilité urétrale rythmée par la menstruation). Les circonstances d'apparition des troubles urinaires sont parfois très évocatrices de l'étiologie: le caractère exclusivement diurne d'une pollakiurie et sa disparition en période de relâchement psycho-affectif (week-end, vacances) est évocateur d'une étiologie psychologique; l'apparition d'une impériosité devenant brutale lors de circonstances

particulières ("incontinence-impériosité clef-serrure") est évocatrice d'une étiologie psychologique; l'existence d'une incontinence urinaire concomitante à la menstruation évoque une étiologie urétrale hormono-dépendante; l'apparition d'une incontinence au décours d'une chirurgie évoque une fistule. En revanche certaines circonstances peuvent induire des troubles dont l'étiopathogénie est variable: c'est le cas des accouchements qui peuvent aussi bien générer des troubles neurologiques qu'urologiques : prolapsus, cervicocystoptose induisant une incontinence urinaire à l'effort mécanique; neuropathie d'étirement du nerf honteux interne, atteinte plexique, radiculaire, décompensation d'une pathologie médullaire, lésions des fibres nerveuses distales au cours d'une épisiotomie, hématome péridural au décours d'une anesthésie péri-durale. Mais ce seront en règle les explorations urodynamiques qui démontreront le plus souvent le mécanisme physiopathologique des fuites, simplement évoqué par la clinique. Elles ne sont pourtant pas forcément utiles, du moins d’emblée, en raison du caractère stéréotypé de la réponse thérapeutique. En effet, la rééducation périnéale est toujours essayée de première intention ce d’autant qu’elle est habituellement efficace (même si ce n’est que transitoire) et que ses contre-indications restent exceptionnelles. De même, le consensus actuel de traiter systématiquement par oestrogénothérapie locale les femmes ménopausées, quel que soit le pattern physiopathologique, enlève encore un intérêt théorique aux explorations complémentaires. Quant aux urgences mictionnelles avec ou sans fuites, en l’absence de facteurs précipitants (infection urinaire, résidu), les recommandations actuelles plaident pour un traitement d’épreuve par anticholinergiques, repoussant la pratique des explorations urodynamiques après l’échec d’une telle thérapeutique d’épreuve qui ne doit cependant pas être prolongée sans bilan complémentaire au delà de quelques semaines. En revanche, ces explorations deviennent indispensables dans les cas d’incontinence urinaire à l’effort pure non améliorée par la rééducation périnéale, de bilan pré-chirurgical et lorsque le caractère strictement lié à l’effort des fuites n’est pas démontré ou s’accompagne encore de troubles mictionnels (urgence mictionnelle, dysurie) voire anorectaux (incontinence fécale). C’est dans ces cas, qu’outre l’exploration uréthrocystomanométrique, se discutent colpocystogramme, cystoscopie et échographie. 2. EVALUATION QUANTITATIVE DE L’INCONTINENCE URINAIRE

Catalogues mictionnels Le catalogue mictionnel est souvent un outil indispensable pour affimer et quantifier la réalité d’une pollakiurie, pour chiffrer une incontinence, pour évaluer une rétention. Suivant le type de patiente des modèles spécifiques existent. L’interrogatoire classique ayant par définition un caractère rétrospectif, la patiente ne peut pas préciser habituellement les modalités détaillées de sa miction ou des troubles mictionnels qui l’amènent à consulter : dans le domaine de l’incontinence mixte l’expérience quotidienne montre bien les difficultés de recueil et d’analyse des circonstances déclenchant les fuites ; le catalogue mictionnel , qui est rempli au fur et à mesure des mictions ou des évènements pathologiques , permet d’obtenir un relevé plus fiable. En routine le catalogue mictionnel doit comporter l’heure et le volume de la miction , celui du résidu si nécessaire, les épisodes de fuites et le type des circonstances déclenchantes. Réalisé pendant un nombre de jours (et nuits) limités pour avoir une bonne acceptabilité, il permet ainsi d’étudier la pollakiurie diurne et nocturne, la diurèse, la fréquence et le type des fuites. Il s’agit donc d’un outil simple, non coûteux, dont la reproductibilité a été prouvée mais il nécessite de bien en expliquer les modalités à la patient. Il doit être réalisé dans les conditions habituelles de vie (la difficulté de mesure du volume mictionnel à l’extérieur du domicile voire sur les lieux de travail peut faire supprimer cet item certains jours). Il n’a pas en règle de corrélation avec les données urodynamiques et n’explore habituellement pas les autres troubles mictionnels associés ou induits ( impériosité , dysurie etc.…).Un catalogue plus complet peut être utilisé, comme c’est le cas chez les neurologiques notamment en cours de rééducation, mais le temps nécessaire pour le remplir le rend inopérant chez la plupart des sujets non handicapés. L’étude de ces autres troubles mictionnels peut se faire par l’utilisation de questionnaires et de scores appropriés. Pad tests Le pad-test (littéralement " test de pesée de la couche ") ou test d’incontinence, permet une mesure objective, qualitative et quantitative de la perte d’urines au cours d’une épreuve normalisée. Ce test comporte une limite temporelle (test de 20 mn, de 1 heure, de 24 heures par exemple) ; une épreuve normalisée de génération des fuites (exercices déterminés ou activités (libres) de la vie quotidienne) ; une caractérisation du degré de remplissage vésical (libre après une ingestion précise en terme de volume et de délai, ou forcée par remplissage

rétrograde codifié de la vessie (en valeur absolu ou en pourcentage de la capacité maximale cystomanométrique). La réalisation de ce test implique de peser des garnitures avant et après les exercices imposés. La réponse est double : qualitative avec démonstration d’une incontinence (avec des limites de significativité, par exemple fuites supérieure à 1 gramme) ; quantitative avec mesure des fuites sur une échelle nominale (par exemple incontinence modérée quand les pertes sont comprises entre 11 et 50 grammes). Cette estimation quantitative de l’incontinence urinaire par des garnitures périnéales a été introduite par SUTHERST en 1981 et par WALSH et MILLS. Les tests n’étaient alors cependant pas standardisés. Le premier Bates décrit le test d’incontinence sur une heure en 1988, test rapidement adopté par l’International Continence Society. Ces tests, s’ils apportent à priori des éléments objectifs, posent en fait le problème de leur reproductibilité, cette dernière étant très dépendante du volume vésical et de l’importance (et parfois de la répétition) des efforts fournis. Deux améliorations ont pu être apportées, à savoir d’une part la sensibilisation qualitative par l’absorption de bleu de méthylène et d’autre part l’analyse de la variation de la conductance électrique permettant un meilleur dépistage de la fuite. Plusieurs éléments peuvent influencer les résultats du pad-test. Le type d’exercices (violents ou modérés) sont bien évidemment un facteur important dans la mesure ou l’augmentation de l’effort physique induit une hyperpression intra vésicale plus importante, d’autant plus difficile à supporter par les résistances urètrales actives ou passives. La durée des exercices n’est pas non plus neutre, la répétition des efforts étant un facteur de fuites (fatigabilité urétrale par exemple). Le volume intra vésical est un indiscutable facteur, l’incontinence vessie vide … restant exceptionnelle, et les mécanismes de clôture d’autant plus facilement débordés que la réplétion vésicale augmente. La diurèse pour les mêmes raisons intervient dans l’importance des fuites, le meilleur exemple étant donné par les femmes incontinentes qui volontairement restreignent leurs boissons pour tenter de diminuer la fréquence des pertes d’urine. Le problème du pad test n’est pas tant celui de l’existence de faux positif (sueurs et pertes vaginales étant reconnaissables et peu significative) sauf en cas de trouble du comportement mictionnel ou de troubles psychiatriques (simulation, urination) que celui des faux négatifs, et c’est pour cela que plusieurs tests ont pu être décrits.

Le PAD test court : JAKOBSEN décrit en 1987, un test court durant 40 minutes, comportant un remplissage vésical initial à 75% de la capacité cystomanométrique maximale. Les efforts demandés à la patiente sont similaires à ceux décrits plus loin dans le test codifié de 1h. Quantitativement, les pertes d’urines s’avèrent plus importantes que lors du test d’une heure, différence attribuée à un plus grand volume vésical pendant les activités physiques. KINN, en 1987, décrit un pad test plus court (10 min), avec toujours un volume vésical fixe. HAHN, en 1991, décrit un test durant 20 min, effectué avec une remplissage vésical à la moitié de la capacité cystomanométrique, test évitant les faux négatifs. Le facteur de corrélation entre deux tests s’avère être dans cette étude de 0,94 (P80g incontinence sévère). Les seuls faux négatifs sont constitués par les évènements circonstanciels non dépistés (comme des épisodes d’éternuement en période d’allergie non présente pendant le test, ou des fuites à des moments particuliers du cycle menstruel).

En définitive, le test d’incontinence est un outil utile dans l’évaluation de routine de l’incontinence urinaire. Il s’avère fondamental dans les études cliniques et dans les protocoles de recherche. Deux types de test peuvent être recommandés : test de une heure avec volume vésical fixe (la perte supérieure ou égale à 1g, déterminant la positivité du test) ; test de 24 heures à domicile pendant les activités de la vie quotidienne (une perte supérieure à 4g déterminant la positivité du test).

3. EVALUATION DU RETENTISSEMENT DE L’INCONTINENCE URINAIRE Scores de symptômes et de Qualité de Vie Le retentissement des troubles urinaires sur les activités de la vie quotidienne, les occupations professionnelles et de loisir ainsi que sur l'état psychologique, doit être pris en compte dans la démarche diagnostique (hiérarchie des examens complémentaires) et dans le traitement des troubles vésico-sphinctériens. Une évaluation de la qualité de vie apparaît ainsi indispensable nécessitant l'utilisation d'échelles codifiées, sensibles et spécifiques, explorant l'ensemble des dimensions touchées par les troubles mictionnels. Ces outils performants, peu coûteux, non invasifs permettent en particulier l'analyse de l'efficacité des traitements rééducatifs, médicamenteux ou chirurgicaux. I) Le pourquoi de la mesure Il s’avère de plus en plus nécessaire pour des raisons éthiques, médicales et économiques, de déterminer les solutions diagnostiques et thérapeutiques optimales en terme de rapports bénéfices-risques et bénéfices-coûts au cours de la prise en charge des différentes pathologies. Ce besoin de mesure OBJECTIVE est d’autant plus sensible, qu’il s’agit d’une pathologie fonctionnelle ou la problématique est souvent de l’ordre du confort psychologique et/ou social, sans implication en terme de pronostic vital. C’est le cas de l’incontinence urinaire à l’effort par insuffisance sphinctérienne. Le besoin de mesure est aussi dicté par les difficultés que nous avons par un interrogatoire libre à quantifier les symptômes et le retentissement des troubles. Nos questions sont souvent explicites mais le degré de compréhension est très différent d’une patiente à l’autre. La qualité des réponses va ainsi dépendre des capacités d’abstraction et de synthèse des patientes avec pour certaines des difficultés à verbaliser leur symptomatologie, à formuler correctement une réponse nuancée et parfois à traduire en

langage clair les conséquences sociales, professionnelles, psycho-émotionnelles et en terme d’activités de la vie quotidienne leurs symptômes. La non pertinence de l’interrogatoire en terme de quantification, la non reproductibilité des réponses conduisent ainsi à l’utilisation d’outils spécifiques, normalisés pour une population et un cadre nosologique donnés. Le besoin de mesure est aussi dicté par la nécessité de l’évaluation des résultats thérapeutiques. Cette évaluation a lieu à deux niveaux différents : à l’échelon de l’individu afin de vérifier l’impact d’un traitement administré et d’en apporter les éventuelles corrections (chirurgie) ajustement (médicament) ou complément (rééducation) nécessaires; à l’échelon d’un groupe homogène de patientes afin de valider au cours d’étude prospective une technique de soin et de la comparer éventuellement à une technique référente. La réalisation d’études multicentriques rends d’autant plus indispensable l’utilisation d’outils validés utilisables par tous. L’intérêt de la mesure est aussi décisionnel, stratégies diagnostiques et thérapeutiques ne pouvant reposer que sur une évaluation quantitative la plus objective possible des troubles et de leur retentissement. Le grade de l’atteinte peut ainsi dicter un choix technique, l’importance d’un retentissement peut justifier une exploration pré-thérapeutique invasive. Au delà de l’aide à la décision médicale, l’authentification d’un retentissement par une échelle spécifique, peut justifier à posteriori de choix notamment thérapeutiques avec toutes les conséquences (ou gardes fou) médico-légaux imaginables. La mesure objective n’est pas enfin qu’une photographie d’un état ou une information unidirectionnelle donnée par la patiente. C’est aussi, pour cette dernière, le moyen par la pertinence et la spécificité des questions posées, de prendre mieux conscience du trouble, de son retentissement, et d’en percevoir le caractère non exceptionnel, permettant une non inhibition dans la restitution des plaintes qui prennent ainsi un caractère licite. Le questionnaire est parfois même le seul moyen d’amorcer la " pompe à confidences ". Cette mesure objective permet bien entendu de s’affranchir des réponses parfois complaisantes des patientes qui très attachées à leur thérapeute veulent lui être agréable … quand elles ne le craignent pas. La mesure permet ainsi de rendre aussi toute son objectivité à l’interrogatoire médical et toute sa neutralité au médecin, parfois trop enclin à vérifier de manière narcissique … sa pseudo efficacité thérapeutique. II) Les scores de symptômes

Aussi bien pour le diagnostic que pour le suivi thérapeutique il paraît logique d’avoir une définition claire et une quantification précise de l’incontinence ainsi que des troubles mictionnels associés ou induits. Si la définition sémiologique ne pose pas de problème (incontinence = perte d’urine par l’urèthre , pollakiurie = miction trop fréquente et de volume diminué , etc.) par contre le seuil pathologique de ces symptômes est très variablement apprécié : la " maladie " incontinence d’urine est-elle définie par au moins un épisode de fuite dans le mois qui précède, ou par toute autre fréquence. Ces imprécisions expliquent en partie les variations des chiffres de prévalence de l’incontinence urinaire dans les études épidémiologiques dont beaucoup ont été réalisés à partir de questionnaires construits pour l’étude et non validés. Certains questionnaires ou scores sont trop " grossiers " pour être scientifiquement utile : l’Incontinence Severity Index (ISI ) qui n’a qu’une question sur la fréquence des fuites , évaluées de 1 à 4 (1/mois)

DYSURIE RETENTION

0

FREQUENCE MICTIONNELLE DIURNE

FREQUENCE MICTIONNELLE NOCTURNE

- dys attente, terminale

- paroxysme émotionnel - énurésie (1/semaine)

- énurésie (plusieurs /semaine)

- poussées abdominales - jet haché

- poussées manuelles - miction prolongée, sensation résidu

- fuites permanentes gttes à gttes - énurésie (=1/jour) - cathétérisme

SCORE POLLAKIURIE =

SCORE FUITE EFFORT =

SCORE autre FUITE =

SCORE DYSURIE =

Tableau 1 : Mesure quantitative des différents symptomes urinaires (échelle MHU).

Vos fuites d'urine (et/ou votre prolapsus), vous perturbent-elles : 1) pour assurer vos corvées ménagères (cuisine, ménage, lavage) 2) pour effectuer des activités physiques de loisir (marche, natation ou autre exercice) ? 3) pour avoir des activités de distraction (cinéma, concert, etc ..) ? 4) pour vos déplacements en voiture ou bus de plus de 30 minutes de votre domicile ? 5) pour participer aux différentes activités sociales en dehors de votre domicile ? 6) dans votre état émotionnel (nervosité, dépression) ? 7) en déterminant un état de frustration ?

Avez-vous éprouvé, et en ce cas en quelque proportion : 1) de fréquents besoins d'uriner ? 2) des fuites d'urine précédées d'un besoin urgent d'uriner ? 3) des fuites d'urine à l'effort, lors d'une activité physique, de la toux, de l'éternuement ? 4) des petites fuites urinaires en gouttes ? 5) des difficultés à vider votre vessie ? 6) des douleurs ou une sensation d' inconfort pelvien ou périnéal ? Pour ces deux tableaux ci-dessus, remplir en utilisant la cotation suivante : 0 : pas du tout 1 : très légèrement 2 : moyennement 3 : beaucoup Tableau 2 : Incontinence Impact questionnaire et Urogenital Distress Inventory: échelle anglo-saxonne non validée en Français.

CIRCONSTANCES GENERANT L'INCONTINENCE rire toux éternuement passage couché à assis passage de assis à debout marche terrain plat marche en montant marche en descendant saut avec les 2 jambes saut jambes en abduction course soulévement de poids mouvement rapide/soudain

jamais =0

rarement =1

parfois = 2

souvent =3

toujours =4

sans objet

Tableau 3 : K. Bo Index : Evaluation quantitative de l'incontinence urinaire à l'effort

TEST D'INCONTINENCE DEROULEMENT DU TEST • le test dure une heure et débute au temps 0 sans que le patient ait uriné. • temps 0 : mise en place d'un système absorbant préalablement pesé au gramme près. • pendant les 15 premières minutes, le sujet boit 500 ml d'eau pure et reste allongé. • pendant les 30 minutes suivantes, le sujet marche, monte et descend des étages. • durant les 15 minutes suivantes, le sujet doit : - passer de la position debout à la position assise 10 fois; - tousser vigoureusement 10 fois; - courir pendant 1 minute; - ramasser 5 petits objets posés au sol; - se laver les mains pendant 1 minute dans l'eau courante. • au terme des 60 minutes, le système absorbant est pesé. Il est demandé au patient d'uriner et le volume recueilli est mesuré. RESULTAT DU TEST Perte en grammes = Poids couche avant test – poids couche après test Valeurs : < 2 g. : absence d'incontinence 2-10 g. : incontinence modérée 10-50 g. : incontinence sévère > 50 g. : incontinence majeure Tableau 4 : Pad test : évaluation quantitative de l'incontinence urinaire.

Au cours des 4 dernières semaines, vos troubles urinaires :

(1) vous ont-ils gênés lorsque vous étiez à l'extérieur de chez vous ? (2) vous ont-ils gênés pour faire les courses ou les achats ? (3) vous ont-ils gênés pour porter quelque chose de lourd ? (4) ont nécessités que vous interrompiez fréquemment votre travail ou vos activités quotidienne ?

Pas du tout

Un peu

Moyennement

Beaucoup

Enormément

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

Au cours des 4 dernières semaines, à cause de vos troubles urinaires, avec quelle fréquence : (5) avez-vous éprouvé un sentiment de honte, de dégradation ? (6) avez vous craint de sentir mauvais?

Jamais

Rarement

de temps en temps

souvent

en permanence

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

(7) avez-vous perdu patience ? (8) avez-vous craint de sortir de chez vous ? (9) avez-vous été obligé de vous relever plusieurs fois pendant votre sommeil ?

(10) Compte tenu de vos troubles urinaires, comment évaluer vous actuellement votre qualité de vie ? (entourez la réponse de votre choix) 1

2

3

4

Excellente

5 Mauvaise

TOTAL : SCORE GLOBAL : somme des scores aux 10 questions divisé par 10 INTERPRETATION DU SCORE : 1 = correspond à une patiente peu gênée dans ses activités, son psychisme, son sommeil et qui a une excellente qualité de vie 5 = correspond à une patiente extrêmement gênée dans ses activités, son psychisme, son sommeil et qui a une mauvaise qualité de vie

Tableau 5: Echelle Ditrovie : échelle de qualité de vie utilisable pour l'évaluation du retentissement des troubles mictionnels.

Titre : EVALUATION CLINIQUE DE L’INCONTINENCE URINAIRE DE LA FEMME Résumé L'évaluation clinique de l’incontinence urinaire est un préalable indispensable à toute investigation complémentaire et à toute prise en charge thérapeutique. L’examen vessie pleine permet d’objectiver une fuite à la toux corrigée par la manœuvre de Bonney dans le cas des incontinences à l’effort par hypermobilité cervico-uréthrale, une fuite à la poussée en cas d’insuffisance sphinctérienne. Le test d’incontinence (“pad-test“) permet une appréciation quantitative objective de l’importance des fuites lors d’un test codifié. L’utilisation de scores de symptomes autorise une comparaison inter et intra individuelle des données cliniques. Les échelles de qualité de vie analysant le retentissement social et psychologique des troubles urinaires, permettent de nuancer les décisions qu'elles soient diagnostiques ou thérapeutiques (indication chirurgicale). Elles apportent des arguments objectifs sur l'impact des traitements. Leur intérêt médico-légal (importance du retentissement conduisant à un acte chirurgical) et économique (absence de coût des échelles) est à souligner. Les échelles spécifiques, développées et validées dans un domaine donné (incontinence par impériosité, incontinence mixte, incontinence d’effort), sont plus sensibles que les échelles généralistes et peuvent être recommandées en pratique quotidienne. Mots clés : Incontinence urinaire. Qualité de vie. Score de symptomes.

Tittle : Clinical evaluation of stress and urge incontinence in women Summary Clinical evaluation of stress and urge incontinence is always necessary before therapeutic decisions. Full bladder examination may reveale stress incontinence during cough when cervico-urethral hypermobility is suspected, and leak during Vasalva manœuvre when incontinence is due to intrinsic sphincter deficiency. Pad test objectives the quantitative importance of incontinence. Symptom scores allow intra and inter individual comparisons. Psychosocial implications are studied with specific quality of life scales. They allow better therapeutic strategies in the management of urge and stress urinary incontinences. Objective evaluation of the different treatments and medico-economic approach of incontinence are thus possible. Key words : Urinary incontinence. Quality of life. Symptoms scores.