HMO 5 - La guerre du Liban - Arabe du soir Inalco

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Guerre civile et conflit régional qui dure plus de 15 ans avec des phases actives et d'autres plus ... On parle des guerres du Liban parce que plusieurs conflits se.
HMO 6 - La guerre du Liban (1975-1991)

Guerre civile et conflit régional qui dure plus de 15 ans avec des phases actives et d'autres plus calmes (sans que le conflit s'arrête). On parle des guerres du Liban parce que plusieurs conflits se succèdent. On dit qu'il s'agit d'une guerre civile parce que les Libanais se battent entre eux, ou d'une guerre « incivile » parce qu'un certain nombre d'horreurs et de massacres sont perpétrés, notamment à Beyrouth, symbole de la ville en guerre. Cette guerre n'est pas du tout majoritairement le fait de batailles rangées, mais elle est faite de violences urbaines, avec des enlèvements, des attentats à la voiture piégée, des massacres de civils... Deux thèses s'opposent : 1/ La guerre du Liban est une guerre civile entre Libanais, résultat de la faible cohésion nationale de ce Liban multi-confessionnel. Les communautés ne pourraient pas en réalité vivre ensemble. Cette vision aurait tendance à accréditer l'idée que le Liban n'a pas d'avenir. 2/ Le Liban est le champ de bataille d'un autre conflit, le conflit israélo-arabe. L'invasion de 1982 est d'ailleurs considérée comme un conflit israélo-arabe. Champ de bataille entre l'OLP et Israël. C'est en réalité les deux : à la fois une guerre civile et une guerre menée par d'autres que les Libanais. A faire : fiche sur le Liban entre 1943 et 1975.

I. Un pays déstabilisé par le conflit israélo-arabe (1975-1976) A. Un équilibre fragile Dans les années 70, le Liban est considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. On parle de miracle libanais, modèle de coexistence entre communautés. Cette image de miracle économique et de prospérité est fondée sur une véritable croissance économique (6 à 7% entre 1950 et 1974). La monnaie libanaise est très forte (les Libanais qui voyagent sont riches). Mais signes de faiblesse. L'économie libanaise est essentiellement développée autour des services (financiers, et tourisme). Le Liban sert d'intermédiaire financier entre les monarchies pétrolières et les pays occidentaux. Mais les capitaux placés dans les banques libanaises ne sont pas produits par les Libanais. L'agriculture et l'industrie libanaises sont en déclin. En 1950, le Liban et la Syrie ont rompu leur union douanière. Cela a entraîné la perte du marché syrien pour les Libanais alors que les liens commerciaux étaient très importants. Beaucoup de touristes viennent du monde arabe où il fait moins chaud l'été dans la montagne. De plus, le Liban est plus libéral sur le plan des moeurs. Toutes les animatrices de télé viennent du Liban. Au plan politique et administratif, les postes sont répartis en fonction des communautés. La proportion a été établie sur un recensement (faux) de 1932. Les chiites libanais qui sont en très forte croissance démographique n'en tirent aucun bénéfice au plan administratif et politique. Le pouvoir est accaparé par quelques grandes familles. Depuis la création du grand Liban en 1920, les 26 plus grandes familles libanaises ont monopolisé plus du tiers des sièges du Parlement : famille Joumblatt, famille Gemayel (Pierre Gemayel, fondateur des phalanges en 1936) => Pouvoir

politique pas vraiment démocratique puisque ce sont toujours les mêmes qui gouvernent. Contexte de 1970 où la révolution est pleine d'avenirs. Beyrouth qui attire des milliers d'étudiants de tout le monde arabe est un foyer d'effervescence étudiante, militante, politique... B. Un régime déstabilisé 1/ Par les transformations de la société libanaise

Exode rural. Taux d'urbanisation de 50% en 1959 et de 70% en 1975. Cet accroissement se fait surtout au profit de Beyrouth qui compte entre le quart et le tiers de la population. Se développe tout une ceinture d'inégalités et de bidonvilles. Les Chiites commencent à s'organiser à la fin des années 60 sous l'impulsion de l'imam Moussa Sadr qui fonde le mouvement des déshérités en 1974, mouvement social qui revendique la mise en place d'une véritable politique sociale à l'égard des plus pauvres, notamment les Chiites qui viennent du sud Liban. Ce mouvement, d'abord né comme un mouvement social, donnera naissance à la milice Amal. Crise économique : inflation, chômage, mouvements sociaux, grèves, manifestations orchestrées par des partis et des syndicats de gauche qui sont favorables à la cause palestinienne. 2/ Par le conflit israélo-arabe

On considère qu'il y a 475 000 Palestiniens – sur 3 à 4 millions d'habitants - qui vivent dans des camps et n'ont pas de droits (pas la nationalité libanaise, interdiction de travailler...). En septembre 1970 (septembre noir), les combattants palestiniens de Jordanie sont massacrés et chassés de Jordanie par le pouvoir jordanien. Ils se replient au Liban et mènent des attaques contre Israël depuis le Liban. La plupart des combattants de l'OLP, fondée en 1964 et contrôlée depuis 1969 par Arafat (qui a lui-même fondé le Fatah en 1959), sont au Liban. Tout un système administratif est développé à partir du Liban, notamment le Sud. On parlera de « FatahLand ». Ce conflit divise la classe politique libanaise. La gauche derrière Kamal Joumblatt se veut solidaire des Palestiniens et de leur combat. Il fédère les Druzes, une partie des Chiites et une partie des Sunnites. La droite est plus réticente vis-à-vis de ce combat arabiste. Son idée est de maintenir l'intégrité du Liban et que le Liban n'a pas à entrer en guerre contre Israël. Cette droite est plutôt chrétienne. Une partie de la bourgeoisie sunnite qui devrait être du côté de la droite, penche du côté des Palestiniens pour faire contre-poids à la suprématie des chrétiens sur le pouvoir politique libanais. Ce sont ainsi souvent des clivages à l'intérieur d'une communauté qui expliquent les relations avec les autres communautés. 3/ L'Etat est trop faible pour assurer l'ordre

Libéral, l'Etat n'intervient pas dans l'économie. L'armée est dirigée par les chrétiens et suscite la méfiance des musulmans. Elle paraît incapable d'assurer l'ordre et de lutter contre la multiplication des milices. Chaque parti se dote d'une organisation militaire dans un pays où les armes circulent beaucoup. Dans ce contexte, éclate la guerre des deux ans (1975-1976). C. La guerre des deux ans En avril 1975, un bus qui transportait des Palestiniens est attaqué par les phalangistes alors qu'il traversait un quartier chrétien : 15 morts. Cette partie de Beyrouth se scinde en deux. Cette première

guerre oppose les phalangistes menés par Gemayel à tous ceux qui sont regroupés dans le Mouvement National dirigé par Kamal Joumblatt, favorable aux Palestiniens, même si les Palestiniens ne participent pas au conflit. La guerre a lieu à Beyrouth, sur le front de mer (grands hôtels), le centre-ville (souks). La ville est coupée en deux par une ligne verte : à l'est les chrétiens, à l'ouest les musulmans. Les camps palestiniens de l'est sont assiégés et détruits par les milices chrétiennes. Ce moment de la guerre est celui où le clivage se fait le plus selon des clivages confessionnels même si certains chrétiens communistes sont derrières Joumblatt. Pendant la nuit de septembre, les musulmans sont massacrés. Cette guerre s'internationalise assez vite. Les Palestino-progressistes se lancent à la conquête de la montagne libanaise. La Syrie intervient aux côtés des chrétiens libanais alors même que les nationalistes syriens militent pour la grande Syrie et qu'ils sont un des fers de lance du conflit israélo-arabe. Mais ils n'ont aucune envie de voir s'installer un pouvoir pro-palestinien au Liban. L'armée syrienne fait reculer les Palestino-progressistes et participe à la mise en place de la force arabe de dissuasion (FAD) en octobre 1976 pour séparer les combattants. Les 5/6èmes des effectifs de cette FAD sont syriens. Les combats s'arrêtent alors qu'ils ont été à l'origine de 65 000 morts et de déplacements massifs de populations - notamment, une forte émigration chrétienne. La guerre a creusé les antagonismes confessionnels et idéologiques. A partir de ce moment, la guerre quitte Beyrouth et en 1978, les urbanistes libanais commencent à faire des plans pour reconstruire la ville. Mais les questions ne sont pas résolues et notamment la question palestinienne.

II. L'échec de la paix israélienne au Liban A. La persistance du conflit au Sud-Liban Le conflit a quitté Beyrouth mais perdure au Liban Sud. Car le FatahLand n'a pas été détruit. Les Palestiniens dominent toujours le sud du Liban d'où ils harcèlent l'armée israélienne. En mars 1978, Israël lance l'opération Litanie : occupation du sud-Liban jusqu'au fleuve Litanie => La résolution 425 de l'ONU demande le retrait unilatéral d'Israël du Liban. L'Etat libanais ne parvient pas à rétablir son pouvoir. L'armée syrienne est présente partout. Chez beaucoup de chrétiens, la guerre des deux ans a accrédité l'idée que la cohabitation avec les musulmans est impossible. B. Le Front libanais de Béchir Gémayel, allié d'Israël au Liban C'est la thèse de Béchir Gemayel qui succède à son père à la tête des forces libanaises (Kata'ib). Le front libanais, dominé par les phalanges, s'oppose à la Syrie et projette la création d'un petit Liban chrétien soutenu par Israël : division de Beyrouth, la montagne aux chrétiens. Béchir Gemayel devient l'allié d'Israël qui projette de mettre fin aux activités des Palestiniens par une opération de plus grande envergure... C. L'invasion israélienne, un tournant de la guerre 6 juin 1982 : opération « paix en Galilée » => 100 000 soldats israéliens envahissent le Liban et arrivent rapidement à Beyrouth où ils font leur jonction avec les forces libanaises de l'est. Siège de Beyrouth ouest pendant l'été 1982. Mais les forces libanaises refusent de combattre avec les Israéliens pendant le siège. Béchir Gemayel est élu président le 23 août 1982 grâce au soutien de l'armée israélienne qui parvient à aller chercher les députés un par un pour les faire voter. Départ des Palestiniens de

Beyrouth ouest vers Tripoli au nord et vers la Tunisie qui accepte de les recevoir. 14 septembre : Béchir Gemayel, héros des chrétiens, est assassiné dans le cadre d'un attentat non revendiqué à la bombe (Israéliens ?). Deux jours plus tard, du 16 au 18 septembre, les massacres de Sabra et Chatila (Beyrouth ouest) sont perpétrés par les phalanges de Gemayel dont certaines ont été entraînées en Israël. 4 à 5 000 victimes. Une enquête a conclu à la responsabilité des gradés israéliens. L'armée israélienne déconsidérée quitte Beyrouth et se replie au sud. A partir de 1982, la situation économique se dégrade fortement et la livre libanaise est abandonnée au profit du dollar. Cinq ans plus tard (1987), des émeutes de la faim ont lieu à Beyrouth. D'importants déplacements de population interviennent : les chrétiens quittent Beyrouth-ouest entre 1982 et 1987. L'Etat est encore affaibli. Le frère de Béchir, Amin, lui succède en septembre, sans avoir pour autant son charisme. Un nouveau plan de reconstruction est lancé. Mais l'Etat, n'arrive pas à faire prévaloir son autorité sur un territoire complètement morcelé et sur les milices.

III. Vers une paix syrienne A. L'ordre milicien Dans cette période de la guerre qui s'ouvre en 1982, domine l'ordre milicien avec un morcèlement plus ou moins grand selon les zones : nord de Beyrouth dominé par les milices chrétiennes, Chouf dominé par la milice druze de Walid Joumblatt qui a succédé à son père Kamal assassiné en 1977. Ailleurs, l'espace est beaucoup plus morcelé. Chez les chiites : Amal puis le Hezbollah à partir de 1982 (émanation de la révolution islamique), milices palestiniennes dans les camps palestiniens, contrôlées par des chefs avec un système de chefs et de sous-groupes qui contrôlent des quartiers. Le Liban devient un territoire où on ne circule plus sans mettre sa vie en danger (barrages, lignes de démarcation, snipers). Cloisonnement de la circulation des hommes et des produits. Il devient difficile de s'approvisionner (pas d'eau, pas d'électricité : multiplication des générateurs privés et des fils électriques). Plus d'Etat libanais. La vie quotidienne est régie par les milices qui se regroupent parfois pour tenter de se mettre d'accord. Pays fermé : l'aéroport au Sud, en pleine zone de conflits inter-milice est très souvent fermé. On passe par Chypre. Cloisonnement culturel : presse toujours florissante mais chaque média représente une tendance. Les milices empêchent par leurs divisions entre elles et leurs divisions internes, l'établissement d'une paix au Liban. A l'automne 1985, l'accord négocié entre les trois principales milices (Amal, Parti socialiste progressiste de Walid Jumblatt et les Forces libanaises de Gemayel), sous le patronage des Syriens, avorte en raison de l'opposition qui apparaît au sein des FL. Rivalités entre Seigneurs de la guerre qui dirigent ces milices et qui sont souvent manipulés par les Syriens. B. A la faveur des conflits intra-communautaires, la Syrie s'impose au Liban Après 1982 et le retrait israélien, le conflit libanais devient très compliqué. Globalement les conflits sont beaucoup plus importants à l'Ouest et au Sud de Beyrouth. Batailles rangées entre milices. La guerre des camps oppose les chiites d'Amal aux Palestiniens de 1985 à 1987.

Entre 1986 et 1987, conflit entre Amal et le PSP. En février 1987, l'armée syrienne, alliée à Amal, envahit Beyrouth ouest, met fin aux combats et désarme les milices. Sauf le Hezbollah apparu pendant la guerre, qui garde le contrôle d'une partie du Sud de Beyrouth, et surtout, du Sud-Liban. A l'Est, le contrôle syrien s'impose à la faveur des divisions des chrétiens. Depuis 1982, Amin Gemayel est président. Son mandat arrive à expiration en 1988. Aucun accord ne surgit sur sa succession. Avant de quitter le pouvoir, il nomme un gouvernement de cinq militaires, à la tête duquel figure le général Michel Aoun. Très contesté dès le départ, les musulmans refusent de reconnaître Aoun. Ce dernier mène deux combats : le premier, en 1989 et 1990, contre l'ordre milicien des Forces libanaises à l'Est pour la restauration de l'Etat. Combats extrêmement meurtriers destructeurs pour Beyrouth Est, et préjudiciables au camp chrétien (guerre inter-chrétienne). Plus de chrétiens sont morts sous les balles chrétiennes que sous les balles musulmanes. Aoun mène également une guerre contre la Syrie qu'il perd. En octobre 1990, il est obligé de quitter le Liban et se réfugie en France (il y et resté jusqu'au départ des Syriens). La Syrie prend le contrôle de Beyrouth-Est et quasiment tout le territoire libanais. C. Bilan : un pays sous l'aile du « grand frère » Entre 70 et 120 000 morts, sans compter les Palestiniens, pour une population comprise entre 3 et 4 millions. Economie sinistrée, en particulier les années 89-90 avec les affrontements inter-chrétiens dans la mesure où les plus grands investisseurs étaient chrétiens. Face à l'effondrement de la livre libanaise, l'économie est dolarisée. Ce n'est qu'en 1996 que les commerçants sont obligés d'afficher leurs prix dans les deux monnaies. Accroissement des inégalités sociales. La classe moyenne qui était plutôt chrétienne a fondu. Déplacements massifs de populations et réduction de la mixité sur le territoire libanais : homogénéisation du territoire, notamment à Beyrouth. 22 octobre 1989, signature des accords de Taef : 1/ Ils réaffirment l'intégrité territoriale du Liban, Etat arabe membre de la Ligue arabe => 15 ans de guerre civile n'ont pas réussi à détruire le Liban. 2/ Rééquilibrage du pouvoir entre les différentes communautés avec le déclin du pouvoir des chrétiens et la montée des musulmans. Les pouvoirs du Président de la République (maronite) sont réduits au profit du Président du Conseil sunnite. Elargissement également des pouvoirs du Président de la Chambre, désormais élu pour quatre ans, au lieu de un. Ce rééquilibrage est dû à ce qu'on sait de la démographie libanaise, même en l'absence de recensement. A la fin de la guerre, on sait que la plus grosse communauté est la communauté chiite. 3/ Affirmation des relations privilégiées avec la Syrie => jusqu'en 1985 et le départ de la Syrie. 4/ Désarmement des milices, sauf le Hezbollah (allié à l'Iran) qui invoque la résistance à Israël au Sud.

Conclusion : Une guerre à la fois civile et épisode du conflit israélo-palestinien. Fin du combat des Palestiniens à partir de l'extérieur de la Palestine mandataire. Guerre civile qui a accentué les appartenances communautaires. Le conflit oblige à choisir son

camp (cf. Amin Maalouf). Dans le camp chrétien, les clercs ont accru leur influence. L'ordre milicien a laissé des traces. Beaucoup des hommes politiques actuels se sont affirmés à la faveur de cet ordre milicien : Nabi Berri, ancien leader de Amal, Walid Jumblatt, Amin Gemayel Le Liban n'a pas été détruit par 15 ans de guerre. Il est rentré dans une nouvelle phase de reconstruction mais reste très instable. Le conflit perdure avec Israël du fait de l'occupation des fermes de Cheeba.