Impact des pratiques agricoles et de l'urbanisation

1 downloads 0 Views 6MB Size Report
les plus élevés par rapport aux moins élevés (comparer les étoiles entre les panneaux de gauche et ..... plantes-hôtes chez les papillons (Warren et al. 2001) ou ...
THESE DE DOCTORAT DE L’UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE Spécialité : Ecologie

Impact des pratiques agricoles et de l’urbanisation sur les communautés d’oiseaux agricoles Présentée par Ondine Filippi-Codaccioni

Pour obtenir le grade de DOCTEUR de l’UNIVERSITÉ PIERRE ET MARIE CURIE Soutenue le 22 décembre 2008 devant le jury composé de : Mr Romain Julliard Mr Jean Clobert Mr Félix Herzog Mr Vincent Bretagnolle Mr Olivier Renault Mr François Sarrazin

Directeur de thèse Directeur de thèse Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur

1

A la dame âgée qui achetait du lait au supermarché de Bray-sur-Seine (77), un papi demanda : « Ben alors, y a plus de vaches à Jutigny ? - Ouh ben ça ! Ca fait longtemps qu’ y en a plus ! Bientôt, y aura même plus de poules pour manger les déchets ! »

2

3

Résumé L’agriculture moderne a causé le déclin de nombreuses espèces d’oiseaux. Leur statut de conservation alarmant a amené les hommes à se préoccuper d’avantage de leur protection. Cette thèse s’inscrit dans cette démarche et vise à étudier les impacts différentiels de plusieurs menaces sur les espèces d’oiseaux agricoles. Comme toutes les espèces ne sont pas égales face aux perturbations, et que notamment la spécialisation à l’habitat est un des traits susceptibles de rendre les espèces plus ou moins vulnérables, l’impact de ces menaces a été étudié essentiellement à la lumière du concept de spécialiste-généraliste et des prédictions afférentes à la théorie de la niche écologique. Je m’intéresse dans une première partie aux menaces anthropiques pesant sur les espèces d’oiseaux agricoles. Plus précisément, je m’interroge sur l’impact du degré de spécialisation des espèces sur leur sensibilité à être influencées par l’intensité des pratiques agricoles et la simplification paysagère qui en découle. Je me pose la même question dans une autre étude sur l’impact de l’urbanisation. Un résultat commun à ces deux recherches est la structuration différente des communautés selon l’intensité des pratiques agricoles et de l’urbanisation, l’abondance des espèces spécialistes agricoles et non-agricoles déclinant selon ce gradient. Enfin, une troisième étude portera sur l’impact de l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles via l’utilisation de trois indices proposés dans la bibliographie. L’indice de spécialisation à l’habitat choisi pour le calcul de ces indices permet une nouvelle éclaircie sur les différences de structure d’abondance des espèces spécialistes et généralistes induites par l’urbanisation. Dans une deuxième partie, je vais m’intéresser aux pratiques et méthodes sensées favoriser la biodiversité dans le milieu agricole. Je m’interroge notamment, sur l’efficacité de certaines méthodes culturales comme l’agriculture biologique et les techniques de labour superficiel comparées aux méthodes conventionnelles quant à la protection des espèces spécialistes. Je regarde également au cours de cette étude les possibles effets différentiels de ces pratiques sur les régimes alimentaires des oiseaux. Dans une seconde étude, plus axée sur un volet sociologique, je m’interroge sur les différences de perception de la biodiversité par les agriculteurs selon leur mode de production, sur leur propension à participer aux programmes agri-environnementaux qui visent à favoriser la biodiversité, et enfin sur le lien éventuel entre ces deux premières questions. Mot-clef : Spécialisation à l’habitat, Biodiversité, programmes agrienvironnementaux, Diversité fonctionnelle, Communautés d’oiseaux, Pratiques agricoles, Homogénéisation fonctionnelle, Urbanisation, Agriculteurs.

Abstract Modern agriculture caused the decline of numerous farmland bird species. Their alarming conservation status leaded humans to be more concerned by their preservation. This thesis takes part of this process and aims to study the differential impacts caused by several anthropogenic pressures on farmland birds. As species are not equal when facing disturbances and that habitat specialization is one trait acting on species vulnerability, disturbances’ impact was studies under the light of the specialist-generalist concept and predictions were made according to ecological niche theory. 4

In a first part, I focused on anthropogenic pressures imperilling farmland birds. More precisely, I questioned the species specialization level impact on the differential vulnerability of species facing agricultural practices or landscape simplification. I addressed the same question in another study on the urbanization impact. One common result to these researches was the different community structure according to agricultural practices and urbanization intensity. Farmland and non-farmland specialist species’ abundance declined along this gradient. At last, a third study focused on the urbanization impact on the farmland bid communities’ functional diversity. For that, three indexes were used from literature. The species specialisation index used to calculate such indexes allowed further insight in the urbanization induced differences of specialist and generalist abundance structure within farmland communities. In a second part, I focused on practices and methods likely to benefit biodiversity in farmland. I questioned the efficacy of some farming practices like organic farming or conservation-tillage techniques compared to conventional ones concerning specialist species protection. I also look to the possible differential effects of these practices on bird species diet. In a more sociologic study, I questioned differences in biodiversity perception between the three farmer types, their propensy to participate in biodiversity targeted agri-environmental programmes, and finally, the link between those to questions.

Key-words: Habitat specialisation, Biodiversity, Agri-environmental schemes, Functional diversity, Bird communities, Farming practices, Functional homogenization, Urbanisation, Farmers.

5

Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier mon équipe d’accueil, qui m’a permis d’effectuer cette thèse passionnante au sein de 2 lieux mythiques et foisonnant d’individus étranges, le Muséum National d’Histoire Naturelle et le CRBPO. Ces trois années ont sûrement été les plus enrichissantes de ma vie, sur le plan naturaliste, sur celui de la recherche scientifique mais aussi sur le plan personnel puisque j’y ai acquis énormément de connaissance et d’indépendance. Plus particulièrement, je remercie Romain Julliard, mon directeur de thèse pour sa façon à lui de diriger un doctorant. Cette direction fortement axée sur l’indépendance intellectuelle et pratique du thésard, permet à celui-ci de très vite prendre conscience du travail de chercheur, de ce qu’il a de dur, d’accaparant, mais surtout de passionnant. Merci de m’avoir guidée sans en avoir l’air et de m’avoir laissé toute liberté dans l’organisation de mon travail et dans mes choix de problématiques à traiter. Merci de m’avoir fait garder le cap et de m’avoir suggéré pas mal de bonnes idées. Un grand merci aussi à mon second directeur de thèse, Jean Clobert, pour avoir été à l’origine de ce grand projet « Seine-et-Marne » au sein duquel j’ai pu avoir une place et côtoyer beaucoup de personnes d’horizons différents. Merci pour ses conseils et sa brillante idée inspirée de la chaîne de Markov lors de mon séjour à Moulis. Je tiens à remercier Vincent Devictor qui a été un véritable mentor lors de ces trois années. Merci pour toutes ces discussions enrichissantes sur le métier de chercheur, les publications, les protocoles d’échantillonnage, les statistiques, l’écologie, la conservation, le SSI et j’en passe ! Merci aussi d’avoir guidé mes pas dans l’apprentissage des chants d’oiseaux. Merci également à ces ornithologues passionnés qui ont participé à la collecte des données oiseaux, c'est-à-dire Frédéric Vaidie et Laurent Brucy. Parmi les personnes qui ont égayé mes sorties terrain lors de la pose des pots pièges, je tiens à remercier Christian Kerbiriou, l’infatigable breton, et sa bonne humeur. Merci aussi pour la transmission épisodique de ses savoirs naturalistes. Logiquement, je remercie Isabelle Leviol qui a vécu sa thèse au même rythme que la mienne et qui a partagé ses angoisses et soucis avec moi dans notre « grande salle

6

du fond ». Merci à vous deux pour les hébergements quand j’oubliais mes clefs et les soirées au merle moqueur ! Merci aussi à l’infatigable (encore un) Jean-Claude Abadie pour ces après-midi où je n’ai jamais pu apprendre la botanique à côté de lui. Merci de m’avoir laissé faire le pitre ou dormir dans la parcelle où tu travaillais… Enfin, et c’est surtout grâce à eux que tout cela s’est fait, je remercie les agriculteurs qui m’ont accueillie avec la plus grande des gentillesses sur leur exploitation ainsi que chez eux et ont bien voulu me voir revenir chacune de ces trois années avec mes jumelles, mes pots-pièges et mes questionnaires. Parmi eux, je remercie particulièrement monsieur et madame Déchamps pour leur bonne humeur inébranlable et leur intérêt pur pour les oiseaux et la nature. Merci pour les conseils photos ! Merci à madame Villette pour ses cafés serrés qui m’ont donné des capacités surnaturelles sur le terrain ! Merci à tous les agriculteurs de la Bassée, qui forment un lot assez homogène pour ce qui est de la gentillesse et de la volonté de remarier agriculture et biodiversité. Merci à messieurs Dhont et Senoble pour leur dépannage en tracteur lors de mes embourbements répétés! Merci, à madame Parmentier de Verdelot pour mon premier cours de chant d’oiseaux donné à un agriculteur et pour le décor superbe de ses pâturages. Parmi tout ces agriculteurs, je tiens à remercier celui qui ne s’arrête jamais, monsieur Delpech d’Orvilliers, qui a su garder une agriculture, dite « familiale », et un cadre de travail fantastique, à la fois pour l’homme et la nature. Merci pour les bouteilles de lait, la leçon de traite et le jus de pomme ! En parlant de cela, merci à monsieur Boulat de Château-Landon pour sa bouteille de cidre glacé un jour harassant et caniculaire de pose de pots-pièges. Merci à tous pour votre apprentissage du métier mal connu et trop facilement calomnié d’agriculteur. Parole d’écolo ! Je remercie également le Conseil Général de Seine-et-Marne sans qui cette thèse n’aurait pas vu le jour. Merci de l’intérêt porté par son président aux problématiques environnementales. Ma participation à la création de l’atlas de biodiversité a été pour moi une expérience des plus enrichissantes. Pour finir, je voudrais remercier Rémy qui m’a soutenu tout au long de cette thèse et même, je pourrais dire de mes études supérieures. Sans toi, je n’aurais peut-être pas fait les mêmes choix et cette thèse m’aurait sûrement échappée. Merci d’avoir supporté mes absences, mes sautes d’humeur, mes coups de stress! Merci d’avoir consolé mes moindres soucis. 7

8

Sommaire I. Introduction

11

I.1. Pourquoi s’intéresser aux espèces d’oiseaux agricoles ?

11 15

I.2. Les méthodes et pratiques de conservation dans le milieu agricole I.2.1. Les politiques agri-environnementales

15 19

I.2.2. L’agriculture biologique et le non-labour

I.3. L’urbanisation, menace qui pourrait peser sur le milieu agricole

23 29

I.4. La spécialisation à l’habitat

29

I.5. Problématiques

31

II. Partie I : Etude de plusieurs menaces anthropiques pesant sur les

33

I.2.3. Le rôle des agriculteurs dans la conservation

communautés d’oiseaux agricoles via les concepts de spécialisation et de diversité fonctionnelle A - Spécialisation, intensité des pratiques agricoles et simplification du paysage.

38

Manuscrit 1: Ondine Filippi-Codaccioni, Vincent Devictor, Yves Bas, Jean Clobert, Romain Julliard. Specialist response to landscape simplification and farming intensity in agricultural landscapes. Submitted to Journal of Applied Ecology. 69

B- Urbanisation et homogénéisation taxonomique et fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles. Manuscrit 2: Ondine Filippi-Codaccioni, Vincent Devictor, Jean Clobert, Romain Julliard. Urbanisation effect on the functional diversity of avian agricultural Communities. Biological conservation.

72

C- Urbanisation et diversité fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles. Manuscrit 3: Ondine Filippi-Codaccioni, Jean Clobert, Romain Julliard. Urbanisation effect on the functional diversity of avian agricultural communities. Submitted to Acta Oecologica.

105

III. Partie II : Etude de l’impact de pratiques agricoles sensées être Favorables à la biodiversité : vision écologique et sociale A- Spécialisation, régime alimentaire, agriculture biologique, conventionnelle et labour de conservation. 9

110

Manuscrit 4: Ondine Filippi-Codaccioni, Jean Clobert, Romain Julliard. Effects of organic and soil conservation management on specialist bird species. Agriculture, Ecosystems and Environment. B- Perception de la biodiversité et participation aux programmes agri-

113

environnementaux des agriculteurs « bio », conventionnels et en labour de conservation. Manuscrit 5 : Ondine Filippi-Codaccioni, Jean Clobert, Romain Julliard. Organic and conservation-tillage farmers are the bad pupils of Agri-environmental Programs (AEPs) in France: comparison of biodiversity and AEPs perception as well as AEPs adoption with conventional farmers. Submitted to Agriculture, Ecosystems and Environment.

IV. Discussion

IV.3. Est-ce que l’hétérogénéité est vraiment la clef ?

138 138 141 143

IV.4. Le futur de la conservation dans le milieu agricole

145

V. Conclusion

151

Bibliographie

154

Annexes

171 172 176 177

IV.1. L’écologie des communautés et la conservation dans le milieu agricole IV.2. Spécialisation et fonction

Annexe 1 : Historique des mesures agro-environnementales Annexe 2 : Mesure de la spécialisation Annexe 3 : Echantillonnage dans le milieu agricole en Seine-et-Marne Annexe 4 : Echantillonnage pour étudier l’impact de l’urbanisation

178 179

Annexe 5 : Une analyse en deux étapes

10

I. Introduction I.1. Pourquoi s’intéresser aux espèces d’oiseaux agricoles ? Les habitats agricoles en Europe accueillent 173 espèces d’oiseaux prioritaires d’un point de vue de conservation, dont 70% ont un statut défavorable. C’est plus que pour tout autre grand type d’habitat. D’une part, la grande variété d’habitats agricoles (arables, steppiques, humides et pâturages de montagne, cultures pérennes, zones boisées pastorales et rizicultures) est un facteur majeur responsable de ce grand nombre d’espèces prioritaires, mais d’autre part, cette quantité reflète également les changements rapides qui ont bouleversé les campagnes. Ces changements peuvent être caractérisés par l’intensification des zones les plus fertiles et l’abandon à large échelle des zones les moins productives. L’intensification a pour responsable les supports financiers liés à l’augmentation de la productivité. En conséquence, la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union Européenne (UE), mais aussi les politiques nationales agricoles hors UE ont eu des effets négatifs sur les populations d’oiseaux agricoles à travers l’Europe (Fig.1).

Figure 1. Impact des changements de l’agriculture guidés par les politiques productivistes sur 5 oiseaux spécialistes des milieux agricoles : European roller Coracias garrulus; lesser grey shrike Lanius minor; Montagu’s harrier Circus pygargus; stone curlew Burhinus oedicnemus and white stork Ciconia ciconia (Sanderson et al., 2006).

11

De plus, les plus forts déclins de populations d’oiseau concernent les espèces d’oiseaux des milieux agricoles (Fig.2).

Figure 2. Indice des variations d’abondance des espèces d’oiseaux nicheurs du Royaume-Uni de 1970 à 2002. Le plus fort déclin est observé chez les oiseaux agricoles (Gregory et al., 2005). Les corrélations temporelles et spatiales entre le déclin des oiseaux agricoles et l’intensification de l’agriculture suggèrent que les changements de pratiques sont au moins en partie responsables (Fuller et al., 1995 ; Pain and Pienkowski, 1997 ; Campbell et al., 1997 ; Chamberlain et al., 2000 ; Aebisher et al., 2000 ; Donald et al., 2001,2006). Les pratiques agricoles impliquées dans ce déclin incluent : - l’augmentation des pesticides et une possible réduction des ressources alimentaires (Potts, 1997 ; Campbell et al., 1997 ; Donald, 1998 ; Wilson et al. 1999). - l’augmentation de l’agriculture céréalière à haut niveau d’intrants aux dépens des systèmes arable/prairies à plus faibles niveaux d’intrants (O’Connor and Shrubb, 1986 ; Shrubb, 1997 ; Evans, 1997). - Un déclin dans la diversité des habitats et une augmentation de la taille des parcelles comme conséquence des changements précédents et d’une mécanisation accrues (Súarez et al. 1997 ; Lefranc, 1997). - La perte des haies et d’autres terres non-productives (Lefranc, 1997 ; Gilings and Fuller, 1998 ; Chamberlain et al. 2000). - Les changements de dates de semis et de récolte des céréales et la perte concomitante des résidus de culture l’hiver (Shrubb, 1997 ; Evans, 1997 ; Chamberlain et al. 2000 ; Donald and Vickery, 2000).

12

- Une augmentation de l’intensité des pratiques d’élevage, le remplacement des foins par des cultures d’ensilage, le drainage des parcelles, la fertilisation abusive (Ellenberg, 1986 ; Hopkins and Hopkins, 1994). - L’abandon des terres extensives à forte biodiversité (Diaz et al. 1997 ; Súarez et al. 1997 ; Tucker et al. 1997). Dans certains cas, il a été possible de montrer un lien direct entre les changements de pratiques agricoles et la démographie des espèces déclinantes. Par exemple, le déclin de la population du bruant des roseaux Emberiza schoeniclus, est dû à une réduction du taux de survie hivernal, résultant de la faible disponibilité en nourriture dans le milieu agricole (Peach et al., 1999). Le déclin des populations de Perdrix grises Perdix perdix, est lié à une mortalité accrue des poussins du fait des ressources réduites en invertébrés, principale alimentation de ceux-ci (Potts, 1997). Pour d’autres espèces déclinantes, les liens avec les changements de l’agriculture ont été estimés en comparant les densités et les paramètres démographiques des oiseaux entre des zones d’agriculture plus ou moins intensive (e.g. Wilson et al. 1997 ; Buckingham et al. 1999 ; Henderson et al. 2000), en estimant les tendances à long terme des paramètres démographiques et en les reliant aux tendances des populations (e.g. Peach et al., 1994 ; Chamberlain and Crick, 1999 ; Siriwardena et al., 2000), en examinant la sélection de l’habitat par les espèces et en la reliant aux changements de disponibilité de ceux-ci (e.g. González et al., 1990 ; Green and Stowe, 1993 ; Donázar et al., 1993 ; Gates et al., 1994 ; Evans and Smith, 1994 ; Sané, 1998 ; Tella et al., 1998 ; Salamonard and Moreau, 1999), en corrélant le niveau des populations nationales ou leurs tendances à des mesures grossières d’intensification de l’agriculture (e.g. Green and Rayment, 1996 ; Chamberlain et al. 2000 ; Schifferli, 2000 ; Donald et al., 2001, 2006), et en identifiant et examinant les périodes critiques des cycles de vie (e.g. Tyler et al., 1998). L’intensification de l’agriculture est en conséquence, au moins en partie, et probablement entièrement, responsable du déclin des populations d’oiseaux agricoles dans les quelques pays d’Europe, principalement de l’ouest, où des études poussées ont été menées. Cependant, l’intensité de l’agriculture à travers l’Europe varie grandement. La majorité de ces variations viennent des différences d’histoire politique entre pays, et plus particulièrement, entre pays de l’ouest et de l’est de l’Europe. Donald et al. (2001) ont montré que l’intensité de l’agriculture varie grandement entre les groupements politiques en Europe et que cela explique la plus 13

grande part des variations entre les pays, des tendances des populations d’oiseaux agricoles (Fig. 3 et 4). Ils ont conclu que l’intensification de l’agriculture a eu des effets mesurables et délétères sur les populations d’oiseaux à une échelle paneuropéenne et qu’elle devrait être considérée comme un danger pour la biodiversité, à la même échelle que le changement climatique global et la pollution environnementale,

dans

ses

capacités

à

affecter

de

grandes

étendues.

L’intensification de l’agriculture représente également un danger majeur pour d’autres biomes et écosystèmes (Matson et al., 1997).

Figure 3. Exemple des variations d’abondance de l’alouette des champs dans les différentes parties de l’Europe (Gregory et al., 2005).

14

Figure 4. Indicateur multi-espèces des oiseaux agricoles européens. a) Espèces communes agricoles de l’UE (ligne continue) et des pays en voie d’accession (ligne en pointillés), b) spécialistes agricoles, même légende que ci-dessus (Gregory et al., 2005).

I.2. Les méthodes et pratiques de conservation dans le milieu agricole I.2.1. Les politiques agri-environnementales L’enjeu, aujourd’hui, repose sur les alternatives qui s’offrent pour préserver la biodiversité et continuer à produire suffisamment pour nourrir la population mondiale sans arrêt croissante (Green et al., 2005). Deux solutions sont proposées : 1produire de façon extensive sur de larges surfaces, ce qui permettrait de concilier agriculture et biodiversité mais qui entraînerait le recul de zones naturelles au profit des zones cultivées, ou 2-produire de façon intensive sur de plus petit territoires mais aux dépens total de la biodiversité et de l’environnement en général, laissant pourtant la place aux territoires naturels. Cette question a été traitée par Green et al. (2005) et illustrée dans la figure 5.

15

Figure 5. Cette figure représente les éléments essentiels du modèle reliant la taille des populations aux rendements agricoles à l’aide de 2 exemples. Dans le premier (A), une province (carte 1), est composée de terre cultivée (jaune) et non-cultivée (vert). L’objectif de production agricole est fixé à 0.2, ce qui peut être atteint par les rendements les plus élevés sur 20% de l’exploitation (x0.1 panneau de gauche) ou en cultivant la terre au plus bas rendement possible (x0.2, panneau de droite). L’organisme montre une fonction densitérendement concave (courbe rouge dans 2), avec sa plus grande densité de population sur la terre non cultivée (là où c’est fixé à 1) et une bien moindre densité là où les rendements sont les plus élevés par rapport aux moins élevés (comparer les étoiles entre les panneaux de gauche et de droite dans 2). La population totale de toute la province peu être visualisée en fonçant les cartes (3), de façon à ce que pour chaque habitat, l’étendue verticale hachurée soit proportionnelle à la densité relative de population. L’aire totale de zones hachurées, relative à celle de la province totale, donne alors la taille relative de la population totale qui serait présente si toute la province n’était pas cultivée. Ces tailles de population relatives, pour les aires cultivées et non-cultivées et pour la province entière, sont montrées dans les histogrammes (4). Dans ce cas, la population totale est plus importante avec les rendements les plus faibles. Dans le second exemple (B), la situation est la même, à part que la relation densité-rendement est convexe. Dans cet exemple, la montée brutale de la densité, même à des rendements bas, signifie que l’économie de terre vaut le coup et que la population totale est plus importante avec des rendements plus importants. Green et al. (2005).

La question est loin d’être résolue, mais en tout cas, les politiques européennes actuelles vont dans le sens de la première solution, où on cherche à établir une 16

agriculture durable où biodiversité et respect de l’environnement font bon ménage avec l’agriculture. La mise en œuvre de mesures agri-environnementales (MAE) ciblées, sur l’ensemble du territoire de l’Union, est désormais au cœur de la stratégie communautaire pour la protection de l’environnement. Du fait qu’elles constituent le seul élément obligatoire de chacun des plans de développement ruraux conçus par les États membres, ces mesures jouent un rôle essentiel dans la réalisation des objectifs communautaires ayant trait à la diversité biologique. L’application des MAE en Europe a réellement commencé en 1992. Depuis, un long cheminement et de nombreux changements dans leur mise en place, a permis d’accroître considérablement l’importance des objectifs environnementaux dans l’agriculture (Annexe 1). Lors de notre étude, nous étions encore dans le cadre du Plan de Développement Rural National (PDRN) 2000-2006 qui définissait un catalogue national de MAE décliné au niveau régional afin de mieux cibler les enjeux environnementaux spécifiques à chaque région. Ces MAE sont souscrites dans le cadre de contrat de 5 ans pendant lesquels l’agriculteur s’engage à respecter un cahier des charges. En contrepartie, il reçoit une rémunération calculée sur la base des surcoûts et pertes occasionnés par les engagements. Le même type de programmes agri-environnementaux (PAE) sont mis en place dans tous les pays européens avec cependant des variantes quant aux mesures et aux conditionnalités de rémunération. Par exemple, aux Pays-Bas, une mesure appelée « per clutch payment » comporte une rémunération par nid et couvée d’oiseaux arrivés à terme sur l’exploitation (Musters et al. 2001). Parmi les PAE célèbres en Europe figurent en tête de liste ceux instaurés au Royaume-Uni. D’une part, parce qu’ils ont été parmi les premiers (1987, après le premier encouragement de l’Europe, en 1985, pour instaurer des PAE dans les Etats membres) à les mettre en place, et d’autre part, parce qu’ils se sont occupés de l’évaluation de leur efficacité, contrairement à d’autres pays européens dont la France. Parmi ceux ayant fonctionné avec succès, on peut citer notamment, le Countryside Stewardship Scheme (CSS) qui a délivré le bruant zizi de son déclin en augmentant ses populations de 83% sur les terres en CSS dans le Devon de 1992 à 1998 (Peach et al., 2001) ainsi que d’autres programmes dans le Royaume-Uni, ayant pour cible Le tétras lyre Tetrao tetrix (Baines, Warren & Calladine 2002), l’oedicnème criard Burhinus oedicnemus

17

(Aebischer, Green & Evans 2000b) et le râle des genêts Crex crex (Aebischer et al., 2000a). Cependant, de récentes études à l’échelle européenne, ont remis en cause l’efficacité des PAE pour la conservation de la biodiversité. Un peu plus de la moitié des études a montré des effets positifs des programmes sur la diversité et l’abondance des espèces cibles parmi les plantes, les oiseaux et les arthropodes, mais le reste des études n’a montré aucun effet significatif, et même des effets négatifs (Kleijn and Sutherland 2003; Kleijn et al., 2006). Des recherches plus récentes pour des pays ou programmes non couverts par les études précédentes, ont aussi montré des effets mixtes (e.g., Feehan et al., 2005; Ottvall and Smith 2006; Wilson et al., 2007). Une des explications suggérées pour expliquer le manque d’efficacité des PAE serait la simplification des paysages agricoles due à l’élimination des espaces non-cultivés (Kleijn et al., 2001; Duelli and Obrist 2003). Dans sa revue de 2003, Kleijn et al. relevaient le manque d’analyses statistiques (31%) et la pauvreté des protocoles expérimentaux qui, en plus, étaient souvent biaisés en faveur des PAE. Ils relevaient notamment que 16% seulement des études étudiaient des

paires

de

sites

programme/contrôle

avec

les

mêmes

conditions

environnementales. Cette dernière statistique pourrait expliquer les divergences de résultat. Tscharntke et al. (2005) ont montré que l’efficacité des PAE était fortement liée à la complexité du paysage environnant. Dans des paysages simples, la présence locale d’habitat (e.g. bordures de champs), est supposée avoir un plus grand effet sur la biodiversité et les processus écologiques dans les champs adjacents, de façon à ce que les aménagements apparaissent plus efficaces dans les paysages peu diversifiés que dans les plus complexes (Fig 6). Figure 6. Efficacité des PAE en fonction du type de paysage (Tschantke et al., 2005). Cleared = minimum de diversité, simple = diversité faible, complex = grande diversité (20% d’habitat non-cultivé, respectivement). L’efficacité des PAE est mesurée par l’augmentation de la biodiversité due à un aménagement spécial versus des sites sans aménagement.

18

Dans les paysages complexes, avec leur large nombre d’espèces, la colonisation de nouveaux habitats et les échanges de populations sont facilités. Les aménagements locaux dans ces paysages, ne résultent pas en une biodiversité accrue parce que la biodiversité est déjà importante partout. Enfin, parmi les MAE figurent l’aide à la conversion à l’agriculture biologique et une aide pour le travail simplifié des sols. Ces pratiques appelées agriculture biologique (AB) et labour simplifié ou non-labour (NL) sont toute les deux indiquées dans le cahier des charges des MAE comme ayant des objectifs biodiversité.

I.2.2. L’agriculture biologique et le non-labour Dans le contexte mondial d’intensification de l’agriculture et de ses effets négatifs sur l’environnement, plusieurs pratiques alternatives ont vu le jour ou se sont affirmées. Ainsi, l’agriculture intégrée, raisonnée et biologique (OF) ont été vues comme des possibilités de réduire les pollutions dues aux intrants chimiques. L’agriculture biologique étant la plus radicale des méthodes, puisque n’utilisant pas de pesticides synthétiques, de nombreuses études se sont intéressées à son effet sur la biodiversité. Beaucoup d’entre elles ont trouvé des résultats positifs (Bengtsson et al., 2005; Hole et al., 2005), à la fois pour la richesse spécifique (Fig.7), et pour l’abondance (Fig.8) de nombreux taxa.

Figure 7. Une méta-analyse de l’effet de l’agriculture biologique (OF) sur la richesse spécifique (Bengtsson et al., 2005). Un effet positif de OF a été trouvé pour tous les groupes d’organismes excepté pour les insectes non-prédateurs et les organismes du sol.

19

Figure 8. Une méta-analyse de l’effet de l’agriculture biologique (OF) sur l’abondance des organismes (Bengtsson et al., 2005). Effet positif significatif de OF est donné par les astérisques à côté du Hedges’ g.

A une moindre échelle, et surtout aux Etats-Unis, les pratiques de labour visant à la conservation du sol (CT) se sont également développées afin de mieux préserver les sols pour en diminuer l’érosion et augmenter la fertilité. Les économies de fuel concomitantes assurent à cette pratique un intérêt croissant de la part des agriculteurs du monde entier. Grâce à la connaissance des interrelations entre sol et environnement (Fig.9), certaines études se sont alors intéressées aux possibles effets positifs de cette pratique sur la biodiversité. Des résultats encourageants pour la diversité et l’abondance de plusieurs taxa ont alors été montrés (Baguette and Hance, 1997; Robinson and Sutherland, 1999; Hutcheon et al., 2001; Schmidt et al., 2001, Holand, 2004). Cependant diverses contraintes sont liées à ces deux systèmes culturaux (OF et CT) qui peuvent nuire à la biodiversité, comme le désherbage mécanique en agriculture biologique ou chimique en labour de conservation. De plus, comme pour l’efficacité des PAE, celle de OF a été mise en cause par quelques auteurs ayant trouvé qu’elle n’avait d’effet réel positif sur la biodiversité que dans des paysages homogènes (Roschewitz et al., 2005 ; Rundlöf and Smith, 2006 ; Holzshuh et al., 2007) (Fig.10).

20

Figure 9. Processus interactifs au travers desquels le labour de conservation peut générer des bénéfices environnementaux (Holand et al, 2004).

Les enjeux concernant ces pratiques sont donc toujours de savoir si elles ont effectivement un effet bénéfique pour la biodiversité et dans quelle situation cet effet est le plus significatif pour les espèces. De plus, quand on regarde espèce par espèce, l’effet bénéfique de OF ne semble pas unanimement bénéfique. Par exemple, Purtauf et al. (2005) ont trouvé que certaines espèces étaient plus 21

1)

2)

3)

Figure 10. Résumé des taxa pour lesquels il a été 4)

trouvé que OF était plus efficace dans un paysage homogène que complexe. 1 et 2 : Alpha, beta et gamma diversité des plantes messicoles (a, b , c), de la pluie de graine (d, e, f) et de la banque de graine (g, h, i) en relation avec le % d’arable (complexité du paysage) et le système d’exploitation (OF et CONV). 2 : Résultats d’un modèle mixte. Les triangles et la ligne en pointillés représentent les champs en OF et les points et ligne solide représentent les champs en CONV. 3 : Nombre d’espèces moyen de papillons (a) et abondance moyenne (b) par transect de 50m, par visite et par an. Roschewitz et al., 2005 (1 et 2) ; Rundöf and Smith, 2006 ; Holzschuh et al., 2007 (4). 22

abondantes en CONV qu’en OF. Ceci amène à se demander quels sont les traits communs aux espèces qui font que celles-ci bénéficient plus de l’une ou de l’autre pratique. L’analyse de l’efficacité de OF ne doit donc pas porter que sur l’abondance et la richesse spécifique mais aussi sur la fonction des espèces dans l’écosystème à travers leurs traits et sur la composition des communautés.

I.2.3. Le rôle des agriculteurs dans la conservation A l’opposé de leur fonction traditionnelle de composants de la chaîne de production primaire, la politique de l’UE a fait des agriculteurs des acteurs centraux du développement rural et de la conservation de la biodiversité (Siebert et al., 2006). Il est en effet devenu un truisme que de dire que sans l’intégration de l’agriculture, il n’y a pas de politique de conservation effective en Europe. En terme de participation, l’UE a eu un succès assez important avec 20% de la SAU (Surface Agricole Utilisable) participant à des PAE (Siebert et al., 2006). Néanmoins, la coopération des agriculteurs avec les politiques faite pour accroître le niveau de protection de la biodiversité et l’améliorer, diffère selon les pays de l’UE (Siebert et al., 2006), à l’intérieur des pays et surtout selon les agriculteurs. En

effet,

les agriculteurs

sont très

hétérogènes et diffèrent dans leur prise de décision en relation avec leurs biens (Gravholt Busck, 2002). Leur volonté et capacité à coopérer en biodiversité n’est pas réductible à la localisation de leurs exploitations, ni à leurs attitudes et valeurs envers la nature ou l’autorité. Cette coopération n’est pas non plus une simple fonction de facteurs économiques. La revue de Siebert et al. (2006) qui reprend 160 études faites dans 6 pays de l’UE montre bien que la réalité est bien plus complexe. Il s’agit d’une intrication de contingences influencée par des contextes locaux et spécifiques,

comme

des

facteurs

agronomiques,

culturels,

sociaux

et

psychologiques. Ces facteurs affectent la réponse des agriculteurs à ces politiques agricoles visant à améliorer la biodiversité. Pour l’Europe qui veut recruter « les nouveaux conservateurs » de la nature (Morris and Potter, 1995), l’importance est 23

dans la connaissance de ces facteurs afin de mieux cibler les politiques et de mieux convaincre les agriculteurs. Comme de nombreuses études se sont déjà portées sur la désignation de ces facteurs, nous nous sommes intéressés ici, dans cette thèse à l’engagement dans les PAE d’un certain type d’agriculteurs, ceux pratiquant le non-labour et l’agriculture biologique, profitant de l’échantillonnage destiné à l’étude de l’impact de ces pratiques et des MAE sur les oiseaux. En effet, lors des enquêtes menées auprès d’eux, il est apparu que ceux-ci semblaient moins impliqués dans les PAE et prenaient moins de MAE que les agriculteurs conventionnels. Nous avons donc cherché à le vérifier.

I.3. L’urbanisation, menace qui pourrait peser sur le milieu agricole Outre les menaces propres au milieu agricole, majoritairement dues aux pratiques et à l’aménagement du paysage, l’urbanisation via l’accroissement des territoires urbains sur le territoire agricole et autour de celui-ci, devient une pression de plus en plus inquiétante. En effet, une large littérature permet de faire état des effets négatifs de l’urbanisation sur les communautés biotiques 1)- le long de gradients d’urbanisation (Blair and Launer, 1997; Ishitani et al., 2002; Clergeau et al., 2006) et 2)- dans les habitats jouxtant le milieu urbain (Collinge et al., 2003; Sadler et al., 2006, Scott, 2006, Veech, 2006). Les premières études montrent souvent un changement de composition des communautés et une baisse de richesse spécifique et de diversité le long du gradient ainsi qu’une homogénéisation fonctionnelle et taxonomique accrue (Olden et al. 2004, Fig.11). Les études sur le milieu adjacent ont également montré des effets d’homogénéisation biotique, de changement de composition des communautés et de baisse d’abondance d’individus spécialistes due à l’urbanisation (Rubbo and Kiesecker, 2005; Holway and Suarez, 2006 ; Scott, 2006) (Fig.12). Figure 11. L’Homogénéisation Biotique (HB) se définit couramment par le remplacement d’espèces natives par des espèces ubiquistes introduites par l’homme, ce qui provoque une homogénéisation des communautés à l’échelle mondiale (Olden, 2006). HB qu’elle réfère à l’homogénéisation génétique (HG), taxonomique (HT) ou fonctionnelle (HF), est définie comme une augmentation de la similarité spatiale d’une variable biologique particulière dans le temps. HG réfère aux gènes, HT à l’identité des espèces et HF aux traits fonctionnels. 24

a)

b)

c)

Figure 12. Exemple d’études montrant des différences de composition taxonomique (a) et fonctionnelle (c) ainsi que les variations d’abondance et de richesse spécifique (b), le long d’un gradient urbain-rural/périurbain (a et b) et dans des biotopes adjacents (c). Dans c), E-C représente une mesure d’homogénéisation biotique qui est l’abondance des espèces endémiques moins celle des plus cosmopolites, chez les poissons. Ishitani et al., 2002 (a), Clergeau et al., 2007 (b), Scott, 2006 (c). 25

McKinney and Lockwood (1999) avaient déjà déterminé que l’urbanisation faisait partie des perturbations sérieuses affectant les populations biotiques et que les espèces pouvaient être classées en perdants (losers) et gagnants (winners) selon leur réponse négative ou positive à cette perturbation (Fig. 13).

Figure 13. Proportions estimée d’espèces déclinante (losers) et augmentant (winners) en range et abondance.

Très vite, grâce à cette notion de gagnants et de perdants ainsi qu’à celle de « urban exploiters » (espèces exploitant le milieu urbain avec succès), « suburban adapters » (espèces s’adaptant au milieu suburbain) et « urban avoiders » (espèces évitant le milieu urbain) (Blair and Launer, 1997) la question s’est posée de savoir quels traits étaient favorisés par ce milieu urbain (Kark et al., 2007) (Fig.14).

26

Figure 14. Résumé de la distribution des traits catégoriques et moyennes des traits continus parmi les catégories d’habitat le long d’un gradient urbain-naturel (Kark et al., 2007). Pour les traits catégoriques la proportion des espèces montrant ces traits est présentée. Les corrélations significatives sont indiquées par *P < 0.05, **P < 0.01.

D’autre part, McKinney et Lockwood (1999) s’étaient déjà penché sur la question et avaient identifié les traits qui favorisaient l’expansion ou l’extinction des espèces dans un monde dominé par les hommes (Fig. 15). Parmi ces traits, apparaît la spécialisation de l’espèce, caractéristique sur laquelle nous allons focaliser nos 2 études sur l’impact de l’urbanisation, car très proche des notions de richesse fonctionnelle et d’homogénéisation fonctionnelle. Un assez lourd bagage bibliographique montre, en effet, que la baisse de richesse fonctionnelle peut avoir des conséquences importantes sur le fonctionnement des communautés et des écosystèmes, de même que sur leur stabilité et leur résistance et résilience aux changements environnementaux en réduisant simplement le panel de réponses possibles des espèces (Walker 1992; Tilman 1996, Doak et al. 1998 ; Walker et al. 27

1999 ; Diaz & Cabido 2001; Fonseca & Ganade 2001; Petchey & Gaston 2002; Mason et al. 2005; Olden et al. 2004 ; Mouillot et al. 2005). D’où l’intérêt évident qu’il faut apporter à cette notion (Fig. 16).

Figure 15. Traits pouvant déterminer si une espèce est gagnante ou perdante face à un monde dominé par les hommes (McKinney and Lockwood, 1999).

Figure 16. Preuves empiriques des relations entre les processus écosystémiques et différents composants de la diversité des plantes (Diaz and Cabido, 2001). 28

I-4- La spécialisation à l’habitat Selon la théorie de la niche écologique, les différences de largeur de niche entre espèces (soit la spécialisation) serait le résultat d’un compromis évolutif entre leur capacité à exploiter un éventail de ressources et leur efficacité à exploiter chacune d’elle (l’hypothèse du «Jack-of-all-trades is the master of none », Mc Arthur 1972; Levins 1962, 1968; Futuyama & Moreno 1998; van tienderen 1991; Kawecki 1994). Comme il a été résumé par Julliard et al. (2006), un tel compromis a été associé à plusieurs traits d’histoire de vie : Les espèces spécialistes sont supposées avoir des capacités de dispersion moindres (Brouat et al. 2004), sont plus fortement régulées par la compétition intra-spécifique (Dall & Cuthill 1997), et sont moins capables de supporter la stochasticité environnementale (Sol et al. 2002) que les espèces généralistes. En conséquence, la façon dont les communautés fonctionnent est vraisemblablement influencée par la proportion relative d’espèces spécialistes et généralistes (Julliard et al. 2006). D’après McKinney and Lockwood (1999), il y a des espèces qui bénéficierait de la dégradation de l’habitat (gagnants) alors que d’autres seraient négativement affectées (perdants). Ce processus peut mener à l’homogénéisation fonctionnelle (Olden et al. 2004) des communautés dans laquelle beaucoup d’espèces partageant quelques traits seraient remplacées par peu d’espèces partageant les mêmes traits. Une telle homogénéisation fonctionnelle peut être induite par le remplacement d’espèces spécialistes par des espèces généralistes plus répandues. Ce phénomène se répand à l’échelle globale et a pour cause différents facteurs comme l’urbanisation ou les changements climatiques. Idéalement, la spécialisation devrait être mesurée en considérant toutes les dimensions d’une niche écologique. Or, en pratique, la quantification de la spécialisation dépend du type d’espèce considéré. Par exemple, la diversité de plantes-hôtes chez les papillons (Warren et al. 2001) ou la longueur de la trompe chez les bourdons (Goulson et al. 2005). Un moyen plus général de quantifier la spécialisation est de compter le nombre de classes d’habitat dans lesquelles une espèce est connue pour être présente. Cette mesure permet de classer les espèces de spécialistes (étant présentes dans peu de classe d’habitat) à généralistes (étant présentes dans plusieurs classes d’habitat). Cependant, une telle approche dépend d’avis d’experts (Gregory et al. 2005) et ignore les variations potentielles de densités entre habitats. Julliard et al. (2006) ont proposé une mesure de la spécialisation des 29

espèces d’oiseaux. Ils ont considéré qu’une espèce était plus spécialisée qu’une autre à certaines classes d’habitat si sa densité était plus importante dans ces classes qu’ailleurs. A l’inverse, les espèces dont la densité varie peu entre les classes d’habitat sont considérées comme plus généralistes. La construction de cet indice est illustrée dans l’annexe 2. Cet indice quantifie le degré de spécialisation à l’habitat pour une espèce grâce au coefficient de variation (SD/moyenne) des densités au travers de 18 classes d’habitat groupées à partir de catégories enregistrées par les observateurs du Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC) à chaque point d’écoute en France (Julliard and Jiguet, 2002). Cet indice appelé SSI (Species Specialisation Index) a été calculé pour les 100 espèces terrestres les plus fréquentes, en utilisant les carrés STOC suivis au moins une fois de 2001 à 2004 (n = 1,022, i.e., 10,220 points d’écoute). Pour plus de détails voir Julliard et al. (2006). Les plus hautes valeurs indiquent les espèces les plus spécialistes et les plus basses les espèces les plus généralistes. L’avantage de cet indice est qu’il permet d’abandonner la classification dichotomique spécialiste/généraliste. Comme la spécialisation est vraisemblablement plus un continuum au sein des espèces (Fridley et al., 2007), le SSI nous permet de mieux la caractériser. Ici, l’hypothèse est que la spécialisation à l’échelle de l’habitat permet l’intégration de tous les paramètres écologiques, abiotiques et biotiques, propres à l’espèce (comme la température, l’humidité, les cycles saisonniers, le régime alimentaire, les sites de nidification) qui sont nécessaires au maintien des populations. De plus, l’habitat permettrait l’intégration de l’ensemble des interactions biotiques présentes dans un écosystème au sein d’une communauté ou d’un réseau trophique (comme le cortège d’agents pathogènes et de parasites, les interactions de compétition ou de facilitation entre espèces). On peut prédire que cet indice de spécialisation à l’habitat est corrélé à d’autres indices de spécialisation comme ceux à la température ou à la nourriture. Nous travaillons donc au niveau de la niche réalisée i.e. en prenant en compte les interactions biotiques de compétition comme de facilitation avec ce SSI. La spécialisation, apparaît dans beaucoup d’études comme étant un trait important dans l’explication de pattern d’abondance (Julliard et al. 2006) et de réponse à des changements environnementaux simples (Andrén et al., 1997, Jonsen and Fahrig, 1997, Schweiger et al., 2005), comme aux changements globaux (Devictor et al. 2007, 2008). Au vu des recommandations de certains auteurs concernant l’utilisation des traits fonctionnels pour rendre ses lettres de noblesse à 30

l’écologie des communautés (McGill et al., 2006) et, à la mise en valeur de la spécialisation elle-même quant à ce qu’elle a à offrir dans les investigations sur le lien entre diversité et fonctionnement des écosystèmes (Richmond et al., 2005 ; Finke and Snyder, 2008), nous nous sommes particulièrement penchés sur l’importance de ce trait lors de nos recherches sur les impacts des différentes perturbations et pratiques culturales citées précédemment.

I-5- Problématiques Les différentes problématiques seront développées dans les deux grandes parties de ce document. Parmi les travaux exposés dans la thèse, ceux ayant fait l’objet de publications sont résumés sous forme d’encadrés. L’intégralité des manuscrits correspondants est disponible à la suite de ces encadrés. Ces manuscrits contiennent des détails, des analyses et des éléments de discussion qui ne sont pas mentionnés dans les encadrés, volontairement synthétiques. La méthodologie utilisée (modèles statistiques, jeu de données, logiciels) est commune à plusieurs travaux. J’ai donc choisi de résumer ces principaux points méthodologiques séparément sous forme d’annexes, dans des pages auxquelles on peut se référer indépendamment. Je mentionnerai l’utilisation de ces annexes au cours de l’exposition des travaux. Une première partie traitera des menaces pesant sur les communautés d’oiseaux agricoles et une seconde portera plus sur l’étude de l’impact de pratiques agricoles visant à améliorer le sort de ces communautés, avec un regard à la fois écologique et social. 1-Spécialisation, intensité des pratiques agricoles et simplification du paysage. Est-ce que la spécialisation est un trait qui explique les variations d’abondance entre les parcelles agricoles plus ou moins intensives et les paysages plus ou moins simplifiés ? (Partie I-A-Manuscrit 1) 2-Urbanisation et homogénéisation taxonomique et fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles. Est-ce que l’urbanisation induit une homogénéisation taxonomique et fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles? (Partie I-B-Manuscrit 2) 3-Urbanisation et diversité fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles. Quel est l’effet de l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles ? (Partie I-C-Manuscrit 3) 31

4-Spécialisation, régime alimentaire, agriculture biologique, conventionnelle et labour de conservation. La spécialisation et le régime alimentaire des espèces d’oiseaux agricoles sont-ils des traits responsables des variations d’abondance entre agriculture conventionnelle, agriculture biologique et labour de conservation ? (Partie II-A-Manuscrit 4) 5-Perception

de

la

biodiversité

et

participation

aux

programmes

agri-

environnementaux des agriculteurs « bio », conventionnels et en labour de conservation. Quelles sont les différences de perception de la biodiversité et de participation à des programmes agri-environnementaux des exploitants en agriculture biologique, labour de conservation et agriculture conventionnelle ? Dans quelle mesure les deux questions sont-elles liées ? (Partie II-B-Manuscrit 5)

.

32

Partie I

Etude de plusieurs menaces anthropiques pesant sur les communautés d’oiseaux agricoles via les concepts de spécialisation et de diversité fonctionnelle

33

Dans cette première partie, nous avons tenté d’étudier l’impact différentiel de différentes pressions anthropiques telles que l’intensification de l’agriculture, à travers ses conséquences sur l’intensité des pratiques à l’échelle de l’exploitation et sur la simplification de l’habitat à l’échelle locale et paysagère (Fig.17) (Manuscrit 1), et l’urbanisation à travers son intensité et son âge (Manuscrit 2), sur les espèces plus ou moins spécialistes des communautés d’oiseaux agricoles. Comme nous l’avons vu dans l’introduction, l’indice choisi pour mesurer la spécialisation des espèces était le Species Specialisation Index (SSI) proposé par Julliard et al. (2006) (Annexe 2).

Fig. 17. Exemple de simplification du paysage causé par l’intensification des pratiques. Le principal changement est la perte de diversité dû à la diminution d’éléments tels que des haies, des arbres isolés, des bosquets, des clôtures, des mares. La taille des parcelles est bien plus importante et les cultures plus uniformes.

La première étude a été réalisée après prospection et choix d’une soixantaine d’exploitations dans le département de la Seine-et-Marne (Annexe 3), territoire majoritairement agricole à forte proportion de céréaliculture, et s’est faite sur deux années (2006 et 2007). Ces exploitations variaient selon l’intensité de leurs pratiques, leurs systèmes d’exploitation, et leurs contextes paysagers. La localisation des exploitations s’est faite tout d’abord par le biais de l’agronome Mr Deffontaines qui nous a présenté un groupe d’agriculteurs désireux de connaître l’effet de leurs pratiques dans la région agricole de la Bassée (sud-est de la Seine-et-Marne), puis par différentes rencontres avec le personnel de la DDAF, de l’ADASEA et de la chambre d’agriculture de Seine-et-Marne. Un protocole standardisé de points d’écoute, inspiré du modèle national du protocole de suivi des populations d’oiseaux (STOC-EPS), m’a permis d’estimer l’abondance et la richesse des espèces d’oiseaux dans plusieurs parcelles de ces 34

différentes exploitations (Annexe 3). Une enquête menée auprès des agriculteurs pendant les hivers 2006 et 2007 m’a également permis de recueillir les différentes informations relatives à leur exploitation me permettant ainsi, par la suite, de différencier l’intensité de leurs pratiques. Les données paysagères ont été extraites grâce à une base de données régionale renseignant sur le mode d’occupation des sols (MOS, IAURIF, 2003) (Fig.18).

Figure 18. Méthode d’extraction des variables d’occupation des sols par système d’information géographique (SIG).

Les études 2 et 3 sont basées sur le même jeu de données. Le protocole d’échantillonnage visant à la récolte de celles-ci a été mis en place préalablement sous SIG. Afin de simuler une augmentation d’intensité de l’urbanisation, un ensemble de carrés de 1km de côté ont été sélectionnés sur des critères de proportion variable de territoire urbain sur territoire agricole (Annexe 4). De même, la base de donnée EVOLUMOS (IAURIF, 2003) qui renseigne sur l’évolution du mode d’occupation des sols de 1981 à 2003, nous a permis de différencier les carrés selon l’âge de leur bâti. C’est aussi grâce à l’utilisation de méthodes d’analyse multivariée que j’ai pu examiner la question de l’homogénéisation taxonomique dans cette étude.

35

Enfin, la troisième étude tentera d’examiner l’effet de l’urbanisation sur la diversité fonctionnelle des communautés d’oiseaux agricoles grâce à l’utilisation d’indices proposés dans la littérature. Les principales questions abordées dans cette première partie étant donc : 1) - Est-ce que le degré de spécialisation des espèces joue un rôle dans leur sensibilité envers l’intensité des pratiques agricoles et la simplification de l’habitat, à l’échelle de l’exploitation et du paysage ? 2) - Est-ce que l’urbanisation induit une homogénéisation taxonomique des communautés d’oiseaux agricoles via une augmentation de la similarité de celles-ci ? Et, à partie de quel seuil, induit-elle un changement de composition de ces communautés ? De même, est-ce que l’urbanisation favorise les espèces plus généralistes et a un impact plus négatif sur les plus spécialistes ? 3) – Est-ce que l’urbanisation induit un changement de diversité fonctionnelle dans les communautés d’oiseaux agricoles ?

36

37

Partie I A - Spécialisation, intensité des pratiques agricoles et simplification du paysage. Filippi-Codaccioni, O., Devictor, V., Bas, Y., Clobert, J., Julliard, R. Specialist response to landscape simplification and farming intensity in agricultural landscapes, soumis à Journal of Applied Ecology. L’augmentation de l’intensité des pratiques agricoles et celle de la simplification du paysage sont deux dangers bien connus pour les oiseaux des milieux agricoles. Néanmoins, les effets de ces deux facteurs peuvent différer beaucoup entre ces espèces. Nous proposons ici d’utiliser le concept de spécialiste-généraliste pour estimer quelles espèces sont les plus affectées par ces 2 composantes de l’intensification de l’agriculture. L’intégralité de ce travail est proposée dans les pages suivantes et s’organise comme suit : Hypothèse : Ces travaux reposent sur l’hypothèse de la plus grande vulnérabilité des espèces spécialistes face à la perturbation de leur habitat. Prédiction : Nous prédisons que les espèces les plus spécialistes seront d’autant moins abondantes que l’intensité des pratiques sera forte. A l’inverse, la simplification de la composition du paysage étant corrélée à la proportion de terre arable, habitat favori des espèces agricoles spécialistes, nous prédisons que cellesci seront d’autant plus abondantes que la simplification sera importante. Méthode : Ces prédictions sont testées en estimant l’abondance des oiseaux et l’intensité des pratiques dans 58 exploitations en Seine-et-Marne, par la méthode des points d’écoute et en utilisant un questionnaire standardisé. La simplification de la composition du paysage a été estimée à partir de la mesure de la proportion d’arable dans le paysage à 2 échelles, une locale à 200m autour des parcelles et une plus large, à 1000m autour des parcelles. L’abondance des espèces agricoles et non-agricoles a été reliée à ces variables dans un modèle permettant de contrôler par l’auto-corrélation spatiales et de tester l’effet de ces variables ajusté l’une à l’autre. Les réponses des espèces, tirées de ces modèles, ont ensuite été reliées à une mesure continue de spécialisation à l’habitat construite indépendamment, le SSI. Résultats : Les espèces spécialistes agricoles ou non-agricoles étaient plus affectées par l’intensité des pratiques que les espèces généralistes, alors que la simplification du paysage avait un impact positif sur l’abondance des spécialistes agricoles à l’échelle locale. Cet effet s’arrêtait toutefois à plus grande échelle suggérant que la sensibilité des espèces spécialistes à la simplification du paysage est dépendante de l’échelle. Quelques espèces non-agricoles étaient également affectées par l’intensité des pratiques et la simplification du paysage, ce qui suggère que ces espèces bénéficieraient également des mesures visant à la réduction de l’intensité des pratiques agricoles et à l’augmentation de la diversité de l’habitat.

38

Manuscrit 1 Specialist response to landscape simplification and farming intensity in agricultural landscapes

Ondine Filippi-Codaccioni, Vincent Devictor, Yves Bas, Jean Clobert, Romain Julliard, soumis à Journal of Applied Ecology.

39

Specialist response to landscape simplification and farming intensity in agricultural landscapes

Ondine Filippi-Codaccioni . Vincent Devictor . Yves Bas . Jean Clobert . Romain Julliard

O. Filippi-Codaccioni (Corresponding author)

.

V. Devictor

.

Y. Bas

.

R. Julliard

National Museum of Natural History, Species Conservation, Restoration and Populations Monitoring, UMR 5173 MNHN-CNRS-UPMC. 55, rue Buffon 75005 Paris, France.

E-mail: [email protected] Phone: +33 1 40 79 58 53/ fax: +33 1 40 79 38 35

J. Clobert Experimental Ecology Station of CNRS in Moulis USR 2936, Moulis, 09200 Saint-Girons, France.

Running title: Specialist bird abundance in farmland Manuscript word count (including text, references, tables, and captions): 5,392

40

Summary 1. The increase in the intensity of farming practices and the landscape simplification are two well known threats for many farmland bird species. Nevertheless, the effects of these two drivers may differ strongly among species. Here, we propose to use the specialist-generalist 5

concept to assess which bird species are the most affected by these two factors. 2. Bird density and the intensity of farming practices were assessed within 58 farms across the Seine-et-Marne region in France using point counts and a standardised farmer survey. Local abundance of 41 farmland and non-farmland species was related to pesticide applications and landscape simplification measure using generalised least-square models which account for

10

spatial autocorrelation. 3. The more specialist species of farmland and non-farmland birds were more negatively affected by the intensity of farming practices than generalist ones, whereas local habitat simplification have a more positive impact on the most specialist farmland birds’ abundance. This latter relationship was not significant anymore at landscape scale, which suggests that

15

farmland specialist species’ sensitivity to landscape simplification is scale dependent. 4. The positive responses found for some farmland generalist species to the intensity of farming practices may be due to the competition relaxation from the more specialist species which are more affected. 5. Some non-farmland species were also affected by farming intensity and local landscape

20

simplification suggesting that they also could benefit of management policies reducing farming practice intensity and enhancing local habitat diversity. 6. Synthesis and applications. Low-input agri-environmental measures could benefit both farmland and non-farmland specialists, regardless of the local and landscape habitat context. Habitat composition simplification surrounding fields seems to have more impact on birds

25

than simplification at larger scale. Because of the known negative impact of simplification on

41

species diversity, we recommend habitat heterogeneity but a parsimonious one around fields to sustain both farmland specialist and surrounding communities.

Key words: Agricultural practices; Landscape composition; Species Specialisation 30

Index; Spatial autocorrelation; Birds

42

Introduction Agricultural intensification over the last 30 years is a major threat of species declines in Europe (Krebs et al. 1999; Donald, Green, & Heath 2001). In particular, Donald, Green, & 35

Heath (2001) showed a negative correlation between national farmland birds’ trends and national agricultural intensity indices across Europe. In order to study why species were declining in farmland habitat, many studies have investigated the demographic mechanisms likely to explain species declines, in focusing either on one or on a few farmland species (Potts 1980; Evans 2001; Brickle & Harper 2002; Boatman et al. 2004; Morris et al. 2005).

40

While some others considered the fate of the different species at the community level, using explicit measures for species functional traits (Siriwardena et al. 1999; Wretenberg et al. 2006, Holzschuh et al. 2007, Verhulst et al. 2007). This latter approach is particularly useful to shed light on underlying mechanisms leading to population declines following disturbance (Mc Gill et al. 2006) and often lead to the conclusion that intensive land use affects more

45

specialist groups than generalist ones which remained nearly unaffected. Actually, the farmland bird indicator which is now widely used is already based on the specialist-generalist concept (Gregory et al. 2005). However, this indicator considers species as being specialist or not despite the obvious continuum of specialisation among species (Fridley et al. 2007).

50

Here, we propose to refine this approach in considering a continuous habitat specialisation measure (SSI) proposed by Julliard et al. (2006), which allows to rank species along a specialisation gradient. We also considered the whole pool of species encountered in farmland rather than focusing only on the more specialised species. Beside intensive farming practices, which occur at the scale of the field, the loss of non-

55

crop habitats and the simplification of landscapes with increased proportion of arable fields are other threats that affect farmland biodiversity (Pain & Pienkowski 1997; Sutherland 2002;

43

Kleijn & Sutherland 2003). In farmland dominated landscapes, both heterogeneity and farming practices are also known to be crucial processes explaining community composition (Roschewitz et al. 2005; Schmidt et al. 2005; Duelli et al. 1997; Devictor & Jiguet 2007; 60

Schweiger et al. 2007). However, there is little knowledge about the relative effect of local and landscape scaled managements for biodiversity in agricultural landscapes (Tscharntke et al. 2005). Furthermore, despite the recent flush of papers incorporating scale issues in the analyses of the effects of agricultural intensification on local biodiversity (Gabriel, Thies, & Tscharntke, 2005; Purtauf et al. 2005; Roschewitz et al. 2005; Schmidt et al. 2005; Schweiger

65

et al. 2005; Batáry, Báldi, & Erdıs 2007; Holzschuh et al. 2007), very few investigated the differential effects of these scales according to the species level of specialisation. We expect that not all species have the same sensitivity to such habitat simplification. As increased proportion of arable area in the landscape is linked to agricultural landscape simplification (Pain & Pienkowski 1997), it can be thought that farmland specialist species

70

should be more likely favoured by simplification than abundant generalist ones. Indeed, the latter use various types of habitat in the matrix so that they should be more affected by the limited diversity of patches than specialists which are more dependent on one or few habitat types (Krauss, Steffan-Dewanter, & Tscharntke 2003). In addition, generalist species may obtain resources from various habitat patches and thus be more competitive in heterogeneous

75

landscape than specialists that could only forage in restricted habitat category (Julliard et al. 2006). Here, we propose to test the prediction that specialist species will be affected differently than generalist ones by agricultural practices’ intensity and habitat simplification (studied together) using a continuous indicator of species specialisation. We investigated this

80

expectation within 58 farms differing in their agricultural management intensity and landscape

44

structure. We thus expect that the more specialised a species, the less abundant in intensively managed fields and the reverse in highly simplified landscapes.

Methods 85

Study site The study was carried out from April to the 15th of June during two years (2006 and 2007) in 58 farms belonging to the Seine-et-Marne region (France) with 1-6 fields/ farm for a total of 142 sampled fields (Fig.1). The number of fields investigated within each of the 58 farms depended on the area of the farm and on the availability of cereal crops. Indeed, for

90

homogeneity reasons, we only focused on cereal fields (winter wheat and spring and winter barley). Our sample was composed of different levels of farming practices intensity with 12 organically managed farms (31 fields) (with neither pesticide nor inorganic fertilizers applications use) and 46 conventional farms (111 fields) managed in a more or less intensive manner, using various amounts of inorganic fertilizer and pesticides.

95

Indicators of agricultural practices intensity Information on the intensity of agricultural production was obtained for the 58 farms using a standardised questionnaire. Mean farm and field size were 162.47 ± 76.49ha and 11.49 ± 7.48ha, respectively. The intensity indicators: nitrogen input, rotation length, number of pesticide applications on winter wheat and yield of winter wheat were recorded. The winter

100

wheat was always the main arable crop (covering the largest area) in the rotation and its yield at the scale of the farm was highly correlated to the yields of other major crops (r2=63% and 67% with winter and spring barley, respectively) so that we assumed that all the other cereal fields were grown with the same intensity. The number of pesticide applications (herbicides, insecticides and fungicides) on winter

105

wheat was retained as a surrogate variable for agricultural practices’ intensity. Indeed, this

45

variable reflected both the amount of inputs in the field (to increase productivity) and the disturbance caused by each spray session induced by farming machines. This index was correlated to other farming intensity measures (Table 1) so that we only kept the number of pesticide as a proxy of agricultural practice intensity. Note that this index was also the most 110

reliable variable given by farmers because of its easy calculation and meaning. Finally, this surrogate also has a potential direct impact on communities as the negative effects of pesticides on birds have already been shown (Morris et al. 2005). The average number of pesticide applications was 3.85 ± 2.70 (min=0; max=9). The field size (ha) and its culture type at the moment of the study were obtained directly from the farmers as well.

115

Landscape simplification indicator Each surveyed field was digitized using the geographical information package ArcView 3.2 (ESRI 2000) from aerial photographs. Landscape features were obtained from the MOS (IAURIF 2003) which is a detailed regional geo-referenced database including the main habitats for the region in continuous polygons classified according to 83 categories. The

120

spatial resolution of this data base is 1x1 m and categories describe different habitats such as natural, arable or built up areas. A simplest classification comprising 9 habitat types was made according to their ecological meaning for birds (arable, forest, vertical feature (hedgerow or isolated tree), natural grassland, garden, built-up area, orchard, cut or clear forest, water). Habitat structure and composition were calculated within a 200 m radius buffer area around

125

the field margin and from 200 m to1000 m around each field using Patch analyst extension on ArcView 3.2. (Elkie, Rempel & Carr 1999). These two scales were chosen because we expect birds to be influenced by surrounding habitats (Devictor & Jiguet 2007). We also selected variables at a larger spatial-scale (1000m) to investigate whether local populations were influenced by the wider landscape context (1000m approximately corresponds to the home

130

range of most passerine studied birds).

46

We selected the proportion of arable land (ARABLE) as a measure of landscape simplification around the fields in reason of its closely negative correlation with other landscape metrics like natural non-crop habitat proportion (forest + vertical feature + natural grassland + water) or the habitat-type diversity (SDI) (non-crop habitat, local scale (200 m): r 135

= -0.91, P 200 100-200 200 120-200