Intervention de P. Traube La violence - SeGEC

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Il s'agit dès lors de repérer les facteurs favorisants actifs à l'école. ... Si on en reste là, on est dans l'illusion de la bonne communication, on réagit comme.
Intervention de P. Traube Ses références bibliographiques : ♦ ♦

Eduquer c’est aussi punir Violence : côté face et profil

Edition Labor octobre 2002-10-28 Edition Odin Décembre 2002

La violence Le sens des termes est importants Il existe une nuance fondamentale entre l’agressivité et la violence. Ces deux termes n’ont pas le même sens mais sont souvent confondus. Au niveau psychologique : dire qu’un enfant est violent n’a pas de sens. C’est faire de la violence un attribut de la personne. Chacun d’entre nous peut réagir de manière agressive. La violence surgit du fonctionnement des systèmes humains. C’est ainsi qu’on dira qu’un couple, un groupe social ou une classe est violent. La violence est bien un attribut des systèmes humains. L’école est par nature violente (elle est obligatoire et impose une pédagogie …) Un enfant est agressif : cela veut dire qu’il a une propension à passer rapidement à l’acte agressif. L’agressivité concerne un comportement. Patrick Traube nous communique 5 idées forces. Ces 5 postulats paraissent très importants si on veut vraiment comprendre la mécanique de la violence.1 1. Y a-t-il un endroit où la violence n’existe pas ? Le seul endroit qui lui est connu est le cimetière. Pourquoi ? Selon lui, là où il y a vie et à fortiori vie sociale, il y a des conflits, antagonismes et violence. La violence colle à la vie comme l’ombre à l’objet.

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Ces notes sont complétées par une autre conférence donnée par P Traube dans le cadre du séminaire « école et environnement social » à La Louvière

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Comment formule-t-on la question de la violence ? Souvent la question qui lui est posée est « comment éradiquer la violence ? » La seule solution lui semble alors de mettre un terme à toute forme de vie. La question ne peut alors que nous amener à l’impasse. La plupart du temps, la pertinence d’une réponse dépend effectivement de la formulation de la question. Un bon enseignant semble donc celui qui pose les bonnes questions … Pour espérer des formulations de réponses qui soient opérationnelles, il propose de se pencher sur une autre question : Comment allons-nous nous y prendre dans nos établissements pour canaliser la violence dans les voies les moins destructrices possibles (ou les plus constructives possibles) Cette formulation est beaucoup plus réaliste et donc beaucoup plus efficace si l’on veut vraiment travailler « sur » la violence

2. Il arrive qu’on lui pose la question suivante : dans telle ou telle situation, que dois-je faire ? Sa réponse est toujours la même : il faut d’abord COMPRENDRE Comprendre ne veut pas dire tolérer ou excuser. Comprendre est une démarche intellectuelle ; il s’agit bien de mettre du sens. La violence est un processus qui est régi par des lois. Avant la prescription, il est important de poser un diagnostic. Quand on intervient (réagit) « au petit bonheur la chance », on tombe sur un « quitte ou double » ; c’est comme si on jouait au combat naval. Nous ne pouvons pas faire l’économie de comprendre ce qui se passe ; il s’agit dès lors de connaître les tenants et aboutissants de la situation. Les acteurs apparents du conflit ne sont pas toujours les acteurs réels. Il est vrai que comprendre prend du temps, mais … que de temps gagné.

3. On entend souvent dire : s’il y a tant de violence, c’est à cause du chômage, d’autres rétorquent que c’est çà cause de la démission des parents ; d’autres encore accusent la société de consommation… Qui a raison ? Qui a tort ?

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Il est évident qu’il existe un lien entre le chômage et la violence, tout comme il y a un rapport entre l’attitude démissionnaire des parents et la violence des enfants. Cependant, là ou le bât blesse, c’est qu’on s’exprime en terme de raisonnement disjonctif (c’est à cause de ça ou de ça) Or, s’il y a une éruption de violence, on ne peut l’expliquer avec un facteur unique. Nous nous trouvons devant un phénomène plurifactoriel ; c’est-à-dire qu’il s’agit de cela ET ça ET ça ET … A partir du moment où on a vraiment une démarche de travail à ce sujet, on constate effectivement que ♦ Les facteurs de violence dont multiples ♦ L’ensemble de ces facteurs se regroupe en 3 familles. ⇒ Les facteurs favorisants : le terrain favorable ⇒ Les facteurs déclenchants : la goutte d’eau qui fait déborder le vase (le déclic) ⇒ Les Facteurs renforçants : la matière influençable… les autres qui prennent part au conflit La question de l’action et de la stratégie Dans cette matière, mieux vaut prévenir que guérir. C’est donc un gain de temps pour la remédiation. Sur quels facteurs jouent ces stratégies ? Pas sur les facteurs déclenchants ; il existe inévitablement des situations où il y a un risque d’explosion Sur les facteurs favorisants et renforçants Il s’agit de la stratégie du jardinier qui consiste à travailler le terrain pour être le moins favorable à l’éclosion de systèmes violents (rackets, vols, « jeux »,…) La question à se poser est bien de savoir « Comment nous allons faire pour que le terrain (humain, social) soit le moins favorable possible à l’émergence de la violence ? » Il s’agit dès lors de repérer les facteurs favorisants actifs à l’école. Une remarque sur le discours ambiant dans le monde psy : il est important de mieux communiquer ♦

Dans un système humain, mieux on communique, moins on a recours à l’acte agressif (on met en place des lieux de parole …)

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MAIS ♦

Si on en reste là, on est dans l’illusion de la bonne communication, on réagit comme si la vie était un long fleuve tranquille

Pour prévenir la violence, il est possible de travailler sur différents « claviers » : ⇒ Le clavier attitudinal (attitudes relationnelles) ⇒ Le clavier situationnel (lieu scolaire, lieu de vie, environnement physique) Les facteurs situationnels inducteurs de violence sont les suivants : Espace vital : exiguïté, empiètement… La grandeur de la bulle de l’un n’est pas la grandeur de la bulle de l’autre. Les caractéristiques de l’environnement physique : la lumière, l’utilisation de tels ou tels matériaux, de telle ou telle couleur. Le non-accès aux sources de valorisation et de gratification L’incapacité à modifier une situation frustrante. Si on peut agir sur la frustration, on la vit plus positivement. Si on ne peut pas agir sur la source de la frustration, « on pète les plombs ». Ceci fait partie intégrante de la mission de l’école et est de constater qu’on a tous un pouvoir bien plus grand qu’on ne l’imagine. Les modèles violents ambiants (vie réelle ou fiction). La violence est bien un mode de communication. Si, jadis encore, on parlait de l’effet cathartique de la violence, on en vient actuellement à considérer l’importance de la théorie mimétique (voir des images fortes titille la pulsion agressive surtout si l’on s’aperçoit que la violence est un système de communication pertinent qui porte ses fruits.) La présence visible d’armes. Posséder une arme est une incitation à s’en servir. « Avec une arme à feu, le doigt tire sur la gâchette mais la gâchette attire le doigt. » La carence de règles (règles absentes, injustes, arbitraires, l’impunité …) La carence en stimulation La déresponsabilisation quant aux conséquences des actes.

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La procédure se déroule en trois temps : Ce n’est certes pas une recette ; il est important de se poser des questions sur son propre fonctionnement . Si l’on veut vraiment travailler de manière efficace : a. Observer pour poser un diagnostic (en prenant le temps) b. Agir sur les facteurs favorisants. Il y a un choix à faire (sur quels facteurs allons-nous travailler ?) c. Evaluer de manière interne (après 6 mois ou un an). Si la stratégie s’est avérée efficace, c’est « OK », dans le cas contraire, on commence une nouvelle stratégie.

4.

La violence est un mode de communication

On entre ici dans ce qui va à l’encontre de l’opinion commune et est assez choquant. Souvent, on entend dire lors de conseil de classe ou des réunions de famille, que tel enfant EST violent. Pour le psychologue, cet énoncé n’a aucun sens parce qu’il consiste à considérer la violence comme un trait de personnalité. Or, la violence n’appartient pas à la personne, mais naît ENTRE les personnes. •

La violence est un production de relations. Elle n’est pas intrapsychique mais interrelationnelle.



L’agressivité, quant à elle, est intrapsychique. Tout être vivant porte en lui une impulsion agressive qui est vitale.

On peut donc dire que le comportement de X est agressif, que ce qu’il fait relève de l’agressivité, mais pas qu’il est agressif. S’il n’y a pas d’agressivité, il n’y pas de pulsion de survie. Ce qui définit effectivement une conduite agressive est la notion de préjudice à soi ou à autrui. La violence est donc bien un mode de communication. •

Quand je n’apprends à communiquer que par la violence, quand lorsque pour communiquer, je dois crier ou taper, ce n’est pas un mode de communication à encourager.



Cependant, c’est sans doute la moins mauvaise des solutions trouvée parce qu’elle est l’ultime rempart contre la folie ; La folie étant ici décrite comme l’absence de communication. La violence est aussi l’ultime rempart contre la mort.

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5. La violence est toujours une réponse à une autre violence Ce matin, je me lève de bonne humeur. Je regarde par la fenêtre et vois alors un spectacle innommable. La rue a été vandalisée. Ma réaction immédiate est de me dire : « merde … les salauds » On ne peut alors s ‘empêcher de dire ou de penser qu’il s’agit là de violence gratuite. Pour les psychologues, la violence gratuite n’existe pas. 1. La violence est toujours une réponse à une autre violence. 2. La violence est toujours une réponse à ce qui est subjectivement perçu par l’individu comme une violence qui lui est faite. Le problème est qu’on ne connaît pas toujours l’origine de cette violence ; souvent la violence est cachée. La violence est donc un phénomène réactionnel.

Les multiples visages de la violence Il existe La violence physique dirigé vers autrui ou vers soi La violence psychologique dirigée vers autrui ou vers soi La violence cachée chronique (institutionnelle et virulente) La violence visible et aiguë La violence actualisée (par des actes) La violence réprimée La violence individuelle La violence groupale La violence sociétale On a souvent ten,dance à oublier que la violence psychologique est de loin la plus mortifère. On peut vraiment détruire quelqu’un sans le toucher (sans stigmate, sans trace) Il existe aussi la violence extra punitive (vers soi). Souvent, quand je ne peux dériver ma pulsion agressive vers quelqu’un, je la retourne contre moi. D:\Documents\fedefoc\spécialisé\outils en ligne\violence conférence de TRAUBE.doc

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Quelques mots concernant la relation pédagogique, la relation éducative. A. Il est important de ne jamais oublier (toujours penser) que la relation éducative ne peut en aucun cas être une relation de séduction ; sinon, je quitte mon rôle parce que séduire, c’est vouloir plaire. Donc, dès ce moment, dans la relation que j’ai avec l’autre, ton désir devient roi. La règle est à double visage : la loi est à la fois aliénante et structurante. ♦ ♦

Elle est aliénante parce que certaines choses sont interdites ou obligatoires et on coupe réellement mon désir. Par ailleurs, elle est structurante parce qu’elle offre des balises et des repères.

Si je ne m’inscris pas dans cette perspective, je confonds les rôles. Cela suppose alors une attitude personnelle qui est de soutenir la haine de l’enfant Exemple : J’ai un garçon de 7 ans qui est turbulent Mais quand je dis non, dans les secondes, dans les minutes, dans les heures qui suivent, il me déteste. Le problème est que bien souvent, les parents ou les enseignants n’arrivent pas à assumer cette charge de haine. Il est très difficile de se faire violence quand on aime son enfant. B Il existe des règles éducatives et anti-éducatives (et il en va de même pour les sanctions) Une règle éducative est positive, plus structurante qu’aliénante. Il est important de choisir la règle qui soit la moins aliénante possible. Quelques caractéristiques concernant les règles ♦

Il faut que la règle existe (souvent dans les écoles, si l’on se pose la question de savoir ce que dit la règle par rapport à tel « délit », on se rend vite compte que la règle n’existe pas).



Il faut que la règle soit écrite (il ne s’agit pas d’une charte de vie commune, mais bien d’un ROI-règlement d’ordre intérieur)



Il faut que les règles soient pertinentes çàd adéquates et légitimes. Si un enfant demande pourquoi ça, il faut lui expliquer (et non justifier) la légitimité de la règle et pas lui répondre « c’est comme ça ». Souvent, cela apparaît comme allant de soi. Il est cependant important de réfléchir au fait qu’à partir du moment où je suis

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soumis à une règle dont je ne comprends pas la légitimité, je la vis comme persécutive « juste là pour faire chier le peuple ». ♦

La règle doit être juste, çàd pas à géométrie variable (dépendante de mon humeur et de mon bon vouloir) sinon, elle devient tout à fait arbitraire. Si l’on veut instiller la violence, on instille directement un sentiment d’injustice.



La règle doit être sanctionnée en cas de transgression ; sinon la règle est de la « foutaise ».

ETRE Permission Vécu Désir

FAIRE Interdit Acte

Non reconnu Culpabilité Respect

Déresponsabilisation Règle Sanction

Dévalorisation Sentiment d’injustice, d’arbitraire Voici quatre cadres qui vont de pair. Quelques commentaires : • • •

Le respect de la personne est de la sollicitude. La relation pédagogique n’est pas une relation d’amour, mais une relation de respect. Le respect consiste à être congruent avec l’édiction de règles claires et congruentes

Les deux cadrans du haut : Respecter, c’est lui permettre l’expression de son désir, de ses sentiments, de ses émotions. On attend vraiment d’être entendu dans ce qu’on vit, sans pour autant demander de conseils. Exemple : Par rapport à la colère, je peux entendre qu’il a envie de lui casser la figure. Je dois accepter. Je peux aussi entendre qu’il est fâché. Je peux dire : j’entends ton désir (lui casser la figure), je vois que tu es fâché mais je ne peux accepter que tu le frappes. L’interdit porte donc sur le faire. Certains désirs sont tabous. Or, ce ne sont pas les désirs qui sont coupables, mais bien les actes qui sont interdits. Il y a une distinction très importante à faire. D:\Documents\fedefoc\spécialisé\outils en ligne\violence conférence de TRAUBE.doc

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Dans le travail avec les enseignants ou les parents, ce que nous faisons spontanément est la jonction entre deux choses qui doivent absolument être séparées : ♦ ♦

L’expression de l’émotion (et l’adulte y a droit aussi) L’édiction de la sanction

Or, si on fait les deux en même temps, après coup, on s’aperçoit que la sanction est disproportionnée ou inapplicable. On en arrive bien souvent à la perte de toute autorité. Si l’on dissocie bien les deux : a. Je peux me mettre en colère, b. je peux annoncer qu’il y aura une sanction, mais retarder le moment de la sanction. L’étiquetage est une forme de violence qui fait partie des violences quotidiennes. Pour être maturative, une sanction doit être : • • • • •

Responsabilisante Non humiliante Réparatrice Non excluante Sur le même mode que la transgression.

Or, souvent, il y a un chiasma : des sanctions disciplinaires pour des transgressions pédagogiques et des sanctions pédagogiques pour des transgressions disciplinaires. Il existe une différence fondamentale entre le fait de se soumettre au pouvoir de l’adulte et obéir à la loi. La violence culturelle est dans les mots

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