La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots ...

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1 avr. 1981 ... Les mots pour dire Coluche : entre music-hall et politique. . . 28. A.Coluche ... B. La candidature de Coluche, entre farce et acte politique. . . 33.
Bozonnet Grégory

La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux.

mémoire de fin d’études

sous la direction de Denis Barbet, maître de conférence en science politique. séminaire : mots & symboles du politique

soutenance le 5 septembre 2007 IEP de Lyon

Université Lumière Lyon-2

Table des matières Avant-propos . . Introduction . . Titre 1. Les mots pour dire Coluche dans la presse nationale . . I. Une étude quantitative des journaux montre d’importantes disparités diachroniques dans le traitement de sa candidature dans la presse. . . A. Une grande disparité quantitative au niveau des différents quotidiens nationaux .. B. Une plus grande uniformité au niveau des hebdomadaires . . II. Les mots pour dire Coluche : entre music-hall et politique. . . A.Coluche, candidat ou homme de spectacle ? . . B. La candidature de Coluche, entre farce et acte politique. . . Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne de Coluche . . I. Les mots analysés mettent en relief la prise de position des journaux . . A. Les mots les plus récurrents mettent en relief les positionnements les plus tranchés . . B. L’utilisation des autres mots indique tout autant le positionnement et permet d’établir un classement. . . II. Le positionnement des journaux confirmé par les thèmes abordés . . A. Les journaux qui soutiennent Coluche crient à la « censure ». . . B. Les différentes manières d’aborder les thèmes de la campagne coluchienne révèlent la prise de position des journaux. . . Conclusion . . Bibliographie . . Livres de citations . . Recueils d’écrits et de caricatures de et à propos de Coluche . . Bandes dessinées, Albums . . Articles de presse . . Autres ouvrages . .

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Avant-propos C' est l'histoire d'une passion... Difficile d'en dater le début, difficile d'en trouver l'élément déclencheur sans tomber dans le biais de la réécriture de l’histoire a posteriori. Ce qui est certain c’est que cette passion pour Coluche a commencé alors que j’étais jeune, très jeune, en découvrant un vieux 33 tours sur une étagère. Je ne comprenais pas toutes les références mais j’étais d’ores et déjà conquis par l’humour. Puis la passion a pris corps. De vide-greniers en vide-greniers, j’ai commencé une véritable collection. Les disques tout d’abord, puis les livres. Il me fallait comprendre toutes les références, tout connaître. Cette passion, je l’ai gardé en moi en intégrant Sciences Po, et ce mémoire en est en quelque sorte l’aboutissement. Un de mes objectifs à terme - comme tout collectionneur - est de réunir l’intégralité de ce qui a été écrit sur Coluche. A travers ce travail, j’ai progressé en réalisant ce vœu sur la période de sa campagne pour l’élection présidentielle de 1981. Ce mémoire est aussi pour moi l’occasion de faire un véritable premier travail de recherche. La recherche, passion découverte au hasard d’un cours de sociologie à l’I.E.P., passion à laquelle j’entends consacrer ma vie. Le résultat de l’union de ces deux passions, vous l’avez entre les mains, et j’espère que vous prendrez autant de plaisir à le lire, que j’en ai eu à l’écrire.

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Introduction

Introduction « C’est l’histoire d’un mec… Vous la connaissez ? Non ? ». 19 mai 1974. Soir de l’élection de Valéry Giscard d’Estaing au poste de président de la République Française. La France entière est devant son téléviseur à attendre l’intervention du leader de la gauche défait pour la deuxième fois consécutive, François Mitterrand. Ce dernier ne parlera pas avant 23 heures, les chaînes de télévision doivent donc combler le temps libre. Paul Lederman, grâce à ses qualités d’impresario a réussi à placer sa nouvelle découverte, un certain Michel Colucci. Le style est novateur, un sketch d’une dizaine de minutes, où il ne se passe quasiment rien, mais où l’humoriste ne manque pas de placer quelques petites répliques qui font mouche (« Un mec normal. Blanc. ») et qui laissent transparaître un nouveau langage à la télévision. Le public adore, le public adhère. Le phénomène Coluche vient de naître. A partir de cette soirée, il fera salle comble à chaque spectacle, il sera même le premier comique à vraiment « vendre » des disques. Ni Lederman, ni Coluche, n’oublieront qu’ils doivent en grande partie ce succès à la médiatisation de l’élection présidentielle. Sept ans plus tard, Valéry Giscard d’Estaing vit une fin de mandat difficile. Le nombre de chômeurs franchit la barre symbolique des 1,5 millions, l’inflation dépasse les 13%… Mais ce qui pénalise avant tout le président ce sont les affaires. La plus célèbre d’entre elles reste l’affaire des diamants. Ces diamants offerts par l’empereur de Centre-Afrique (Bokassa) au président Giscard. Diamants qu’il a nié avoir reçus dans un premier temps, puis qu’il a déclaré avoir vendus. Il doit s’expliquer devant les citoyens, il apparaît mal à l’aise, bafouillant, « le roi Giscard » semble affaibli. « Le roi », surnom qui sonne comme une des critiques les plus récurrentes adressées au président en exercice et qui lui a valu une célèbre « une » du Nouvel Observateur que vous découvrirez un peu plus loin. Les Français semblent en effet très critiques à l’égard de cette monarchisation de la fonction présidentielle. En novembre 1980, Le Monde fait paraître un sondage qui révèle que « 65% des français ne veulent plus des princes qui les gouvernent ». Les critiques concernant la noblesse du président pleuvent, candidat à sa réélection il tentera de paraître plus proche du peuple que durant son premier mandat à la tête de l’Etat. L’enquête sur la mort de Robert Boulin, ancien ministre du Travail en exercice retrouvé mort le 30 octobre 1978, est longue et ne fournit pas vraiment d’éléments concrets. Cet événement marque l’opinion et amène Michel Rocard à « s’étonner qu’autant d’hommes 1 politiques disparaissent de mort violente » . Nous ne pourrons pas passer en détails toutes les critiques adressées à Valéry Giscard d’Estaing ; notons qu’en cette période d’élection un projet fait beaucoup parler de lui, celui de la loi « sécurité et liberté ». Interrogé par Le Monde à ce sujet Guy Bedos qualifiera 2 cette loi de « néo-fascisme mou » , mais ce qui, vraisemblablement, affaiblira davantage le président, c’est l’échec de sa politique économique. La crise mondiale ne pouvait épargner la France bien longtemps, mais en nommant le « Joffre de l’économie » à la tête du gouvernement, VGE avait signalé sa volonté de réussir dans ce domaine. Coluche attaque 1 2

PFISTER (Thierry), « Que faire de Coluche ? », Le Nouvel Observateur, 8 décembre 1980, n° 839, p.40 LHOMEAU (Jean-Yves), « Un entretien avec Monsieur Guy Bedos », Le Monde, 3 décembre 1980, n°11 148 p.1

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le bilan économique de ce gouvernement dans une de ses célèbres phrases publiées quotidiennement dans les colonnes de Libération entre novembre 1980 et janvier 1981 : « Hausse des prix : la France en tête… Les usines ferment, les régions meurent… Raymond 3 Barre invente le chômage central. » . Dans son célèbre sketch « Votez Nul », l’humoriste résumait ce septennat en quelques bons mots : « Valéry Giscard d’Estaing, on lui a demandé l’autre jour et il a répondu : « je suis au trois quarts satisfait ». Voyez-vous : un million huit cent mille chômeurs, la hausse des prix, le déséquilibre du commerce extérieur ; c’est que les trois quarts de ce qu’il peut faire. Moi à votre place je voterai encore pour lui, il va faire mieux ce mec là ! ». Il n’est pas prouvé que ce soit cette consigne de vote qui ait changé les choses, mais Giscard semble assuré de sa réélection. Dans un texte de soutien à Coluche sur lequel nous reviendrons plus tard nous pouvons lire « plus rien ne pourra changer le résultat final : la corruption, les scandales, la crise, le mécontentement populaire, les atteintes aux Droits 4 de l'Homme, n'y feront rien. » Nous pourrions nous étonner qu’après toutes ces critiques, VGE paraisse aussi sûr d’être à nouveau élu. Cette réélection programmée est vue par Coluche comme une « mauvaise nouvelle », pour lui si « Giscard gagne dans un fauteuil… les français perdent 5 les élections ». Mais cette probable réélection n’est pas le fruit du hasard. L’union de la gauche a volé en éclat en 1978 après l’échec des négociations sur la réactualisation du programme commun. En 1981, ce ne sera pas un mais plusieurs candidats de la gauche qui affronteront le président sortant au premier tour. Le parti socialiste et le parti communiste se renvoient la responsabilité de cet échec, ce qui contribue à leur perte de crédibilité et renforce Giscard dans les sondages. Nous pouvons de plus noter que ces mêmes sondages semblent montrer que le candidat souhaité par les sympathisants socialistes serait Michel Rocard. François Mitterrand sera pourtant à nouveau désigné pour affronter le président sortant. Coluche dira d’ailleurs tous les soirs dans son spectacle au théâtre du Gymnase qu’il a « peut-être raté le certificat d’études, mais que lui ne l’a pas tenté trois fois ». Il le raillera aussi à travers cette petite phrase : « 11 novembre, journée des anciens combattants de 6 14-18 : Mitterrand se présente. » Raymond Barillon reviendra dans les colonnes du Monde sur cette situation de la, voire des, gauche française. Pour lui, « le premier degré de la désunion, celui de la guerre entre le P.C.F. et le P.S. qui rendait impossible, par définition, une candidature unique de la gauche, est dépassé. On est désormais au second, celui de la querelle double au sein du P.S. et du P.C.F., puisqu'il est évident que M. Mitterrand ne sera pas le candidat de tous les socialistes 7 et que M. Marchais n'est pas celui de tous les communistes. » Guy Bedos conclue, «Il y a 8 des gens, en 1974, qui voulaient changer la vie. Et puis ils ont changé d'avis. »

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Libération, 13 novembre 1980, n°2099, p.08 « Coluche aussi a ses intellectuels pétitionnaires », Libération, 19 novembre 1980, n°2104, p.8 Libération, 8 novembre 1980, n°2095, p.07 Libération, 10 novembre 1980, n°2096, p.07 BARRILLON (Raymond), Résurgences, Le Monde, 21 novembre 1980, n° 11 138, p.10 LHOMEAU(Jean-Yves), « Un entretien avec Monsieur Guy Bedos », Le Monde, 3 décembre 1980,n°11 148 p.1

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Introduction

L’élection de 1981 aura donc des allures de « remake », « qu’est-ce qu’on joue au 9 deuxième tour ? Mitterrand - Giscard. C’est con j’ai déjà vu le film » écrira Coluche. Mais « tous les observateurs s’accordent à penser » que « les présidentielles seront des 10 11 "élections pour rien" » et que corollairement la « campagne s'annonce assez terne » . On lira dans les colonnes du Monde que ce sont des élections « pour le principe, puisque "les jeux sont faits", que le président de la République sortant est, paraît-il assuré 12 de sa réélection. » , les journalistes de Charlie Hebdo qualifient même cette élection d’« escroquerie ». « Un loto dont le numéro gagnant serait connu d'avance serait bien une 13 escroquerie, non ? »

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COLUCHE, Libération, 23 décembre 1980, n°2133, p.8 NAJMAN (Maurice), « Coluche l’anti-candidat : "J’irai jusqu’au bout" », Libération, 31 octobre 1980, n°2088, p.1 et p.24 er « L'effet Coluche », Le Matin de Paris, 1 novembre 1980, n°1146, p.2 LHOMEAU (Jean-Yves), « Coluche ou la campagne imprévisible », Le Monde, 12 décembre 1980, n°11 156, p.10 CAVANNA, « Qu’est-ce qu’il peut-il arrêter Coluche ? », Charlie Hebdo, 11 février 1981

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Face à cette élection qui s’annonce « courue d’avance », et particulièrement morne, un homme a décidé de mettre son grain de sable, Coluche. Difficile de savoir comment l’idée de se présenter à cette élection est née, il y a débat. Cette campagne serait partie d’une idée de son ami, le cinéaste Romain Goupil, qui pensait ainsi contourner la censure dont Coluche s’estimait victime après son renvoi de Radio Monte Carlo. L’idée pouvait se résumer ainsi, si Coluche est candidat il bénéficiera d’un temps d’antenne où il serait libre de dénoncer ce qu’il entend sans risque de se faire renvoyer. Cette idée va être soigneusement distillée à qui veut l’entendre pendant plusieurs mois. Ainsi, en mars 1980, on peut déjà lire dans les colonnes du Monde, « Je vais probablement me présenter aux élections présidentielles. Comme candidat nul, pour faire voter les non-votants. Mon argument principal sera ne pas 14 être élu. » . Au fur et à mesure que l’on approche de l’annonce officielle, Coluche multiplie ce type de déclaration. « J'attends avec impatience les élections pestilentielles. Je souhaite 15 me présenter » déclarait-il dans les colonnes du même journal en octobre 1980 cette fois ci. Il n’aura pas attendu très longtemps, le 20 octobre 1980, le premier communiqué de presse annonce officiellement la candidature de l’humoriste et prévient qu’une conférence de presse sera tenue au Gymnase, dix jours plus tard. Le rendez-vous est pris. Le 30 octobre toute la presse et toutes les télévisions seront présentes. Coluche va tenir une vraie conférence de presse, certes plus drôle que celles des autres candidats mais qui fait tout de même passer un message : « Je m'adresse à ceux qui ont voté à gauche pendant 30 ans pour rien. Car, malheureusement, elle n'a rien fait. Je fais partie de ceux qui ont mis pas mal d'espoir dans la gauche. Mais en arrêtant leur programme commun, ils ont décidé de ne pas être élus. Je m'adresse aussi à ceux qui ont voté à droite 16 pendant 30 ans pour rien non plus. Vous en connaissez des promesses tenues ? ». Il ajoutera, « Depuis trente ans, ils votent pour des gens compétents et intelligents qui les prennent pour des imbéciles. Aujourd’hui je leur propose de voter " pour un imbécile ». « D’habitude, ils votent pour rien » : en choisissant Coluche, « ils voteraient " pour quelqu'un qui n'est rien " sinon un " abstentionniste professionnel " et qui, d'ailleurs, ne voudrait pas être élu et ne se présentera qu'au premier tour, les gens sérieux pouvant toujours, au second 17 tour, faire le choix qui comptera. » C’est à cette candidature « du plus connu et du plus populaires des candidats 18 atypiques » que nous allons nous intéresser. Plusieurs ouvrages ont d’ores et déjà été réalisés sur ce sujet, mémoires, thèse, biographies, ouvrages de témoins, documentaires, un film est même en projet pour le printemps prochain. Difficile dès lors de présenter une vision nouvelle de cet événement ? Rien n’est moins sûr. Beaucoup de ces ouvrages font des raccourcis, énoncent des idées préconçues sans jamais vraiment prouver quoi que ce soit. C’est notamment le cas du traitement médiatique de cette candidature. Tous les ouvrages se réfèrent à la censure, aux journaux amis ou ennemis de Coluche mais aucun n’entre vraiment dans les détails. C’est à partir de ce constat que l’idée de travailler sur le traitement médiatique de la campagne de l’humoriste est née. Difficile de travailler sur la censure, d’autant plus qu’elle touche surtout les radios et télévisions et que l’objectif de notre 14 15 16 17 18

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FLEOUTER (Claude), « La politique me fait rire », Le Monde, 27 mars 1980, n°10936, p.13 FLEOUTER (Claude), « « Je voudrais être candidat aux prochaines élections » », Le Monde, 4 octobre 1980, n°11 097, p. 27. NAJMAN (Maurice), « Coluche l’anti-candidat : « J’irai jusqu’au bout » », Libération, 31 octobre 1980, n°2088, p.1 et p.24 er LA BARDONNIE (Mathilde), « Coluche candidat : sérieux », Le Monde, 1 novembre 1980, n°11121, p.8 FULIGNI (Bruno), Votez fou !, Paris, Horay, 2007, p. 124

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Introduction

travail était de travailler sur les mots. Alors c’est à l’autre idée reçue que nous allons nous attaquer. Qui sont les journaux amis et ennemis de Coluche ? Comment les reconnaître ? C’est autour de ces quelques questions qu’a commencé notre travail, puis il s’est affiné. Pour se centrer sur un seul sujet, les mots pour dire Coluche. Précisons. Les mots pour dire Coluche, c’est une formule qui englobe toutes les périphrases utilisées pour éviter de répéter à longueur d’article Coluche, Coluche, Coluche. Nous avons aussi pris en compte toutes les personnes et événements passés auxquels Coluche pouvait être comparé, et enfin nous avons étudié les mots renvoyant à la campagne de l’humoriste. La campagne de Coluche a généré un débat passionné. On adore, on déteste, mais on peut difficilement être indifférent à cet événement. Tous les journaux ont donc, tôt ou tard donné leur position sur la campagne de l’humoriste. Notre travail a donc pour but d’analyser les mots qui permettent de mieux comprendre le positionnement des journaux. En fin de compte tous ces mots vont contribuer à construire l’identité des journaux, au sujet de Coluche en tout cas. Le principe de démonstration impose une certaine rigueur scientifique, c’est pourquoi nous allons réaliser cette étude en deux temps. D’abord nous nous évertuerons à présenter les éléments objectifs du traitement de la candidature de Coluche dans la presse pour ensuite analyser le positionnement de chacun des journaux en montrant en quoi il est lié aux mots utilisés pour dire Coluche. Nous avons retenu pour cette analyse les titres suivants, nous expliquerons par la suite le pourquoi de ce choix : Charlie Hebdo, L’Humanité, Libération, Le Matin de Paris, Le Nouvel Observateur, Le Monde, L’Express, Le Point, Le Figaro et Minute. Nous avons récolté tous les articles se rapportant à la candidature de Michel Colucci et nous les avons analysés sous un axe quantitatif et qualitatif. Ainsi, au risque de rendre ennuyeux ce qui ne l’était pas, nous allons présenter tout d’abord les mots pour dire Coluche, en nous appuyant dans un premier temps sur l’acception quantitative du terme puis en présentant qualitativement ces mots, pour ensuite montrer en quoi ce sont d’excellents révélateurs du positionnement des journaux évoqués.

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Titre 1. Les mots pour dire Coluche dans la presse nationale

I. Une étude quantitative des journaux montre d’importantes disparités diachroniques dans le traitement de sa candidature dans la presse. Dans ce premier temps de notre réflexion, nous allons nous intéresser à la quantité d’articles parus à propos de la candidature de Michel Colucci dans la presse nationale. Nous avons décidé de séparer les journaux quotidiens des hebdomadaires. En effet, les premiers sont plus à même de réagir à l’actualité alors que les seconds réaliseront plutôt des études de fond de cet événement. Nous avons réuni cent cinquante et un articles de quotidiens et trente cinq articles d’hebdomadaires. Pour être intégré au corpus, le sujet principal de l’article devait être la candidature de l’humoriste ; nous n’avons pas retenu les articles se contentant d’allusions, ce qui ne signifie pas pour autant que nous n’y ayons pas prêté attention. Nous commencerons par analyser la place réservée à la candidature de Coluche dans la presse quotidienne, en montrant la grande disparité que l’on trouve entre les différents titres, pour ensuite montrer qu’il existait une plus grande hétérogénéité quantitative au niveau de la presse hebdomadaire.

A. Une grande disparité quantitative au niveau des différents quotidiens nationaux Afin de reproduire au mieux la diversité qui existe au sein de la presse quotidienne nationale française, nous avons décidé de réunir tous les articles des quatre grands quotidiens nationaux, représentant tous plus ou moins un courant politique. Pour représenter le parti communiste, nous nous sommes penché sur L’Humanité, qui à l’époque en était l’organe officiel. Libération couvre la gauche non-communiste, Le Figaro reflète l’opinion de la droite gouvernementale alors que Le Monde se veut « journal de référence ». Jean-Michel 19 Vaguelsy , m’a conseillé, lors d’un entretien, de me pencher sur le journal Le Matin de Paris qui faisait régulièrement écho à la candidature de son ami. Ce quotidien, proche du parti socialiste, a donc été ajouté aux quatre précédents. Afin de montrer au mieux l’inégalité de traitement de cette candidature entre les différents journaux que nous venons de citer, nous avons réalisé le graphique de la page précédente. Celui-ci représente le nombre de mots employés par chaque quotidien à propos de la campagne de Coluche. Seul le journal Le Monde est doté d’un index dans lequel sont 19

Jean-Michel VAGUELSY était un ami de Coluche, il a tenu auprès de lui différents postes notamment celui de « bureau politique

ambulant » pendant la campagne présidentielle de l’humoriste. Il est l’auteur de Coluche, roi de cœur, Paris, Plon, 2002.

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répertoriés tous les articles par thème et par année, ce qui garantit l’exhaustivité du corpus de ce journal. Les autres titres ne disposant pas d’index, la recherche a dû s’effectuer page par page, ce qui pourrait expliquer l’éventuel oubli d’un article. Nous allons voir dans un premier temps que les différents quotidiens traitent massivement de cette candidature (semaine 1 à 7), pour ensuite montrer que les articles se raréfient.

a) L’encre coule à flot en début de campagne…

La campagne présidentielle de Coluche durera en tout et pour tout vingt-trois semaines, du 29 octobre 1980 au 5 avril 1981. Pourtant, plus de la moitié des cent cinquante et un articles de notre corpus sont parus dans les sept premières semaines de cette campagne, c’est à dire avant le 21 décembre. Le graphique que nous avons réalisé prend en compte le nombre de mots, plutôt que le nombre d’articles, afin d’éviter la sur-représentation des journaux utilisant fréquemment les brèves et afin de montrer au mieux les variations quantitatives du traitement médiatique de la candidature de Coluche dans le temps. La première chose qu’il convient de noter réside dans le fait que tous les journaux ne commencent pas à traiter cette candidature au même moment. Si Libération, Le Monde 20 et Le Matin font paraître des articles dès la conférence de presse tenue par l’humoriste 20

Les journalistes du Matin de Paris, nomment eux-mêmes leur quotidien Le Matin, nous utiliserons donc fréquemment cette

appellation.

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au Théâtre du Gymnase, qui rappelons-le a eu lieu le 30 octobre 1980, il faudra attendre le 18 novembre pour lire quelques lignes à ce sujet dans Le Figaro et le lendemain dans L’Humanité. Une grande disparité est cependant à noter entre les trois journaux cités précédemment : Libération fera paraître six articles au cours de ces trois semaines, alors que Le Monde n’en écrira que deux et Le Matin, un. Lors de ces trois premières semaines, les journaux analysent principalement les raisons de cette candidature ainsi que le soutien de Gérard Nicoud. Ce dernier, alors secrétaire général du CID-UNATI, annonce, lors de son discours de passation à son successeur Pierre Forestier, que son syndicat apportera son soutien à la candidature de l’humoriste. Le CID-UNATI est le syndicat représentant les petits commerçants et artisans, il se veut apolitique mais reste souvent associé au poujadisme, ce mouvement politique et syndical qui revendiquait la défense des commerçants et des artisans et condamnait l'inefficacité du parlementarisme tel qu'il était pratiqué sous la Quatrième République.

La quatrième semaine est donc marquée par l’entrée en scène de l’ensemble des journaux. On note que L’Humanité fait une entrée discrète avec un seul article de deux cents mots. Libération et Le Figaro se retrouvent au même niveau ; notons tout de même que le premier a écrit quatre brefs articles, alors que le second écrit un long article afin de donner sa position sur la candidature de Coluche. Cette quatrième semaine est marquée par le soutien d’intellectuels, ce qui sera à l’origine de très nombreux articles. Pour la première fois, ce n’est pas Libération, mais Le Matin qui traite quantitativement le plus de cette campagne du « candidat-nul ». Le Monde, fera paraître quasi quotidiennement un article traitant de cette candidature. En l’espace d’une semaine, ce quotidien écrira neuf articles pour un total de plus de trois mille mots. Le soutien des intellectuels se traduit par une pétition parue dans Les nouvelles 21 littéraires du 13 novembre 1980. Cette pétition sera retranscrite en intégralité dans 22 Libération et on en retrouvera des extraits ou un commentaire dans tous les quotidiens, 21 22

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Les nouvelles littéraires, 13 novembre 1980, n°2762, p.4 « Coluche aussi a ses intellectuels pétitionnaires », Libération, 19 novembre 1980, n°2104, p.8

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excepté Le Figaro. L’initiative revient à Felix Guattari, psychanalyste, auteur avec Gilles Deleuze de L’anti-Œdipe – Capitalisme et schizophrénie, 1972. Il a vu en Coluche la possibilité de critiquer la fonction de Président de la République ; il réunira autour d’une pétition des intellectuels de gauche que Jean-Michel Vaguelsy qualifie d’« intellectuels 23 soixante-huitards moins à la mode au début des années 80. » Selon lui, ces intellectuels « de gauche, ou plutôt d’extrême gauche » retrouvent dans le souffle libertaire de Coluche des « traces de leurs théories », ils sont aussi « sensibles à son appel aux minorités, à la façon dont il pointe une démocratie verrouillée (…) ». On retrouve ainsi Gilles Deleuze, Jean-Pierre Faye, Jean Chesneaux, ainsi que Pierre Bourdieu, mais aussi des magistrats, souvent issus du syndicat de la magistrature, qui ont pour objectif de dénoncer les articles 16 et 49-3 de la Constitution, la loi « sécurité et liberté » ainsi que la loi du 18 juin 1976, portant à cinq cents le nombre de signatures d’élus nécessaire pour pouvoir se présenter au premier tour de l’élection présidentielle. Coluche gardera toujours une certaine distance avec l’engagement de ces intellectuels. Lors de la réunion organisée au Procope, l’humoriste se retirera au moment où les propos trop sérieux se sont mis à pleuvoir (« Il faut aller au Larzac », « il faut créer un parti »…). Quand André Bercoff a demandé à Coluche ce qu’il pensait des intellectuels qui avaient signé pour lui, l’humoriste a répondu : « qu’ils 24 sont malades. » Alors que la campagne bat son plein, un événement va lui faire prendre une tournure beaucoup plus tragique. Le 26 novembre 1980, le corps de René Gorlin - régisseur lumière de l’humoriste - est retrouvé sur un chantier. En une semaine, dix-huit articles, pesant un quart des mots écrits au sujet de Coluche pendant sa campagne, vont être publiés. Même si tous les articles ne traitent pas de cet événement, tous les journaux en feront part, à l’exception de L’Humanité. Cet événement va peser fortement sur le moral du candidat. Certains sous-entendent même que ce crime pourrait être lié à sa candidature, nous reviendrons en toute fin de notre réflexion sur les importantes différences de traitement qu’a connu cet événement. Journée noire dans une campagne censée être loufoque. Mais cette cinquième semaine de campagne est en fait - avant tout - l’occasion pour les journaux de donner leur position sur cette candidature. Le Matin de Paris réservera deux jours consécutifs une double page à ce phénomène, une pour présenter la candidature, l’autre pour ouvrir un débat au sein de sa rédaction. Le Monde commente abondamment les autres journaux, alors que Libération fera paraître onze articles (pour un total de huit mille mots) en l’espace d’une semaine. Libération laissera aussi une place très importante aux fans de Coluche dans ces colonnes « courriers des lecteurs ». Le traitement massif de la candidature du comique dans la presse s’achèvera à la fin de la septième semaine, soit à la mi-décembre. En effet, il faudra attendre la 21ème semaine et le retrait de la candidature de Coluche pour retrouver plus de cinq mille mots écrits au sujet de l’humoriste, tous journaux confondus. Cette semaine située entre le 1er et le 7 décembre est marquée par l’apparition du premier sondage prenant en compte la possibilité de voir l’humoriste présent au premier tour de l’élection présidentielle de 1981. Il paraît le 2 décembre dans les colonnes du Quotidien de Paris. Le résultat va surprendre la France entière, Coluche est crédité de 10 à 12,5% d’intentions de vote. En fait, il récolterait 10% des suffrages si Michel Debré se présentait, et 12,5% si ce dernier renonçait à sa candidature. Bien sûr, ce n’est qu’un sondage, bien sûr on remarque que le nombre de nonréponses diminue lorsque l’option Coluche est proposée, bien sûr il est impossible de savoir combien de personnes ont répondu Coluche dans le simple but de tourner en dérision le 23 24

VAGUELSY (Jean-Michel), Coluche, roi de cœur, Paris, Plon, 2002, p.38-39 BERCOFF (André), « Ma journée avec Coluche », Elle, 5 janvier 1981, n°1586

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sondage, en un mot il n’est bien sûr pas possible de savoir combien de réponses Coluche se transformeraient en vote Coluche si l’humoriste se présentait au premier tour, mais, ce sondage va faire couler beaucoup d’encre. Tous les journaux le commenteront tôt ou tard, même si Le Figaro et L’Humanité n’écrivent pas une ligne à ce propos dans un premier temps. Cette même semaine Coluche recevra une lettre de menace signée « d’honneur de la police », groupe clandestin d’extrême droite qui a notamment revendiqué l’assassinat de Pierre Goldman. Il sera aussi abondamment question de censure, puisque l’émission à laquelle le « candidat-nul » devait participer sur Radio 7 sera décommandée. Les trois journaux les plus prolixes sur la candidature de Coluche feront état de ces deux événements, Le Figaro, quant à lui ne traitera que le premier. 25

On trouvera dans Le canard enchaîné , une formule amusante reprenant ces deux événements de la campagne de l’humoriste, « Coluche censuré et menacé, pour bien enfoncer le clown ».

b)… puis se raréfie. Nous reviendrons en seconde partie sur le débat autour de l’éventuelle censure qu’aurait subi Coluche, il est toutefois important de noter que Coluche ne réapparaîtra pas en direct à 26 la télévision après l’émission de Guy Lux sur TF1 le 10 décembre 1980 . Le 10 décembre est aussi une date charnière en ce qui concerne la presse écrite. Comme on le voit sur le graphique ci-dessous, après cette date, le nombre d’articles parus dans Le Figaro et L’Humanité est quasi-nul, les parutions diminuent également drastiquement du côté du Monde et du Matin, seul Libération maintient sa publication à un niveau sensiblement similaire alors que ce quotidien cessera sa parution le 2 février 1981. Coluche fera pourtant preuve d’imagination pour attirer les médias à lui. Nous verrons les divers événements crées de toutes pièces qui vont d’une conférence à Polytechnique au geste le plus désespéré que sera sa grève de la faim.

25 26

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Le canard enchaîné, 3 décembre 1980, n°3136, p.8

VAGUELSY (Jean-Michel), op. cit., p.56

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Mais tout d’abord, commençons par rappeler que Coluche est présent dans la presse nationale à travers de multiples sondages. Ils sont souvent commandés par la presse hebdomadaire, comme nous verrons par la suite, et commentés dans les quotidiens. Ce sujet représente un volume d’une vingtaine d’articles répartis équitablement entre la presse quotidienne et la presse hebdomadaire. Le Figaro et L’Humanité ne commenteront jamais ces sondages, à l’opposé, le Matin consacrera quatre articles à ce sujet, trois pour Libération, deux pour Le Monde. Résumons en quelques lignes la fulgurante ascension de Coluche dans les sondages. Tout commence au milieu du mois de novembre. Un bruit circule dans « les milieux autorisés » que l’humoriste pourrait être crédité de 10% des intentions de vote dans un sondage test 27 de la SOFRES . Le bruit a dû arriver jusque dans les couloirs du Nouvel Observateur qui décide à l’occasion de son numéro consacré à « La France de Coluche » de sonder ses 28 lecteurs, 27% d’entre eux se déclarent disposés à voter pour Coluche . Le Monde écrit une 29 brève sur le sujet . L’inquiétude commence à se faire sentir dans le milieu politique. Bernard Pons, président du Rassemblement Pour la République déclarera d’ailleurs le lendemain dans les colonnes de Libération qu’« un sondage sur Coluche n’a aucune signification 30 politique » . Le mouvement est lancé, on ne fera plus marche arrière, l’Express utilise un sondage par panel sur lequel on reviendra plus tard, cet hebdomadaire en retire que 42% de son panel est indifférent à la candidature de l’humoriste. Puis sort le premier « vrai » sondage, nous en parlions auparavant, il est paru le 2 décembre 1980 dans les colonnes du Quotidien de Paris, il crédite Coluche de 10 à 12,5% des intentions de vote. Les articles 27 28 29 30

ROLAND-LEVY (Fabien), «Les sondeurs vont devoir pêcher le Coluche », Libération,15 novembre 1980, n°2101, p.8 « Pour ou contre Coluche », Le Nouvel Observateur, 17 novembre 1980, n°836, p. 52 « Coluche à la « une » du Nouvel observateur », Le Monde, 16 novembre 1980, n°11 134, p. 5 « Pons… », Libération, 17 novembre 1980, n°2102, p.6

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pleuvent à ce sujet, Libération titre « un sondage qui fait du bruit » . Guattari commente pour le compte du Nouvel Observateur les résultats qui selon cet hebdomadaire mettent fin à « la bande des quatre ». Le soufflé n’aura pas le temps de retomber que déjà le Journal du Dimanche fait paraître un second sondage. Les résultats de celui-ci ont souvent été mal interprétés. On a généralement dit que Coluche était à ce moment là à 16% des intentions de vote. Ce n’est pas tout à fait exact, il n’était pas demandé aux gens s’ils allaient voter pour Coluche, mais s’ils avaient envie de voter pour lui. Les 16% retenus, sont en fait la part des gens qui a répondu qu’ils avaient tout à fait envie de voter pour l’humoriste. Il faut noter que seuls 36,6% des sondés ont répondu qu’ils n’avaient pas du tout envie de voter pour le comique. Le Matin et Libération, commentent tous deux abondamment ce sondage, Le Monde, à l’instar des autres quotidiens nationaux n’en dira rien. Alors que L’Express et Le Point continueront à faire paraître Coluche dans leur sondage jusqu’au 24 janvier pour le premier (dernier sondage présentant Coluche à 5,5% des intentions de vote) et jusqu’au 16 février pour le second (dernier sondage présentant Coluche à 6,5% des intentions de vote), dans la presse quotidienne nationale seul Le Matin continuera à analyser ces enquêtes d’opinions. Le Figaro commande des sondages mais sans inclure la possibilité de la présence de Coluche au premier tour. Le Matin traite tout d’abord d’une enquête SOFRES montrant que 49% des sondés trouvent Coluche sympathique alors que 20% seulement approuvent sa candidature. Ce quotidien publiera le 8 janvier un dernier article intitulé « le cas Coluche » expliquant à quel point il est difficile de mesurer l’impact du « candidat-nul ». Avant d’en venir aux événements crées par le candidat pour animer sa campagne, nous allons faire un nouveau bref détour par le sujet de la censure. Ce n’est pas ici le lieu pour s’interroger sur l’existence – ou non – de cette censure. Mais il faut tout de même noter que dix-sept articles sont parus à ce sujet dans les articles sélectionnés parmi les cinq quotidiens retenus. Ces articles se répartissent de la manière suivante : six articles dans Le Monde, six dans Libération et cinq dans Le Matin. Ces articles reviennent essentiellement sur la censure d’une partie de l’émission de fin d’année de Stéphane Collaro où l’on voyait Coluche animer son premier « conseil des sinistres ». Pour passer outre la censure, le candidat Coluche va multiplier les événements. Tout d’abord il y aura la conférence à Polytechnique. Valéry Giscard d’Estaing devait se rendre dans cette prestigieuse école, mais il a finalement dû se décommander. L’idée d’inviter Coluche pour le remplacer est imputable à un élève de l’école aspirant à devenir président du bureau des élèves. En effet, deux listes s’opposent pour l’élection du BDE de l’école Polytechnique, la campagne fait rage, alors pour marquer, l’une des listes décide d’inviter le « candidat-nul ». La conférence est un vrai succès, Coluche marquera des points dès son entrée grâce à cette formule reprise dans les journaux : « Giscard devait venir aujourd'hui, dès qu'il ne peut pas, il m'envoie à sa place. ». Le public se prend au jeu, même sur les blagues antimilitaristes. Aucune radio, aucune télévision n’est présente. Cependant, quatre articles paraîtront dans la presse, 80 mots pour celui de L’Humanité, 177 mots dans Le Matin de Paris, 639 mots pour l’article du Monde ; la palme de l’article le plus fourni revient à Libération et ses 859 mots. Un peu moins d’un mois plus tard, pour marquer la rancœur de Coluche vis à vis de la presse française, l’humoriste donnera la primeur d’une information à la presse angloaméricaine, il a obtenu les cinq cents signatures. A vrai dire, il en aurait même 632. Il s’est fait très discret tout au long de sa campagne sur son nombre de signatures, il affirmait que c’était pour que les maires ayant promis la leur ne soient pas soumis à des pressions. Il ne 31

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« Un sondage qui fait du bruit… », Libération, 3 décembre 1980, n°2091, p.9

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montre pas ces 632 signatures mais affirme que « la preuve sera faite si besoin est. [Il] les 32 montrera à un journaliste dont le journal a été correct avec [lui]. » Cet événement ne fait réagir que trois quotidiens, Libération lui accorde une « une » et un long article alors que Le Monde n’écrit que 313 mots à ce sujet, Le Matin 149. Avant que Coluche ne mette fin à sa campagne on peut noter un dernier élément. Il va tenter de fédérer les petits candidats. Cet acte de campagne se divise en deux parties, il fera tout d’abord un appel à la fédération des petits candidats dans les colonnes de 33 Libération le 19 janvier 1981 , déclaration reprise le lendemain dans une brève du Monde. Puis dans un second temps, Coluche organisera une conférence de presse avec d’autres petits candidats. Cette conférence de presse a lieu le 3 mars 1981. Entre temps, le titre Libération s’est mis en sommeil pour quelques temps. Au départ il s’agissait de cesser la parution de ce quotidien pour quelques jours, finalement ceci s’est transformé en plusieurs mois puisque le journal a cessé de paraître du 2 février au 13 mai 1981. Le but de cette cessation temporaire d’activité était de reparaître sous le même nom mais avec une nouvelle formule pour permettre au journal de survivre à la grave crise financière qu’il traversait. Privée de son journal le plus prolixe, la candidature de Coluche se replie sur Le Monde et Le Matin qui feront tous deux paraître un article sur cette fédération des petits candidats, le premier y consacrera trois cents mots, le second plus du double. Quelques jours plus tard Le Figaro sortira de son mutisme et fera paraître une brève de 79 mots sur la convocation de Coluche au Quai des orfèvres pour avoir fait la u« une » du numéro de décembre 1980 d’Hara-Kiri en portant ostensiblement une fausse médaille de la légion d’honneur. Le Matin reprendra cette information sur une brève d’une centaine de mots. Aucun autre journal ne commentera. Cet événement sera peut-être l’événement de trop. On sait que Coluche commence à souffrir de cette campagne d’autant plus, que son couple bat de l’aile. Il n’en fallait pas plus pour qu’il renonce.

32 33

UZTARROZ (Ricardo), « Coluche : « j’ai déjà 632 promesses de signatures » », Libération, 10 février 1981, p.8 NAJMAN (Maurice), « Coluche aux « petits » : « faisons bloc » », Libération, 19 janvier 1981, n°2154, p.8

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« Moi, mon pote, à la première menace, j'arrête tout. » déclarait Coluche en octobre 1980 à son ami Cavanna. Il aura mis longtemps après les premières menaces pour annoncer qu’il se retirait. C’est un télégramme laconique qui annonce son intention d’arrêter, il est signé des mains de son producteur Paul Lederman, le 15 mars 1981. Le lendemain paraît un nouveau quotidien Charlie Matin, qui s’annonce être un journal né pour lutter contre « la bêtise de la presse » et concocté par l’équipe de Charlie Hebdo. Ce quotidien va faire paraître un article signé par Coluche et expliquant pourquoi il n’est plus candidat.

« Je ne suis plus candidat. J’ai voulu remuer la merde politique dans laquelle on est, je n'en supporte plus l'odeur. J'ai voulu m'amuser et amuser les autres dans une période d'une très grande tristesse et d'un grand sérieux. C'est le sérieux qui vient de gagner. Eh bien, tant pis. Des gens seront déçus. Je le suis aussi. Je suis déçu de mes droits civiques. J'arrête parce que je ne peux pas aller plus 35 loin. » Coluche conclura cet article par ces termes « Messieurs les hommes politiques de métier, j’avais mis le nez dans le trou de votre cul, je ne vois pas l’intérêt de l’y laisser. Amusezvous bien mais sans moi. ». Le Figaro va faire paraître le même jour une brève de 37 mots annonçant le retrait de la candidature de Coluche tandis que Le Matin consacrera une « une » et un article de plus de six cents mots à cet événement. Le format du Monde - qui paraît à Paris en fin d’après-midi contraindra ce quotidien à faire paraître son article, de plus de mille cinq cent mots à ce sujet, le lendemain. Paradoxe amusant, au moment où Le Monde annonce donc « Coluche n’est plus candidat », Coluche tient une conférence de presse pour annoncer que sa candidature repart et que tout ceci n’était qu’un canular pour faire revenir les médias à lui. Résultat, le jour où Le Monde fait paraître cet article, Le Matin de Paris titre en une « Coluche ne renonce plus ». Le Monde et Le Figaro reprendront la plume le lendemain, le premier pour un article de trois cents mots intitulé « Coluche fait croire qu’il est encore candidat » et le second pour un article qui ne citera pas le nom de l’humoriste mais qui pourtant s’y réfère implicitement derrière le sujet « présidentielles, pourquoi cinq cents signatures ». Le Figaro ne fera plus allusion à Coluche durant cette élection présidentielle. A l’issue de la conférence de presse où le « candidat-nul » annonce qu’il n’a pas renoncé à sa candidature, il fait un repas copieux. Repas qui sera officiellement le dernier jusqu’à ce que les émissions politiques de référence que sont le « club de la presse » et « carte sur table » lui soit accordées. Seul Le Matin de Paris suit cette grève de la faim publiant trois articles dont une interview à ce sujet. Tandis que Le Monde ouvrira ces colonnes à Coluche pour qu’il donne son opinion sur la société française, dans un article plagiant le titre du l’ouvrage que Valéry Giscard vient alors de faire paraître, « L’état de la France ». Afin de mettre un terme dignement à cette candidature, Paul Lederman, fait hospitaliser Coluche, ce sera le dernier événement d’une campagne aux rebondissements pas toujours maîtrisés.

34 35

18

CAVANNA, « Coluche président », Charlie Hebdo, 29 octobre 1980, n°520, p.3

COLUCHE, « J’arrête », Charlie matin, 16 mars 1981, n°1, p.1et p.3

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Maintenant que nous venons de retracer la candidature de Coluche à travers la quantité d’articles parus dans la presse quotidienne, nous allons nous pencher sur la presse hebdomadaire, certes moins fournie quantitativement mais tout aussi intéressante car très encline à des prises de positions plus tranchées. Mais avant ceci, nous voudrions noter que Libération a consacré pendant cette période cinq « unes » au sujet de la campagne de l’humoriste, Le Matin quatre, Le Monde deux, L’Humanité et Le Figaro une seule.

B. Une plus grande uniformité au niveau des hebdomadaires Afin de présenter au mieux le traitement quantitatif nous avons réalisé un graphique similaire à celui des quotidiens présentant les quatre titres retenus. Comme pour les quotidiens nous avons essayé de représenter au mieux la diversité politique au travers des différents titres. L’hebdomadaire choisi pour refléter au mieux la gauche non-communiste est Le Nouvel Observateur. L’Express se revendique neutre, il est pourtant à travers ces articles qualifiable de journal du « centre-droit », Le Point semble être un peu plus à droite. L’analyse réservée au dernier journal – Minute - sera partielle et superficielle du fait de sa singularité. Si ce journal fait parti de notre corpus, c’est uniquement parce qu’un de ses articles a été repris régulièrement et parce que Coluche avait beaucoup souffert de la campagne de diffamation que cette publication avait lancé contre lui. Nous n’analyserons pas davantage ce titre qui tiendra des propos racistes à l’encontre de Coluche. Outre ces journaux, nous avons bien sûr analysé Charlie Hebdo, l’organe de presse officiel de la campagne de l’humoriste et Le Canard Enchaîné, mais leur format satirique original ne permet pas la comparaison quantitative, c’est pourquoi nous traiterons ces journaux à part.

a) Un démarrage plus lent de la campagne… Nous venons de présenter une chronologie de la campagne en deux parties. Nous allons garder cette division même si nous nous attacherons à montrer qu’elle est en fait moins cohérente en ce qui concerne les hebdomadaires. Nous verrons donc dans ce Bozonnet Gregory - 2007

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premier temps le comportement des hebdomadaires sur les sept premières semaines de la campagne pour ensuite traiter les semaines suivantes. Un constat s’impose immédiatement : la campagne de Coluche ne commence pas au même moment dans les hebdomadaires et dans les quotidiens. Personne n’en fait état avant la quatrième semaine. Etrangement, alors que les hebdomadaires n’en avaient pas parlé auparavant, c’est au cours de la quatrième semaine qu’ils seront les plus prolixes au sujet de la candidature de Coluche. Il faut dire qu’au cours de cette semaine du 17 au 23 novembre 1980, Le Nouvel Observateur va faire la « une » sur ce sujet. Une « une » vendue à grand coup de renfort de publicité. Une « une » annoncée par la presse, autrement dit une « une » qui devient à elle seule un événement. Nous verrons ci-dessous que les publicités ont été diverses et variées, elles sont allées jusqu’à prendre place en « une » du Matin de Paris. Publicités tellement présentes que Le Monde a réalisé une brève consacrée à cette « une » du Nouvel Observateur. Il faut dire qu’il y avait à cela plusieurs raisons. Tout d’abord, comme nous le signalions, aucun hebdomadaire ne s’était penché sur cette candidature auparavant. Notons, ensuite, que ce numéro du 17 novembre aurait dû consacrer sa « une » à François Mitterrand. En effet, quand Michel Rocard s’était déclaré candidat à la candidature, la couverture du Nouvel Observateur lui était allouée. Or, quelques jours avant la sortie de ce numéro,

François Mitterrand annonçait à son tour sa volonté d’être le candidat du Parti Socialiste. Jean Daniel, alors rédacteur en chef du Nouvel Observateur, n’a jamais caché que cet hebdomadaire souhaitait à travers cette « une » sur Coluche montrer sa préférence pour M. Rocard. 20

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Notons que ce numéro est aussi – et surtout – une réussite commerciale. La publicité 36 a fonctionné, le numéro s’est écoulé très rapidement. Selon Jean-Michel Vaguelsy , l’hebdomadaire aurait augmenté de 65% ses ventes sur ce numéro. Trois articles font en fait état de la candidature de Coluche. Le premier est l’éditorial de Jean Daniel, intitulé « de Coluche à Peyreffite ». C’est un long éditorial de deux pages partagé entre la candidature de Coluche et l’attaque du Garde des sceaux contre Le Monde qui jetterait du discrédit sur la justice dans ses colonnes. Par cet éditorial, Jean Daniel entend donner la position de ce journal sur le « candidat-nul ». Un article entier sera par la suite entièrement réalisé à cet effet. Cet article intitulé « La France de Coluche » fait état de l’avancement de la candidature de Coluche. Il présente l’accueil réalisé par les partis politiques à la candidature de Coluche, le déroulement de la campagne de l’humoriste, ses soutiens, ses projets. Enfin, le dernier article est en fait un « sondage-minute ». 500 lecteurs parisiens du journal ont été interrogés par téléphone. Autant dire que le sondage n’est absolument en rien représentatif. Aucune répartition par âge, ni par sexe. On sait que les lecteurs de cet hebdomadaire sont majoritairement socialistes, il n’y a donc aucune répartition par appartenance politique, on note de plus que tous les électeurs sondés sont originaires de la capitale, il n’y a donc pas plus de répartition géographique. Difficile de donner du crédit à ce sondage, toutefois comme nous le disions auparavant, ce sondage a généré beaucoup d’émules et pour cause, en voici les résultats : La candidature de Coluche vous est-elle… sympathique ? ………………………………………………………48 % antipathique ?……………………………………………………….10 % indifférente ?……………………………………………………….. 42 % Voterez-vous Coluche au premier tour ? Oui :……………………………………………………………………...27 % Non :……………………………………………………………………..73 %

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VAGUELSY (Jean-Michel), op.cit., p.43

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Le numéro du 17 novembre sera un tel succès, que Le Nouvel Observateur va avoir du mal à s’en détacher. Dans les numéros suivants, l’hebdomadaire devra publier un article sur « les retombées » de son dossier au sujet de « La France de Coluche ». La semaine suivante, c’est le courrier des lecteurs qui reviendra abondamment sur ce numéro événement. Il faudra en fait attendre le 8 décembre pour qu’il aborde un nouveau sujet : « Que faire de Coluche ? ». On voit sur le graphique qu’un autre hebdomadaire démarrera le traitement de la campagne de l’humoriste en même temps que Le Nouvel Observateur, il s’agit de L’Express. Bien que ce magazine ne réalise pas la « une » sur le sujet, ce magazine fait aussi une entrée « en fanfare ». Deux articles, un sondage, pour un total de trois mille six cent quarantecinq mots (contre quatre mille trois cent un pour Le Nouvel Observateur). L’article le plus long est intitulé : « L’effet Coluche », c’est dans celui ci que l’on retrouve aussi un pseudosondage. Celui-ci est encore moins représentatif que celui du Nouvel Observateur. En effet, il s’agit d’un sondage par panel. Un panel représentatif de la société française car leurs témoins « ont été sélectionnés de manière à représenter, dans les proportions exactes de la réalité française, les sexes, les classes d'âge, les catégories socio-professionnelles, les sympathies partisanes... » 37 . Mais un panel, de seulement deux cents cinquante personnes, ce qui ne peut pas vraiment être analysé en soi. Ce type de sondage sert en fait uniquement à interroger plusieurs fois le même panel sur des sujets similaires mais dans un temps différents. Il permet quand les réponses sont nettes de mettre en relief des tendances. Il sera pourtant analysé dans les colonnes de cet hebdomadaire comme n’importe quel sondage « valable ». Les résultats sont indiqués ci-dessus.

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Après ce numéro, L’Express n’écrira plus une ligne au sujet de Coluche jusqu’à ce qu’il consacre un numéro spécial à sa candidature. Ce numéro intitulé « La vraie nature de Coluche » paraîtra au cours de la neuvième semaine nous y reviendrons donc en détails ultérieurement. Le Point et Minute apparaissent pour la première fois dans notre graphique au cours de la cinquième semaine. C’est aussi en cela que la couverture du Nouvel Observateur est un événement. C’est, en effet, en partie parce que cet hebdomadaire a sorti son numéro spécial que ses confrères ont réagi. Il faut aussi noter que cette cinquième semaine correspond à la période la plus prolixe dans la presse écrite. On peut donc aussi tout naturellement considérer que si ces deux hebdomadaires viennent à leur tour à traiter la candidature de l’humoriste, c’est tout simplement parce qu’à cette période, c’est un événement dont il faut parler. C’est d’ailleurs la conclusion de l’article publié par le Point : « On peut aimer ou détester leur numéro, on peut aimer ou, redouter ce qu'ils annoncent, on ne peut pas les ignorer. » Dans cet article André Chambraud établit un parallèle entre Coluche et Marie-France Garaud, il traite essentiellement du pourquoi de cette candidature. Le second article paru, « le candidat de la coulisse », traite davantage du spectacle de Coluche au Gymnase que de politique. A partir de ce numéro, il y aura presque toujours une place pour Coluche dans les colonnes du Point et ce jusqu’à la dix-septième semaine. Pendant les semaines six et sept, on peut toutefois noter que les articles parus sont un peu à contre courant. Cet hebdomadaire fait paraître un article traitant de la mort de René Gorlin et des 37 autres ennuis de Coluche et un autre sur les précédents candidats comiques à l’élection 38 présidentielle . Pendant ce temps là, Le Nouvel Observateur se demande « que faire de Coluche ?» et Minute commence sa campagne de diffamation contre l’humoriste, narrant un événement qui se serait passé dans les locaux de la P.J.. On sait que Coluche s’est énervé au moment où un policier lui a demandé, alors qu’il s’était déjà plié au protocole quelques jours auparavant, de décliner son identité. Mais dans Minute cette scène tourne au pugilat, 37 38

REVERIER (Jean-Loup), « Les embarras de Coluche », Le Point, 8 décembre 1980, n° 429, p.57-58 er JEANNENEY (Jean-Noël), « Un clown chasse l’autre », Le Point, 1 décembre 1980, n°428, p.50-51

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La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux.

nous reviendrons en seconde partie sur cet événement. Dans un article intitulé, « docteur Althusser et Mister Coluche », ce « journal » établit un parallèle entre les deux hommes. Coluche serait selon ce journal le penseur de la gauche pendant qu’Althusser est mis au ban de la société dans un asile pour avoir étranglé sa femme (« Althusser trop fort » se 39 serait-elle exclamée ). Outre ces titres notons que la campagne bat son plein dans les colonnes de Charlie Hebdo. On en retrouve quelques présences dans Le Canard Enchaîné mais cela reste faible et éparse. Cet hebdomadaire satirique ne fera en fait paraître qu’un seul article que nous citions en introduction. Article qui affirmait que si Coluche fait de la politique c’est parce que la politique est devenue un « show permanent ». Au delà de cet article, Le Canard fait paraître quelques brèves et essentiellement des caricatures, on aura l’occasion d’en trouver quelques reproduction dans ce mémoire, toutes les autres sont disponibles sur le CD-ROM d’annexes. Si le Parti Communiste peut compter sur L’Humanité pour battre campagne, il ne fait aucun doute que Coluche aussi avait un fidèle allié. Charlie Hebdo était l’organe officiel du « parti coluchien ». Dès le 22 octobre 1980, Charlie fait sa « une » sur le candidat Coluche. La semaine suivante, cet hebdomadaire fait paraître « l’appel historique », appel que nous reproduisions auparavant, mais aussi une longue interview du « président Coluche ». Puis, la semaine d’après, l’hebdomadaire satirique publie un article et la liste des 151 soutiens à la candidature de Coluche. Mercredi 12 novembre, l’équipe de Charlie fait paraître un appel aux élus, avec ce slogan : « signez ou je pète », Siné se penche sur la candidature de son ami, et Coluche commence à remplir la page des « couvertures auxquelles vous avez échappées ». Les slogans et idées les plus loufoques vont fleurir dans ce journal, ainsi dans le numéro suivant, on apprend que les stations de métro votent Coluche (« avec Coluche, davantage de changement »), tout comme les autruches, ou le fils du Général de Gaulle, parce que Coluche lui « rappelle son papa ». C’est à la date du 26 novembre que commence la parution de « Coluche hebdo ». Une double page (parfois plus) consacrée à Coluche et à ses supporters. Ceci n’empêche pas pour autant que le reste du journal traite de « la candidature du gros ». Le supplément « Coluche hebdo » paraîtra chaque semaine, sans faute, jusqu’au 4 mars 1981 (inclus). A noter qu’en plus d’avoir de nombreuses « unes », la dernière page de Charlie sera consacrée à la candidature de Coluche chaque semaine jusqu’à la fin du mois de janvier. Après un démarrage un peu plus lent de la campagne dans les colonnes des hebdomadaires, l’événement a rapidement pris de l’ampleur dans celles-ci, nous allons voir que par la suite, il va s’essouffler tout aussi vite.

b)… et une quasi-absence des hebdomadaires en fin de campagne Nous affirmions que les hebdomadaires réagissent moins aux faits d’actualité lors de cette campagne. Ceci est tout à fait visible sur le graphique. Après la sixième semaine, où tous les hebdomadaires ont réalisé un article sur Coluche excepté L’Express, on ne verra jamais plus de deux hebdomadaires faire paraître un article au sujet de Coluche dans la même semaine. Bien sûr quand nous parlons d’absence des hebdomadaires nous ne nous référons pas à Charlie Hebdo, qui sera fidèle jusqu’au bout de l’opération de l’humoriste. L’hebdomadaire satirique lui réservera toujours toute une série de caricature, et quelques articles. Cette absence est par contre valable pour quasiment tous les hebdomadaires. A compter de la quatorzième semaine, il n’y aura que Le Point qui consacrera deux micros 39

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Denis Barbet, cours de vie politique française et contemporaine, dispensé en première année à l’IEP de Lyon.

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- articles à l’humoriste. Notons d’ailleurs tout de suite que parmi ces deux articles un seul traite directement de la candidature (il s’agit du sondage dont nous parlions auparavant), l’autre traite du spectacle de Coluche. Cet hebdomadaire abordera la campagne de Coluche soit à travers des sondages soit en le mettant en parallèle avec sa vie de comédien, c’est notamment le cas dans l’article paru le 22 décembre, « Coluche : "Y s'marre, le mec !" ». L’article de la semaine 12, qui correspond au 19 février est en fait un long commentaire d’un sondage IFOP dont une mince partie est consacrée à Coluche. L’événement dans la presse hebdomadaire de la seconde partie de cette élection c’est bien sûr le dossier réalisé par L’Express sur la « vraie nature de Coluche ». La « une », et quatre articles lui seront consacrés, on comprend tout de suite mieux pourquoi L’Express ne parlait plus de Coluche depuis quatre semaines. Un travail considérable a été réalisé pour en venir à ce résultat. Un article réservé à « la vraie nature de Coluche », cet article est basé sur une question des plus simples, Coluche.« est-il bon, est-il méchant ? ». Un premier article analyse ses faits et gestes en tant qu’homme. Un second est consacré à établir un parallèle entre Coluche et Poujade, nous n’allons pas trop nous attarder sur ce point, nous avons déjà établi un bref aperçu de qui était Poujade lorsque nous parlions du CID-UNATI et nous allons, par la suite, lui consacrer une place plus importante. Cet article intitulé un « avatar du poujadisme », va jusqu’à mettre en place deux photos parallèles (voir CD-ROM) de Coluche et de Poujade, pour en montrer les similitudes. Enfin, les deux derniers articles s’interrogent sur la place de Coluche dans les sondages et sur la façon dont Coluche traite les journalistes. L’article sur la vraie nature de Coluche va donner des idées à un journaliste de Minute, 40 déjà auteur d’un article sévère qualifiant l’humoriste de « salopard en salopette » , ce lanceur de brûlot va faire paraître une photo anthropométrique de l’humoriste. Cette photo est issue d’un fichier de police de 1963 faisant état d’un vol d’un millier de franc environ chez un commerçant de Dinanrd. On sait que Coluche a très mal vécu cette attaque. Interrogé à ce sujet, Jean-Michel Vaguelsy nous a répondu que cet article était « une catastrophe. Ça signifiait que les autorités étaient prêtes à tout pour mettre fin à la candidature de Coluche. 41 Les journalistes ne pouvaient pas avoir cette information, elle venait donc des flics. » . Un fichier comme celui-ci est, en effet, censé demeurer confidentiel. Après avoir quasiment disparu du graphique, Le Nouvel Observateur fait une nouvelle percée à la fin de celui-ci. Cette fois-ci l’hebdomadaire ne s’intéresse plus à ce qu’il doit faire de Coluche, mais à la censure qui lui a été infligée. Notons que Le Nouvel Observateur est le seul hebdomadaire avec Charlie Hebdo à aborder ce thème de la censure. Pour finir sur cet aspect quantitatif quelque peu technique et difficile à présenter, nous allons faire une synthèse de ce que nous avons venons d’expliquer en enlevant le côté diachronique afin que l’on voie bien la plus grande uniformité des hebdomadaires que nous annoncions en introduction.

40 41

BRIGNEAU (François), « Celui par qui Coluche est arrivé », Minute, 17 décembre 1980, n° 975, p.7-8 Interview de Jean-Michel Vaguelsy, 13 Juillet 2007.

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A travers ces deux graphiques nous voyons très nettement que l’uniformité de traitement quantitatif de la candidature de Coluche est une réalité beaucoup plus marquée du côté des hebdomadaires que du côté des quotidiens. On voit bien que trois grand quotidiens se partagent la quasi-totalité des articles publiés sur Coluche dans la presse quotidienne nationale. Du point de vue de la presse hebdomadaire, si on exclut le journal Minute, les trois autres titres sont quasiment à égalité, il n’y a que Le Nouvel Observateur qui fait paraître un peu plus d’articles sur la candidature de l’humoriste.

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Ce dernier graphique pour mettre en relief l’intégralité du nombre de mots utilisé par journal au sujet de la candidature de Coluche. Ce schéma confirme une fois de plus la grande uniformité des hebdomadaires, d’un point de vue quantitatif, puisqu’ils sont tous regroupés en milieu de tableau, derrière les trois quotidiens les plus prolixes mais devant les deux quotidiens qui traitent peu de cette candidature. Notons tout de même qu’il y a une grande différence quantitative entre les quotidiens et les hebdomadaires. Puisque Le Monde, qui est le quotidien le moins prolixe parmi les journaux qui traitent le plus de la candidature de l’humoriste, fera publier deux fois plus de mots que L’Express, qui est pourtant l’hebdomadaire qui fera paraître le plus grand nombre de mots à ce sujet. Nous venons de présenter une vision quantitative des mots écrits au sujet de la campagne présidentielle du candidat Coluche, nous retiendrons les grandes disparités apparentes entre les différents titres de la presse quotidienne nationale. Nous allons maintenant, nous pencher sur les mots en eux-mêmes, en examinant ceux qui sont mots utilisés pour désigner Coluche et sa campagne.

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II. Les mots pour dire Coluche : entre music-hall et politique. Nous l’annoncions auparavant, afin de présenter au mieux le panel des mots utilisés pour désigner la campagne de Michel Colucci, nous allons séparer ces mots selon qu’ils désignent l’humoriste ou sa campagne. Nous verrons par conséquent, les images et termes politiques – ou non – pour désigner cet événement après avoir étudié les mots pour présenter le candidat en lui-même.

A.Coluche, candidat ou homme de spectacle ? A travers ce premier temps de notre analyse des mots consacrés par la presse à la candidature du fantaisiste, nous allons montrer que les journalistes sont plus enclins à utiliser des termes issus de la comédie, que des termes politiques. Pour cela nous présenterons tout d’abord les mots politiques qui désignent l’humoriste en campagne, pour ensuite constater que des termes issus du music-hall sont parfois employés. Notons, avant de débuter cette présentation, que Coluche est parfois présenté sous son nom de naissance, Michel Colucci. Ce nom est surtout utilisé par Le Monde (14 occurrences), les autres journaux s’y rapporteront essentiellement lorsque Coluche aura affaire à la police. Enfin, un journal – Minute – utilise à dix reprises « Colucci » pour désigner l’humoriste, mais ce terme est exclu de notre analyse puisqu’il est utilisé dans le seul but de tenir des propos racistes et xénophobes (« Colucci, Lederman,(…), la France est bien 42 devenue le pays de l'étranger » ).

a) Un champ lexical politique assez pauvre… Nous avions prévu de relever tous les termes généralement utilisés pour désigner les acteurs politiques mais ici utilisés pour qualifier Coluche. Acteur politique entendu dans son acception la plus large, c’est-à-dire toute personne ayant participé de près ou de loin aux affaires de la cité. En définitive, il n’y a guère que le mot « candidat » qui apparaisse régulièrement, on trouvera aussi les termes « bouffon », « citoyen » et « dénonciateur ». Le terme « bouffon », qui désigne historiquement le personnage grotesque attaché à un seigneur qu’il devait divertir par ses facéties, est utilisé quinze fois dans ce corpus. Coluche est comparé à un « bouffon » à sept reprises dans les colonnes du Matin. Le Point, Le Nouvel Observateur, et Le Monde utiliseront deux fois chacun cette image, elle n’apparaît qu’une fois dans Le Figaro et L’Express. Outre le mot « candidat », nous citions deux mots liés à la politique et utilisés pour qualifier « le candidat nul ». Le terme « révélateur » est issu des colonnes du Monde qui voit aussi en lui, un « dénonciateur ». Nous verrons plus loin dans ce paragraphe dans quel contexte Le Figaro a utilisé le mot « citoyen ». Le mot « candidat » apparaît à cent douze reprises dans notre corpus. Le graphique ci-dessous présente les journaux utilisant le plus fréquemment ce terme. Un journal se démarque nettement. Libération utilise en effet 46 fois le terme « candidat » au cours des cinquante deux articles que nous avons retenu. Le Monde et Le Matin utilisent également régulièrement ce terme. Du point de vue des hebdomadaires, ce sont surtout L’Express 42

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BRIGNEAU (François), « Celui par qui Coluche est arrivé », op.cit.

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et Le Point qui emploient cette formule. Le Nouvel Observateur, Le Figaro et L’Humanité, quant à eux, semblent éviter de désigner Coluche en tant que « candidat ». L’utilisation du terme candidat

Le terme « candidat » est très rarement utilisé seul, il est souvent composé avec des adjectifs, d’autres noms ou simplement un complément. C’est sur ceux-ci que nous allons nous pencher à présent. Dans un article du Monde annonçant sa possible candidature, Coluche s’était déclaré 43 « candidat nul » , il a lors de sa première conférence de presse réitéré cette image, en 44 y ajoutant l’idée de candidat des minorités et des abstentionnistes . Pas surprenant donc que l’on retrouve ces termes dans nos articles. Le terme « candidat-nul » est surtout utilisé par Libération (25 occurrences) mais on le retrouve aussi à quatre reprises dans Le Matin de Paris, deux fois dans Le Nouvel Observateur, une fois dans L’Express et dans Le Monde. 43 44

FLEOUTER (Claude), « La politique me fait rire », Le Monde, 27 Mars 1980, n°10936, p.13 NAJMAN (Maurice), « J'irai jusqu'au bout! », Libération, 31 octobre 1980, n°2088, p.24

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L’expression « candidat des minorités » est présente dans Libération textuellement, et dans Le Matin de Paris à travers l’expression « candidat des chevelus, des pédés, etc. ». Ce même journal utilisera pour désigner l’humoriste, le terme « candidat des abstentionnistes ». Au delà de ces expressions, les journalistes vont rivaliser d’imagination. Une expression est, cependant, commune à de nombreux journaux, celle de « candidat de la dérision ». Seuls le Le Figaro, L’Humanité, et Le Nouvel Observateur, n’utiliseront pas ce terme. Rappelons que par définition, la dérision est une moquerie méprisante. Chaque journal va par la suite utiliser des expressions qui lui sont propres. Le Monde utilisera pendant la campagne quatre autres expressions basées sur le mot candidat. Le quotidien de référence gratifiera Coluche de mots situés entre « candidat potentiel » et « candidat scatologique », en passant par candidat « valable » et à deux reprises « candidat Colucci». Le Figaro va inventer un concept, celui du « candidat Nyaqua ». Difficile d’en donner une définition. Selon ce journal, Coluche et Marchais sont les représentants de ce concept. Il semblerait que ce soit des candidats qui proposent à tout problème des solutions irréalistes sur le modèle célèbre du « y’a qu’à », « faut qu’on ». En effet, Le Figaro conclue l’article 45 en question par ces mots : « il s'agit de prendre les Français pour ce qu'ils ne sont pas. ». Enfin, les journalistes de ce quotidien utilisent aussi l’expression de « candidat pour soi », 46 en stipulant que Coluche est un « citoyen dont le renom n’a pas dépassé le music-hall. » Nous montrions auparavant que L’Humanité était peu prolixe au sujet de la campagne de Coluche. Ce quotidien ne publiera dans ces articles consacrés à l’humoriste qu’un seul terme basé sur le mot candidat – « candidat du populo ». Ce mot proviendrait d’une citation de Coluche puisque le journaliste l’utilise en le mettant entre guillemets. Libération, quant à lui utilise des superlatifs tels que « le plus contesté des candidats », ou « le plus populaire des candidats ». Ce quotidien qualifie aussi Michel Colucci de « candidat haut-parleur » et de « candidat douloureux ». Dans la même mouvance que « candidat-nul », Libération utilise enfin le terme « anti-candidat ». Les hebdomadaires ne sont pas en reste. On trouve du côté du Point, des expressions telles que « candidat surprise » ou « surprenant candidat », alors que de son côté L’Express se fonde sur des formules comme candidature « iconoclaste » ou « aspirant candidat ». Enfin, notons que Le Nouvel Observateur, n’utilisera, outre le terme que nous citions auparavant, qu’une autre expression reprenant le terme de candidat, celle de « candidat à la candidature ». Même si les mots diffèrent, nous avons aussi mis en évidence des thèmes communs à plusieurs journaux. Ainsi, nous remarquons que certains journaux définissent Coluche par ses électeurs. Selon Libération, Coluche serait le candidat des « électeurs déçus », alors que pour Le Point, Coluche est le candidat de « la gauche brisée », des « déçus du giscardisme » et des « frustrés ». Avant d’en venir au registre du music-hall, nous remarquons que certains journaux montrent Coluche comme une synthèse d’un candidat et d’un comique ou d’un comédien. Ainsi pour Le Monde, Coluche est un candidat « rigolo » voire « hilarant ». Pour Le Matin, Coluche est un « comédien-candidat », terme que l’on retrouve dans les colonnes du Point. L’Express préfère, quant à lui, qualifier Coluche de « pitre-candidat » ou de « candidatcanular ». 45 46

30

ASMODEE, « Nyaqua », Le Figaro, 26 novembre 1980, n° 11268, p.7 BERGHEAUD (Edmond), « Quand nous serons cent », Le Figaro, 18 novembre 1980, n°11261, p.5

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b)… complété par une inventivité dans le domaine de la comédie. Nous avons relevé environ cent cinquante termes désignant Coluche et appartenant au monde de la comédie. Il est moins aisé d’en sortir des grandes catégories comme on a pu le faire pour les termes politiques. Toutefois on note des termes qui se répètent et se retrouvent dans plusieurs journaux. C’est avant tout le cas du mot « clown » et du mot « fantaisiste ». Ces deux mots semblent être plus ou moins des vases communiquants. Plus on utilise le mot « clown », moins on utilise le mot « fantaisiste ». On ne peut pas pour autant en conclure que l’un serait le succédané de l’autre. De plus, on montrera que Le Matin de Paris utilise autant l’un que l’autre. Mais avant d’analyser, détaillons. Le mot « clown » est utilisé à vingt-trois reprises, le mot « fantaisiste » dix-neuf fois, ils se répartissent de la manière suivante :

Comme nous le signalions auparavant, on remarque bien qu’à part Le Matin, les journaux utilisent soit l’un soit l’autre. Afin d’avancer un peu dans notre réflexion nous allons tenter de donner une définition de ces termes. Le trésor de la langue française définit clown comme : un « artiste de cirque au costume et au maquillage extravagants qui emploie ses Bozonnet Gregory - 2007

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talents à faire rire les spectateurs au moyen de pitreries diverses, fondées principalement sur la parodie et la dérision. ». Son synonyme serait « pitre ». Le mot pitre est lui aussi utilisé pour désigner Coluche, il est utilisé une fois dans Le Monde et à deux reprises dans Libération. En se fiant toujours au trésor de la langue française, on apprend que le mot fantaisiste est polysémique, son sens premier serait : « Artiste, écrivain qui donne libre cours dans ses œuvres à ses facultés imaginatives sans se soucier des règles formelles », par extension on apprend qu’il signifie aussi personne « originale, qui manque de sérieux » ou « personne qui se singularise par son esprit imaginatif et un comportement imprévu et amusant. ». Enfin, il existe aussi une utilisation propre au domaine du spectacle, le mot fantaisiste s’applique alors aux « artistes de variétés se produisant dans un numéro comique ». Difficile de savoir dans quel sens les différents journaux l’emploient. On peut néanmoins affirmer que tous les sens conviennent à Coluche. Au delà de ces mots c’est la diversité qui l’emporte. Notons tout de même que quelques thèmes se dégagent. Tout d’abord, nous avons pu relever onze périphrases vestimentaires qui tournent généralement autour de la salopette. Libération et Le Point sont les plus friands de ces synecdoques. On relève en effet trois occurrences de « salopette » dans chacun de ces journaux. On en trouvera, en outre, deux dans Le Monde et deux dans Le Matin, une seule dans l’Express. Cette référence à la salopette est en fait surtout utiliser dans les longs articles afin d’éviter les répétions. Notons que « la salopette de Coluche est devenue comme la défroque de Charlot, un symbole. C’est elle qui figure sans le bonhomme à l’intérieur, sur 47 la première affiche et sur la pochette du premier disque » Le second thème isolé regroupe neuf expressions, toutes plus ou moins similaires, toutes reliées autour d’un mot, le mot « professionnel ». Neuf expressions regroupent l’idée de « comique professionnel » par opposition à professionnel de la politique. Ce sont les termes qui montrent Coluche comme un corps étranger à la politique. Ce thème est particulièrement développé par Arnaud Mercier pour qui Coluche est le « bouffon qui 48 a franchit le Rubicon » . On retrouve trois de ces expressions dans Le Figaro, deux occurrences dans L’Express et Le Nouvel Observateur, une dans Le Monde et Libération. Ensuite on note que le mot « gêneur » et assimilés, apparaît relativement souvent, trois fois dans les colonnes du Point notamment, Le Matin l’utilisera à son tour à deux reprises et ajoutera à cette image de gêneur, celle du chien et de la boule dans un jeu de quille. Coluche est aussi régulièrement vu comme une vedette médiatisée. L’idée d’homme de médias apparaît surtout dans Libération et dans Charlie Hebdo, on en trouvera aussi une occurrence dans Le Nouvel Observateur. Quant au mot « vedette », il apparaît dans de nombreux journaux mais jamais plus d’une fois, seul Libération l’utilise à deux reprises. Par la suite tous les mots que nous avons relevés ne sont que très rarement cités. Ils réfèrent tous plus ou moins au domaine du music-hall. Au milieu du mois de novembre 1980, le Centre d’Informations Civiques (CIC) avait, par la voix de son dirigeant M. Barbé, condamné profondément la candidature de l’humoriste. Il utilisait ces termes : « C'est l'importance de l'élection qui rend dérisoire et attristante la candidature de Coluche. Il faut y voir, indépendamment de l'opération publicitaire, une manifestation du goût à la fois destructeur et ordurier que nourrit, en un coin caché de son inconscient, une fraction — quelle en est l'importance ? — du peuple tenu pour le plus spirituel du monde. Il est vrai que, vers 1900, le pétomane attirait les foules... ». Deux journaux reprendront ce terme de 47 48

Coluche c’est l’histoire d’un mec, Paris, Stock, 1986, p.26 Mercier Arnaud, « Quand le bouffon franchit le Rubicon : la candidature de Coluche à la présidentielle de 1981 », Hermès,

mai 2001, n° 29.

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« pétomane » pour désigner Coluche, il s’agit du Monde et du Matin de Paris. Les mots apparaissant le plus souvent, sont par la suite, « artiste », « amuseur », « chansonnier » et « comique ». Le premier est surtout visible dans les colonnes du Monde, du Matin et du Point, le second se retrouve plutôt dans Le Nouvel Observateur bien qu’on puisse aussi le rencontrer dans les colonnes du Figaro et de L’Express. Le mot chansonnier - qui désignait jadis celui qui composait les chansons et qui a acquis avec le temps la connotation d’« artiste qui chante ou dit des couplets satiriques ou humoristiques de sa composition dans les cabarets, les cafés, un caveau.» (Le Trésor de la Langue Française)- est utilisé à deux reprises par Le Matin et Le Point ; L’Express, Le Nouvel Observateur et Le Figaro n’en feront qu’une allusion chacun. Pour finir, le mot comique est lui surtout présent dans Le Monde et Le Matin mais Libération l’utilisera aussi une fois mais pas dans un sens antonyme d’homme politique. Notons que Le Point et Le Monde se sont laissés tenter par le terme saltimbanque. Terme qui désigne un « comédien ou marchand ambulant dont la profession est d'amuser la foule dans les foires ou sur les places publiques, avec des acrobaties, des tours d'adresse ou de force, ou grâce à des boniments. » (le Trésor de la langue française). Remarquons pour finir, que L’Express utilise beaucoup d’expressions qu’il est le seul à employer, comme « zozo », « symptôme » ou « expert en chienlit », Le Point est aussi le seul hebdomadaire à parler de Coluche comme d’une « fantastique bête de scène ». Seul Le Figaro rivalise avec la créativité de L’Express en lâchant une expression telle que « fossoyeur du musichall » ou « manipulateur d’excrément ». Après avoir fait un aperçu des mots utilisés par les journalistes pour dire Coluche, nous allons nous pencher sur les termes employés pour traiter sa candidature.

B. La candidature de Coluche, entre farce et acte politique. Afin de présenter le plus précisément tous ces termes, nous les avons répartis à nouveau en deux catégories, les termes politiques et ceux qui relèvent plutôt du music-hall.

a) Le poujadisme et les autres images politiques. L’intérêt du travail journalistique consiste notamment à mettre en parallèle un événement actuel avec un événement passé. On considère souvent que pour mieux comprendre un événement actuel il faut le mettre en relation avec un autre. On recense une soixantaine d’images politiques utilisées pour comparer la candidature de l’humoriste avec des événements passés ou imaginaires. La référence la plus récurrente est le poujadisme (quarante-quatre occurrences), nous allons donc tout naturellement nous pencher sur cette image avant d’analyser les autres. On remarque que ce rapprochement entre Coluche et le poujadisme n’est pas seulement le fait des journalistes ; on peut notamment mentionner les propos suivants : « Coluche détruit, au second degré, le Poujade qui sommeille dans chaque Français » J.-P. Faye, écrivain et signataire de l’appel des intellectuels à la candidature de Coluche. « La candidature de Coluche est un exutoire pour le P.C. et le P.S. Cela ressemble à 49 un poujadisme de gauche » Jean Lecanuet – que Coluche appelle « le benêt » , président de l’U.D.F. de 1978 à 1988. Le 29 Octobre 1980 – date de la première conférence de presse de Coluche en tant que candidat – Charlie-Hebdo fait paraître une longue interview, intitulée « Coluche 49

Issu du sketch « en politique on est ‘achement balèzes », 1979

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président » . C’est dans cet entretien que la première référence au poujadisme apparaît. Cavanna demande à Coluche s’il n’a pas peur d’être taxé de poujadiste dans sa démarche, Coluche répondra alors qu’il ignore la signification de ce terme. Cavanna, lui expliquera avec ces mots : « C'est ceux qui pensent comme Poujade, le bistrot qui partait en guerre contre l'impôt, contre la politique, contre l'Etat, et qui a regroupé autour le lui un paquet de petits commerçants aigris et de vieux fachos. » Au delà de cette définition subjective, nous pouvons noter que le poujadisme était avant tout une rébellion sectorielle puisant dans le répertoire de la contestation contre les « gros », le fisc, les notables et le rejet des intellectuels au nom du « bon sens » et des « petites gens ». Il s’est érigé autour de l'union de défense des commerçants et artisans (UDCA), syndicat crée en 1953, qui avait pour but de lutter contre la concurrence de plus en plus puissante de la grande distribution. Le phénomène, rapidement étendu à la France entière, entrera dans le champ politique avec l’apparition d’un parti, l’UFF (Union et Fraternité Française) qui obtiendra 52 députés aux législatives du 2 janvier 1956. Parmi ces députés, on compte essentiellement des petits commerçants (bouchers, boulangers, épiciers, libraires…), mais aussi un certain Jean-Marie Le Pen. Les revendications de ces députés étaient la suppression des contrôles fiscaux pour les petits artisans, la défense des petits commerçants, ils ont aussi affirmé leur hostilité au traité de Rome et prôné le maintien de l’Algérie française. Ce mouvement s’essoufflera rapidement et disparaîtra quasi-entièrement avec l’avènement de la Cinquième République. Depuis, utiliser le terme « poujadisme » revient généralement à taxer une personne ou un événement d’attitude démagogique en faveur des petits commerçants vis-à-vis des puissants, d'antiparlementarisme, de corporatisme, ou de populisme. Il s’applique souvent aux personnes souhaitant outrepasser le clivage droite-gauche qui domine la politique française, lutte chère à Pierre Poujade qui clamait « sortez les sortants ». Nous verrons dans une seconde partie dans quelle acception Coluche a été comparé à Pierre Poujade, mais intéressons-nous pour l’instant à la répartition par journaux de cette image. Le schéma ci-dessous montre quels journaux utilisent le plus fréquemment la comparaison entre le papetier et l’humoriste.

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CAVANNA, « Coluche président », Charlie Hebdo, 29 octobre 1980, n°520, p.3

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On remarque immédiatement que près de la moitié des occurrences revient à l’hebdomadaire L’Express. Ceci est lié au fait que ce magazine consacrera, comme nous le montrions auparavant, un article entier comparant Coluche à Poujade. On voit que la comparaison de Coluche à Poujade est avant tout une préoccupation des journaux hebdomadaires, nous comprendrons en seconde partie pourquoi. Trois quarts des allusions au papetier du Lot proviennent en effet de ces derniers. Le seul quotidien à se démarquer est Le Matin, huit articles font en effet référence au poujadisme. Cette allusion au poujadisme prend une telle ampleur que Dominique Jamet a réalisé le 4 décembre pour Le Quotidien de Paris une interview de Pierre Poujade. Ce dernier déclarait d’ailleurs à cette occasion, « Ca n’a rien à voir : le ras de marré [sic] que j’ai provoqué avait des origines profondes et le phénomène Coluche n’est que le signe de la dégradation de notre démocratie. » Notons qu’outre les dix-neuf occurrences dans L’Express, cet hebdomadaire est le seul à avoir comparé Coluche au boulangisme. Le boulangisme est, rappelons-le, un mouvement politique français de la fin du XIXe siècle (1886-1891) qui constitua une menace pour la Troisième République. Son nom est dérivé de celui du général Georges Boulanger qui fédéra dans un premier temps des républicains et des monarchistes autour d’un but commun, renverser la République. Plus tard, il aura le soutien de la gauche et de l'extrêmegauche qui voient en lui un général républicain qui a rendu le service militaire obligatoire pour les ecclésiastiques, expulsé les princes d’Orléans de l’armée et amélioré les conditions de vie du soldat. On comparait parfois le poujadisme au boulangisme parce que ce dernier avait utilisé des thèmes populaires pour accéder au pouvoir, à savoir l’espoir d’une revanche contre l’Allemagne et l’espoir d’une politique sociale. Les autres images politiques sont beaucoup plus marginales, la plupart est en fait utilisée dans un seul article. Il n’y a qu’une seule comparaison que l’on trouve dans quatre Bozonnet Gregory - 2007

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journaux différents, celle de Coluche au roi Ubu. Ubu roi est une pièce de théâtre d'Alfred Jarry qui appartient au cycle Ubu, cycle qui marqua le théâtre de la fin du XIXème. Le roi Ubu est connu pour être à la fois le roi et son bouffon, c’est un personnage lourd et gras à tous les sens de ces termes. 51

Dans un article du Monde , Coluche s’était lui même comparé à Groucho Marx qui s’était présenté contre le général Eisenhower. Il ne s’est jamais comparé à Poujade, Ubu, ni même à aucune des autres images politiques utilisées dans les journaux. On peut pourtant noter que tous les titres ont rivalisé d’imagination. De nombreux journaux ont comparé la candidature de Coluche à celle de Marie-France Garaud, candidate gaulliste dissidente. Tous deux ont en effet lancé leur campagne très tôt, au moment où les principaux candidats à l’élection présidentielle n’étaient, justement, pas encore candidats. Seuls Le Matin, Le Monde et Le Point comparent directement ces deux candidats. Les deux derniers 52 consacreront d’ailleurs chacun un article entier illustré. Le Point illustrera le sien de ce montage photo.

53

Jean-Pierre Faye, compare Coluche au Père Duchesne , journal révolutionnaire connu pour sa grivoiserie. Aucun journaliste ne reprendra cette métaphore. On trouvera en 54 revanche des allusions à l’extrême droite, un article du Matin compare même Coluche à Hitler : « On a déjà vu, dans l'histoire contemporaine, des politiciens s'intéresser de très près aux juifs, aux pédés, aux clodos, etc. C'était en Allemagne, dans les années trente. ». 55 Ce même journal avait auparavant fait un parallèle avec les ligueurs fascistes . Tout au début de notre réflexion nous montrions que Le Matin de Paris avait ouvert ses colonnes à un débat au sein de la rédaction, ce qui explique que le même journal fera aussi un parallèle 56 57 avec les brigades rouges , et même le général de Gaulle . On peut enfin noter les rares parallèles effectués avec les précédentes candidatures fantaisistes. Le Point sera le seul hebdomadaire à écrire un article sur les prédécesseurs de Coluche, s’appuyant sur les candidatures de « Captain Cap », candidat anti-bureaucrate 51 52

FLEOUTER (Claude), « La politique me fait rire », Le Monde, 27 mars 1980, n°10936, p.13 CHAMBRAUD (André), « Cassandre et le saltimbanque », Le Point, 24 novembre 1980, n°427, p.44 et BOURSEILLER

(Antoine), « Marie-France et Coluche », Le Monde, 13 mars 1981, n°11 234, p.2 53 54 55 56 57

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FAYE (Jean-Pierre), « du « Père Duchesne » à « Arturo Ui » », Le Matin de Paris, 22 novembre 1980, n°1164, p.15 BAUBY (Jean-Dominique), « La chaussette », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.16 « Coluche bouffon ? Oui mais après ?… », Le Matin de Paris, 22 novembre 1980, n°1164, p.14-15 BLANCHARD (Charles), « C'est Baader », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.16 « Coluche bouffon ? Oui mais après ?… », op. cit.

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et anti-européen à l’élection législatives de 1893 ; Ferdinand Lop, que Bruno Fuligni considère comme le maître des candidats fantaisistes et qui déclarait vouloir « l’extinction du paupérisme après vingt-et-une heures » dès sa première candidature aux législatives de 1932 ; et Pierre Dac fondateur du MOU (Mouvement Ondulatoire Unifié). L’hebdomadaire 59 conclura que Coluche pourrait être une synthèse entre Cap et Poujade . Le Point avait 60 d’ailleurs déjà fait une allusion à Pierre Dac . Enfin, on peut noter qu’à l’instar de Jean-Pierre Faye, Le Point comparera Coluche à Pantagruel, l’anti-héros rabelaisien par excellence. 61 Dans le même registre, L’Humanité se référera au premier candidat « loufoque », Rodolphe Salis, et Libération qualifiera Coluche de candidat rhinocéros en référence au mouvement Rhino constitué après l’élection, dans les années cinquante, du rhinocéros Cacerno à la mairie de Sao Polo. Remarquons, pour finir, que Le Nouvel Observateur compare la candidature de Coluche à l’élection du cheval de l’empereur Caligula au Sénat (1er siècle avant notre ère). Maintenant que nous avons présenté les images politiques qui qualifient l’humoriste, nous allons nous pencher sur les autres termes utilisés par les journalistes pour définir cette campagne.

b) Evénement comique ou phénomène politique ? Les termes utilisés pour définir cette campagne varient beaucoup selon les journaux. Deux expressions reviennent très fréquemment pour exprimer la même idée, celle que cette candidature a pris une grande ampleur. Comme disait Coluche lors de sa conférence à Polytechnique, « ma campagne a pris de l’ampleur, vive l’ampleur ». Ces deux expressions sont « effet Coluche » et « phénomène Coluche ». Elles apparaissent respectivement seize et dix-neuf fois dans les colonnes des journaux, elles se répartissent comme le montre le graphique ci-dessous

58 59 60 61

FULIGNI (Bruno), Votez fou !, op.cit., p.97 JEANNENEY (Jean-Noël), « Un clown chasse l’autre », Le Point, 1

er

décembre 1980, n°428, p.50-51

DE MONTVALON (Dominique), « Coluche, le candidat de la coulisse », Le Point, 24 novembre 1980, n°427, p.46 WURMSER (André), « De Salis en Coluche », L’Humanité, 16 décembre 1980, p.1

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La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux.

Ces expressions sont très en vogue dans Libération et dans Le Matin. Le premier ayant une légère préférence pour « phénomène Coluche », le second pour « effet Coluche ». On voit que les autres hebdomadaires on plus ou moins de préférence. L’Express et Le Point sont diamétralement opposés, ils utilisent tous deux, deux fois l’une, une fois l’autre, mais Le Point préfère parler d’« effet Coluche» quand l’Express, à l’instar du Nouvel Observateur, privilégie l’expression « phénomène ». Pour compléter ces expressions notons que Le Matin de Paris emploie aussi les termes d’«opération Coluche » et d’«affaire Coluche ». Outre ses expressions, un mot désignant la campagne de Coluche apparaît à une dizaine de reprises dans différents quotidiens. Il s’agit du mot « irruption ». Ce mot est présent cinq fois dans L’Express, une fois dans Le Figaro. On le retrouve à deux reprises dans les colonnes du Matin et une fois dans Le Point. Difficile par la suite de trouver des similitudes dans les termes employés, si l’on excepte le mot « coluchiste » et « coluchien » que l’on retrouve régulièrement, tous les autres termes qui qualifient la campagne de Coluche semblent propres à chaque journal, voire à chaque article. Le terme « coluchisme » apparaît à quatre reprises dans les colonnes de L’Express, on le retrouve aussi dans Le Matin de Paris. En ce qui concerne les deux mots que nous citions auparavant, on peut noter que le mot « coluchiste » semble plus enclin à être utilisé par Le Nouvel Observateur et L’Express, alors que « coluchien » correspond mieux à Libération et au Point. Une fois encore c’est L’Express qui se démarque avec des expressions originales, utilisant la périphrase « farce qui devient sérieuse » pour parler de la campagne, mais aussi le terme « guignolade ». Notons que le terme de farce et de gag revient à deux reprises dans les colonnes de Libération pour parler de cet « événement politique français » qui est « l'un des plus formidables phénomènes politiques de ces 38

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Titre 1. Les mots pour dire Coluche dans la presse nationale

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dernières années » . Ce même journal utilise aussi les expressions « acte nul » et « énigme politique » pour qualifier la campagne de l’humoriste. Charlie emploiera ce terme qui mérite d’être cité tant il est différent de ce qu’on est habitué de lire, l’hebdomadaire satirique parle d’« heureux événement politique ». Pour finir, on note que trois journaux s’accordent pour qualifier la candidature de Coluche d’événement publicitaire, il s’agit du Monde, du Matin ainsi que du Point ; Le Matin s’accordera aussi avec Le Nouvel Observateur pour qualifier cet événement de « degré zéro du politique » comme le disait Coluche lui même. Nous pouvons considérer que nous venons de présenter l’essentiel des mots pour dire Coluche. Toutefois, nous pensons que même avec une lecture très attentive, il n’est pas facile d’ingérer toutes les informations que nous venons de fournir. C’est pourquoi nous allons conclure cette partie par un résumé, une fois de plus autour de statistiques, qui nous permettra de regrouper les journaux par catégorie, et surtout de donner un aperçu global de tout ce que nous venons d’expliquer.

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JULY (Serge), « Coluche : Le candidat pas sérieux du tout devenu l’événement politique français », Libération, 2 janvier

1981, n°2138, p.22

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La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux.

Avant de passer à l’étape suivante de notre réflexion nous allons commenter ce tableau qui est riche en informations, puisqu’il résume tout ce que nous venons de démontrer. Le cheminement de notre raisonnement nous a beaucoup amené à commenter ce tableau horizontalement. On a vu pour chacun de ces mots combien de fois chaque journal l’employait. Grâce à ce tableau nous pouvons passer à une interprétation verticale. Notons tout d’abord qu’afin de faciliter la lecture nous avons utilisé le code couleur suivant :

On note dès lors que L’Humanité et Le Figaro sont bien les journaux qui ont pris le moins part au débat. Leur poids total est respectivement de 0,8% et de 3,6%, ce qui ne représente qu’une très faible part de notre corpus. Il sera cependant très intéressant de les interpréter en tant que tels. Puis viennent, Le Nouvel Observateur et Le Point, tous deux ont une part relativement faible dans le débat nous l’avions déjà vu, nous notons en outre, grâce à ce tableau, qu’ils améliorent tous deux leur part relative lorsqu’il s’agit du domaine du musichall. Ceci est particulièrement vrai pour Le Point qui confirme ainsi avoir surtout traité de la candidature de Coluche au travers des mots de la comédie. L’Express confirme qu’il est un journal à part. Il tient une place moyenne dans le total du corpus et pourtant il arrive à être en tête dans l’utilisation de deux types de données, celle concernant le poujadisme et celle tournant autour de Coluche comme corps étranger à la politique. Utiliser les différences entre la part relative occupée par un journal dans le corpus et la part relative qu’il occupe dans une catégorie permet de mettre en lumière beaucoup d’autres informations. En gardant le journal L’Express comme référence, on note que ce magazine d’information utilise plus de termes politiques que la moyenne, mais utilise pourtant beaucoup moins le terme candidat qu’il ne « devrait » le faire. Les trois derniers quotidiens, que l’on avait montré être les plus prolixes sont aussi intéressants à analyser. Libération est le quotidien le plus tranché. Le quotidien des superlatifs. Celui qui traite le plus la candidature de Coluche, qui utilise le plus les termes politiques et corollairement le moins les termes liés au show-business, il est aussi parmi ceux qui font le moins référence au poujadisme. Le Monde est plus contrasté, il correspond à une part importante du corpus et pourtant n’utilise pas vraiment une quantité importante de mots politiques ni de mots liés au music-hall. Pour finir, nous noterons que Le Matin marque sa présence dans quasiment tous les domaines utilisant finalement des mots provenant d’un peu toutes les catégories.

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Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne de Coluche

Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne de Coluche Tous les mots que nous venons d’analyser sont porteurs de sens. Maintenant que nous les avons présentés, nous allons montrer qu’ils vont jusqu’à définir l’identité des journaux. En effet, le débat à propos de la candidature de Coluche va être mu de toutes les passions. Tous les journaux vont devoir prendre une position. Nous aurons l’occasion de voir que certains journaux auront une position très tranchée, d’autres ouvriront un véritable débat entre coluchard et anti-coluchard, certains enfin auront des prises de position plus modérées. Pour présenter au mieux ces prises de position, nous verrons tout d’abord dans quelle mesure les mots que nous avons listés - ceux qui désignent Coluche et sa campagne - nous révèlent la prise de position des journaux, pour ensuite montrer que d’autres mots utilisés dans ce corpus mais dans des thèmes ou des contextes plus précis nous indiquent à leur tour, ce que pensent les journaux de la campagne de l’humoriste.

I. Les mots analysés mettent en relief la prise de position des journaux Comme nous venons de le signaler nous allons tout d’abord nous intéresser aux mots que nous avons décortiqués dans la partie précédente. Ces mots sont de profonds révélateurs du positionnement, surtout ceux qu’un journal utilise très régulièrement. Nous allons donc voir dans un premier temps, ce qu’indiquent les mots les plus récurrents de notre corpus, pour ensuite montrer que les autres sont tout autant porteurs de sens et qu’ils nous permettront d’établir un classement des journaux selon leur façon de les utiliser.

A. Les mots les plus récurrents mettent en relief les positionnements les plus tranchés Au cours de ce temps de notre réflexion nous allons nous intéresser aux liens entre les mots que nous avons cités précédemment et les prises de positions des journaux. Nous allons voir dans un premier temps, les mots qui renvoient quasi-systématiquement à une prise de position négative pour ensuite voir ceux qui encouragent l’initiative de Coluche.

a) Le « comique professionnel » fait « irruption » dans le politique tel « Poujade ».

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La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux.

Ce titre présente trois des termes les plus employés dans le corpus. Ces trois mots sont employés dans le même objectif, mettre à mal la campagne de Coluche. Mettre à mal cette campagne c’est le plus souvent la rejeter. On rejette cette candidature car elle n’est pas sérieuse. « Qu'est-ce que ça veut dire pas sérieuse ? » demandera de manière rhétorique 63 Coluche dans les colonnes du Monde , « Ça veut dire qu'elle est pas chiante ». Mais pas sérieux pour ceux qui la rejettent c’est surtout pas « normale », cette candidature n’est pas le fruit d’un parti politique, elle n’est pas un corps politique, c’est pour cela qu’au nom de la politique, ils la rejettent. Cette mise au ban de la candidature de Coluche est particulièrement mise en relief par l’utilisation des termes « comique professionnel » et « irruption ». Mais l’inscription de la candidature de Coluche dans la filiation du poujadisme est aussi de ce ressort. En effet, Poujade en son temps avait connu un grand succès parce qu’il était luimême différent des autres hommes politiques. Il les dénonçait, on peut noter qu’à propos des hommes politiques Poujade déclarait : « Je les roule dans la merde, moi, comprenez64 vous ? » . Cette partie semble pratiquement taillée sur mesure pour L’Express. En effet, nous le montrions, L’Express est le magazine qui a le plus utilisé la référence au poujadisme, mais aussi celui qui a le plus employé les expressions « comique professionnel » et 65 « irruption ». L’Express est aussi le journal qui prend des « crises d’urticaires » à l’évocation de la campagne de l’humoriste. Mais ce magazine ne s’attaque pas seulement à sa campagne, il vise avant tout Coluche, en tant qu’homme. Ce personnage dégage, selon 66 eux, des « rémugles de rire gras et de gros rouges » . On peut noter une réelle recherche sémantique, car le mot « rémugle » est considéré par le Trésor de la Langue Française comme un mot littéraire et vieilli qui a pour définition : « Odeur prenante et désagréable qu’exhale ce qui a longtemps été renfermé ou maintenue dans une atmosphère viciée ». Cet hebdomadaire ira beaucoup plus loin dans l’attaque de la personne de Coluche. Le numéro spécial sorti le 27 décembre, dont on a déjà eu l’occasion de parler, s’intitule « la vraie nature de Coluche » parce que c’est à la personne de Coluche qu’il s’attaque. Alors que l’article principal de ce dossier commence par une biographie « normale » de Coluche, il tourne très vite en une exposition des méfaits de l’humoriste. L’Express va exposer tous les actes de Coluche qui l’ont mené à avoir affaire à la police ou la justice. Tout y est, 6000 francs de factures non-honorées dans un hôtel, dégradation dans un magasin de sanitaires après que son responsable ait annoncé qu’il ne pourrait venir réparer les latrines de Coluche, condamnation à 3000 francs de dommages et intérêt pour avoir dit que « les flics sont des enc…. ». Mais cet hebdomadaire ne s’arrête pas là, Coluche aurait failli se battre contre un riverain qui se plaignait du bruit que générait sa moto, pendant le tournage de « L’Inspecteur Labavure », il aurait répondu à une dame qui lui demandait un autographe : « allez vous faire voir ! ». Aucun autre journal n’a osé s’attaquer au passé de Coluche si ce n’est Minute, qui a surenchéri en faisant paraître une photo anthropométrique de Coluche se référant à un vol ayant eu lieu pendant l’adolescence de l’humoriste. Outre ces critiques personnelles notons que L’Express va aussi s’attaquer à ce « symptôme » qui « déboule » comme une « revanche du mauvais goût sur un goût trop 67 convenable » . Bien sûr pour Olivier Todd, le « mauvais goût » représente Coluche, et le 63 64

« Coluche : je veux aller jusqu’au bout et foutre la merde… », Le Monde, 20 novembre 1980, n°11 137, p.10 LAZITCH (Branko), « Un avatar du poujadisme », L’Express, 27 décembre 1980, n°1538, p.40 65 66 67

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ROY (Albert, de), « Sondage : que pèse M.Colucci », L’Express, 27 décembre 1980, p.39 SERY (Patrick), « L'effet Coluche », l’Express, 22 novembre 1980, n°1533, p.108 TODD (Olivier), « Le cru et les recuits », L’Express, 22 novembre 1980, n° 1533, p.110

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Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne de Coluche

« goût trop convenable » renvoie au président Giscard. Mais le credo de la publication c’est avant tout de comparer Coluche à Poujade. Ce magazine a consacré un article entier à ce sujet, mais n’a pas attendu la parution de celui-ci pour comparer l’humoriste au papetier de Saint-Céré. Dès le premier article paru, la référence au poujadisme est présente. Par la suite on apprendra que le parallèle à Poujade n’est pas uniquement lié à la vulgarité :

« Si l'on passe du chapitre de la vulgarité à celui de la psychologie, l'analogie entre Poujade et Coluche persiste. Les deux hommes croient à leur mission historique. Dans son autobiographie, « J'ai choisi le combat », Poujade écrit : « Il ne faut pas me prendre pour une nouvelle Jeanne d'Arc. Mes voix ne viennent pas d'en haut, elles viennent d'en bas. » Coluche, lui, vient de déclarer en toute modestie : « A part Giscard d'Estaing, tous les autres candidats ont intérêt à voter pour moi. » Conclusion d'une journaliste, après avoir interrogé l'ancienne troupe du Café de la gare : « En langage « psy », Coluche est atteint de 68 mégalomanie. » La dernière analogie notée provient une fois encore de l’autobiographie de Poujade dont un chapitre est intitulé « le petit rigolo » ; Branko Lazitch écrira que ce terme correspondrait mieux à Coluche qu’à Poujade. Notons pour finir que le dossier sur la vraie nature de Coluche se conclue par les qualificatifs d’« irresponsable, odieux et méprisant ». Nous venons de montrer que l’hebdomadaire qui utilisait le plus fréquemment les termes de notre titre avait mené une véritable campagne pour ternir l’image de marque de Coluche. Mais est-ce pour autant que les autres articles qui utilisent les mêmes termes sont aussi critiques au sujet de la candidature de l’humoriste ? La réponse est sans appel, c’est oui. Bien sûr, tous les journaux ne peuvent pas autant attaquer Coluche comme ne l’a fait L’Express mais à quelques rares exceptions près, l’utilisation des mots cités renvoie à un article négatif. Commençons par Poujade. Nous avons vu que de nombreux journaux utilisent cette image politique. C’est notamment le cas du Point, du Matin et du Nouvel Observateur. Nous relativiserons leur position par la suite, mais force est de constater qu’à chaque utilisation de la référence à Poujade, ces journaux vont aller à l’encontre de la candidature du comique. 69 Ainsi dans Le Point, l’article qui fait à plusieurs reprises allusion à Pierre Poujade incrimine Coluche pour être « égoïste, démoralisateur et poujadiste ». Dans le même article, André Chambraud affirme que le « culot » de Coluche (et de Marie-France Garaud) montre que « la démocratie est bien peu respectée ». Du côté du Nouvel Observateur, on retrouve des expressions telles que « sympathie à la fois explicable et suspecte à ce chansonnier 70 anarcho-poujadiste » . Dans les articles se référant au poujadisme, on peut lire que ce journal ne souhaite absolument pas que Coluche obtienne les cinq cents signatures, il qualifie sa candidature de « grotesque corrosif et d’une absurdité féconde ». Notons que dans l’éditorial de la semaine ayant suivi le numéro spécial sur la France de Coluche, Jean Daniel parle de l’irruption de Coluche qu’il qualifie de « grave », « pernicieuse » « accusat[rice] », « affligeante » et « suspecte ». Le Matin est plus difficile à inclure car, nous le signalions auparavant, ce journal a laissé une grande place au débat au sein de sa rédaction. Nous verrons qu’il s’agit en fait d’un journal qui va profondément soutenir la candidature de Coluche. Mais lors du débat, certains 68

LAZITCH (Branko), « Un avatar du poujadisme », L’Express, 27 décembre 1980, n°1538, p.40 69 70

CHAMBRAUD (André), « Cassandre et le saltimbanque », Le Point, 24 novembre 1980, n°427, p.44 DANIEL (Jean), « L’effet Coluche », Le Nouvel Observateur, 24 novembre 1980, n°837, p.36

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La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux.

de ses journalistes vont être très durs avec Coluche. Comment les reconnaître ? Ce sont tout simplement ceux qui utilisent les termes se rapportant au poujadisme. Pour donner un 71 exemple concret, l’article qui parle de « clown au discours ambigu » fait un parallèle avec les poujadistes en montrant qu’« au premier degré, les sketches du comique n'ont rien qui puisse les rebuter. De l'antiparlementarisme au refus de la politique et de ses « magouilles », tous les thèmes qui ont fait, en d'autres temps, la fortune de Pierre Poujade sont là ». Guy 72 Gaisse dans un article intitulé « Les avatars de l'antiparlementarisme » établit un parallèle entre le « sortez les sortants » et l’expression « à force de recevoir des coups de pied dans le cul, ça donne des idées » prononcée par Pierre Poujade et le discours de Coluche. Notons enfin que Le Monde n’aura que trois véritables prises de position dans notre corpus, le tout premier article de Mathilde de la Bardonnie particulièrement positif, puis deux autres 73 autrement plus négatif. Le premier, celui de Raymond Barrillon ne traite pas directement de la candidature de Coluche mais plutôt de la politique en général, il ne manque pourtant pas d’épingler l’humoriste en utilisant comme image le poujadisme : « « Les gens qui font la politique, Ils nous font chier ! » Voilà bien le re surgissement et l'accentuation, vingt-cinq ans exactement après Pierre Poujade, dit « Pierrot les bretelles », d'un certain langage de droite ou plutôt d'un langage de droite certain qui n'a rien de particulièrement original. », et 74 le suivant est celui de Jean-Yves Lhomeau qui se réfère lui aussi à Poujade. Nous avons montré que les termes « irruption » et « poujadiste » étaient quasiment toujours intégrés à des articles critiquant l’humoriste. Nous allons réaliser un aperçu des critiques que Le Figaro adresse à Coluche à travers l’étude du terme « comique professionnel ». Alors que ce journal est l’un des moins prolixes, il est avec L’Express celui qui va utiliser le plus fréquemment cette expression qui montre que Coluche provient de l’extérieur du champ politique. Pour ce journal, la candidature de Coluche est d’ « inspiration 75 bouffonne mais d’intention destructrice» , « l'élection du président au suffrage universel direct se trouve, pour la première fois, exposé aux outrances des farceurs professionnels et de leur claque intéressée » et c’est en cela qu’on assiste à un « Watergate par effet comique ». Le journaliste ajoutera que l’important dans une campagne présidentielle c’est que « la fonction elle-même doit être gardée en dehors du débat. Et c'est bien là qu'interviennent les clowns de profession et les gugusses par inconscience : ridiculiser la fonction, l'avilir en feignant de s'en prétendre dignes. ». Il conclura en montrant que le fait qu’une partie de l’opinion « s’enchante de ses scatologies » montre que l’on arrive à l’« aboutissement du processus de dégradation », que ce « manipulateur d’excréments annonce la fin du monde civilisé et l’avènement de l’âge de la bête ». On est ici dans la même idée que « le creux du creux de la vague » dont traite Jean Daniel dans les colonnes du Nouvel Observateur. Le Figaro écrira que Coluche est « loin d’être l’antidote aux maux 76 dont souffre notre société » il en serait plutôt « la caricature et le développement extrême » . Après avoir montré que parmi les mots les plus employés, les termes « poujadistes », « irruption » et « comiques professionnels » renvoyaient à des articles à connotation 71 72 73 74 75 76

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LIEBAERT (Alexis), « Le niveau zéro », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.16 GAISSE (Guy), « Les avatars de l'antiparlementarisme », Le Matin de Paris, 22 novembre 1980, n°1164, p.14 BARRILLON (Raymond), Résurgences, Le Monde, 21 novembre 1980, n° 11 138, p.10 LHOMEAU (Jean-Yves), « Coluche ou la campagne imprévisible », Le Monde, 12 décembre 1980, n°11 156, p. 10. MARCHETTI (Xavier), « La fonction présidentielle », Le Figaro, 24 novembre 1980, n° 11 266, p.1 et p.6 SLAMA (Alain-Gérard), « La France malade de Coluche », Le Figaro, 28 novembre 1980, n°11 270, p.2

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Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne de Coluche

négative, voire très négative, nous allons montrer que le même phénomène se produit pour les articles à connotation positive.

b) le « phénomène Coluche » : quand le « candidat-nul » devient l’« événement politique » de l’année. A l’image des journaux que nous venons de présenter, les mots sélectionnés pour cette partie renvoient eux aussi à un journal particulier, Libération. Nous le montrions, Libération est pendant cette période, le journal des superlatifs. Il est de loin celui qui fait paraître le plus d’articles, ces articles sont les plus longs. Il est aussi celui qui utilise le plus fréquemment les termes politiques et surtout le mot « candidat ». Il est aussi de ceux qui utilisent le moins le vocabulaire issu du music-hall et les références à Poujade. Libération sera le quotidien de soutien à Coluche. Le premier point qui met en relief ce soutien tient dans le fait que Libération va laisser quotidiennement un encadré dans la rubrique politique afin 77 que le comique puisse s’exprimer. Ces petites phrases « tue-mouche » paraîtront du 4 au 21 novembre 1980, puis du 1er décembre 1980 au 20 janvier 1981, l’interruption entre temps est tout d’abord lié à la mort de René Gorlin mais aussi à une phrase censurée par Libération et qui du coup mettra un froid à leur relation pendant une petite semaine. Rappelons que cette phrase était à propos de Marie-France Garaud qui se déclarait contre contre l’« aplatventrisme ». Coluche avait écrit : « Marie France Garaud refuse d'être à plat ventre, elle n'a qu'à se mettre sur le dos comme d'habitude ». Ce soutien se manifeste aussi à travers un grand nombre de « unes » consacrées à l’humoriste, cinq pendant cette campagne. Libération aborde aussi des thèmes inédits. C’est le seul quotidien à vraiment se pencher sur les comités de soutien à Coluche et ce 78 dans plusieurs articles : un article traite des soirées Coluche , un autre des lettres reçues 79 par l’humoriste , deux autres encore, très longs, visent à comprendre qui sont les électeurs 80 de Coluche . Une place importante sera en outre laissée aux comités de soutien dans leurs colonnes « courrier » et « Cherry ». Mais revenons-en aux mots. Libération est de loin le quotidien qui va utiliser le plus régulièrement le mot candidat. Terme généralement complété par le mot « nul ». Comme le montrait Jean-Michel Vaguelsy lors de notre entretien, le terme « candidat-nul » est « positif puisqu’il émane de la personne elle-même ». C’est en effet, Coluche qui s’est désigné ainsi. Tous les journaux qui utilisent cette expression soutiennent-ils Coluche ? Nous serions tenté de répondre positivement, toutefois il faut noter quelques exceptions manifestes, certains journaux ont utilisé le mot « nul » pour le renvoyer à Coluche comme une critique. Ainsi Le Matin de Paris va retourner l’image contre l’humoriste pour écrire cette sentence : « "Candidat nul", de son propre aveu, Coluche aura au moins eu le mérite d'amener, en quelques jours, le débat politique au niveau vers lequel il tendait depuis plusieurs mois : le 81 niveau zéro » , L’Express fera de même à travers cette phrase : « Avec un mauvais goût très sûr — voulu — une cocasserie "hénaurme", des mots qui tuent, un sens absolu de la dérision, le "candidat nul" va ramasser sans honte tout ce qui traîne dans une histoire 77

PENINOU (Jean-Louis), « Libération censure Coluche », Libération, 25 novembre 1980, n° 2109, p.24 78 79 80

BRIANCON (Pierre), « Soirée Coluche à Ménilmuche », Libération, 2 novembre 1980, p.9 NAJMAN (Maurice), « Les 100 premières lettres reçues par Coluche », Libération, 26 novembre 1980, n°2110, p.9 GILSON (Martine), « Randonnée dans le parti des coluchiens», Libération, 26 décembre 1980, n°2135, p.6 . Suite le 27

décembre 1980, n°2136, p.7 81

LIEBAERT (Alexis), « Le niveau zéro », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.16

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sans vent. » . Une fois ces exceptions signalées, notons que tous les articles qui utilisent l’expression sont favorables à la candidature. En effet, l’un des autres journaux à utiliser régulièrement cette image est Charlie Hebdo. Coluche est d’ores et déjà « président », il est 83 84 aussi nommé « le seul candidat qui ne soit pas vendu » ou « candidat de la merde » . On sait à quel point Charlie Hebdo a été un soutien sans faille à la candidature de l’humoriste. Pas une semaine sans un rappel en « une » de cet événement, pas une semaine sans qu’une caricature paraisse à ce sujet. La rédaction se veut tellement présent dans cette campagne que pour annoncer l’arrêt et la reprise de la candidature de Coluche (16 et 17 mars 1981), elle va faire paraître un quotidien pendant deux jours, Charlie Matin ! Ainsi, on ne peut pas être surpris de constater que les journaux qui utilisent les mêmes termes que Libération et Charlie Hebdo soutiennent Coluche. Ainsi lorsque Le Matin de Paris utilise le terme « candidat-nul » c’est avant tout pour écrire : « On aurait tort de dédaigner ou d'ignorer le phénomène Coluche. La présence du « candidat nul » est désor85 mais un paramètre du débat politique. Il faut compter avec lui. » Cette dernière citation met en exergue un autre terme, celui de « phénomène Coluche ». Nous avions montré que « phénomène Coluche » et « effet Coluche » paraissaient être des succédanés puisque les journalistes semblaient utiliser l’un et l’autre dans le même sens. Ce que nous n’avions pas noté, c’est que ces termes sont avant tout utilisés dans des articles qui soutiennent Coluche ou qui du moins ne s’engagent pas totalement contre celui86 ci. Libération parle de « l'excitation produite par le phénomène Coluche ». En fait, ce terme est souvent utilisé par les journaux qui commentent les sondages. On sait que cela limite leur nombre puisque par exemple, Le Figaro n’inclura jamais le « candidat de la dérision » dans ses sondages d’opinion. Le terme « effet Coluche » semble tout de même être plus souvent utilisé par la presse qui s’oppose à la candidature ce qui n’empêche pas Libération d’utiliser ce terme, notamment pour traiter des comités de soutiens. En fait, l’« Effet Coluche » est le titre d’un article du Matin qui est conclu par ces termes : « Si Coluche arrive à surnager et à maintenir un courant d'intérêt autour de ses provocations, peut-être démontrera-t-il qu'il 87 est encore possible de remuer cette société qui semble définitivement engourdie... » . Cet article place beaucoup d’espoir dans la campagne de Coluche, on peut donc noter qu’au début de la campagne le terme « effet Coluche » est tout à fait positif, il perdra ce sens lorsque tour à tour L’Express et Le Nouvel Observateur se l’approprieront. Enfin, ce qui marque les articles les plus positifs au sujet de Coluche et de sa campagne présidentielle, c’est l’utilisation de termes politiques autre que ceux se référant au poujadisme. Nous allons par la suite montrer que deux des journaux les plus virulents contre Coluche seront L’Humanité et Le Figaro. Ces journaux n’utilisent quasiment pas de termes politiques, d’ailleurs une fois les termes dérivés du poujadisme retirés, on peut noter que L’Express n’use guère de termes politiques pour définir cette campagne. Le contraire est tout aussi vrai. Libération emploie, pour désigner la campagne de l’humoriste, beaucoup de termes politiques qui lui sont propres tels « politique rentré » ou « énigme politique ». Paraît le 2 janvier, un article intitulé « Coluche : Le candidat pas sérieux du tout 82 83 84 85 86 87

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SERY (Patrick), « L'effet Coluche »,L’Express, 22 novembre 1980, n°1533, p.108 Charlie Hebdo, 3 décembre 1980, p.12 er Charlie Hebdo, 1 avril 1981, n° 542, p.12 WEILL (Claude), « Plus qu'un trouble-fête », Le Matin de Paris, 15 décembre 1980, p.4 ROLAND-LEVY (Fabien), «Les sondeurs vont devoir pêcher le Coluche », Libération, 15 novembre 1980, n°2101, p.8 er « L'effet Coluche », Le Matin de Paris, 1 novembre 1980, n°1146, p.2

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devenu l’événement politique français », on n’est pas si loin du terme « heureux événement politique » utilisé par Cavanna en début de cette campagne événement. Ainsi on peut noter que les articles utilisant souvent le terme candidat pour définir Coluche sont ceux qui cherchent le moins à mettre à mal sa campagne. Ainsi lorsque Le Matin de Paris utilise ces termes c’est souvent pour clamer son soutien à cette initiative coluchienne. Le quotidien les emploie notamment pour traiter l’un des sujets dont il a quasiment le monopole, la recherche des signatures par Coluche. Libération traitera assez peu de ce sujet, Charlie Hebdo va consacrer une pleine page à cet événement mais c’est en fait parce que Cabu a accompagné sur la route le journaliste du Matin. En fait, ce n’est pas vraiment un monopole puisque VSD, dont le rédacteur en chef de l’époque, Maurice Siegel, a assuré son soutien à 88 89 Coluche , consacrera un article à ce sujet . Le Matin va faire paraître deux jours de suite le carnet de bord de Jean-Paul Kauffmann, envoyé sur le terrain pour trouver des signatures à l’humoriste. On retrouve probablement ici l’appât commercial que représentait Coluche, on sait qu’il « fait vendre ». Ainsi, les journaux qui parlent abondamment de sa candidature vont devoir rivaliser d’imagination pour trouver un angle nouveau. Pour Libération, cela ne fait aucun doute, ce seront les militants, pour Le Matin, ce sera la recherche des signatures. A travers six des mots les plus utilisés nous venons de réaliser un aperçu des prises de position les plus tranchées des journaux. Afin d’être exhaustif, nous allons à présent nous pencher sur le sens des autres mots que l’on a repérés régulièrement dans notre corpus pour montrer en quoi ils permettent de classer les journaux par catégories.

B. L’utilisation des autres mots indique tout autant le positionnement et permet d’établir un classement. Nous venons de l’annoncer nous allons à présent nous appuyer sur les mots que nous n’avons pas encore détaillé, ceux du music-hall, pour compléter le panel des positionnements affichés au sujet de la candidature de Coluche.

a) Le « clown » nous ferait-il qu’une « farce » : la difficile interprétation des mots du music-hall ? Contrairement aux autres mots il ne va pas y avoir une, mais plusieurs, utilisations des termes issus du champ lexical de la comédie. Nous allons les présenter en deux temps, tout d’abord nous reviendrons sur Le Point, figure de prou de cette catégorie pour ensuite analyser les différents sens donnés aux mots du music-hall. Nous avons montré dans la partie précédente que Le Point avait tenu des propos très rudes à l’encontre de Coluche. La publication va rapidement revenir sur cette position et en 90 appeler à la raison. « Suspendons, un instant, s’il vous plaît, nos désespoirs républicains » écrira Jean-Noël Jeanneney. On ne sait pas réellement pourquoi la ligne rédactionnelle va connaître un tel revirement, deux hypothèses sont envisageables. Soit l’hebdomadaire se réjouit de voir que Coluche pipe des voix à la gauche (un de ses sondages le montrera), soit les journalistes ont particulièrement apprécié le spectacle du Gymnase et corollairement ils ont décidé de présenter Coluche comme une véritable « bête de scène » et non plus comme un candidat. Toujours est-il que les articles vont changer de cap. Il ne faut pas croire pour 88 89 90

Information lue dans plusieurs biographie notamment celle de BOGGIO (Philippe), Coluche, Paris, Flammarion, 1991 DE SAINT-PIERRE (Isaure), « En suivant Coluche dans sa campagne », VSD, 20 novembre 1980, n°168, p.35-37 er JEANNENEY (Jean-Noël), « Un clown chasse l’autre », Le Point, 1 décembre 1980, n°428, p.50-51

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autant que l’hebdomadaire va encenser Coluche, mais plutôt se contenter de le présenter comme un clown. Tout commence, en fait par un constat. «Il existe en France une très sérieuse Commission de contrôle de la campagne chargée de vérifier la « dignité » et la « décence » de[s candidatures]. Mais son action ne peut s'exercer que lors de la campagne officielle 91 soit dans les semaines précédant le vote. » . On pourrait presque imaginer que c’est d’ailleurs à partir de ce constat que Le Point a décidé de ne pas s’acharner sur Coluche pourtant traité d’« égoïste, démoralisateur et poujadiste ». Le Point présument peut-être que cette commission mettra fin à la campagne du clown si besoin était. Alors pendant que L’Express réalise un parallèle avec Poujade, ce magazine va comparer Coluche aux 92 précédents candidats fantaisistes. Affirmant que « le rire appartient à la République » , pendant que Le Nouvel Observateur écrit que « rien n’est moins supportable, (…) que la 93 dérision » , Le Point présente les précédents candidats fantaisistes :

« Au début de ce siècle, Alphonse Allais présentait déjà aux électeurs de Montmartre, royaume des chansonniers, son fameux Captain Cap, qui promettait, s'il était élu, de supprimer le wagon de queue dans le métro et de reconstruire les villes à la campagne (l'air y étant plus pur). Ferdinand Lop, qui existait, lui, en chair et en os, fit partie pendant plusieurs décennies du folklore estudiantin du quartier Latin, éternel candidat des titis à tous les scrutins. Quant à Pierre Dac, fondant son propre mouvement politique, il l’appelait sans équivoque « le parti 94 d’en rire » . Cette image montre qu’une « candidature présidentielle d’un marginal porte ses limites en elle-même ». Ainsi « la ressemblance avec Poujade est superficielle, imagine-t-on des 95 députés coluchiens ? » . Le Point présentera aussi Coluche sur scène. Même s’il y a des « plaisanteries salaces pas faites pour les âmes sensibles », « on suit comme un seul 96 homme le héros du jour » . Par la suite, on peut noter que Le Point fera un retour au politique par le biais d’un sondage. Ce sondage présente toute une série de question se rapportant à la candidature de Coluche. Il a été soumis à un échantillon représentatif de la société française composé de 1236 personnes. On y découvre que 48% des sondés voudraient que Coluche retire sa candidature. S’il maintient sa candidature, les personnes enquêtées pensent majoritairement qu’il ravirait les voix des abstentionnistes, mais 10% d’entre eux pensent qu’il en prendrait à Valéry Giscard d’Esataing, et 5% à François Mitterrand. On peut noter que malgré le sérieux de ce sondage, Le Point joue le jeu de la décontraction, en illustrant celui ci par le bandeau de trois photographies présenté cidessous :

91 92 93 94 95 96

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DE MONTVALON (Dominique), « Coluche, le candidat de la coulisse », Le Point, 24 novembre 1980, n°427, p.46 er JEANNENEY (Jean-Noël), « Un clown chasse l’autre », Le Point, 1 décembre 1980, n°428, p.50-51 DANIEL (Jean), « L’effet Coluche », Le Nouvel Observateur, 24 novembre 1980, n°837, p.36

JEANNENEY (Jean-Noël), « Un clown chasse l’autre », op.cit. idem DE MONTVALON (Dominique), « Coluche, le candidat de la coulisse », Le Point, 24 novembre 1980, n°427, p.46

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Le Point contrastera sa vision comique de l’événement lors des problèmes judiciaires de Coluche. Problèmes qualifiés de « drame dans la guignolade » et sur lesquels nous reviendrons ultérieurement. Notons que cet hebdomadaire garde toujours la possibilité de 97 critiquer l’action de Coluche qui, si elle devenait sérieuse, pourrait «peut-être [être] grave » . 98 En attendant pour la rédaction du Point, « Coluche : « Y s'marre, le mec! » » . Pour résumer cette position notons que les journalistes n’ont qu’un espoir, espoir qu’ils répètent à deux reprises dans l’article que nous venons de citer : « Pourvu qu'il n'oublie pas que Coluche est un clown ! ». Nous venons de présenter la position du Point qui est le journal utilisant le plus de termes issus du music-hall. Si pour ce journal ces termes sont une occasion de montrer que le danger Coluche est limité. Certains journaux vont utiliser ces mots pour critiquer l’humoriste. Avant de détailler les différents journaux qui utilisent le vocabulaire du music-hall pour désigner Coluche, notons qu’un mot de ce domaine est toujours utilisé pour mettre à mal la candidature de l’humoriste. Il s’agit du mot « chansonnier ». Pour Jean-Michel Vaguelsy quelqu’un qui écrit à propos de Coluche que c’est un chansonnier fait preuve « avant tout d’ignorance, c’est quelqu’un qui n’est pas venu voir le spectacle » Coluche pourtant utilisait ce mot à son propos : « Je fais comme les chansonniers autrefois : je raconte ce qu’il y 99 a dans les journaux » . Le Figaro associe au mot « chansonnier », « la grossièreté des 100 procédés » de Coluche. «Quand le discours politique ennuie les gens, ils cherchent à se 101 distraire avec les chansonniers. Tout cela a un aspect négatif. » renchérira Le Matin, Jean Daniel pour Le Nouvel Observateur va utiliser à propos de Coluche le terme « chansonnier 102 anarcho-poujadiste » . Guy Sitbon va dans le même journal utiliser le terme « chansonnier 103 obscène » . Notons enfin que pour L’Express, Coluche est un « chansonnier qui ne tire 104 pas à blanc » 97 98

CHAMBRAUD (André), « Coluche drague à gauche », Le Point, 12 janvier 1981, n°434, p.36-37 BILLARD (Pierre) & LOISEAU (Jean-Claude), « Coluche : « Y s'marre, le mec ! » », Le Point, 22 décembre 1980, n°431,

p.3 puis p.95 99 100 101 102 103 104

FLEOUTER (Claude), « La politique me fait rire », Le Monde, 27 mars 1980, n°10936, p.13 SLAMA (Alain-Gérard), « La France malade de Coluche », Le Figaro, 28 novembre 1980, n°11 270, p.2 « Coluche bouffon ? Oui mais après ?… », Le Matin de Paris, 22 novembre 1980, n°1164, p.14-15 DANIEL (Jean), « L’effet Coluche », Le Nouvel Observateur, 24 novembre 1980, n°837, p.36 SITBON (Guy),« La France de Coluche », Le Nouvel Observateur, du 17 novembre1980, n°836, p.48-49 SERY (Patrick), « L'effet Coluche », l’Express, 22 novembre 1980, n°1533, p.108

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Tous les autres termes vont en fait être utilisé dans les deux sens. Commençons par le mot « clown », il va être utilisé conjointement par Libération et L’Express ce qui peut paraître paradoxal. Libération, utilise l’expression « clown pour clown », cette expression est en fait 105 utilisé dans le sens : « clown pour clown, autant en prendre un vrai » . Pour Le Figaro, la 106 présence d’un « clown », « ridiculisera à mort à la fonction présidentielle » . Le Point utilise ce mot pour servir les intentions que nous présentions auparavant. S’il fallait établir une règle générale, nous remarquerions que le mot « clown » est dans ce corpus plutôt négatif. Le même problème se pose autours du mot « vedette ». Pour L’Express « cette vedette, issue du peuple, joue les divas » alors que pour Libération, Coluche est « le numéro un ou deux des vedettes de variété française ». Ce mot est trop peu présent pour en sortir un sens positif ou négatif, on voit que les journaux complètent terme avec les qualificatifs nécessaires pour orienter le mot dans le sens qu’ils souhaitent. Nous ne détaillerons pas tous les mots de cette façon, cela ne présenterait pas d’intérêt notons toutefois que le mot fantaisiste est employé plus généralement dans des articles à connotation positive alors que le mot bouffon fait plus souvent références à des articles négatifs. Tous les mots que nous venons de détailler nous amènent à une mise en garde contre une interprétation qui laisserait croire à une trop grande rationalité des journalistes. Il est indéniable que ceux-ci pèsent leurs mots, mais ce n’est pas pour autant qu’ils trouveront et utiliseront toujours le mot juste, celui qui servira le sens qu’ils souhaitent donner à son article. Ceci est particulièrement vrai pour les mots qui ne sont pas utilisés fréquemment, il ne faut pas croire que ne cherchons à remettre en cause ce que nous avons expliqué au début de cette partie de notre réflexion.

b) tous ces mots mènent à déterminer le positionnement des journaux Faire un classement sans paraître réducteur ce n’est jamais chose simple, nous allons essayer de nous confronter à l’exercice afin de rendre intelligible le positionnement des journaux. Nous allons délimiter trois catégories, tout d’abord nous verrons les journaux qui traitent abondamment de la campagne de Coluche et nous montrerons en quoi ce sont ceux qui l’encensent, pour ensuite montrer ceux qui en parlent modérément, présentant ainsi une position intermédiaire, nous conclurons par ceux qui s’abstiennent d’en parler pour ne pas avoir à en dire du mal. Les trois journaux qui sont les plus prolixes au sujet de Coluche, sont aussi ceux qui en pensent le plus de bien. Au sujet de Charlie Hebdo, il ne fait aucun doute, sa rédaction soutient unanimement la campagne de l’humoriste, nous pouvons d’ailleurs souligner que les accointances que nous pouvons relever entre les rédacteurs de Charlie Hebdo et Coluche sont en fait le produit des liens amicaux qui les unissent. Nous parlions de soutien sans « faille » de cet hebdomadaire. A vrai dire, il y en aura une de faille, une et une seule aussi vite effacée. Sylvie Caster fait paraître un article qui affirme que « rire ça ne rend pas 107 gai » :

« Ceux qui sont pour Coluche ne me font pas rire davantage. « On va leur montrer, aux politiques, par la preuve par neuf du clown, qu'ils sont des clowns. On va leur foutre au cul. On va foutre la merde. On va leur prouver, par nos voix, 105

GILSON (Martine), « Randonnée dans le parti des coluchiens – 1

ère

partie : les chanteurs, les déprimés et les beaufs »,

Libération, 26 décembre 1980, n°2135, p.6 106 107

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DEROGY (Jacques), « La vraie nature de Coluche », L’Express, 27 décembre 1980, n°1538, p.35 CASTER (Sylvie), « Rire, ça ne rend pas gai » , Charlie Hebdo, 10 décembre 1980,n°526, p.9

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qu'on y est en pleine déliquescence de la démocratie, des institutions, du jeu politique. » Si c'est marrant ! Si y a de quoi rigoler! Emmerder qui? Foutre au cul à qui? C'est nous qui l'avons. Et jusque-là! Plus d'espoir. Plus de lutte. Plus de combat. » Elle conclura son article par ces mots : « Bleu-blanc-merde, ça flotte déjà. Et croyez-moi, ça pue! Quand Coluche sera depuis longtemps au soleil dans sa retraite de jeune clown et que nous, on en aura repris à l'ombre pour sept ans de Giscard où il va faire noir, très noir, on l'aura peut-être retrouvée, la "morale" du rire. Pas dire : merde. Dire : NON. » . Sylvie Caster tient dès lors des propos assimilables au parti communiste, nous y reviendrons quand nous parlerons de L’Humanité, mais notons que Charles Fiterman, membre du secrétariat du comité central du P.C.F., a déclaré : « Tenez, j’ai lu l’autre jour le but qu’il se donne : « foutre la merde ». Mais pour utiliser le vocabulaire de Coluche – et vous m’en excusez – moi je dirais : foutre la merde ? Merci bien. La merde, on l’a déjà. On y est en plein dedans. Et ça nous suffit. Le vrai problème, c’est de s’en sortir, de la merde dans laquelle les capitalistes 108 et leurs soutiens plongent les jeunes et le pays. » Cette brèche ouverte par Sylvie Caster ne va en rien altérer le soutien de Charlie Hebdo, Siné utilisera d’ailleurs un droit de réponse, il n’y aura par la suite plus aucun article n’encensant pas Coluche dans les colonnes de cet hebdomadaire. Ce droit de réponse est un véritable concentré de la prise de position de Charlie Hebdo, dès lors il nous est difficile de le couper, le voici donc presqu’en intégralité :

« Sylvie Caster, aujourd’hui, dans Charlie, grinche et renâcle dans un articledéprime, intitulé : « rire, ça rend pas gai ! » Ceux qui sont pour Coluche ne me font pas rire. Emmerder qui ? Foutre au cul à qui ? Si elle a besoin d’une liste, j’lui file volontiers… et longue ! Au cours de cette pénible et laborieuse entreprise de démoralisation, elle essaie par tous les moyens voire les plus bas. (cf 7 dernières lignes) de nous communiquer sa hargne et sa grogne. Pour terminer, elle nous apostrophe péremptoirement : « Pas dire : merde. Dire : NON » Qu’estce que ça veut-il dire ? Dire NON comment ? Ces atrabilaires qui ne sont jamais contents, ces cons-tipés dévorés par la sinistrose, qui broient sans arrêt du noir, non contents de bouder leur plaisir voudraient aussi qu’on boude le nôtre. Ils font toujours la gueule, la moue ou la fine bouche, ces pisse-viniagre acariâtres. Ils geignent et maugréent, haïssent non seulement les dimanches mais tous les jours de la semaine. Ces dépressifs congénitaux nous les briseraient moins s’ils gardaient tout ce fiel pour eux, chez eux. Mais quand ces emmerdeurs viennent d’un ton con-descendant nous donner des conseils de « savoir-rire », qu’ils aillent se faire foutre. Ils ont beau être plus à plaindre qu’à blâmer de ne pas savoir ou oser se marrer, faut leur foutre au cul aussi sans hésiter. « On n’est pas là pour se faire engueuler » disait Boris Vian. (J’suis sûr que Boris aurait été à fond pour Coluche). Allez, Sylvie, déride-toi, fends-toi la gueule, envoie-toi en l’air, bois un coup, fume un joint, baise, pète… Ce serait dommage de mourir idiote. » Nous avons pu voir que dans ce débat, il est sujet des termes « bleu-blanc-merde », ceci renvoie à la célèbre « une » du numéro de décembre 1980 d’Hara-Kiri. Nous n’avons pas encore parlé de ce journal parce qu’en fait nous nous sommes rendus compte qu’outre cette une et le dessin que nous reproduiront ci-dessous, Hara-Kiri se contente de renvoyer à ses 108

« La candidature de Coluche, M.FITERMAN (P.C.) : la merde, on l’a déjà. », Le Monde, 25 novembre 1980, n° 11 141, p.11

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camarades de Charlie Hebdo. D’ailleurs nous noterons aussi ci-dessous que si Hara-Kiri soutient Charlie Hebdo, Charlie Hebdo ne manque pas non plus de faire de la publicité pour le mensuel.

Nous n’allons par particulièrement revenir sur la prise de position de Libération, elle est tout à fait claire. Nous avons trouvé dans les colonnes de ce quotidien cette formule qui résume relativement bien son engagement : « Ouvrez les yeux, ouvrez les oreilles, ouvrez le comprenoir, avec Coluche, vous allez tout comprendre sur le fonctionnement l'étonnant 109 petit monde politique français. » . Notons tout de même que de nombreux articles de ce quotidien sont les fruits du travail de Maurice Najman qui était un ami intime de Coluche. Interrogé à son propos Jean-Michel Vaguelsy nous a confié qu’il « était avec [Coluche et lui] tout au long de la candidature. » Revenons plutôt sur l’engagement du Matin. Contrairement à ce que nous aurions pu croire au début de cette partie, Le Matin va être un puissant soutien à la candidature de Coluche. En fait, cela va se dérouler en plusieurs temps, tout d’abord, au moment où 109

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« Coluche aussi a ses intellectuels pétitionnaires », Libération, 19 novembre 1980, n°2104, p.8

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Coluche met fin aux bruits qui courent pour annoncer officiellement sa campagne, Le Matin va faire paraître ces lignes que nous citions auparavant, se félicitant qu’« une célébrité » 110 «remu[e] cette société qui semble définitivement engourdie » . Puis vient le temps du débat à l’intérieur de la rédaction de ce quotidien, on peut lire dans ces colonnes les propos très acerbes que nous citions auparavant et d’autres encore plus durs que nous n’avons pas encore mis en relief. Des propos tels que : « Tout neuf, son souci des minorités? "J'en appelle aux juifs, aux clodos, aux pédés, etc. " Pas tout à fait. On a déjà vu, dans l'histoire contemporaine, des politiciens s'intéresser de très près aux juifs, aux pédés, aux clodos, 111 etc. C'était en Allemagne, dans les années trente. » . Par la suite, ce journal tranchera en portant de l’intérêt à Coluche sans vraiment prendre position. Les journalistes ayant pris des positions trop tranchées n’écrivent plus au sujet de Coluche. On peut noter d’ailleurs que les articles ne seront rapidement plus signés, ou signés par des journalistes n’ayant pas pris part à ce débat. Notons tout de même que les articles de ce journal prendront des connotations de plus en plus positives au sujet de la campagne de l’humoriste. Nous allons montrer par la suite que ce journal sera le plus présent à la fin de la campagne de Coluche, qu’il médiatisera tous les événements du « candidat-nul », en fait on pourrait dire que dans un ultime temps, Le Matin va « remplacer » Libération qui a dû se mettre en sommeil. Avant de continuer en direction des journaux qui ne traitent que relativement peu de la candidature de l’humoriste, nous allons nous arrêter sur le cas du Monde qui entend tenir leur rang de journal de référence. Peu de prises de position, mais un traitement complet de la campagne de Coluche, le quotidien de la rue des italiens sera presque présent sur tous les événements - nous y reviendrons plus tard - et présentera pratiquement toutes les prises de position publiques des hommes politiques au sujet de la campagne du fantaisiste. On peut noter que ce quotidien de référence fera paraître en début de campagne un article 112 très positif.

« Ce serait quand même drôle, ce serait quand même bien s'il les recueillait, Coluche, le candidat Coluche, les satanées cinq cents signatures de «personnalités» habilitées au parrainage pour Le marathon présidentiel. Ce serait. «sympa» si, en rangs suffisamment serrés, des maires ou des conseillers généraux, qui n'ont rien à perdre ni à gagner — il y en a peut-être, — cautionnaient la « plaisanterie à caractère social » , du bouffon à bretelles avec sa salopette rayée ciel et blanc ». Par la suite, Mathilde la Bardonnie n’écrira plus au sujet de Coluche, et deux prises de positions que nous notions précédemment vont s’opposer à cette candidature. Dans l’ensemble on peut affirmer que ce journal a été le moins engagé même s’il est possible qu’au sein de la rédaction il y ait eu un peu plus de journalistes qui voyaient cette candidature d’un mauvais œil que d’un bon. On peut noter pour affirmer ceci que les journalistes emploient volontiers le nom de « Michel Colucci ». Appeler quelqu’un par un autre nom que celui qu’il se donne est une façon de le critiquer, dans le cas présent c’est aussi une façon d’afficher sa neutralité. Neutralité qui transparaît aussi dans le fait que les journalistes du Monde utilisent plus facilement le terme de « fantaisiste » que celui de « bouffon ». Nous venons de montrer que les journaux qui traitent le plus massivement de la candidature de l’humoriste sont ceux qui la soutiennent le plus. Les journaux qui accordent 110 111 112

« L'effet Coluche », Le Matin de Paris, 1

er

novembre 1980, n°1146, p.2

BAUBY (Jean-Dominique), « La chaussette », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.16 er LA BARDONNIE (Mathilde), « Coluche candidat : sérieux », Le Monde, 1 novembre 1980, n°11121, p.8

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une place relativement importante à cette candidature sont des hebdomadaires. Parmi eux ce n’est pas celui qui en parle le plus qui en dit le plus de bien. En effet, L’Express est parmi les hebdomadaires celui qui aborde la candidature de Coluche de la manière la plus prolixe, c’est pourtant celui qui à le positionnement le plus tranché. Pour ce magazine il y a une certaine « indécence » dans la présence de ce comique au langage « ordurier » au sein du débat présidentiel. Nous verrons par la suite que les journaux les moins prolixes sont ceux qui seront totalement opposés à la campagne de Coluche. C’est donc finalement un paradoxe que L’Express ait écrit autant au sujet de Coluche, puisque ce journal s’est aussi totalement opposé à la campagne de l’humoriste. Ce paradoxe, les lecteurs de ce magazine vont le relever comme en témoignent les deux lettres suivantes extraites du courrier des lecteurs du 17 janvier 1980 : Coluche le mépris

Qu'un hebdo comme L'Express (n° 1538) fasse l'honneur à Coluche de lui consacrer quatre pages... je n'en reviens pas. Un pareil individu (Coluche) ne mérite que le mépris. Dans son for intérieur, une créature de ce genre doit en effet croire que « c'est arrivé ». Vraiment, nous sommes tombés bien bas. Il faut être en France pour voir cela, et le subir. (...) Jean Blin, Remireront (Vosges). Vous passez les bornes

Je suis étonné et stupéfait que votre hebdomadaire ait gâché plus de quatre pages et mobilisé trois reporters (Jacques Derogy, Michel Delain et Branko Lazitch) pour nous présenter ce pitre dévoyé et cupide qui se nomme Michel Colucci, dit Coluche. (...) On peut penser ce qu'on veut de Giscard ou de Mitterrand, et même de Marchais, mais faire de la propagande pour Coluche, cela passe les bornes ! Je ne suis pas fier de L'Express, auquel je suis abonné depuis longtemps ; il ne m'avait jamais autant déçu. Charles Morançon, Marseille. Les autres hebdomadaires peuvent se prévaloir d’un positionnement moins radical. Jean Daniel pour Le Nouvel Observateur expliquera dans son éditorial du 24 novembre pourquoi son journal ne souhaite pas que Coluche obtienne les cinq cents signatures. Pour lui il est de son devoir « d’alerter l’opinion public sur ce phénomène ». Mais dans cet article c’est avant tout la société politique qui, en refusant d’ouvrir les yeux sur le phénomène, « augmente le nombre de français coluchiste ». Il conclura son article par ces mots : « Si nous ne disons pas ce genre de chose qui va le dire ». Mais par la suite cet hebdomadaire sera moins critique vis-à-vis de cette candidature. Nous verrons plus loin que la rédaction va laisser une tribune à Felix Guattari. C’est, en fait, par la voix de Delfeil de Ton, condamnant la censure qui s’est abattue sur la campagne de l’humoriste, que l’apaisement va se faire. Comme nous le montrions, jusqu’au 8 décembre l’hebdomadaire va n’avoir de cesse de justifier le dossier sur « la France de Coluche ». Avec Delfeil de Ton on peut considérer que ce magazine infléchit sa position. En revanche, la rédaction est plus dure envers la gauche qui « par peur d’un clown préfère être complice d’un acte de censure ! ». Ce chroniqueur humoristique issu d’Hara Kiri écrira aussi que « Coluche canalise une révolte, c’est sa fonction », pour lui, il doit rester un « symbole ». Notons pour finir que cet hebdomadaire n’a jamais attaqué la personne de Coluche mais 54

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sa candidature, ce qui n’a pas été le cas des hebdomadaires qui voulaient « saborder » la campagne du « candidat-nul ». Nous avons déjà abondamment présenté la prise de position du Point, il ne semble pas nécessaire de revenir sur ce point. Pour finir, donc, nous allons présenter les deux journaux qui ont été le moins prolixes à ce sujet. Ils l’ont été tellement peu que l’étude des mots de notre corpus n’a pas permis de dégager beaucoup d’informations à leur propos. Il faut se plonger au cœur de leurs écrits pour mieux comprendre leur positionnement. Ces deux journaux veulent mettre à mal la candidature de l’humoriste, cela ne fait aucun doute. Commençons par L’Humanité, la prise de position tardive de ce quotidien sera sans ambiguïté : Coluche comique pourquoi pas, mais certainement pas candidat. La preuve en est que seul ce journal ne va pas annoncer que Coluche est candidat dans sa rubrique politique mais dans sa rubrique « télévision-radio-presse ». La citation ci-dessous confirme ce que nous avançons :

« Il dit qu’il roule pour les paumés, mais les paumés ça fait longtemps qu’ils connaissent la musique des rupins qui viennent leur conter fleurette, ils savent rouler tout seuls. « la politique est nase » , répète sans fin l’artiste comme s’il venait d’inventer l’eau tiède. On a déjà entendu ça quelque part non ? Et le refrain 113 « Giscard-Mitterrand-Marchais », ça l’a pas étouffé pour le trouver. » La position de ce quotidien n’évoluera pas. L’Humanité cite aussi la phrase de Charles Fiterman que nous présentions auparavant. Un journaliste écrira plus tard, « Coluche, dont on peut penser ce que l’on veut de ses prestations sur scène, n’est ici pas drôle 114 du tout, hors de son univers » . On pourrait s’y méprendre, mais dans le cas présent ce quotidien traite du film « l’Inspecteur Labavure », pas de la campagne de Coluche. Campagne n’apparaissant presque plus dans les colonnes du quotidien communiste à part 115 pour rappeler que c’est un « coup de pub » et pour la comparer à Rodolphe Salis. Si cette comparaison est faite, ce n’est pas pour rappeler que M.Salis était le premier loufoque à se présenter à l’élection et que Coluche s’inscrit dans son sillage, c’est pour affirmer que Salis « annexait froidement aux farceurs de son comité électoral Maurice Barrès, Léon Bloy, Paul 116 Déroulède » . Cette image renvoie, corollairement, Coluche à un personnage de droite, voire d’extrême droite. Enfin, Le Figaro a aussi eu un positionnement très tranché sur la candidature de l’humoriste, nous ne nous attarderons pas trop sur ce journal que nous avons déjà présenté en détails, nous retiendrons juste que aux yeux de la rédaction Coluche est un « dangereux clown politise le rire », à cause de lui :

« on glisse vers un modèle à la Staline, ou à la Mao : quand on confond, de façon mythologique, l'exercice de la liberté avec une partie de plaisir ; quand on reproche tout à ses gouvernants parce qu'on a pris l'habitude d'en attendre tout ; quand, rendu passif devant le pouvoir par une mentalité d'assisté, on n'est plus

113 114 115 116

CABANES (Claude), « Coluche me fait rire », L’Humanité, 19 novembre 1980, n°11269, p.2 « Un inspecteur pas drôle », L’Humanité, 12 décembre 1980 « Coup de pub », L’Humanité, 23 janvier 1981, n°11325, p. WURMSER (André), « De Salis en Coluche », L’Humanité, 16 décembre 1980, p.1

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capable d'endiguer l'emprise du contrôle social, de séparer la vie privée de la vie 117 publique, et, en l'occurrence, l'art de la politique. » Maintenant que nous avons vu que les journaux présentaient des positions plus ou moins hostiles à la candidature de Coluche, nous allons voir comment les différents titres abordent quelques thèmes clés de la campagne de l’humoriste.

II. Le positionnement des journaux confirmé par les thèmes abordés Parmi les thèmes que nous souhaitions abordés se trouvent la censure et les petits événements créés de toutes pièces pour la contourner, nous y consacrerons notre premier temps en montrant que tous les journaux ne parlent pas de ce thème. Puis nous essayerons d’analyser des points de clivage autour d’un fait divers et de l’engagement des intellectuels.

A. Les journaux qui soutiennent Coluche crient à la « censure ». Dans ce premier temps nous allons montrer que la censure, qui est un des éléments que nous avons le plus retenu de la campagne de Coluche n’est à l’époque traité que par quelques titres, ceux qui ne cherchent pas à nuire à la campagne de Coluche.

a) Les journaux utilisant le mot « censure » soutiennent Coluche Nous le signalions dès l’introduction, les questions au sujet de l’éventuelle censure de la candidature de l’humoriste n’ont jamais été vraiment résolues mais ont fait couler beaucoup d’encre. Le débat est, à vrai dire, sans fin, car il n’y a jamais eu de documents écrits stipulant qu’il fallait interdire Coluche d’antenne. Tous les actes de censure qui ont touché l’humoriste ont été expliqués par les chaînes de télévisions et de radios par des raisons « x » ou « y », sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir. Nous allons dans cette partie de notre réflexion montrer qu’en fait le débat sur la censure est présent tout au long de la campagne de Coluche mais uniquement dans les journaux qui le soutiennent, ou du moins qui ne cherchent pas à lui nuire. On retrouve en tout et pour tout vingt-trois articles traitant de la censure dans notre corpus. C’est un des sujets les plus traités. Pourtant, seuls cinq journaux l’abordent. Le Nouvel Observateur lui consacre deux articles. On retrouve six occurrences à ce sujet dans Charlie Hebdo et ce sans compter les multiples caricatures. Cinq articles feront référence à la censure dans Le Matin de Paris, autant dans Le Monde et Libération. Avant de détailler ces articles, notons que la censure a été l’objet de deux parutions indépendantes, une provenant d’intellectuels parue le 24 mars 1981 dans les colonnes du Monde, l’autre provenant de la ligue contre le racisme a été publiée le 1er Avril 1981 dans les colonnes de Charlie Hebdo dans la rubrique « on a reçu ça à propos de Coluche ». Nous présenterons aussi un article que Coluche a fait paraître à ce sujet dans les colonnes de Charlie Hebdo, le 25 mars 1981 et tout d’abord un dessin de ce même journal daté du 3 décembre 1980. 117

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SLAMA (Alain-Gérard), « La France malade de Coluche », Le Figaro, 28 novembre 1980, n°11 270, p.2

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Charlie Hebdo, 3 décembre 1980, p.3

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Ces trois parutions crient haro à la censure. Elles interviennent toutes les trois en toute fin de campagne, nous reviendrons donc dessus un peu plus tard. Tout d’abord notons que le premier cri contre la censure qui toucherait Coluche provient des colonnes de Charlie Hebdo, le 5 novembre 1980. Arthur écrit : « Un Coluche, roi de l'audio visuel, [se présente à l’élection présidentielle] : on ne l'entend ni ne le voit sur les ondes et les écrans. ». Appel anticipé, mais qui ne s’avérera pas totalement faux. En effet, nous le signalions au début de ce mémoire, la dernière apparition en direct à la télévision de Coluche sera programmée le 10 décembre 1980. C’est un peu avant cette date que la plupart des articles dénonçant la censure sont rédigés. Le 24 Novembre, Le Matin fait paraître un article intitulé : « Coluche et TFl déjà la censure », les journalistes reviennent sur l’émission « C’est pas sérieux » de Jean Amadou et Jean Bertho. Cette émission a passé pendant une heure l’actualité des candidats à l’élection présidentielle au peigne fin. Tous les candidats ont eu droit à un reportage ou à une brève à leur sujet, même Marie-France Garaud, Brice Lalonde (écologie), et Pascal Gauchon, candidat du parti des forces nouvelles (mouvance proche de l’extrême droite). 60

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Tous les candidats, sauf Coluche. Le journaliste du Matin surpris de ne pas avoir trouvé l’humoriste dans cette émission appellera Jean Bertho afin de s’assurer qu’« il n’[avait] pas déjà reçu de consigne formelle de la boucler ». Ce dernier lui aurait répondu nerveusement qu’il n’y avait jamais eu quelconque consigne à propos de Coluche. Par la suite, MM Carreyrou et Duhamel, prennent l’initiative d’inviter Coluche au « club de la presse », l’émission politique phare d’Europe 1. Ils suggèrent l’idée à Etienne Mougeotte qui n’est pas enchanté de la proposition mais qui suggère aux deux hommes de faire un petit sondage auprès des autres journalistes politiques de l’émission. Ils récolteront dix-neuf « oui », deux « non » (celui de Claude Estier, qui écrit pour L’Unité, l’hebdomadaire du parti socialiste, et de M.Andrieu que l’on peut lire dans L’Humanité), et trois réponses mitigées dont celle de P.Duhamel, chef du service politique de T.F.1. MM Carreyrou et Duhamel rapportent ces résultats à M. Mougeotte, qui refuse catégoriquement l’émission. L’ordre vient de Jean-Luc Lagardère, vice-président de la station, qui ne veut pas jeter le discrédit sur sa prestigieuse émission qui a reçu quelques semaines auparavant M.Kissinger. Dans un article du Nouvel Observateur Thierry Pfister écrira : « Pauvre gauche qui, par peur de la parole d'un clown, préfère être complice d'un acte de censure ! Ce qui ne l'empêchera pas de continuer à faire campagne, sans complexes, 118 en se présentant comme le meilleur garant des libertés. » Puis vient l’épisode de Radio-7, épisode en deux parties. Cette radio, à l’initiative de son directeur des programmes Patrick Meyer, décide d’inviter l’humoriste. Cette radio fait partie du groupe Radio-France, Patrick Meyer demande l’accord du groupe pour son émission, accord refusé sous prétexte que Coluche est déjà passé à l’émission de Bouteiller sur France-Inter. On aurait pu imaginer que l’affaire en reste là, mais Patrick Meyer est persuadé qu’il s’agit d’un acte de censure et il entend bien le faire savoir. On ne saura jamais s’il a démissionné ou s’il s’est fait licencier, les avis divergent, toujours est-il qu’il doit quitter son poste au début de l’année 1981, son contrat n’ayant pas été renouvelé. Patrick Meyer, déclarera au Matin et à Libération, qu’il s’agissait bien d’un acte de censure, puisque personne n’avait été choqué par le fait que Monique Pelletier, ministre chargée de la famille et de la condition féminine du gouvernement sortant, soit invitée un jour au « téléphone sonne » et le lendemain au « Club-7 ». Il quitte Radio-7 parce qu’il ne pouvait pas cautionner cet acte de « censure intolérable » Mais l’événement qui fera le plus de bruit, c’est la censure de l’émission de fin d’année d’Antenne 2. Nous en avons déjà parlé, le Collaro-show spécial réveillon sera amputé de la scène où Coluche présidait son premier conseil des ministres. Jacques Chancel, responsable des programmes de cette fin d’année, affirme qu’il n’y a pas censure puisque seul ce sketch a été coupé, la vidéo dont Coluche faisait la voix-off devait rester présente dans l’émission. Coluche ne l’a pas entendu de cette oreille et a demandé que ce petit sketch soit supprimé afin que l’on puisse passer l’autre. Résultat, ni l’un ni l’autre ne seront diffusés. Coluche ne passera plus à la télévision jusqu’au 10 mai 1981, pendant ce temps là quelques articles continuent de paraître au sujet de cette censure. C’est Delfeil de Ton, alias Henri Roussel, dans le Nouvel Observateur qui va écrire l’article le plus long de cette période sur ce sujet.

« Le principal intérêt de la candidature Coluche apparaît ailleurs. Ce qu'elle provoque en montre long sur la censure qui règne chez nous et sur les compli118

PFISTER (Thierry), « Que faire de Coluche ? », Le Nouvel Observateur, 8 décembre 1980, n° 839, p.40

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cités qu'elle rencontre. Songez : pas un sondage sur la candidature de Coluche ne le crédite de moins de dix pour cent des intentions de vote. Ce n'est pas rien. Eh bien ! depuis le premier sondage, aucune, absolument aucune télévision, d'Etat ou privée, en France, n'a fait venir le candidat Coluche à une émission d'informations. Aucune radio non plus. » Le Monde fera plus ou moins le même constat lorsque Coluche renoncera à sa candidature : « Il est vrai que Coluche a été victime de censures répétées à la radio et à la télévision. ». Nous ne pouvons pas affirmer que la presse a censuré Coluche, mais nous ne pouvons qu’être surpris de remarquer que Le Figaro, L’Express ou encore L’Humanité – qui clament tout au long de ses colonnes que « son » candidat, Georges Marchais, est censuré par la télévision – n’ont jamais abordé ce sujet de la censure de cette candidature.

b) Les journaux qui relayent les événements créés par Coluche pour lutter contre la censure le soutiennent De janvier à mai 1981, Coluche va tout faire pour attirer l’attention des médias. Nous en parlions en première partie, il y aura la conférence à Polytechnique, l’appel aux petits candidats, l’annonce de la fin de sa campagne, puis la grève de la faim. Ce sont les mêmes quotidiens que ceux cités précédemment qui couvrent ces événements. Pour commencer par la conférence de Coluche à Polytechnique, nous montrions précédemment que le traitement était relativement irrégulier. En effet, L’Humanité va faire paraître un article très court à ce sujet. En fait, si L’Humanité couvre cet événement ce n’est pas parce que ce journal connaît un regain d’intérêt pour Coluche, mais plutôt pour clamer que Coluche se « fou[t] de la politique et qu’[il a] fait ça pour [se] faire de la pub. ». Le Monde avait à cette occasion fait paraître un article relativement long dans lequel le journaliste s’étonne de l’absence de journalistes radios et télévisions pour couvrir cette conférence loin d’être ordinaire. Charlie Hebdo consacre une pleine page à l’événement :

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Cet événement n’est pas forcément lié à une envie de sortir de la censure, Coluche l’aurait probablement réalisé en toutes circonstances. Les événements suivants en revanche ont vraiment été créés de toutes pièces par l’humoriste et son équipe afin de lutter contre son exclusion de la sphère médiatique. Le 10 février, Coluche annonce aux télévisions anglo-saxonnes qu’il a obtenu 632 signatures. Rappelons que seuls trois quotidiens traitent de cet événement, Libération, Le Matin et Le Monde, les autres journaux ne relèveront pas l’information, qui semble pourtant être la réponse à une question que tout le monde a sur les lèvres depuis le mois d’octobre 1980, Coluche aura-t-il les cinq cents signatures nécessaires ?

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Charlie Hebdo mettra tout son humour au service de l’événement : Jean-Michel Vaguelsy déclarait à une conférence prononcée à l’I.E.P. de Lyon en février 2005 que Coluche n’avait obtenu qu’une quinzaine de promesses de signatures. On est donc ici dans un événement crée dans le simple but de faire revenir les journaux à lui. Le résultat est plus ou moins efficace puisque seuls les journaux qui ont l’habitude de soutenir Coluche ont répondu présent à l’appel. Coluche ne baisse pas les bras pour autant, il avait lors du mois de janvier lancé dans les colonnes de Libération un appel à la fédération des petits candidats. Il organisera donc début mars une conférence commune aux petits candidats. Interrogé à ce sujet, lors de l’entretien que nous avons déjà cité auparavant, Jean-Michel Vaguelsy nous confie que cet appel aux petits candidats est un « véritable moment de désarroi ». Coluche sait à ce moment qu’il n’aura pas les cinq cents signatures. Cette conférence n’aura qu’un succès très relatif, puisque comme le note Le Monde : « Seuls sont montés sur scène M. Joseph Rennemann, avocat à Strasbourg, défenseur des détenus des quartiers de haute sécurité; Mme Christiane Loretz, qui se prononce pour « un nouvel ordre économique mondial » favorable aux pays du tiers-monde ; M. Claude Blanchard, porte-parole des «consommateurs» de maisons individuelles ; M. Jacques Vecker, auteur d'un « projet de 119 société pour l'homme universel ». Tous les autres candidats présents sont pour le coup vraiment fantaisistes, le professeur Choron, candidat des chauves, son ami René Fallet, candidat des ivrognes, on pouvait aussi compter parmi les candidats, le candidat des immigrés qui ne s’est exprimé qu’en arabe, le défenseur du rock’n’roll, ou encore le candidat des maigres suicidaires. Le Matin a surtout consacré son article à l’apparition de Coluche 120 « vêtu d'un simple ruban tricolore cachant sa virilité et d'une plume d'autruche. » Le Monde conclura son article par ces mots : « Faute d'avoir efficacement œuvré en faveur de la liberté d'expression, dont n'ont profité que quatre « petits » candidats. Coluche a ramené la couverture à lui. ». Mais la couverture n’est pas suffisamment revenue à lui. Les télévisions n’étaient pas présentes, et une fois encore, seule une partie de la presse était présente. Coluche se prépare à sortir de cette candidature, un événement va l’en précipiter. Nous le signalions auparavant, Coluche va être entendu par la police judiciaire à propos de la « une » d’HaraKiri. On sait qu’aucune plainte n’a été déposée, il est donc compréhensible que Coluche ait 119 120

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LHOMEAU (Jean-Yves), « les trucs de Coluche », Le Monde, 4 Mars 1981, n° 11 225, p.11 « COLUCHE, Son trucen plume », Le Matin de Paris, 3 mars 1981, n°1250, p.1

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vu dans cette convocation un acharnement contre lui et une volonté de déstabiliser une fois de plus sa candidature. Le Figaro sortira de son mutisme pour écrire une brève au sujet de cette convocation. La dernière idée pour faire revenir les journalistes à lui sera d’annoncer le retrait de sa candidature. Le succès escompté est assuré, Le Figaro couvrira cet événement. Le 18 Mars Charlie Hebdo fait paraître cette caricature révélatrice :

Les télévisions et les radios annoncent ce retrait, sans pour autant diffuser de reportage. Mais lorsque le lendemain, Coluche annonce que ce n’était qu’une blague pour faire revenir les journalistes. Personne ou presque ne le suit. Le Monde, Charlie Hebdo et Le Matin sont une fois de plus les seuls à couvrir la campagne. Coluche aura beau faire une grève de la faim pour espérer passer à la télé et à la radio, il ne retrouvera plus la médiatisation souhaitée. En effet, seuls Le Matin et Charlie suivent cette grève.

Claude Weill fera remarquer à Coluche qu’« apparemment, [sa] grève n'empêche pas les responsables d'Antenne 2 et d'Europe 1 de dormir. » L’humoriste lui répondra : « Je Bozonnet Gregory - 2007

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les comprends. Si Giscard d'Estaing faisait la grève de la faim, ça m'empêcherait pas de 121 bouffer. Il faut bien le dire. » . Coluche reviendra dans un entretien avec Cavanna sur cette grève de la faim : « L'emmerdant, c'est que ta grève de la faim, personne n'en a rien su, ou presque. Et ceux qui l'ont su ont cru à une blague. Les médias t'ont presque entièrement boycotté » faisait remarquer Cavanna à l’humoriste qui a répondu : « Pour moi, c'était un coup de sonde. Je voulais voir si les journalistes seraient assez crapules pour boycotter 122 ça. J'ai vu. »

B. Les différentes manières d’aborder les thèmes de la campagne coluchienne révèlent la prise de position des journaux. Cette partie se veut l’aboutissement de notre raisonnement. Parmi les mots récurrents certains renvoient à des thèmes bien précis de la campagne, nous n’allons pas pouvoir tous les passer en revue, mais nous allons nous intéresser à ceux qui marquent le mieux les clivages entre les journaux. Tout d’abord nous allons voir les mots utilisés par la presse pour qualifier les intellectuels, pour ensuite nous porter vers le domaine du judiciaire.

a) Les mots pour qualifier les intellectuels mettent en relief un réel clivage entre les différents journaux Quinze articles de notre corpus font état de l’engagement des intellectuels dans la campagne de Coluche. Ils se répartissent plus ou moins sur l’ensemble des journaux même si une fois de plus Le Matin, Libération et Le Monde consacrent plus d’articles à ce sujet que leurs confrères. L’Humanité n’a pas souhaité parler de ces intellectuels. Notons au passage que Le Monde a préféré laisser la parole aux intellectuels plutôt qu’écrire à leur sujet. Le quotidien de la rue des italiens laisse donc une tribune à Chesneaux et Halbwachs, deux signataires, respectivement professeur à Paris VII et à la Sorbonne, et ne publie qu’un article relativement neutre, où le journaliste montre simplement que Coluche gardait un œil sur ce que faisaient les intellectuels de sa candidature : « Attention les intellos, à ce que vous allez 123 déclarer comme conneries. Parce que moi, je vais vous taper derrière les oreilles. » Si on excepte Libération, tous les autres journaux vont tenir des propos plus ou moins rudes à l’encontre des intellectuels. Commençons par une présentation simple des mots utilisés pour désigner ces intellectuels dans les différents journaux. Libération les nommes « gotha de l’intelligentsia », « intellectuels contestataires », pour Le Matin ce sont « les maîtres à penser de la gauche », les « zélateurs d’un athlète anti-tout », « nos champions » ; dans un second article on peut lire les termes « vieux pétitionnaires », « intellectuels sacrés par les médias héritiers de mai 1968 » et enfin « intelligentsia ». Le Point, moins dur, qualifie ces intellectuels de « respectables ». Pour le Figaro ce sont des « chasseurs d’absolu » et pour l’Express ce sont des « intellectuels de gauche » ou moins généralement « certains sociologues ou littérateurs ». Rappelons que selon le Trésor de la Langue Française, le littérateur est le mot péjoratif pour dire « homme de lettres ». 121 122 123

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WEILL (Claude), « Coluche : il faut sortir Giscard », Le Matin de Paris, 27 mars 1981, n° 1271, p.5 CAVANNA, « Le président Coluche va bien », Charlie Hebdo, 8 avril 1981, n°543, p.3 LHOMEAU (Jean-Yves), « Coluche ou la campagne imprévisible », Le Monde, 12 décembre 1980, n°11 156, p. 10

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Outre l’utilisation de mots foncièrement différents, notons que les journaux ne présentent pas le nombre de pétitionnaires par les mêmes termes. Ainsi, ils sont une « une trentaine » dans Le Monde. (C’est en fait l’estimation la plus exacte que l’on puisse donner puisque leur nombre a varié, on sait par exemple qu’Alain Jouffroy s’est retiré pour ne pas nuire à François Mitterrand, et que d’autres signataires n’ont jamais reparlé de cet engagement. Ce que l’on peut affirmer c’est qu’il y avait vingt-neuf signataires à la pétition parue dans Les Nouvelles Littéraires.) Pour Libération, aucune limite n’est donnée, pour eux c’est « le gotha de l’intelligentsia » qui s’est mobilisé pour la campagne de Coluche. Le Nouvel Observateur parle « de dizaines » d’intellectuels, les autres journaux seront moins généreux sur le nombre « quelques uns de ces intellectuels » écrit Le Figaro, Le Matin fait le même constat, « il en reste quelques uns » enfin, pour L’Express les signataires sont « quelques rares intellectuels de gauche », ils sont dans les colonnes du Point, « une poignée ». A partir de ce double constat on peut d’ores et déjà imaginer le positionnement de chaque journal. Nous allons les passer en revue pour vérifier qu’il n’y a en effet pas de hasard, une fois de plus les mots révèlent le positionnement des journaux au sujet des intellectuels. Pour Libération, les intellectuels insufflent du sérieux dans la campagne de l’humoriste. Ce quotidien prend d’ailleurs leur soutien très au sérieux en reproduisant l’intégralité de leur pétition de soutien dans leurs colonnes. Pour ce journal, les intellectuels vont soutenir 124 Coluche grâce au « poids important de leur prestige » . On peut noter, en outre, que ce journal va faire paraître une très longue interview de Jean Chesneaux le 7 février 1981. Certes Le Matin aussi laissera une place dans ses colonnes à Jean-Pierre Faye, mais ce quotidien a une vision des intellectuels pétitionnaires grandement différente. On pourrait croire par les mots utilisés qu’un article est plus positif que l’autre. Or il n’en est rien. Pour ce quotidien, les intellectuels de gauche « démissionnent », il semblerait selon ce journal que les intellectuels de gauche partent à la dérive puisque selon eux, il n’y en a plus que deux catégories, ceux « qui tombent dans l’homicide » comme Althusser qui « a tué bobonne » ou ceux qui « deviennent des zélateurs d’un athlète anti-tout ». Pour eux c’est un « naufrage ». Le journaliste répète d’ailleurs ce terme dans une phrase cinglant ces intellectuels : « Quel 125 naufrage ! Mai 68 qui accouche d’une salopette, la subversion par les bretelles » . Dans 126 le second article paru dans ce quotidien, le constat est encore plus amer. Alexis Liebaert voit dans l’engagement des intellectuels une « subite myopie » générée par « le vague à l’âme de l’intelligentsia », la conclusion de l’article est sans appel : « Y’a des mecs – comme dit Coluche – qui à force de se laisser baigner par l’air du temps finissent par avoir le cerveau un peu atteint par la rouille. » Le Nouvel Observateur n’a pas vraiment pris part dans le débat sur l’engagement des intellectuels, on peut tout de même noter que le 24 novembre 1980, dans son éditorial, Jean Daniel parle de la « cécité intellectuelle » qui est pour lui « aussi grave que le phénomène en elle-même. » On ne peut bien sûr pas non plus parler des intellectuels sans citer cette phrase restée célèbre de Guy Sitbon : « Guattari et Nicoud derrière Coluche : la réconciliation du 127 hash et du beaujolais. » 124 125 126 127

« Coluche aussi a ses intellectuels pétitionnaires », Libération, 19 novembre 1980, n°2104, p.8 ALGALARRONDO (Hervé), « le naufrage des intellectuels de gauche», Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.16 LIEBAERT (Alexis), « Le niveau zéro », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.16 SITBON (Guy),« La France de Coluche », Le Nouvel Observateur, du 17 novembre1980, n°836, p48-49

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Le Point ne s’est pas trop engagé non plus. Ce magazine se moque, en fait, de ces intellectuels qui prennent Coluche au sérieux. Le journaliste commente entre parenthèses les citations de Félix Guattari : « "la musique de Coluche est extrêmement sophistiquée quelque part..." (sic). » Nous soutenons Coluche « pour surmonter "l'impuissantisation de la praxis" (re-sic) ». L’Express restant toujours sur le même credo va comparer les intellectuels de Coluche aux soutiens de Pierre Poujade. Jean-Pierre Faye utilisera un droit de réponse pour montrer la surprise qu’il a eu en apprenant qu’il était comparé à Pierre Benoît, cet écrivain arrêté pour collaboration et relâché faute de preuves. Dans leur numéro du 22 novembre 1980, Olivier Todd écrit ce propos cinglant : « Le passage de Marcuse à Coluche chez certains sociologues ou littérateurs montre qu’il y a dans la gauche non communiste autant de désarroi que d’impuissance. ». Enfin, Le Figaro critique ces « intellectuels qui rêvent d’une société parfaitement transparente et homogène » et qui « obéissent avec une triste incohérence à la pente totalitaire de leur idéologie » A travers cet exemple, on a pu voir qu’en prenant les mots concernant un point particulier de la campagne de l’humoriste, on tombe toujours sur le même type d’analyse. Excepté Le Matin dont tous les articles traitant des intellectuels sont parus pendant le débat interne à la rédaction. En l’occurrence toutes les personnes ayant voulu s’opposer à cette candidature ont saisi l’occasion de la publication de la pétition des intellectuels pour en dire du mal. Ce n’est pas un journal isolé puisque on a noté que L’Express et Le Figaro ont aussi saisi la perche tendue par les intellectuels pour dire tout le mal qu’ils pensaient d’eux et de la candidature de l’humoriste.

b) les événements sont tous traités différemment selon les journaux. Un exemple concret, les démêlés de Coluche avec la justice. On a eu l’occasion de voir que tous les journaux ont pris une position, plus ou moins franche, sur la candidature du fantaisiste. Dans cette dernière partie nous nous intéressons aux thèmes abordés, l’exemple de la censure et des événements conçus par Coluche pour la contourner nous a montré que tous les journaux n’abordaient pas l’ensemble des sujets. On a pu voir aussi auparavant que des thèmes sont abordés quasi-exclusivement par certains journaux, les militants sont par exemple l’apanage de Charlie Hebdo et de Libération. A travers l’exemple des intellectuels nous avons voulu montrer que les journaux ont parfois saisi des points particuliers de la campagne pour afficher leur positionnement, tout en montrant que cette prise de position était toujours révélée par les mots. Dans cet ultime point, nous allons nous baser sur un sujet extrêmement précis, un fait divers. Ou plutôt plusieurs petits faits divers gravitant autour d’un seul thème, les démêlés de Coluche avec la justice. Le but est de montrer un exemple de traitement différencié d’un fait d’actualité. Il pourrait apparaître comme une critique du journalisme, il n’en est rien, cette partie est juste une mise en exergue du mythe de la neutralité du fait divers. Même sur un article très bref on peut noter des différences cruciales qui nous indiquent le positionnement des journaux. Nous aurons ainsi qualitative, qui nous a amené à dévoiler le positionnement des journaux tout au long de cette campagne, positionnement qui se révèle aussi par une absence de traitement d’une certaine partie de la campagne, par la critique de certains points et donc enfin par l’utilisation de mots ou d’expressions particulières qui font que même à travers une brève nous pouvons noter l’absence de neutralité de l’information dans les journaux.

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Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne de Coluche

Les faits divers sur lesquels nous allons nous baser sont ceux qui ont fait de Coluche 128 un « habitué du quai des Orfèvres » . Avant de commencer l’analyse de presse de ces événements, nous allons tenter d’effectuer une présentation la plus objective possible des faits. Le 26 novembre, un corps est retrouvé dans une carrière à Gournay-sur-Marne, après une journée d’enquête, il se trouve que l’homme est un employé de Paul Lederman qui travaillait sur le spectacle de Coluche en tant que régisseur-lumières. Interrogé sur le passé de cet homme, Coluche déclarait : « A une époque, il a effectivement été voleur, comme moi, 129 comme le sont les mômes dans les banlieues, mais depuis il n’a plus eu d’histoires. » . Afin de se renseigner sur les liens entre Coluche et ce régisseur, il est convoqué avec Paul Lederman au 36 quai des Orfèvres. Quelques jours plus tard, Coluche devra revenir dans ces mêmes lieux pour déposer plainte suite à la lettre de menace reçue. Cette lettre de menace est un « premier avertissement » du groupe « Honneur de la police » qui semblet-il n’aurait pas apprécié que Coluche tourne dans le film « Inspecteur Labavure ». Avant d’analyser ces textes nous voulons présenter les éléments utilisés pour illustrer différents articles. Nous reviendrons sur deux d’entre eux par la suite.

Nous ne pouvons pas présenter et comparer l’intégralité des articles traitant de ce thème, nous allons donc nous baser sur quelques points précis. Nous allons donc tout d’abord voir les mots utilisés pour qualifier René Gorlin, et plus précisément sa fonction. Nous verrons par la suite comment les journaux traitent de son passé et de ses possessions actuelles, nous finirons par présenter le résultat des perquisitions effectuées à son domicile en soulignant les différences visibles dans chaque journaux. Nous verrons aussi pour finir comment Coluche est présenté pendant cet événement. Nous le précisions auparavant, René Gorlin était le régisseur-lumières de Coluche. Pour Libération, il n’était que le « régisseur lumières du spectacle de Coluche » même si 130 certains l’« imaginaient garde du corps » . Le Monde le qualifie de « régisseur (régisseur 131 lumière plus exactement) » . On peut dire que pour l’instant les termes semblent plus ou moins équivalents, notons que par la suite, les mots divergent, Pour le Matin, René Gorlin 128 129 130 131

REVERIER (Jean-Loup), « Les embarras de Coluche », Le Point, 8 décembre 1980, n° 429, p.57-58 BRUNETTI (Denis), « La mort du régisseur-lumière de Coluche », Libération, 28 novembre 1980, n°2112, p.4 idem GREILSAMER(Laurent), « L’Enquête sur le meurtre de René Gorlin », Le Monde, 29 novembre 1980, n°11145 p14

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était « régisseur du spectacle de Coluche » , poste qui consiste à régir tant l’organisation, que la régie son, lumière… Ce quotidien utilise aussi en titre ce terme de « régisseur de Coluche », poste qui devrait, vraisemblablement consister à gérer les affaires de Coluche, voire sa vie. Ce terme sera aussi utilisé dans le titre consacré à l’événement par Le Figaro ; Le Point quant à lui fait paraître cette expression dans le corps de leur article du 1er décembre, par la suite, le journaliste écrit que son poste était « régisseur-lumière et à 133 l’occasion garde du corps ». Enfin, Le Figaro le qualifie de « régisseur homme à tout 134 135 faire » et Minute, de « gorille de Coluche ». Difficile dès lors de s’y retrouver, on ne sait plus vraiment quel était le poste de René Gorlin, on ne sait donc plus vraiment s’il était proche ou non de l’humoriste, mais la discorde entre les journaux ne se limite pas à ce simple fait, nous allons à présent nous intéresser au passé et aux possessions de cet homme. En effet, les journaux, cherchant à comprendre pourquoi ce régisseur a été assassiné, vont se pencher sur ces deux éléments. Pour Libération, il a été « condamné en 1960 pour vol qualifié », il a fait dix-huit mois de prison « depuis, rien. ». Pour Le Matin il a été condamné pour « vol qualifié », « il est vrai que depuis, il n’a jamais eu affaire à la justice ». Le Figaro, plus évasif, affirme qu’il a eu à « 19 ans, quelques ennuis avec la justice mais n’avait jamais récidivé ». Cependant, le 2 décembre Le Figaro reviendra un peu sur cette position en écrivant qu’il avait « gardé, depuis sa jeunesse 136 orageuse, des relations douteuses » , Minute, enfin le qualifie de « truand confirmé » soupçonné de « proxénétisme et de casse ». Quant à ses possessions, ce « journal », affirme qu’il possédait « une fermette », « une écurie de courses » ainsi qu’« un appartement à Paris ». Deux autres journaux reviennent sur ses possessions. Pour Le Figaro, « il vivait à Rosay » et « possédait un studio à Paris » alors que pour Le Matin, « il était domicilié à Rosay » et « avait un pied à terre chez une amie à Paris ». Le dernier point de discorde manifeste au sujet du meurtre du régisseur-lumières de Coluche concerne la perquisition qui a eu lieu à son domicile. Le Figaro, Le Monde et Le Point font état de cette perquisition, les autres n’en parlent pas. Libération préfère consacrer une brève à l’inhumation de René Gorlin. Le Monde affirme qu’il y avait « plusieurs cartes d’identités françaises, une allemande, une carte grise d’un véhicule allemand et un vieil 137 uniforme de C.R.S. » . Pour Le Figaro « diverses pièces d’identité peut-être volées…ainsi 138 qu’un uniforme de C.R.S. » . Notons l’introduction du « peut-être volées », Le Point ôtera la nuance puisque pour selon M.Reverier, il y avait au domicile de René Gorlin : « quelques 139 munitions, des papiers volés dans des voitures et même un uniforme de C.R.S. » . Outre l’effacement de cette nuance, on découvre qu’il y aurait eu au domicile du régisseur des munitions. Ces éléments supplémentaires sont peut-être liés à la parution plus tardive de l’enquête mais nous nous devons d’émettre des réserves sur cette hypothèse car comme nous le signalions en première partie, cette enquête va être longue, et Coluche se plaignait d’ailleurs qu’elle n’avançait pas assez vite. 132 133 134 135 136 137 138 139

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« Le régisseur de Coluche assassiné », Le Matin de Paris, 28 novembre 1980, n°1169, p.40 REVERIER (Jean-Loup),« Les embarras de Coluche », Le Point, 8 décembre 1980, n° 429, p.57-58 «Le régisseur de Coluche assassiné », Le Figaro, 28 novembre 1980, n°11270, p.11 « Le gorille de Coluche avait une écurie de courses », Minute, 3 décembre 1980, p.5 « Coluche : protection policière », Le Figaro, 2 décembre 1980, n° 11273, p.12 « Les menaces d’«honneur de la police » », Le Monde, 3 décembre 1980, n°11 148 p.10c « Coluche : protection policière », Le Figaro, 2 décembre 1980, n° 11273, p.12 REVERIER (Jean-Loup), « Les embarras de Coluche », Le Point, 8 décembre 1980, n° 429, p.57-58

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Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne de Coluche

A propos de Coluche, notons que les journaux vont présenter des versions très différentes de ses passages au 36 du quai des Orfèvres. Libération et Le Matin ne traitent que de son premier passage, Le Monde, Le Figaro et Minute n’abordent que le second. 140 Libération explique que l’ « audition aurait duré deux heures » et selon le commissaire Foll l’ambiance était « correcte », pour Le Matin de Paris l’entretien a été « parfaitement 141 courtois » . Lors de son deuxième passage à la police judiciaire, Coluche est venu pour déposer plainte suite à la lettre de menace qu’il a reçu. Difficile de savoir comment s’est passé son interrogatoire puisque comme le souligne Paul Lederman, « c’est une information 142 que [les journalistes] ne devr[aient] pas avoir » . Toutefois, il semblerait que Coluche se soit énervé après qu’on lui ait demandé à nouveau de décliner son identité. Pour Le Monde, Coluche « perdit son humour » face aux « formalités administratives longues mais 143 nécessaires » . Le Figaro cite les policiers qui ont déclaré que Coluche était « excédé » alors que pour Minute il y a eu tout un scandale, Coluche serait allé se plaindre au chef, et serait parti en criant « les policiers sont tous des c... ». On voit à travers ces exemples que la prise de position se fait même à travers un simple fait divers. Les journaux n’hésitent pas à montrer Coluche plus proche de l’homme assassiné, peut-être dans le but de nuire à sa campagne. Ils n’hésitent pas non plus à surestimer le passé de cet homme afin de montrer que les relations de Coluche sont douteuses et mal famées. Chaque journal passe sous silence les éléments qui ne l’arrangent pas, Libération pourtant très prolixe au sujet de Coluche n’informe pas ses lecteurs de l’incident dans les locaux de la police judiciaire, Le Figaro de son côté omet de préciser que le premier passage de l’humoriste dans les locaux du quai des Orfèvres s’était déroulé sans embûches… Tout au long de notre travail, nous avons attaché beaucoup d’importance aux mots, avant de conclure ce mémoire, nous voulions signaler que l’on aurait pu aussi anticiper le sens des articles à la simple vue des photographies utilisées pour illustrer l’événement. Le Point et Libération ont eu un traitement quasi diamétralement opposé de cet événement. Ce sont les deux seuls journaux à utiliser des photos d’illustrations. Nous les avons reproduites auparavant. Dans celle de Libération, nous notons que l’image est très claire, Coluche est pris de face et présente un visage neutre voire souriant. Cette image donne une vision sympathique de l’humoriste. Le Point a choisi une photo où Coluche descend d’un escalier. Conséquemment, Coluche a la tête baissée. La photo est très sombre, ce qui donne une ambiance moins agréable, moins attirante, de plus on voit peut l’expression de Coluche mais elle semble triste. Coluche paraît préoccupé et peu avenant. Les mots révèlent le même esprit, ceci n’est pas anodin, c’est un travail de cohérence entre le texte et l’image réalisé consciemment. La boucle est bouclée, nous avons présenté le positionnement de tous les journaux à travers les mots qu’ils ont employés à propos de Coluche. En finissant par ces faits divers, nous avons montré jusqu’à quel point les journaux se sont engagés dans la campagne de Coluche. La neutralité de la presse n’existe pas, il n’y a pas que les éditoriaux qui sont des prises de position, chaque article, chaque brève a été l’occasion de donner son point de vue sur la campagne de l’humoriste. A présent, nous devons conclure, pour ce faire nous reviendrons sur le concept d’identité. 140 141 142 143

BRUNETTI (Denis), « La mort du régisseur-lumière de Coluche », Libération, 28 novembre 1980, n°2112, p.4 « Le régisseur de Coluche assassiné », Le Matin de Paris, 28 novembre 1980, n°1169, p.40 GREILSAMER (Laurent), « Coluche menacé », Le Monde, 2 décembre 1980, n°11 147 p.48 idem

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Conclusion

Conclusion Nous avons vu, montré, démontré que les mots utilisés par les journalistes ne sont pas que le simple fruit du hasard, ils révèlent l’identité des journaux et participent à sa construction. Ainsi, nous avons pu classer ces journaux en trois grandes parties, ceux qui se sont déchirés, divisés ou qui ont simplement fait preuve de réserves et enfin, ceux qui ont adoré. Mais l’idée d’identité inclut un certain principe d’inamovibilité, du moins de permanence. Ainsi, si nous affirmons que les journaux ont défini une partie de leur identité au cours de cette élection, il faut maintenant, pour que ceci soit avéré, voir si la position des journaux au sujet de l’humoriste était uniquement liée à sa candidature ou si elle a traversé le temps. Avant l’élection, les journaux étaient plus ou moins unanimes au sujet de Coluche. Certes Coluche avait déjà des amis à Libération et à Charlie Hebdo, mais cela n’empêchait pas Claude Cabanes (L’Humanité) d’« éclater de rire », ni L’Express de le qualifier de « très drôle, très lucide et très tendre personnage ». Ces deux journaux particulièrement durs avec Coluche pendant l’élection - rappelons que L’Humanité n’a quasiment pas écrit une ligne sur la candidature de Coluche et que chaque fois qu’elle le faisait c’était pour l’attaquer, et que Le Figaro est allé jusqu’à qualifier Coluche de « fossoyeur du music-hall » et de « manipulateur d’excréments » - le journal a-t-il évolué une fois l’élection terminée ? Coluche disait toujours qu’une fois qu’il cesserait de jouer aux candidats à la présidence de la République, tous les journalistes lui courraient à nouveau après. Il n’a pas vraiment eu tort. Dès le 10 mai, soir de l’élection de François Mitterrand, alors que Coluche se rend au siège du P.S. espérant approcher le nouveau président, des cameramen remarquent sa présence et essayent d’obtenir la réaction à chaud du comique. Ils n’obtiendront guère plus qu’un « tiens donc vous êtes là ? Ça fait longtemps que je ne vous avais pas vus ! ». Coluche est déçu, « déçu de ses droits civiques » comme il disait. Il est aussi profondément fatigué et éprouvé par cette campagne. Campagne qui l’a épuisé, atteint moralement et qui – de plus – a profondément contribué à son divorce. Il ne relèvera pas la tête si facilement. Il avait prévu de partir sur son île déserte et de tourner des films. Il réalisera ses projets, mais son voyage sur les îles ne ressemble pas au paradis escompté et ses films reçoivent une critique très moyenne. « Le maître d’école », « Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ » et « Banzaï » sont autant de films issus de cette période. Rien ne lui permettra de sortir de cette déprime. Le suicide de son ami Patrick Dewaere (16 juillet 1982) ne viendra pas améliorer les choses. Puis le bout du tunnel commence à apparaître. Un film à contre-emploi, « Tchao Pantin », va recevoir un succès inespéré. C’est un des signes précurseurs du retour de Coluche, il sera récompensé d’un césar en mars 1984 pour ce film où il incarne Lambert, ancien flic reconverti en pompiste dépressif et alcoolique. Les radios et les télévisions commencent à nouveau à lui « tourner autour ». Le grand retour de Coluche est annoncé à grand coup de renfort publicitaire. Il aura lieu lors de l’émission de Patrick Sabatier, « Le jeu de la vérité ». Coluche se mettra à nu devant des questions de téléspectateurs parfois très indiscrètes. On apprendra que pendant sa « disparition », Coluche a véritablement sombré dans la drogue, il a trouvé la phrase qui résume au mieux cette dépendance : « sauf erreur ou omissions j’ai du goûté à tout ce qui existe ». Au cours de cette émission, Coluche paraît à nouveau requinqué et corrosif. Pas surprenant dès lors qu’en juillet 1985, la France entière se recouvre d’affiches Bozonnet Gregory - 2007

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annonçant le grand retour de Coluche à Europe 1. Il reprend le créneau quotidien de Michel Drucker qui ne fait plus recette. Cette émission, intitulée « Y’en aura pour tout le monde », permet à la radio et à Coluche de se refaire une santé. Suite à ce succès, le rêve de Coluche de présenter un journal télévisé va devenir réalité. Canal Plus va lui donner sa chance en cette fin d’année 1985, un J.T. quotidien intitulé « Coluche 1 faux » laisse carte blanche à l’humoriste. Blagues salaces, déguisements kitsch et reportages vidéos doublés sont l’apanage de cette émission qui connaît un grand succès. La carrière de Coluche est relancée, elle bat son plein comme jamais. Même s’il quittera rapidement les plateaux de la chaîne cryptée, qu’il surnommait « Anal + », parce que cette émission était démesurément chronophage. Coluche ne cessera plus d’être en haut de l’affiche. C’est dans ce contexte que vont naître « les restos du cœur ». Début octobre, Coluche est toujours sur Europe 1. Las de lire des messages de personnes qui n’ont pas de quoi manger, dans ce « pays de bouffe », Coluche lance l’idée des restaurants du cœur. Il y mettra toute son énergie, tout son talent, comme à son habitude il entraînera ses amis dans l’aventure. Et dès l’hiver 1985, les restos du cœur servent leur premier repas. C’est le 26 janvier 1986 que cette aventure atteint le summum de la médiatisation, après avoir impliqué des étudiants d’écoles de commerce, des hommes politiques, la mairie de Paris et d’autres mairies françaises, Coluche obtient un après-midi d’émission non-stop sur TF1 pour assurer la promotion de ses restaurants et ainsi récolter des dons. Le succès sera sans précédent, les restaurants du cœur feront des émules jusqu’au ministère de l’Agriculture et au Parlement Européen. Libération du 27 janvier 1986 consacrera ainsi sa « une » à « Saint Coluche ». Entre temps Coluche avait battu le record du monde du kilomètre lancé à moto, et s’était marié « pour le meilleur et pour le rire » avec Thierry Le Luron. Son succès grandissant l’avait poussé à faire un retour sur scène, l’Olympia était programmé pour la rentrée. Un spectacle très travaillé qui ne laissera de traces qu’à travers un album - « Mimi 86 » - un « putain de camion » ayant mis fin à la vie de « Saint Coluche ». Autant d’événements amène à penser à une profonde refonte du positionnement de la presse à propos de Coluche. Or, il n’en est rien. Les « unes » parues après l’accident tragique le prouvent :

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Conclusion

Libération et Le Matin qui avaient été les plus prolixes sur la candidature de l’humoriste font leur « une » sur cet événement. Le premier lui consacre une « une » d’anthologie et un dossier spécial de douze pages, le second fait de même dans une proportion moindre (cinq pages, voir CD-ROM). Le Monde fait paraître deux longs articles et lui réserve un encadré bien visible en « une » retraçant la vie de Coluche. Le Figaro va tout comme Libération marquer par sa « une » mais pour la raison inverse. Un tout petit encadré en bas de page nous informe de la mort de Coluche. L’article est renvoyé à la page 36, dans la rubrique « spectacle ». Une brève biographie servie ensuite par un petit article rappelant la position du journal sur l’humoriste : « Il est évident que le registre de Coluche, d'une partie de ses émissions, se situait assez souvent dans le champ de l'agression plus que dans celui du ludique. » Cette froideur du Figaro avait été anticipée par leurs confrères de Libération qui avait fait paraître dans leur article ce dessin de Cabu :

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Mais Le Figaro n’est pas le seul journal à faire parler de lui. Ainsi, L’Humanité ne réservera pas non plus son gros titre à Coluche, mais surtout publiera un article dénué de tendresse. Dans « Le temps passé » Brassens chantait « les morts sont tous des braves types », il ne semble pas que L’Humanité soit de cet avis, le journaliste écrit qu’« Europe 1 ou TF 1 [s’arrachaient] ses blagues hénaurmes, ses éructations de beauf, bref ses facéties que lui-même, au fond, ne trouvait peut-être pas si drôles. » En outre, ils achèvent leur article sur une des citations les plus controversées de Coluche, peut-être une de ses blagues les moins drôles, celle qu’il a prononcé au lendemain du drame d’Heysel (29 mai 1985), drame provoqué par un mouvement de panique causé par des hooligans lors d’une finale de coupe d’Europe de football et qui avait causé une trentaine de morts, « Les gens qui vont aux matches de foot, c’est des cons. Alors, trente cons en moins ». Le monde politique a ravalé sa rancœur pour faire des éloges dithyrambiques au comique : Le président François Mitterrand : « C'est un déchirement. C'était un amoureux de la vie et il vient de la perdre. Coluche n'était pas seulement un homme qui faisait rire, je le connaissais personnellement, il était très fin, il avait une réflexion. » Jacques Chirac, Premier ministre : « J'apprends avec tristesse et émotion le décès accidentel de Coluche. Cet artiste dont toute la carrière témoigne d'une grande verve comique et satirique indiscutable, avait su mettre sa notoriété au service de causes généreuses. Je sais que sa mort peinera profondément tous ceux - et en particulier les jeunes- qu'il avait su divertir. » François Léotard, ministre de la Culture : « La nouvelle est venue, au cœur des conversations, comme une mauvaise histoire mal racontée. » « Celui qui dérangeait n'est plus. Celui qui voulait aimer n'aurait pas aimé les oraisons funèbres, il s'en moquera. Elles laisseront derrière elles le goût amer d'un vide. Ceux qui l'aimaient comme ceux qui ne l'aimaient pas sauront retrouver, dans la brutalité de cette absence, le dernier signe de la main d'un comédien à la recherche de son rôle. » Jack Lang, ancien ministre de la Culture : Coluche « était l'inventeur d'une nouvelle dramaturgie dans la grande tradition rabelaisienne française, et il perpétuait avec force imagination et beaucoup de générosité cette grande tradition. C'était un homme plein de finesse, plein de tendresse, plein d'attention. Je crois qu'il a réussi par sa popularité même, par la confiance populaire qu'il avait su gagner, à pouvoir se faire entendre partout. » 76

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Conclusion

Jacques Chaban-Delmas, président de l'Assemblée Nationale : « J'avais été très impressionné par Coluche. Il m'avait raconté sa vie, les difficultés les plus extrêmes qu'il avait rencontrées avant de devenir le Coluche que nous connaissions tous, et il n'avait rien oublié de sa misère et de la misère des autres. Cet homme-là ne pouvait pas supporter la misère. C'était un homme bon que les malheurs n'avaient pas aigri, mais éduqué. » Les journaux, quant à eux ne semblent pas avoir pardonné les agissements de Coluche. L’Express ne consacrera pas sa « une » à l’événement trouvant les « nécrologies ridiculement canonisantes » et qualifiant Coluche de « gros rigolard emmerdeur ». Ce magazine lui consacre un petit article retraçant sa vie dans la rubrique « show-biz ». Le Nouvel Observateur et Le Point annoncent tous deux la mort du comique par un petit titre en « une ». Le premier lui consacrera un long article, le second deux articles de taille tout à fait respectable. Les deux font une biographie relativement dépassionnée. Le Point accorde quelques gratifications à Coluche, celle d’ « institution nationale », de « monument républicain de la dérision » et de « bouffon de la République » tout en rappelant que ce magazine ne soutenait pas sa « vulgarité provocante », la conclusion des articles est plutôt positive : « Mais lui, le mec, j'espère que, quelque part, il se marre. » L’article du Nouvel Observateur est moins tendre avec Coluche. Alors que l’article est dans l’ensemble positif il s’achève sur un petit topo sur les présidentielles, pour eux, « un clown ne fait vraiment rire que lorsqu'il se casse la gueule ». Cet hebdomadaire rappelle qu’à l’époque « la classe politique grond[ait] et parl[ait] de déclin de la démocratie. C'[était] surtout le déclin de Coluche, qui s'entêt[ait] parce qu'il a[vait] oublié qu'un nez rouge ne s'enlève pas comme une étiquette politique. ». Finissons sur une touche positive, notons que Libération accordera à nouveau un long dossier lors des funérailles de Coluche, ne manquant pas de rappeler leur soutien au « bouffon essentiel » et finissant notamment un article par ces mots : « Sans Coluche, on peut craindre le pire ; que l'époque se prenne décidément trop au sérieux sans que personne ne vienne y mettre la dérision nécessaire. » Les journaux ne se sont jamais remis de l’élection présidentielle, ils n’ont pas voulu réviser leur jugement, le débat demeure toujours passionné et c’est pourquoi on trouvera toujours des personnes pour écrire des mémoires de fin d’études au sujet de celui qui reste le plus grand comique français.

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Recueils d’écrits et de caricatures de et à propos de Coluche 78

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Bibliographie

Coluche Président, Michel Lafon, Paris, 1993, 199p. COLUCHE, La France pliée en quatre, Paris, Calmann-Lévy, 1981, 215p. VANDEL (Philippe), Les entretiens de Coluche par Coluche, Paris, Le cherche midi, 2004, 238p. COLUCHE, Pensées et anecdotes, Paris, Le cherche midi, 1995, 246p.

Bandes dessinées, Albums COLUCHE, Journal des cons et mal-comprenants, Edition°1-Michel Lafon, 1990 REISER et COLUCHE, Y’en aura pour tout le monde, Paris, F1rst, 1987, 63p.SAINTPAUL (Erwan) et GAUDIN, Coluche illustré, Genève, La sirène, 2002, 49p. WACQUET (Jacques), Coluche, Toulon, Soleil, 2006, 78p.

Articles de presse voir CD-ROM MERCIER (Arnaud), « Quand le bouffon franchit le Rubicon : la candidature de Coluche à la présidentielle de 1981 », Hermès, mai 2001, n° 29.

Autres ouvrages CUSSET (François), La décennie – le grand cauchemar des années 1980, Paris, La découverte, 2006, 370p. FULIGNI (Bruno), Votez fou !, Paris, Horay, Février 2007, 160p.

Bozonnet Gregory - 2007

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