"La Chine des seigneurs de la guerre" (pdf - 402 ko) - Eduscol

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DP 8093 / la chine. des guerres de l’opium à nos jours

sursauts nationalistes

La Chine des seigneurs de la guerre Dans la seconde moitié des années 1910, l’élite progressiste est consternée par la liquéfaction du pouvoir central au profit de ce que l’on commence à appeler les “seigneurs de la guerre” (junfa). Il n’est pas aisé de donner une définition de cette expression introduite en 1918 par Chen Duxiu (grand intellectuel, figure centrale du mouvement du 4 mai 1919 et secrétaire général du PCC entre 1921 et 1927). On peut néanmoins avancer qu’un seigneur de la guerre a réussi à se ménager, par la force militaire dont il dispose, le contrôle d’une certaine assise territoriale (faute de quoi, rien ne le différencie d’un de ces chefs de bande itinérants qui sévissent dans maintes régions). Son indépendance n’est presque jamais absolue. Il est par exemple fréquent qu’un petit junfa s’efforce, pour garder les coudées franches face au seigneur de la guerre qui contrôle la province dans laquelle il s’est taillé un domaine, de se ménager l’appui d’un puissant personnage extérieur à ladite province. Il n’est pas rare non plus que des seigneurs de la guerre recherchent le soutien d’une puissance étrangère  : dans son fief du Nord-Est, Zhang Zuolin reçoit un appui du Japon (qui n’hésitera pas à le faire assassiner en 1928 quand il menace de se montrer moins docile). Si les grands seigneurs de la guerre du Nord sont pour la plupart des officiers supérieurs issus de l’armée Beiyang, la principale force militaire du pays à la fin des Qing, ceux de l’Ouest et du Sud ont des origines plus variées. On y voit une grande variété de gens devenir des junfa : des militaires, mais aussi des bandits, des anciens fonctionnaires de la fin des Qing, ou encore des révolutionnaires entraînés par leur ambition personnelle.

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Dans le nord de la Chine, les seigneurs de la guerre contrôlent plusieurs provinces et nourrissent l’ambition d’occuper Pékin (et donc d’accaparer ce qui reste de pouvoir central). Le sud de la Chine est moins lisible. Ainsi, une province comme le Sichuan est jusqu’à la guerre de 19371945 aux mains d’une multitude de petits satrapes sans qu’émerge un homme fort. Près de Canton, Li Fulin (qui n’a pas sombré dans l’oubli en raison de l’appui qu’il offre au Guomindang au début des années  1920) n’est le maître que d’une grosse île située dans le delta de la rivière des Perles. Certains seigneurs de la guerre ont une carrière éphémère, d’autres règnent durant de longues années sur leur domaine. La géographie joue en la matière un rôle important  : le seigneur de la guerre Yan Xishan se maintient longtemps au Shanxi en raison de l’isolement de la province, protégée par des montagnes et des cours d’eau. Certains seigneurs de la guerre sont des brutes sans envergure. Sous les dehors d’un apparat qui peut nous paraître un peu folklorique, d’autres sont des personnalités remarquables, dotées d’une vision politique pour la zone qu’ils administrent. Ainsi, le triumvirat (Bai Chongxi, Huang Shaohong, Li Zongren) qui administre la province du Guangxi à partir du milieu des années 1920 lance-t-il un programme ambitieux de développement de l’éducation et des infrastructures. Chen Jitang, maître du Guangdong entre 1931 et 1936, lance un plan de développement économique qui s’avère un franc succès. L’empreinte des seigneurs de la guerre sur le pays est complexe. La carte donnée n’est qu’un instantané dans un équilibre en perpétuelle recomposition au gré des guerres, des coups d’État locaux et

des renversements d’alliances. Même après l’Expédition du Nord (1926-1928), la réunification est loin d’être parfaite. Nombre de seigneurs de la guerre n’ont pas dit leur dernier mot lorsqu’ils se sont ralliés au Guomindang. Leur degré de soumission réel au pouvoir de Nankin varie considérablement. L’incorporation des forces de certains dans l’armée du Guomindang est plus ou moins nominale (la composition des unités reste inchangée et les chefs gardent leur commandement). En particulier, les principaux potentats de la Chine du Nord, comme Yan Xishan ou Feng Yuxiang, conservent l’essentiel de leur autonomie, moyennant une allégeance assez platonique. Leur révolte contre Jiang Jieshi peu de temps après (1930) donne lieu à une dure campagne et Jiang doit s’appuyer sur un autre homme fort, Zhang Xueliang (le fils de Zhang Zuolin), pour les battre. Si le processus est lent, il n’en reste pas moins que pendant la décennie de Nankin et surtout la guerre sino-japonaise, le poids des seigneurs de la guerre tend à diminuer. Certains parviennent à se maintenir, en particulier dans l’Ouest, comme Long Yun au Yunnan. Un certain nombre de seigneurs de la guerre déchus (Li Zongren, Chen Jitang) prennent du service dans le gouvernement nationaliste pendant et après la guerre. ///

1922 : un instantané sur la chine des seigneurs de la guerre carte disponible sur transparent et en version numérique

Extrait de Xavier Paulès, “La Chine, des guerres de l'opium à nos jours, Documentation photographique n° 8093, mai-juin 2013 © Dila, 2013.

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