La Fiancée syrienne - CNDP

4 downloads 3100 Views 189KB Size Report
ce coin de terre déchiré. Une tragi-comédie de mariage finement humaniste, ancrée dans les lignes de faille du conflit israélo-arabe. La Fiancée syrienne.
teledoc le petit guide télé pour la classe

2007 2008

La Fiancée syrienne Sur le plateau du Golan, Mona s’apprête à quitter sa Un film syro-israélien d’Eran Riklis (The Syrian

famille pour épouser un cousin qui vit en Syrie, de

Bride, 2004, VM),

l’autre côté de la frontière. Entre rires et larmes, le film

scénario

de l’Israélien Eran Riklis met en scène les conséquences

de Suha Arraf et Eran Riklis,

humaines de l’absurdité bureaucratique en vigueur dans

avec Hiam Abbass (Amal),

ce coin de terre déchiré. Une tragi-comédie de mariage

Makram Khoury (Hammed), Clara Khoury (Mona), Ashraf Barhom (Marwan).

finement humaniste, ancrée dans les lignes de faille du conflit israélo-arabe.

1 h 33 min

ARTE JEUDI 17 JANVIER, 21 h 00

La frontière dans la tête Éducation au cinéma, ECJS et histoire, lycée Dans un village druze du Golan, une famille se retrouve pour célébrer un mariage. Le chef de famille, Hammed, est un activiste druze pro-syrien, sorti de prison mais en liberté conditionnelle. Ses fils ont quitté le Golan : Hattem, marié à une Russe, a quitté le village depuis huit ans, Marwan travaille en Italie et un troisième fils est en Syrie. Seules ses deux filles sont restées, mais Mona se marie avec un Syrien et lorsqu’elle aura franchi la frontière, elle ne pourra jamais revenir. Quant à Amal, elle est restée au prix de beaucoup de souffrances. Entre conflits internationaux et conflits familiaux, la fiancée syrienne veut encore croire aux lendemains meilleurs et aux réconciliations qui mettront fin à la tragédie qui se joue dans cette partie du monde.

Rédaction Barbara Velasco, professeur de lettres modernes Crédit photo D.R. Édition Émilie Nicot et Anne Peeters Maquette Annik Guéry Ce dossier est en ligne sur le site de Télédoc. www..cndp.fr/tice/teledoc/

Comment en sortir, comment s’en sortir ?

> Identifier les échos de l’histoire collective d’un peuple, les Druzes, sur celle de l’histoire personnelle des protagonistes du film. Très tôt, le cinéma s’est emparé de sujets historiques en proposant une alternative au burlesque ou au mélodrame à travers ce que l’on appelait de « grands sujets ». L’évolution de la structure narrative du film a permis de reconstituer l’histoire passée d’un pays en imbriquant l’histoire intime de quelques individus à la grande Histoire. La Fiancée syrienne entremêle l’histoire d’une famille à l’histoire d’un conflit qui est toujours d’actualité. Récit enchâssé, le film nous plonge au cœur d’un conflit familial noyé dans un conflit politique et religieux. Dès l’ouverture du film, un panneau situe le film géographiquement et nous plonge dans le drame identitaire des Druzes. Mais si l’espace est déterminé, le temps l’est également puisqu’il situe l’époque du film à l’accession au pouvoir du Syrien Bachar El-Assad, en juin 2000. Ainsi, le film reconstitue un moment historique en s’inspirant de la réalité et nous invite à passer « une journée particulière » au sein d’une famille. La Fiancée syrienne est également un récit en spirale qui sans cesse revient au même point et ne peut s’échapper, comme « la prison » dont parle Mona. Le film tente néanmoins de prouver qu’il y a des échappatoires possibles, des portes entr’ouvertes qu’il ne faut pas hésiter à franchir. Il y a des petites prisons, des cellules familiales ou religieuses, et des grandes prisons, grandes comme des territoires occupés. L’objectif du film d’Eran Riklis est, entre autres choses, d’éveiller les consciences à une situation politique par le biais d’un langage cinématographique propice aux émotions. Le récit fictionnel favorise une identification du spectateur aux personnages et un sentiment d’empathie pour un peuple méconnu voire ignoré du monde. Ce « coup de projecteur » sur le destin de la minorité druze du plateau du Golan a une valeur documentaire et un ancrage dans le réel que permet le cinéma. Lorsque le photographevidéaste filme la mariée, nous avons une métaphore du travail du réalisateur qui entremêle des images de la réalité à des images de la représentation de cette réalité. La Fiancée syrienne interroge cet entre-deux, entre captation et représentation, entre réalité et fiction.

La tristesse des femmes

> Distinguer ce qui différencie les hommes des femmes dans la culture druze à travers les possibilités qu’ont les membres de la famille de vivre selon leurs désirs. De la petite histoire, nous retiendrons la somme des préjugés et des traditions qui confinent les femmes dans un salon loin des hommes ou dans la cuisine à préparer le repas. Sous la domination des hommes, elles sont empêchées dans leur désir d’études, subissant le regard de la communauté qui attend d’elles qu’elles obéissent à leur mari et élèvent leurs enfants. Le traitement réservé aux hommes est très différent: ils peuvent partir et étudier comme Hattem, voyager comme Marwan, s’engager en politique comme Hammed, le père. Pourtant, Hattem est proscrit car il s’est marié à une femme qui n’est pas druze, il a rompu avec la tradition de cette communauté dont les membres ne se marient qu’entre eux. Mais il est bien pathétique de voir ce conseil des anciens réunis solennellement pour évoquer ce péché alors que c’est tout un peuple, leur peuple, qui est proscrit et privé de son identité. Un peuple sans nationalité fixe qui se raccroche à la tradition, rétif à tout changement possible : c’est l’opprimé oppresseur, un motif vieux comme le monde ! Cependant, ce qui reste au cœur de La Fiancée syrienne, c’est la tristesse des femmes. Les femmes sont écrasées sous le poids d’un destin qu’on leur assigne et qui leur ôte toute possibilité de liberté. On y voit la tristesse d’Amal qui a renoncé à ses désirs, la tristesse de la mère de famille qui doit vivre séparée de ses enfants, la tristesse de Mona qui doit abandonner sa famille et son identité pour un homme dont elle ne connaît que le rôle de mari infidèle dans un feuilleton syrien, la tristesse de la fille d’Amal qui a le malheur d’aimer un garçon dont le père est pro-israélien. Ainsi, l’histoire intime rejoint la grande Histoire, celle d’êtres privés de liberté. „

Pour en savoir plus • Le site officiel du film, comportant un entretien avec Eran Riklis et un autre avec Hiam Abbass. http://www.ocean-films.com/lafianceesyrienne/ • DE BAECQUE Antoine, DELAGE Christian (dir.), De l’histoire au cinéma, Complexe (Bruxelles), 1998. • La Visite de la fanfare, un film israélien d’Eran Kolirin (2007), à voir en salle.

« 2 000 réunions de famille permises en 2006 » Questions à Frédéric Joli, porte-parole du CICR en France Les familles dispersées sont-elles nombreuses au Proche-Orient ? Dans le cadre du mandat que lui a confié la communauté internationale sur la base des Conventions de Genève, le Comité international de la Croix-Rouge travaille sur la problématique des réunions de famille ainsi que sur le rétablissement du lien familial. Il en est ainsi pour toutes les personnes séparées par un conflit armé. Le CICR va, par exemple, maintenir le lien entre un prisonnier et ses proches pendant toute la durée de la détention en assurant l’échange de «Messages Croix-Rouge» (MCR), messages papier à caractère strictement familial. Plus d’un million et demi de messages ont été échangés l’an passé de par le monde, en Irak par exemple. Dans d’autres contextes, pour des parents séparés par un conflit, déplacés ou encore réfugiés dans un pays tiers, il pourra également assurer, en s’appuyant sur les réseaux nationaux des Croix-Rouge et des Croissant-Rouge, l’échange de MCR. Dans un conflit armé, les familles dispersées sont nombreuses, au Proche-Orient comme ailleurs. Cet état de fait recoupe souvent à la fois la problématique des détenus et celle des réfugiés. Si l’on s’en tient, par exemple, au conflit israélo-palestinien, le CICR assure à la fois la visite des détenus, permet l’échange de MCR ou encore organise, une fois l’an, des visites des familles à leurs proches détenus, sous réserve de l’acceptation des autorités détentrices. Comment le CICR s’implique-t-il dans ces démarches de réunion des familles ? Quels sont les obstacles à surmonter pour y parvenir ? Le CICR est un intermédiaire neutre dans les conflits armés, rôle que reconnaissent les 194 États parties aux Conventions de Genève. À ce titre, il bénéficie d’un statut diplomatique unique au monde. C’est sur la base de cette reconnaissance fondée sur le droit international humanitaire, que le CICR négocie au quotidien l’accès, la protection et l’assistance aux victimes des conflits et en particulier, parce que très vulnérables, des populations civiles. L’une de ses missions est de procéder aux réunions de familles. Ceci est généralement l’aboutissement d’un long processus. Dans toutes les guerres, il y a beaucoup de personnes dont on est sans nouvelles et que l’on qualifie de portées disparues. S’il est probable que beaucoup d’entre elles sont mortes, pour les familles, l’absence de preuve du décès demeure insupportable tant que perdure l’espoir. Le ou la disparu(e) peut en effet être vivant(e), blessée et dans l’incapacité de communiquer, détenue, en

fuite dans un autre pays… La première étape pour le CICR sera donc d’essayer de répondre, à la demande des familles, à ces cas de disparition. Son premier dossier de recherche remonte à 1915 ! L’Agence centrale de recherches de l’institution, présente à Genève ainsi que dans les délégations du CICR sur le terrain, tente chaque jour d’élucider des cas de disparitions en moulinant des millions de données livrées par les familles ou toute autre source. Lorsque, parfois, la preuve est faite que telle ou telle personne dont on était sans nouvelles est vivante, le CICR peut alors procéder, sous ses auspices, à la réunion de famille. De par son statut particulier, il pourra également délivrer des titres de voyage qui autorisent des personnes réfugiées à rejoindre leurs familles dans leur pays d’origine ou un État tiers. En 2006, le CICR a procédé à plus de 2000 réunions de familles. Dans d’autres situations, le CICR, en tant qu’intermédiaire neutre, est parfois sollicité pour assurer l’échange de dépouilles mortelles comme ce fut le cas l’an passé entre Israël et le Liban. Quelles sont les autres missions accomplies par le CICR au Proche-Orient ? Depuis quarante ans, le CICR poursuit son action visant essentiellement à atténuer les souffrances humaines liées aux conflits passés et actuels et à renforcer le respect du droit international humanitaire. Sa présence permanente dans cette région lui permet d’intervenir rapidement dans des crises courantes et de réagir aux nouvelles flambées de violence, comme celles qui touchent la bande de Gaza, Israël ou le Liban. La gamme de programmes de protection (visites des détenus par exemple) et d’assistance (médicale, sociale, alimentaire…) du CICR dans la région continue de refléter une observation stricte de ses principes fondateurs à savoir la neutralité, l’indépendance et l’impartialité au service des victimes de violence armée. „

Le CICR vient de publier, à l’occasion des quarante ans du conflit israélo-palestinien, un rapport donnant la mesure de la souffrance de centaines de milliers de personnes aujourd’hui. Ce document, intitulé « Déni de dignité » est accessible sur le site du CICR. http://www.cicr.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/pal estine-report-131207?opendocument

Les Druzes Le mot « druze » est dérivé du nom de Muhammad alDarazi, principal fondateur au XIe siècle de cette communauté. Les Druzes forment une communauté religieuse – une secte pour certains – dont nous savons peu de choses. C’est une religion secrète, ésotérique, que ses membres protègent en la dissimulant. Leur livre sacré est inaccessible aux non-initiés. Le mariage avec un membre d’une autre communauté leur est interdit. Vivant au Liban, en Syrie, en Jordanie et en Israël, ils seraient près de 500 000 dans le monde. Ils croient au retour du guide, l’imam Al-Hakim, incarnation divine. Leur religion est suffisamment éloignée de l’islam pour que certains ne les considèrent pas comme des musulmans.

Profondeur de champ Fiche de travail L’absence de profondeur de champ dans la dernière séquence de La Fiancée syrienne évoque, par l’effacement des lignes de fuite, la perte d’un horizon pour les personnages. Le réalisateur privilégie une mise au point sur les visages de Mona et d’Amal, ce qui crée une association entre les deux femmes, et maintient l’espace devant ou derrière elles dans un flou visuel et psychologique. Il suggère que l’avenir est en elles et qu’elles trouveront d’une manière ou d’une autre des lignes de fuite qui leur permettront d’éclaircir leur horizon. Les élèves, par l’étude de cette séquence et l’observation de quelques plans, identifieront la raison pour laquelle le réalisateur a choisi une faible profondeur de champ.

Qu’est-ce que la profondeur de champ ? La profondeur de champ définit la zone de netteté de l’image, que l’on agrandit, au cinéma, en réduisant la focale de l’objectif de la caméra. Soit il y a une grande profondeur et dans ce cas tout est net et notre regard peut parcourir l’avant et l’arrière-plan, soit la profondeur est réduite et notre regard est attiré par la zone nette au premier plan ou à l’arrière-plan. Après avoir regardé le film puis observé attentivement la dernière séquence (le départ de Mona), décrivez les quatre plans suivants, puis, sur le modèle du premier, étudiez le rôle de la profondeur de champ et la signification que ce choix de filmage suggère au spectateur. Un travelling avant nous rapproche de Mona et détache son corps du fond (le drapeau israélien à l’arrière-plan devient flou). Par cette faible profondeur de champ, toute notre attention est alors portée sur le visage de Mona qui fixe un point devant elle, hors champ. Sa détermination est « nette » : elle laisse derrière elle son passé (un espace devenu flou : sa famille, Israël), et son regard se porte sur l’avenir qu’elle se choisit.

....................................... ....................................... ....................................... ....................................... .......................................

....................................... ....................................... ....................................... ....................................... .......................................

....................................... ....................................... ....................................... ....................................... .......................................