Le bon, la brute et le franchement ridicule - STA Communications

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EDITORIAL IMPRESSIONS ET OPINIONS

Le bon, la brute et le franchement ridicule Les membres de l’ACR ont été invités à envoyer leurs anecdotes concernant leur pratique médicale. D’un malentendu à une consultation des plus particulières, en passant par une surprenante symphonie corporelle, ces petites histoires portent sur quelques événements vécus par nos membres. Celles-ci ont très certainement agrémenté leur pause-café ce jour-là!

Un p’tit malentendu par Paul Davis, M.D., FRCPC, FRCP (R.-U.)

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l y a quelques années, je dirigeais une clinique qui démarrait dès le lever du jour, à 8 h 30 le lundi matin. À l’époque, j’avais une patiente écossaise âgée, atteinte d’arthrose. Je n’ai pas l’habitude de revoir régulièrement ce type de cas, mais elle était si charmante que je ne pouvais pas lui refuser un rendez-vous. Je lui disais de passer vers 8 h 15 pour une « p’tite jasette », pendant que je prenais mon premier café et que je me préparais à faire ma journée. Ce matin-là, j’étais un peu « patraque » après le barbecue de la veille, que mes collègues et moi avions un peu trop arrosé de vin rouge. Ma charmante patiente écossaise arriva à l’heure prévue et s’enquit de ma santé. Je lui avouai que j’avais… la grippe. Elle se leva sur le champ et sortit du bureau, me souhaitant un prompt rétablissement et promettant de revenir me voir quand j’irais mieux.

Huit heures trente arrivèrent, mais le patient inscrit n’était pas au rendez-vous, pas plus que celui de neuf heures. L’effet diurétique de mon café se faisant sentir, je me dirigeais vers la salle de bains quand j’aperçus dans le corridor ma patiente écossaise, en pleine conversation. En m’approchant, je l’entendis dire « Vous venez voir le Dr Davis? C’est vraiment dommage, il n’est pas bien, vous allez devoir remettre votre rendez-vous à un autre jour ».

Paul Davis, M.D., FRCPC, FRCP (R.-U.) Professeur de médecine, Université de l’Alberta Membre du service de médecine interne et de rhumatologie des hôpitaux affiliés à l’Université de l’Alberta, Edmonton (Alberta)

Consultation particulière par Catharine Dewar, M.D., FRCPC, Ph.D.

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a scène se passe il y a quelques années, un matin où j’étais de garde comme rhumatologue à l’Université Queen’s. J’étais assise avec les six membres de mon équipe, qui me présentaient les nouvelles admissions. C’était une journée très raisonnable : la tournée comprenait 12 patients déjà hospitalisés et 6 nouveaux cas. J’avais laissé le résident décider de l’ordre de la présentation; indiquant un nom sur la liste, il a dit « Si vous le voulez bien, nous allons garder ce cas pour la fin ». M’attendant à une intéressante énigme clinique, un peu longue à résoudre, j’ai répondu « Pas de problème ».

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Finalement, le tour du cas en question arriva. « Il s’appelle Dave, mais il veut qu’on l’appelle Roxanne », nous dit le résident. Le cas devenait intéressant, en effet. Convaincue que le problème serait facile à résoudre, je demandai : « Quelle est la raison de consultation? » « Il présente une éruption cutanée, de l’arthrite à un genou et un peu de lombalgie », nous déclara le résident, avec un sourire en coin. Je fis alors mon topo habituel sur l’arthrite psoriasique (APs) et la spondylite, et suggérai d’aller au chevet du patient pour obtenir une anamnèse plus complète avant d’examiner Dave/Roxanne. Toute l’équipe se mit à sourire (sauf moi, bien entendu). « Je pense qu’il vaut

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mieux vous en dire un peu plus sur ce cas avant d’entrer dans la chambre, Dre Dewar » dit le résident, qui commençait à m’inquiéter. « Dave est en prison pour meurtre, sous sécurité maximum, mais il veut déménager à la P4W ». Après quatre ans à Kingston, je savais fort bien que P4W est l’expression qui désigne la prison des femmes. Dave pensait probablement que les conditions de détention seraient meilleures à la P4W que dans sa prison actuelle. De plus, Dave était certainement encadré par deux gardiens de prison et il serait peut-être difficile de l’examiner, menotté comme il devait l’être aux poignets ou aux chevilles (tout cela me rappelait le bon vieux temps à l’Université Queen’s). Tentant de demeurer impassible devant les étudiants, je dis au résident « Allez-y, je vous écoute ». « À vrai dire, Dre Dewar, le problème, c’est l’éruption cutanée ». Un autre membre de l’équipe l’interrompit, hilare : « N’oubliez pas

qu’il faut absolument l’appeler Roxanne, ça fait partie du protocole pour satisfaire aux critères de chirurgie transgenre! ». Le résident reprit la parole pour conclure : « Bref, Roxanne a une éruption au pénis ». Bien entendu, j’éclatai de rire moi aussi et, à vrai dire, je ne sais pas très bien comment je suis passée au travers de cette consultation. En définitive, Roxanne présentait bien une arthrite psoriasique. Quant à son incarcération, je n’ai jamais su si la « chirurgie finale » avait été autorisée et si Roxanne avait obtenu son transfert à la prison des femmes. Intéressante énigme clinique en effet!

Catherine Dewar, M.D., FRCPC, Ph.D. Chef, service de rhumatologie, Lions Gate Hospital Vancouver Nord, Colombie-Britannique

Symphonie scatologique

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e venais de déménager dans un nouvel édifice, presque terminé. La clinique était située au rez-de-chaussée, tandis que l’administration, la bibliothèque et la salle de bain des médecins étaient situées au premier étage. L’entrepreneur m’avait assuré que l’isolation des plafonds du rez-de-chaussée serait complétée d’ici une semaine ou deux, ce qui permettrait d’insonoriser les salles d’examen. Ce matin-là, décidé à bien lancer mes nouveaux locaux, je recevais par faveur spéciale un patient important, membre de l’orchestre symphonique local. Je voulais faire bonne impression et l’entrevue avait bien commencé. Soudain, au beau milieu de l’anamnèse, un bruit de pas et un claquement de porte se firent entendre. Il me sembla que les bruits provenaient de l’étage, ce qui fut confirmé immédiatement par une série de grognements sourds en provenance de la salle de bains des médecins. Décidément, il fallait que je dise au personnel d’utiliser les deux autres salles de bains et que je rappelle l’entrepreneur pour qu’il finisse son travail. Extérieurement, je tentai tout d’abord de ne rien laisser paraître devant mon éminent patient, mais je dus rapidement abandonner cette stratégie. Par respect pour les âmes sensibles, je décrirai la suite des événements en termes musicaux. Pour bien apprécier la scène, il faut comprendre que le vide séparant les étages faisait office de caisse de réson-

nance (comme dans une guitare), ce qui amplifiait et enrichissait la qualité du son. Après l’ouverture, un solo de cor anglais retentit, bientôt rejoint par un cor à pistons, puis par tout le chœur des instruments à vent. Le passage se termina par plusieurs notes percussives. Un crescendo en cliquetis de castagnettes, produit par une poignée de chasse d’eau récalcitrante, fut suivi d’un bel canto d’expressions bien senties, peu usitées à l’opéra. Cet aria fut bientôt accompagné des pulsations rythmiques d’un débouchoir à ventouse, suivies d’une finale en cataractes torrentielles dignes du Niagara. Le concert a duré moins d’une minute, mais cette minute m’a paru une éternité. Je suis demeuré bouche bée durant toute la symphonie. Mon patient, quant à lui, restait assis en silence, les yeux au ciel. Tentant de rétablir un certain décorum, je balbutiai des excuses puis tentai une pirouette, affirmant qu’en général, les salles d’examen manquaient de musique d’ambiance. Mon patient, clairement amusé de la situation, me dit de ne pas m’excuser. « J’ai entendu bien pire au cours de ma carrière de musicien… mais je dois avouer que le premier mouvement était mémorable! »

L’auteur préfère garder l’anonymat jusqu’à la fin de sa thérapie.

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