exemples « concrets » mais fabriqués au cours de l'étude des déterminants de l'
offre, de la demande et de la détermination du prix ;. – synthèse : vérifier que les
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Pédagogie
Le marché du porc : un exemple d’utilisation pédagogique pour le cours sur le marché en première Isabelle GAUTIER, professeur de SES au lycée Bristol de Cannes
Le cours de SES devant servir à expliquer la réalité, il paraît naturel d’utiliser l’actualité dans nos cours et particulièrement lorsqu’ils sont théoriques. L’année dernière, la grève des routiers pouvait servir de base au cours sur le marché avec des enquêtes auprès des entreprises et salariés. Cette année, la crise du porc est un exemple de premier choix avec l’exemple de cycles de surproduction sur un marché concurrentiel (pas totalement, bien sûr). Enseignant dans les Alpes-Maritimes, je n’ai pas pu faire réaliser d’enquêtes et me suis contentée d’un dossier de presse et d’exercices « fabriqués ». En effet, j’ai utilisé l’exemple à quatre niveaux : – en introduction, sensibilisation des élèves à l’étude du marché concurrentiel ; – exemples « concrets » mais fabriqués au cours de l’étude des déterminants de l’offre, de la demande et de la détermination du prix ; – synthèse : vérifier que les élèves sont capables d’analyser le marché du porc et donc de rédiger avec leurs propres mots ; – débat sur les « solutions » pour introduire l’intervention (discutée) de l’État sur les marchés.
SENSIBILISATION Document 1 « Nous recevons sans cesse des appels angoissés, constate un responsable syndical, le visage marqué par la fatigue des veilles et des manifestations nocturnes, les gens sont au bout du rouleau. Ils doivent de l’argent partout : au banquier, au fabricant d’aliment. Ils reçoivent la 16 .
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visite des huissiers. Ils vivent dans l’angoisse permanente qu’un jour quelqu’un leur dise : Tu fermes ton élevage ! » Source : France-Ouest, 22 janvier 1999
Document 2 « L’année 1998, aura été maudite pour les éleveurs de porcs. De l’Europe à l’Amérique du Nord,
les prix de la viande se sont effondrés à des plus-bas historiques : aux États-Unis, le prix du kilo de porc gras (en dollars constants) a chuté l’année dernière à une moyenne de 22 cents le kilo (1,25 franc). Il s’agit là des plus faibles prix enregistrés depuis 1941 ! En France, au plus fort de la crise, sur le marché au cadran de Plérin (Côtes-d’Armor), les cours ont tutoyé en novembre dernier la
barre des 5 francs le kilo. Les revenus réels des agriculteurs ont suivi la pente. Pour les producteurs de porcs, la baisse du revenu des élevages devrait être de l’ordre de 50%, selon les services statistiques du ministère de l’Agriculture. Les raisons de la crise sont bien connues, seule son ampleur étonne les professionnels. Le marché du porc est un marché cyclique, où la déprime
des cours se nourrit de l’inconséquence des producteurs pendant les années de “cochons gras”. Dans un marché dominé par la course aux capacités, une simple défaillance de la demande conduit alors à la surproduction… Et à la crise des prix. En 1998, l’accident a été de taille puisque la situation de la Russie en cessation de paiement et la crise asiatique se sont conjuguées pour peser sur le marché. La Russie, le plus gros
marché des éleveurs européens, absorbe environ un tiers de leurs exportations. L’Asie, et notamment le Japon, représente un débouché non négligeable pour les producteurs, tant européens qu’américains. La perte de ces marchés a été d’autant moins supportable que, à chaque montée des cours, les éleveurs de porcs se livrent une course effrénée aux capacités de production et aux parts de marché. » Source : La Tribune, 12 janvier 1999
Document 3 Les prix industriels de la viande de porc* Indice base 100 en 1990
* Indice des prix de vente industriels (IPVI) ** CVS : corrigé des variations saisonnières ***T3 = 3e trimestre
Travail pour les élèves Qu’est-ce que « la crise du porc » ? Calculez le taux de variation du prix de vente industriel de la viande de porc entre les deuxièmes trimestres 97 et 98. À votre avis, pourquoi donnet-on aussi le prix corrigé des variations saisonnières (CVS) ? ● Quels sont les effets de la crise ? ● Quelles sont les causes de la crise ? ● ●
L’objectif n’est pas encore d’approfondir : mettre en évidence qu’il y a surproduction et baisse des prix, ce qui a des conséquences graves pour certains producteurs. Mes élèves se sont particulièrement interrogés sur l’origine de l’offre, le manque de demande paraissant «limpide » avec les crises asiatiques et russes. Précision : le marché du porc étudié est celui concernant les éleveurs, donc entre eux (offreurs) et les acheteurs (industriels et grossistes) sur le « cadran » (marché fonctionnant par lots). DEES 116 / JUIN 1999
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EXEMPLES INTÉGRÉS À L’ÉTUDE DES TEXTES D’UN MANUEL Les déterminants de l’offre Un éleveur a investi 1 600 000 F dans un bâtiment et du matériel qu’il amortit sur dix ans. Ses coûts variables sont : 225 000 F pour 50 000 kg annuels de viande, 270 000 F pour 60 000 kg etc. (voir tableau ci-dessous qui n’est pas donné rempli aux élèves). Calculez le coût total, les coûts moyens et totaux, les bénéfices unitaires et totaux pour 6 et 7 F. Représentez graphiquement les coûts moyens et unitaires. ●
Kg de viande
Coûts fixes
Coûts variables (CV)
Coût total (CT)
Coût moyen (CM)
Coût marginal
50 000 60 000 70 000 80 000 90 000
160 000 160 000 160 000 160 000 160 000
225 000 270 000 308 000 360 000 455 000
385 000 430 000 468 000 520 000 615 000
7,7 7,17 6,69 6,50 6,83
4,5 3,8 5,2 9,5
– 0,7 – 0,17 0,31 0,50 0,17
– 35 000 – 10 000 22 000 40 000 15 000
– 1,70 – 1,17 – 0,69 – 0,50 – 0,83
– 85 000 – 70 000 – 48 000 – 40 000 – 75 000
100 000
160 000
570 000
730 000
7,30
11,5
– 0,30
– 30 000
– 5,50
– 550 000
CF + CV
CT / kg viande
CT (q) – CT (q –1)) / (q – (q –1))
7 – CM
(7 – CM) x kg
6 – CM
(6 – CM) x kg
●
●
Prix = 7 F ; Prix = 7 F ; Prix = 6 F ; Prix = 6 F ; bénéf. bénéf. bénéf. résultat ou perte ou perte ou perte total moyen total moyen
Même exercice pour un deuxième éleveur. Kg de viande
Coûts fixes
Coûts variables
Coût total
Coût moyen
Coût marginal
20 000 30 000 40 000 50 000 60 000 70 000
120 000 120 000 120 000 120 000 120 000 120 000
50 000 90 000 120 000 180 000 250 000 360 000
170 000 210 000 240 000 300 000 370 000 480 000
8,5 7,00 6,00 6,00 6,17 6,86
4,00 3,00 6,00 7,00 11,00
Calculez l’offre globale des deux éleveurs pour 5, 6, 7, 8, 9, 10 F.
L’intérêt, à mon avis, de ces calculs assez rébarbatifs pour les élèves est de contrer l’idée commune que le producteur a intérêt à vendre « le plus possible » quand le prix est élevé parce qu’il ferait plus de bénéfices. Ce qui n’est pas le cas du fait des « déséconomies » d’échelle. Étudier un exemple concret permet de bien voir un certain nombre de limites de l’analyse. Même lorsque le prix est, comme en janvier 1999, à 5 F le kg, l’éleveur vend quand même les porcelets en état de l’être : il perdrait tout à les laisser mourir ! Il essaie aussi de rembourser ses emprunts, donc continue de produire tant qu’il n’est pas mis en faillite. La réalité n’est pas instantanée.
Estimation (personnelle) de la demande de porc française selon le prix (prix aux industriels et grossistes) Prix en milliers de francs par tonne Quantités demandées en tonnes Chiffre d’affaires des éleveurs en milliards de francs 18 .
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70 34,0 2 380
80 33,2 2 656
90 32,5 2 925
100 31,9 3 190
110 31,3 3 443
120 30,8 3 966
● Calculez l’élasticité de la demande par rapport au prix et le chiffre d’affaires. Comment évolue le chiffre d’affaires des éleveurs quand le prix baisse ? Qu’en concluez-vous ?
Avec une élasticité (estimée) de la demande de - 0,16, le marché du porc est très défavorable à la concurrence des producteurs.
SYNTHÈSE ● Pourquoi les éleveurs ont-ils augmenté leur production de porc en 1997-98 (documents 2 et 4) ? ● Expliquez la diminution de la demande en 1998. ● Expliquez comment les prix du porc ont baissé. ● Si rien n’est fait, comment se résoudra la crise ? ● Classez les solutions proposées (action sur l’offre, sur la demande), les arguments pour et contre et discutez-les (documents 6 et 7).
Document 4 Production porcine de l’UE : croissance soutenue en 1998
* Production indigène brute de l’UE à 12 Source : Eurostat-Agreste
Document 6 « Comment sortir de la crise ?
À court terme, en désengorgeant le marché. En septembre, l’Union européenne a décidé une aide au stockage privé. Les abattoirs, groupements de producteurs, coopératives, etc. achètent aux éleveurs des carcasses excédentaires et les congèlent, l’Europe prenant à sa charge les coûts de stockage et de trésorerie. 70 000 tonnes ont été ainsi retirées. Par ailleurs, l’Union a décidé de subventionner des exportations vers la Russie. Depuis novembre, 6 000 tonnes de porc partent chaque mois vers l’exURSS. S’y ajouteront, à partir du
Document 5 Importation : l’UE fournisseur quasi exclusif
Exportations : progression et augmentation de la part des pays tiers dans l’ensemble
Source : Douanes
1er février, 100 000 tonnes au titre de l’aide alimentaire. Mais pour résoudre durablement la crise, il faut diminuer la production. La Fédération nationale porcine (FNP), branche de la FNSEA (syndicat majoritaire classé à droite) et la Confédération paysanne, plutôt de gauche, préconisent un abattage des porcelets (et même des truies “illégales”, plaide la Confédération : celles que les éleveurs engraissent clandestinement en ignorant les demandes d’autorisation). Tout le monde est-il d’accord pour une diminution de la production ? Non. Certains groupements de producteurs continuent d’affirmer qu’il
faut laisser faire le marché: “Les gros bras de la filière ont intérêt à ce que la crise dure, commente François Dufour. Quand 25% des producteurs auront fait faillite, les cours remonteront, et ils ramasseront la cagnotte…” La Commission européenne est, elle aussi, accusée de vouloir laisser faire le marché. Les Pays-Bas, le Danemark et surtout l’Espagne, dont la production est en très forte augmentation, ne sont pas non plus favorables à une maîtrise de la production. Bref, pour les Français, la cause est loin d’être entendue. » Source : Libération, Catherine Coroller, 20 janvier 1999
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Document 7 « Comme il est trop tard pour agir sur la production, la filière table sur une relance de la consommation en Europe du fait de la baisse des prix. Les grandes et moyennes surfaces (GMS), principaux distributeurs, accusées de ne pas répercuter la baisse des cours, ont fait l’objet d’actions menées pour le moment “en douceur” dans tout l’Ouest de la France: étiquetage sauvage à la baisse dans les rayons, distribution de tracts.
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Un porc payé à 7,40 F le kilo au départ producteur (cours du marché à 6,60 F + prime de qualité de 0,80 F) arrive entre 14 et 15 F en côte de porc premier choix à la découpe chez le grossiste ou au supermarché. Une marge de 50 % l’amène à 22 F pour le consommateur. Il y a quinze jours, il était étiqueté à 38 F. La Fédération nationale porcine réclame la mise en place d’un observatoire afin d’assurer “la transparence permanente des coûts et des marges” à l’intérieur de la filière. L’autre moyen d’action
consiste à réclamer au gouvernement la mise en place de “restitutions” pour les exportations aux pays tiers, c’està-dire de subventions à l’export hors Union européenne pour permettre de compenser le différentiel du coût de revient entre l’Europe et les autres pays producteurs, notamment les USA. Personne en tout cas, et surtout pas en Bretagne, ne veut parler de limitation de production. » Source : La Tribune, 5 novembre 1998
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