Le service facturier - Gestion et Finances Publiques La revue

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Sous-directeur Bureau CE 2. Dépenses de l'Etat et opérateurs (DGFiP). Le service facturier. Le service facturier constitue un centre de traitement et de paie-.
organisation administrative

François TANGUY Sous-directeur Bureau CE 2 Dépenses de l’Etat et opérateurs (DGFiP)

Le service facturier Le service facturier constitue un centre de traitement et de paiement unique des factures pour le compte d’un ou de plusieurs services. Cette nouvelle organisation de la dépense est issue des travaux de réingénierie des processus conduits depuis la fin de l’année 2004 par la Direction générale de la Comptabilité publique, puis par la Direction générale des Finances publiques (DGFiP), la Direction générale de la modernisation de l’Etat, la Direction du Budget, l’Agence pour l’informatique financière de l’Etat (AIFE) et tous les ministères. Ces travaux ont mis en évidence la nécessité d’une organisation plus efficace et plus sûre de la dépense de l’Etat. Il s’agit d’accélérer le règlement des dépenses de l’Etat tout en permettant aux services gestionnaires et ordonnateurs de renforcer leurs missions premières : gestion et pilotage des autorisations d’engagement, prévision des besoins en crédits de paiement, amélioration de la qualité des engagements juridiques, et fiabilité de la certification du service fait qui aboutit à donner au comptable l’ordre de payer.

et des systèmes d’information en vigueur avant le palier LOLF. Le service facturier pour sa part, non seulement respecte, mais facilite la nouvelle répartition des tâches issue de la LOLF.

La LOLF et les nouveaux systèmes d’information modifient les rôles des acteurs de la dépense, qui peuvent être résumés comme suit L’ordonnateur ne peut plus se définir par l’ordonnancement, qui disparaît dans le PGI Chorus en tant qu’acte technique. Son positionnement et ses fonctions doivent par ailleurs s’articuler avec celles du gestionnaire que la LOLF a entendu responsabiliser. Enfin, les prérogatives des différents acteurs peuvent être appréhendées sous un angle opérationnel, ou sous un angle juridique qui ne se recoupent pas nécessairement. Quatre grands groupes de fonctions peuvent en revanche être identifiés dans la chaîne de la dépense :

Le service facturier est un service rattaché au comptable public, qui offre les meilleures garanties à cet égard. Il permet une plus grande fluidité du circuit de la dépense en rationalisant les contrôles. Il se traduit par une réduction des délais de paiement et par des gains de productivité. Il valorise le rôle des services gestionnaires des ministères et enrichit le travail de leurs agents. Il est souple, puisqu’il s’adapte à tous les types de dépenses. Il est évolutif enfin, puisque l’AIFE a organisé sa comptabilité avec le futur système d’information Chorus, qui a vocation à remplacer Accord-LOLF et les autres applicatifs financiers de l’Etat aux échelons central et déconcentré.

– des fonctions de prescription : elles incluent dans tous les cas l’expression de besoin, la décision d’engager une dépense (et donc l’engagement juridique), la relation avec les fournisseurs, la constatation du service fait, et surtout la certification du service fait qui atteste que la prestation ou la livraison du fournisseur est conforme à la demande, qui fait naître une dette à l’encontre de l’Etat et génère la première écriture en comptabilité générale. C’est la certification du service fait qui vaut ordre de payer donné au comptable. Ces fonctions de prescription peuvent également englober la passation de marchés publics. On peut convenir que ces fonctions relèvent du gestionnaire ;

Le présent article s’attache à souligner que le déploiement des services facturiers permet de renforcer l’efficience de la fonction financière de l’Etat tout en confortant les prérogatives des gestionnaires et des ordonnateurs.

– des fonctions d’allocation des crédits et de pilotage de l’exécution : ces fonctions recouvrent la délégation des crédits, la gestion et le pilotage des autorisations d’engagement (AE), les prévisions des besoins en crédits de paiement (CP), la priorisation et la régulation des paiements. Elles reposent sur des restitutions exhaustives et fiables ;

LE DÉPLOIEMENT DES SERVICES FACTURIERS A FORTEMENT CONTRIBUÉ A RESPONSABILISER LES ACTEURS DE LA DÉPENSE SUR LEUR CŒUR DE MÉTIER La LOLF et le déploiement de progiciels de gestion intégrée (Accord, puis Chorus) modifient sensiblement les circuits financiers et comptables de l’Etat et le rôle des acteurs qui y participent. Ainsi, les notions de gestionnaire et d’ordonnateur correspondent en grande partie à une réalité de la vie budgétaire et comptable de l’Etat, fruits de l’organisation héritée de l’ordonnance de 1959

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– des fonctions de back-office : il s’agit a minima de saisir les événements dans Chorus, notamment les engagements juridiques, la certification du service fait... Dans certaines acceptions plus larges, les fonctions de back-office peuvent inclure la passation de marchés publics (ingénierie juridique). Mais en toute hypothèse, elles n’intègrent pas de décisionnel ; – des fonctions comptables : elles recouvrent le contrôle de la dépense (contrôles de payeur et de caissier), le paiement de la dépense et les contrôles comptables (contrôle des immobilisations, des provisions, des charges à payer...) pour s’assurer de la sincérité des enregistrements... Toutes ces attributions ont pour objectif commun d’assurer la qualité des comptes et incombent

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organisation administrative au comptable qui les exécute sous sa responsabilité. Pour exercer ces missions, le comptable doit disposer d’un certain nombre de pièces, au rang desquelles la facture qui justifie à la fois la dépense et la tenue de la comptabilité. On peut considérer que les fonctions de prescription et de pilotage définissent les attributions propres de l’ordonnateur au sens générique du terme, tandis que le contrôle et le paiement de la dépense ainsi que les contrôles comptables définissent le rôle spécifique du comptable autour d’un bloc de compétences cohérent.

Le service facturier respecte et facilite cette répartition des compétences Le service facturier est un service de réception et traitement des factures placé sous l’autorité d’un comptable. A réception de la facture, le comptable vérifie sa conformité avec l’engagement juridique et la certification du service fait réalisés par le gestionnaire, et, le cas échéant, saisis dans Chorus par un back-office, le centre de services partagés. Si les trois éléments concordent, le comptable réalise ses contrôles, émet la demande de paiement, met en paiement et comptabilise l’opération sous sa responsabilité. Si les éléments ne concordent pas (montant de la facture divergent, absence de certification du service fait, etc.), le comptable se retourne, selon les cas, directement vers le gestionnaire, ou vers le centre de services partagés qui est son interlocuteur naturel. La question qui se pose est donc de savoir si la réception/traitement de la facture et l’émission de la demande de paiement par le service facturier au lieu et place du gestionnaire/ordonnateur affaiblissent les compétences de ces derniers. En déchargeant le gestionnaire de traitements matériels coûteux et sans valeur ajoutée (réception et gestion des factures, création des demandes de paiement) et en éliminant les contrôles redondants, le service facturier lui permet au contraire de se concentrer sur son cœur de métier : l’engagement de la dépense, la certification du service fait et les relations avec les fournisseurs. L’engagement juridique est au cœur de l’amélioration de la gestion publique portée par la LOLF : c’est notamment en professionnalisant la phase amont de la dépense que l’on parviendra à une meilleure planification et une plus grande efficience de la dépense publique. La certification du service fait est également une responsabilité majeure du gestionnaire, tant dans sa relation à ses fournisseurs que dans la reconnaissance d’une dette de l’Etat. La certification du service fait doit être attestée par ceux qui sont à même de juger de la conformité de la prestation à la commande, et doit intervenir dès que possible, sans attendre l’arrivée de la facture qui ne constitue pas un élément pertinent. C’est au moment de la certification du service fait que le gestionnaire peut exprimer un désaccord avec son fournisseur, et non au moment de la réception de la facture. Un des enjeux de la réingénierie des procédures réside d’ailleurs dans l’amélioration de la qualité de la certification du service fait. En supprimant les redondances de contrôle et en le libérant des travaux de validation des dossiers de liquidation (la saisie est effectuée par le service facturier), l’organisation en mode facturier permet à l’ordonnateur de se recentrer sur son cœur de métier : le pilotage des crédits. . Le service facturier aide l’ordonnateur dans l’exercice de ses fonctions de gestion et de pilotage des autorisations d’engagement, de prévision des besoins en crédits de paiement. Un des effets vertueux du service facturier est d’obliger à la saisie systématique d’un engagement juridique, ce qui favorise le pilo-

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tage de la dépense par les AE et une connaissance des crédits réellement disponibles pour l’ordonnateur. . Les restitutions (produites par Accord-LOLF aujourd’hui et Chorus demain) issues de l’activité du service facturier constituent un instrument de pilotage précieux de la consommation des crédits de paiement et de la relance des fournisseurs pour l’envoi des factures : montant total des factures payées, liste des factures en attente de service fait, liste et/ou détail des services faits, délai global de paiement, montant des intérêts moratoires à liquider... Il est souligné que la restitution des données relatives aux dépenses pour un périmètre géographique donné (par exemple, le département) dépend d’un paramétrage des systèmes d’information et non d’un mode d’organisation de la dépense. En conséquence, une organisation en mode facturier n’appauvrit en rien, au contraire, l’information de l’ordonnateur sur l’exécution de la dépense. . L’ordonnateur est également en mesure de renforcer la qualité du suivi du service fait grâce à des procédures de contrôle interne a posteriori permettant d’assurer la fiabilisation des phases de réception et de certification du service fait. . L’ordonnateur peut également définir les priorités de paiement, notamment en fin de gestion ou en cas d’insuffisance de crédits de paiement. L’ordonnateur définit en effet en mode facturier comme mode classique d’exécution de la dépense les paiements prioritaires (par montant, par fournisseurs, par nature de dépense, etc.). Il peut d’ailleurs s’appuyer pour cela sur le pilote des crédits de paiement qui intervient, au terme des choix de paramétrage effectués pour Chorus, après le comptable. . Il peut enfin mieux suivre la consommation des crédits. Il apparaît ainsi que la réception et le traitement de la facture ne sont nécessaires ni au gestionnaire ni à l’ordonnateur pour l’exercice de leurs prérogatives, alors qu’ils sont essentiels aux contrôles de la régularité de la dépense et des contrôles comptables pour le comptable. L’émission de la demande de paiement, quant à elle, n’est pas un acte à plus-value : elle doit n’être que la résultante de la conformité entre la facture et des actes réalisés en amont (EJ et certification du service fait). L’objectif du service facturier est donc à la fois de favoriser la rationalisation, la spécialisation et la professionnalisation des tâches, et de permettre à chaque acteur de la dépense de se recentrer sur son cœur de métier dans le cadre d’une fonction comptable partagée. Au total, non seulement le service facturier est parfaitement respectueux des prérogatives des gestionnaires et des ordonnateurs, mais au-delà il permet à ces deux acteurs de mieux exercer leurs missions.

LE DÉPLOIEMENT DES SERVICES FACTURIERS A PERMIS DE RÉDUIRE SENSIBLEMENT LES DÉLAIS DE PAIEMENT DES DÉPENSES DE L’ÉTAT TOUT EN RÉALISANT DES GAINS SIGNIFICATIFS EN TERMES DE PRODUCTIVITÉ ET DE QUALITÉ COMPTABLE Au 31 décembre 2008, la part des dépenses traitées en mode facturier est tout à fait significative. Elle représente en effet 120 000 factures, soit 90 000 dossiers de liquidation (DL) [27 % du nombre total de dossiers de liquidation, hors ACSIA] et 21 % du montant total des dépenses d’administration centrale.

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organisation administrative Délais de paiement centraux 2006, 2007 et 2008 80

Nombre de jours

70

Conventions 5% MAPA 6 %

Marchés complexes 27 % Décisions diverses 7 %

Répartition des DL par nature de dépense Exercice 2008 (en montant) Décisions diverses 0,6 % Commandes d’achat 1,5 % Autres 0,2 %

Marchés complexes 2,9 % MAPA 0,3 % Convention 9,7 %

40 30 20

SFACT

Hors SFACT

Cult ure

Serv ices

San

Trav ail té e t Sp ort Prem ier m inist re Edu Déf cat ens ion e / Re che rch e

0

Autres (dont baux) 2 %

Commandes d’achat 43 %

50

10

Répartition des DL par nature de dépense Exercice 2008 (en nombre de DL) Subventions 12 %

60

Affa ires étra ngè res Agr icult ure Inté rieu r Out re-m er Just ice Eco log ie Equ ipe m Bud ent get Eco nom ie

L’analyse de la structure des dépenses traitées par les services facturiers met en évidence la part prépondérante des dépenses dites « complexes » (marchés, subventions et conventions) : – les dépenses « complexes » (marchés, subventions et conventions) représentent en effet 50 % des dépenses en nombre de dossiers de liquidation et 98 % des montants (dont 85 % de subventions) ; – les marchés représentent à eux seuls 33 % de la dépense en nombre de dossiers de liquidation alors qu’ils ne représentent que 3 % des montants ; – les marchés « complexes » (marchés hors MAPA) représentent 27 % de la dépense en nombre de dossiers de liquidation et 3 % des dépenses en montant.

NB : Pour les SPM et Budget/Economie, les services facturiers créés en 2008 n’ont traité qu’une partie des dépenses.

La réduction des délais de paiement est observée dès la mise en œuvre du service facturier. A titre d’exemple, six mois après leur création, le délai de paiement central du ministère de l’Agriculture a baissé de 67 % sous l’effet de la mise en œuvre du service facturier, celui du ministère de la Justice de 52 % et celui du ministère des Affaires étrangères de 22 %. Cette réduction est pérenne. Depuis 2007, année de mise en place de la plupart des services facturiers, les ministères qui ont opté pour ce mode de traitement de la dépense constatent une baisse significative de leur délai global de paiement : Evolution 2006-2008 du délai global de paiement au sein des DCM qui ont opté pour le mode facturier 70 60 50 40 30 20 10 Affaires 0 étrangères

Outre-mer

2006

Subvention 84,9 %

Le service facturier permet une réduction significative, immédiate et durable des délais de paiement Cette réduction est significative. Le délai global de paiement des dépenses exécutées en mode facturier en 2008 s’établit à 21,65 jours, contre 41,21 jours pour les dépenses exécutées hors service facturiers. Depuis le début de l’année 2009, les paiements des administrations centrales réalisés par des services facturiers l’ont été en 28,24 jours alors que ceux réalisés hors service facturier l’ont été en 43,53 jours.

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Ecologie

2007

Santé / Sports

SPM

2008

Cette réduction du délai global de paiement est régulière sur chaque exercice. Les délais de paiement des ministères non dotés de services facturiers se sont également améliorés sous la période passée en revue mais restent à des niveaux supérieurs à ceux des services facturiers. En outre, le rythme de la diminution est moins marqué que dans les ministères dotés d’un service facturier. Cette amélioration rapide et forte des délais de paiement est due à la qualité de l’organisation en mode facturier, qui élimine les contrôles redondants, à la spécialisation des tâches et à la mixité des profils (issus des équipes comptables et gestionnaires). Elle est rendue possible par la présence d’un progiciel de gestion intégré (cf. schéma page suivante).

Au-delà, les services facturiers sont de puissants vecteurs de gains de productivité et de qualité comptable Une organisation en mode facturier permet des gains de productivité substantiels, grâce à une spécialisation des tâches opti-

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organisation administrative Paiement sans service facturier Livraison

Service fait

Ordre de payer

Facture

Service ordonnateur

Service gestionnaire

Comptable Contrôles et paiement

CONTRÔLES

Paiement avec le service facturier L’ enregistrement de la certification du service fait est effectué directement par les gestionnaires. Les factures sont traitées au fil de l’eau dès leur réception par le service facturier. Une amélioration du délai global de paiement en résulte.

Livraison

Facture

Certification du service fait ordre de payer

Raccourcissement du délai

Service facturier Contrôles et paiement

Sphère ordonnateur DGCP FCE

misée qui élimine les contrôles redondants et professionnalise la chaîne de la dépense.

Enfin, l’exécution de la dépense en mode facturier permet globalement un meilleur lissage de la dépense en infra-annuel (cf. schéma ci-contre). Cette quasi-juxtaposition entre la date de réception de la facture par le service facturier et son traitement création du dossier de liquidation (exception faite de la fin de gestion) montre la souplesse de l’organisation induite par les services facturiers, qui suivent au plus près le rythme d’activité des services gestionnaires. Les administrations désirant envisager la création d’un service facturier bénéficient, tout au long du projet, d’un accompagnement

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Déc em bre

Nov em bre

bre

Oc tob re

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Aoû t

Juin

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Avr il

Ma

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Juil le

En outre, le service facturier permet une amélioration du travail de l’Administration, grâce à un recentrage des acteurs sur leur cœur de métier. Pour le gestionnaire : la décision économique, l’expertise juridique et le pilotage de crédit. Pour le comptable : le contrôle et l’expertise financière.

Fév

Au plan comptable, le stock des factures en instance de traitement est connu, ce qui fiabilise le report des crédits disponibles en fin d’exercice et la détermination des charges à payer.

ier

Le fonctionnement du service facturier repose notamment sur la systématisation de la saisie d’un engagement juridique. Ceci favorise le pilotage de la dépense par les autorisations d’engagement et une connaissance fine des crédits réellement disponibles à l’engagement.

20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0

Jan v

Le service facturier apporte par ailleurs des gains significatifs en termes de qualité comptable.

Evolution mensuelle des créations de DL et des factures reçues (en % du total annuel)

Factures

personnalisé. Cet accompagnement permet de définir le périmètre du service facturier, d’analyser les circuits de dépense, de paramétrer les applications informatiques, de constituer les équipes et de former les agents. Il se matérialise par un contrat de service qui scelle l’engagement de tous les acteurs. Ces éléments expliquent le développement rapide du service facturier. A partir d’une expérimentation en 2003 et 2004 sur deux ministères (Intérieur et Affaires étrangères), le service facturier a rapidement été adopté par des ministères ayant à traiter des dépenses nombreuses et/ou complexes : Justice, Travail, Agriculture, Santé/Sports, ministères financiers, Ecologie, Outre-mer, services du Premier ministre.

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