LES DEFAUTS DES IMAGES OPTIQUES - AstroSurf

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Les instruments d'optique (loupes, lunettes, télescopes, microscopes) servent à ... plus généralement, le mauvais état de surface des lentilles ou des miroirs.
LES DEFAUTS DES IMAGES OPTIQUES

Les instruments d’optique (loupes, lunettes, télescopes, microscopes) servent à améliorer les performances de l’œil humain. Dans la grande majorité des cas, un objet est grossit pour mieux en discerner les détails. Dans le cas de l’astronomie, les instruments donnent d’un objet éloigné, une image grossie observable. La matière première de l’observateur est la lumière issue de l’objet à étudier. L’image donnée par un instrument diffère toujours de l’original (l’objet optique). Il existe plusieurs raisons à ce phénomène : •

La lumière issue de l’objet lointain, pour nous parvenir, traverse l’atmosphère terrestre, qui n’est pas neutre. La turbulence détruit l’image.



Les instruments grossissants, même les mieux fabriqués, ne sont pas parfaits optiquement. Nous connaissons ces problèmes, comme une mauvaise courbure de miroir, le mamelonnage, plus généralement, le mauvais état de surface des lentilles ou des miroirs.



Plus généralement, les défauts de construction mécanique des instruments : collimation, ou facilité de collimation, supportage du miroir, flexions, facilité de mise au point, différences de coefficient de dilatation des différentes parties de l’instrument…



La nature de la lumière fait que l’image de notre objet diffère de l’original, même en considérant par ailleurs la construction mécanique et optique de l’instrument comme parfaite.

Cette « obscure clarté qui tombe des étoiles1 », non contente d’être obscure, est déformée… Les défauts dont nous allons donner un léger aperçu sont les plus courants, à savoir : •

La turbulence



L’astigmatisme



La coma



Le chromatisme

TURBULENCE

La turbulence est un ennemi de l’astronome amateur, comme la buée. Si certains aspects peut en être maîtrisés, d’autres son inhérents à notre position géographique. Les différentes couches d’atmosphère traversées par la lumière d’un objet lointain ont des propriétés différentes. Leur composition chimique, leur densité, leur pression, leur humidité, la présence de particules solides, leur température varient avec l’altitude.

Le principal paramètre reste la variation de la température qui engendre une variation de la densité, donc une variation de l’indice de réfraction de l’air, elle-même responsable d’une modification du trajet des rayons lumineux. Il existe trois types de turbulence : 1 - La turbulence de la haute atmosphère engendre un mouvement relativement lent de l’image dans l’instrument. Ce défaut peut être réduit par des systèmes de correction de la position de l’image en temps réel. La société S-Big en commercialise un qui s’adapte à une caméra CCD. Ces systèmes restent relativement chers, et l’amateur moyen se contentera de guetter les moments où la turbulence est minimale. Le scintillement des étoiles proches de l’horizon est un bon critère d’évaluation de ce type de turbulence. 2 - Une autre turbulence peut être évitée, la turbulence locale. Ce sont les mouvements de l’atmosphère proche de l’observateur, toujours dus à des différences de température. Comment l’éviter ? En observant loin des maisons chauffées et mal isolées, loin des grandes surfaces bétonnées qui restituent la chaleur emmagasinée le jour, en s’isolant soi-même ou ses collègues : pas d’observateur dans l’axe de visée, pas de fumeur, pas de capot de voiture… 3 - Troisième type de turbulence, l’instrumentale. Il s’agit des différences de température entre l’instrument et l’air qui l’entoure ou qui y est contenu. La parade est une bonne mise en température de tous les composants de l’instrument, en particulier du miroir, masse plus ou moins importante de verre qui conduit mal la chaleur. Un télescope de 150 mm de diamètre met environ une heure à se mettre en température dans des conditions normales. Un 200 mm devra attendre deux heures, un 300 mm 4 heures. Prévoir donc une mise en température avant l’observation…Un tube fermé limite la turbulence interne, les courants d’air, mais allonge le temps de mise en température… La mise en température de l’environnement local dans sa totalité (c’est-à-dire l’uniformité de cette température) est le maître mot. Ces turbulences sont visibles à l’oculaire. La première donne des mouvements lents, l’étoile semblant se déplacer dans le champ. La seconde donne des mouvements plus rapides à l’intérieur du cercle d’Airy. Quant à la troisième, elle est visible en décalant largement la mise au point, et se présente comme un écoulement radiant partant de l’image du miroir secondaire.

ASTIGMATISME Pour un œil humain, l’astigmatisme se manifeste par une vision imprécise de près comme de loin, des lignes droites déformées. La raison en est une courbure irrégulière de la cornée, du cristallin ou de la rétine. La correction de ce défaut se fait avec des lunettes qui compensent ces variations de courbure. L’astigmatisme existe également pour un instrument d’optique, lorsque les miroirs ou les lentilles possèdent des défauts de courbure pour un même élément théoriquement symétrique. Un bon miroir ou une bonne lentille a un axe de symétrie perpendiculaire au centre du système optique. Dans le cas contraire le défaut d’astigmatisme apparaît. Si l’astigmatisme est présent dans la forme du miroir par exemple, le remède est de le retailler. Reste aussi la possibilité d’y adjoindre des lentilles - des lunettes - de compensation, comme en a reçu le télescope spatial Hubble, mais la solution est chère et délicate à mettre en œuvre... Mais un miroir peut être sans astigmatisme de fabrication, et faire apparaître ce défaut avec des contraintes mécaniques de serrage par exemple. C’est assez courant sur les miroirs secondaires de Schmidt-Cassegrain, dont le réglage nécessite un point d’appui central et des vis à 120 °. On trouve également des miroirs mal supportés (pas assez de points), trop lourds pour leur épaisseur (flexions), ou des lentilles trop serrées dans leur support. Il faut rappeler que la précision dimensionnelle de la surface d’un miroir est de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres (1 nanomètre = 0,000 000 001 mètre = 0,000 001 millimètre = 0,001 micron). Tordre un miroir de ces quantités est très très facile… Comment repérer ce défaut ? L’image d’une étoile s’ovalise plus ou moins en extra et intra focale. En décalant la mise au point en avant et en arrière, on constate cette ovalisation. Les axes des deux images, intra et extra focale, sont perpendiculaires, ou du moins, n’ont pas le même axe. Comment y remédier ? Selon le cas, en retaillant le miroir, ou, moins grave, en recherchant l’origine des contraintes mécaniques éventuelles. Prendre garde aux vis trop serrées… Par exemple, en collimatant, il faut toujours commencer par desserrer une vis, avant d’en serrer une autre.

COMA La coma affecte les images situées hors axe, visibles sur les bords des champs des oculaires. On observe une déformation et un flou de l’image. Ce nom de coma provient de la forme de l’étoile qui prend avec ce défaut l’aspect d’une comète.

Les images des bords des champs viennent de rayons lumineux qui tombent obliquement sur le système optique. Le champ de l’image donné par un système optique est plus ou moins plan. Selon les instruments, on peut avoir une image nette au milieu, et floue sur les bords. Un faisceau de lumière hors axe déformera en plus l’image et fera apparaître la coma.

L’effet est d’autant plus important que le rapport F/D est réduit, et donc que les rayons lumineux tombent plus obliquement sur le miroir. L’absence de planéité du champ ajoute du flou au phénomène. La coma est généralement accompagnée de chromatisme. La coma apparaît de façon plus importante sur les instruments dotés de miroirs paraboliques. Il existe, en particulier pour les télescopes à miroir parabolique (Type Newton) des correcteurs de coma, systèmes optiques qui planéifient le champ et redresse les déformations en bordure de champ. Télévue en commercialise un sous le nom de Paracorr. Il s’utilise comme une lentille de Barlow. Un correcteur n’est efficace que pour une formule optique donnée. En imagerie, les outils de sphérisation des logiciels de traitement d’image généralistes comme Paint Shop Pro ou Photo Shop, permettent de corriger partiellement ce défaut à posteriori. Mais attention, en corrigeant un défaut (jamais complètement), on en crée d’autres. Une mauvaise image ne donnera jamais un bon résultat après traitement. On ne le répètera jamais assez !

CHROMATISME La lumière blanche, celle du Soleil, est formée d’une infinité de rayonnements chacun définit par sa longueur d’onde. En traversant par exemple un prisme en verre, la lumière est déviée de façon différente en fonction de cette longueur d’onde. Le bleu est plus dévié que le rouge.

Le chromatisme apparaît chaque fois qu’un rayon lumineux passe d’un milieu à un autre (que le milieu change d’indice de réfraction). Une lentille de lunette astronomique se comporte vis-à-vis de ce phénomène de la même façon qu’un prisme. La lumière est déviée plus fortement dans le bleu que dans le rouge. C’est le chromatisme qui donne plusieurs images colorées d’une même étoile à des positions différentes, comme dans cet exemple d’Alcor et Mizar.

Les images du foyer primaire des télescopes ne sont pas affectées par ce défaut, car la lumière est réfléchie par des miroirs, et ne traverse aucun milieu d’indice de réfraction différent, comme le verre. Si du chromatisme est visible dans un télescope, c’est soit du fait des oculaires (formés de lentilles traversées par la lumière), soit du à l’atmosphère. En effet, l’atmosphère se comporte également comme un prisme très compliqué qui dévie différemment le rouge et le bleu.

Le chromatisme atmosphérique est d’autant plus fort que la couche d’air est épaisse, donc que l’objet à observer est bas sur l’horizon. Le phénomène est bien sûr amplifié par la turbulence. La meilleure parade au chromatisme est de travailler dans une longueur d’onde déterminée. Par exemple, un coronographe n’a pas à se soucier du chromatisme, car tout ce qui n’est pas rouge à 656 nm est éliminé. Pas de superposition approximative de couleur à craindre.

Les filtres colorés réduisent donc le chromatisme d’autant mieux que la bande passante est étroite. Le revers de la médaille est une perte des informations de couleur… Là encore, des logiciels de traitement d’image peuvent plus ou moins bien remédier au défaut en imagerie. Iris, Paint Shop Pro, Photo Shop ou d’autres sont capables de séparer une image couleur en ses composantes rouge, verte et bleue. Sur la Lune, on travaille sur la couche verte, la mieux définie. Le résultat est du noir et blanc, sans conséquence dramatique pour les images de la Lune. Pour conserver les informations de couleur, on re-superpose les trois couches, mais en les décalant légèrement pour faire disparaître le chromatisme. Iris permet de décaler les couches par dixième de pixel. Mais ceci n’est valable que si le chromatisme est régulier, que si les différentes portions de l’image sont toutes décalées de la même quantité. En cas de chromatisme non homogène, le mode Lab (décomposition en Luminosité, couleur a et couleur b) est utile, allié au flou gaussien. Pour plus de détails, voir le site web www.astrosurf.com/avex/chroma.html Rappelons encore une fois que ces artifices visant à limiter un défaut en amènent d’autres, plus ou moins importants, et qu’il vaut mieux avoir une bonne image dès la prise de vue, plutôt que d’essayer de la corriger après.

Jean-Pierre MARATREY - Février 2005