L'essentiel de la Jurisprudence civile - Obligations - Numilog

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Classiquement, l'obligation est définie comme un « lien de droit par lequel ... Quant au contrat, le projet de réforme le définit aujourd'hui comme «un accord de .
Premières vues sur l’obligation et le contrat

CHAPITRE

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Le Code civil ne donne aucune définition générale de l’obligation ou du contrat. Ces notions sont pourtant essentielles. Classiquement, l’obligation est définie comme un « lien de droit par lequel une ou plusieurs personnes, le ou les débiteurs, sont tenues d’une prestation (fait ou abstention) envers une ou plusieurs autres (le ou les créanciers ; G. Cornu, Vocabulaire juridique, Ass. Henri Capitant). Quant au contrat, le projet de réforme le définit aujourd’hui comme « un accord de volontés par lequel deux ou plusieurs personnes établissent, modifient ou suppriment entre elles un rapport de droit » (art. 5, version 2009). Les décisions commentées dans ce chapitre, montrent que les contours de l’obligation et du contrat restent encore parfois difficiles à tracer. 01 – Cass. civ. 1re, 10 octobre 1995, nº 93-20300 02 – Cass. com., 23 janvier 2007, nº 05-13189 03 – Cass. soc., 31 janvier 2007, nº 04-19464

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L’ESSENTIEL

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DE LA JURISPRUDENCE CIVILE

- OBLIGATIONS

1 Cass. civ. 1re, 10 octobre 1995, nº 93-20300 (...) la transformation improprement qualifiée novation d’une obligation naturelle en obligation civile, laquelle repose sur un engagement unilatéral d’exécuter l’obligation naturelle, n’exige pas qu’une obligation civile ait elle-même préexisté à celle-ci ; (...) après avoir constaté que M. Frata avait tacitement renoncé à l’application de l’article 1341 du Code civil, dont elle relève exactement que ses dispositions ne sont pas d’ordre public, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’apprécier la portée des preuves à elle soumises que la cour d’appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que M. Frata avait entendu transformer son obligation naturelle en obligation civile ; (...) (rejet)

■ Faits M. Frata, joueur de « Quinté plus », avait l’habitude de confier à l’un de ses collègues de travail, M. d’Onofrio, le soin de faire valider ses tickets auprès du PMU. L’un de ces tickets lui permit de remporter près d’1,5 million de francs, mais après que M. d’Onofrio, pour des raisons techniques, eut refait un nouveau coupon en intervertissant les numéros. Ce dernier prétendit alors qu’il avait toujours été convenu qu’il recevrait 10 % des gains éventuels et que, dans la mesure où M. Frata l’avait informé après la course qu’il lui ferait parvenir sa quote-part, il pouvait exiger le paiement du dixième de la somme perçue. Les juges du fond firent droit à sa demande en relevant qu’une obligation naturelle avait été novée en obligation civile. M. d’Onofrio forma alors un pourvoi en cassation, articulé autour de l’idée qu’il ne pouvait pas y avoir de novation en l’absence d’une obligation civile préexistante.

■ Portée Entre les obligations juridiques contraignantes et les devoirs simplement moraux, les obligations naturelles occupent une curieuse place. Moins vigoureuses que les obligations dites « civiles » car insusceptibles d’exécution forcée, elles sont en même temps plus consistantes que de simples devoirs moraux car elles ont cette capacité, comme les obligations civiles, à servir de cause au paiement volontaire du débiteur (art. 1235, C. civ.) ou à son engagement de payer la dette (v. Malaurie, Aynès et Stoffel-Munck, Les obligations, Defrénois, 3e éd. 2007, nos 1243 et s.). L’arrêt commenté se rapporte à ce dernier cas de figure : un joueur qui s’était estimé, en conscience, redevable d’une fraction de ses gains de course, avait donné sa parole à l’un de ses collègues qui lui avait rendu service. Pour des raisons que l’on ignore (nullité ?), le débat n’avait pas été porté sur le terrain du contrat préalablement passé entre eux, mais sur celui de l’obligation

CHAPITRE 1 – Premières vues sur l’obligation et le contrat naturelle du gagnant, qui avait fait l’objet d’une promesse d’exécution et qui avait donc été, selon la cour d’appel, « novée » en obligation civile contraignante. Or, d’un point de vue technique, la novation suppose une succession de deux obligations civiles, l’une qui s’éteint, et l’autre qui la remplace (v. Fages, Droit des obligations, LGDJ 2007, nº 746). Si bien que le demandeur au pourvoi fit habilement observer que les juges du fond avaient violé l’article 1271 du Code civil en admettant une novation en l’absence d’une obligation civile préexistante. La Cour de cassation a été sensible à l’objection. Rectifiant l’analyse de la cour d’appel qui était juridiquement impropre, la Haute juridiction indique que l’obligation naturelle s’est « transformée » en obligation civile, ce qui est une façon de dire qu’aucune obligation ne s’est éteinte pour être remplacée par une autre. Au fond, l’on comprend que c’est la même obligation qui « persiste dans son être » et qui devient simplement obligatoire alors qu’elle ne l’était pas (v. Libchaber, obs. D. 1996, somm. p. 120). Il convient toutefois d’observer que cette censure ne s’est pas traduite par une décision de cassation, la première Chambre civile ayant immédiatement relevé que les conditions de la transformation étaient en l’espèce remplies. C’est un autre apport essentiel de l’arrêt : l’obligation naturelle « accède à la vie civile » (Molfessis, note D. 1997, p. 85)grâce à une promesse d’exécution qualifiée d’« engagement unilatéral d’exécuter l’obligation naturelle », dont la preuve aurait été valablement rapportée. Cette promotion du concept d’engagement unilatéral (c’est-à-dire le fait d’être tenu par sa propre parole, sans contrat préalable passé avec autrui) est suffisamment rare pour être soulignée. On sait en effet que cette notion n’est pas mentionnée par le Code civil au titre des sources des obligations et qu’elle a, pour cette raison, toujours suscité de vifs débats.

Pour aller plus loin • Cass. civ. 1re, 4 janv. 2005, nº 02-18904 : la Cour de cassation confirme que « l’engagement unilatéral pris en connaissance de cause d’exécuter une obligation naturelle [transforme] celle-ci en obligation civile », permettant ainsi de donner corps à un devoir de conscience (en l’occurrence, celui d’un légataire qui s’est engagé, conformément aux vœux du défunt, à partager les biens légués pour moitié avec son frère). • Cass. civ. 1re, 22 juin 2004, nº 01-14031 : l’obligation civile « imparfaite » est, avec le devoir de conscience, l’autre cas typique d’obligation naturelle. Cet arrêt en donne un bon exemple : « si une disposition de dernière volonté purement verbale est nulle de plein droit, elle peut cependant, comme constituant une obligation naturelle, servir de cause à une obligation civile valable ».

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