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Cette stimulation mécanique, traduite en un message nerveux par les ..... possède une version en ligne gratuite (http://genepop.curtin.edu.au/). Il est .... puissance de calcul, pour la recherche de l'arbre phylogénétique optimal (Larget &. Simon 1999). ...... Species identifications were based on field guides (Keith et al. 2002 ...
MUSEUM NATIONAL HISTOIRE NATURELLE

ECOLE DOCTORALE SCIENCES DE LA NATURE ET DE L’HOMME - ED 227 Année 2011

N° attribué par la Bibliothèque |_| |_| |_| |_| |_| |_| |_| |_| |_| |_| |_| |_| THESE Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE Discipline : Ecologie et Evolution Présentée et soutenue publiquement par Pierre FEUTRY Le 2 décembre 2011 SUJET

__________________________________________________________________________________________

« EVOLUTION DU COMPORTEMENT DIADROME, PHYLOGENIE ET PHYLOGEOGRAPHIE DU GENRE KUHLIA, TELEOSTEEN, PERCIFORMES» __________________________________________________________________________________________ Sous la direction de : Professeur Philippe KEITH

JURY Mme Jennifer R. OVENDEN

Senior Scientist

M. Philippe GERBEAUX

Senior Officer

Mme Françoise DAVERAT

Chargée de Recherche

M. Eric FEUNTEUN

Professeur

M. Tony ROBINET

Maître de conférence

M. Philippe KEITH





Professeur

Molecular Fisheries Laboratory, Australia Department of Conservation, New Zealand Cemagref de Bordeaux Muséum national d’Histoire naturelle, Paris Muséum national d’Histoire naturelle, Paris Muséum national d’Histoire naturelle, Paris

Rapporteuse Rapporteur Examinatrice Examinateur Examinateur Directeur de thèse

ii
 




Remerciements Je souhaite tout d’abord remercier les membres du jury, Jenny Ovenden, Philippe Gerbeaux, Françoise Daverat et Eric Feuteun pour le temps et l’attention qu’ils ont consacrés à l’examen de mes travaux. Merci également à Agnès Dettaï, Pierre Valade, Pierre Elie et Gérard Marquet, membres de mon comité de thèse, pour m’avoir orienté dans mes recherches et prodigué de nombreux conseils. Merci à Guy Duhamel de m’avoir accueilli au sein du Département des Milieux et Peuplements Aquatiques (DMPA) et d’avoir été mon directeur de thèse durant ma première année de thèse avant que Philippe ne puisse assurer sa succession. Je tiens à remercier également Sylvie Dufour de m’avoir accepté dans l’UMR BOREA pour que je puisse y préparer mon doctorat. Je remercie également le Muséum national d’Histoire naturelle et le ministère de l’enseignement et de la recherche pour le financement de cette thèse. J’en profite également pour remercier tous les membres de l’équipe îles tropicales/Antarctique, Hélène, Marc, Nadia, Mélyne, Alexis, Fred (le fromage !!!), Patrice, Romain, super Coco, Jocelyne, Zora, Claude, Gaël, François, Céline. Eric Pasquet a accepté que j’effectue mes travaux de biologie moléculaire au sein du Service de Systématique Moléculaire (SSM). Merci à lui et à l’ensemble de l’équipe du SSM, notamment ses piliers, Annie Tillier, Marie-Catherine Boisselier-Dubayle, Céline Bonillo, Jose Utge et Josie Lambourdière pour la gestion impeccable du laboratoire et leurs précieux conseils à la ’paillasse’. Je tiens à remercier tout particulièrement Josie, sans qui le génotypage des microsatellites aurait été un vrai cauchemar. Je tiens à remercier les différents organismes et personnes ayant contribué à la collecte des échantillons nécessaires à la réalisation de cette thèse, malheureusement trop nombreux pour être tous cités. Une mention spéciale tout de même au personnel de l’ARDA qui m’a emmené en mission à Mayotte puis accueilli dans ses installations à la Réunion. Je remercie également l’ensemble de l’équipe du ‘Molecular Fisheries Laboratory’. La collaboration mise en place avec Jenny et Damien est l’une des clés du succès de cette thèse et leur accueil à Brisbane fut incroyable, notamment l’hébergement de Rosie lorsque le staphylo avait pris le dessus. Je tiens à remercier tout particulièrement Hans Hartmann, lui qui m’a envoyé en Centre-Amérique, encadré lors de mon premier projet de recherche et dans la rédaction de mon premier ‘papier’. Je remercie aussi Tony Robinet qui a contribué à initier cette thèse, tout d’abord en m’acceptant en stage de Master Recherche, puis en écrivant le sujet de la thèse. Ceci m’amène tout naturellement à remercier celui qui a sans aucun doute le plus contribué à la bonne conduite de mes travaux, mon directeur de thèse Philippe Keith. Prodiguant ses conseils depuis mon arrivée au Muséum, Philippe a petit à petit pris une place de plus en plus importante dans mon travail. Un énorme merci pour cette porte ouverte depuis 4 ans, pour cette inoubliable mission dans le Pacifique, pour cette confiance et ce soutien de tous les jours. Cette thèse n’est, je l’espère, que le début d’une longue collaboration (qui a dit mission ??? :-).



Merci aux collègues et amis qui vont presque toujours de paire. Anne pour mon entrée dans le monde EGBiesque et HNSesque, Alan pour avoir assuré la viceprésidence de la ‘SFR’ durant ces deux dernières années à mes côtés. Mag pour la ‘pépège’ et la bonne ambiance de travail, Cindy et les breaks au requin, Jeannette pour les sessions ‘running’ dans le JdP et son déhanché de salsa inimitable, Laura pour le grain de folie qu’elle insuffle quotidiennement au labo, ce fut un plaisir de partager missions et longues discussions sérieuses de travail…ou pas ! Enfin Lénaig, Clara et Gab, co-doctorantes de la première heure, ce fut un plaisir de travailler parmi vous. Je tiens aussi à remercier tout particulièrement Noëlie, Florence, Jean-Tristan, Catérina, Marine qui ont, entre autre, contribué à faire de mon pot de thèse un moment mémorable. Merci aussi à tous ceux m’ayant apporté leur soutien le jour J et ceux et celles ayant participé à nos ‘séminaires’ dansants, trop nombreux pour être nommés mais au combien importants. Merci à Pierre et Isabelle pour le ‘6 place Monge’ qui m’a placé dans des conditions idéales au travail. Cette thèse n’aurait jamais vu le jour sans le soutien de la première heure de mes parents et de ma famille, ils y ont toujours cru de telle sorte que moi aussi. Enfin, merci à Nalie, qui a su faire de cette fin de thèse un moment agréable.

iv
 


SOMMAIRE



 INTRODUCTION...............................................................................................................................................1
 La
diadromie ......................................................................................................................................................................... 2
 Origine,
évolution
et
implication
de
la
diadromie
dans
les
processus
de
spéciation............................. 4
 Ecosystèmes
d’eau
douce
insulaires
tropicaux....................................................................................................... 7
 La
famille
des
Kuhliidae ................................................................................................................................................... 9
 Contexte,
objectifs
et
organisation
de
la
thèse .....................................................................................................12
 CHAPITRE
1
­
STRATEGIE
D’ECHANTILLONNAGE
ET
METHODOLOGIE .................................... 17
 Echantillonnage.................................................................................................................................................................18
 L’otolithe,
outil
d’étude
privilégié
de
l’histoire
de
vie
des
Téléostéens ......................................................21
 Position
et
fonction
des
otolithes ................................................................................................................... 21
 Formation,
structure
et
composition ............................................................................................................ 23
 Macrostructure
et
microstructure
des
otolithes...................................................................................... 23
 Microchimie
des
otolithes.................................................................................................................................. 24
 Ratios
élémentaires
et
salinité......................................................................................................................... 26
 Femtoseconde
LA­ICP­MS
et
couplage
des
données
temporelles
et
environnementales ...................28
 Principe
et
avantages
du
femtoseconde
LA‐ICP‐MS ............................................................................... 28
 Analyses
moléculaires .....................................................................................................................................................31
 Phylogénie................................................................................................................................................................. 31
 Phylogéographie .................................................................................................................................................... 35
 La
reconstruction
phylogénétique.............................................................................................................................41
 Méthode
de
distances
génétiques................................................................................................................... 41
 Maximum
de
Vraisemblance............................................................................................................................. 43
 Inférence
Bayésienne........................................................................................................................................... 44
 CHAPITRE
2
 ­
ETUDE
 DU
COMPORTEMENT
 MIGRATOIRE
 DES
ESPECES
 DE
 KUHLIA
 D’EAU
 DOUCE
 ET
 ESTUARIENNES
 PAR
 MICROANALYSES
 CHIMIQUES
 ET
 STRUCTURALES
 DES
 OTOLITHES. ................................................................................................................................................... 45
 Préambule ............................................................................................................................................................................46
 Introduction.........................................................................................................................................................................48
 Materials
and
methods ...................................................................................................................................................49
 Field
study................................................................................................................................................................. 49
 Otolith
preparation ............................................................................................................................................... 51
 LA
ICP‐MS
strategy................................................................................................................................................ 51
 LA
ICP‐MS
standardisation ................................................................................................................................ 52
 Data
analysis ............................................................................................................................................................ 53
 Results ....................................................................................................................................................................................54
 Relationship
between
fish
somatic
growth
and
otolith
growth ........................................................ 54
 Elemental
signature
on
otolith
edge.............................................................................................................. 54
 Analysis
of
Sr:Ca
and
Ba:Ca
profiles
in
otoliths ........................................................................................ 54
 Sr:Ca
vs
Ba:Ca .......................................................................................................................................................... 58
 Discussion .............................................................................................................................................................................58
 Relationship
between
Sr:Ca
and
Ba:Ca
ratios
in
fish
otoliths
and
habitats.................................. 58
 Complementary
use
of
strontium
and
barium
as
salinity
proxies ................................................... 60
 Migratory
life
history
of
K.
malo...................................................................................................................... 60
 Conclusion................................................................................................................................................................. 61
 ABSTRACT ............................................................................................................................................................................62
 Introduction.........................................................................................................................................................................63
 Material
and
methods .....................................................................................................................................................64




i


Fish
collection.......................................................................................................................................................... 64
 Otolith
preparation
and
microchemical
analysis..................................................................................... 65
 Data
analysis ............................................................................................................................................................ 65
 Results ....................................................................................................................................................................................66
 Sr:Ca
and
Ba:Ca
profiles ...................................................................................................................................... 66
 Microstructure ........................................................................................................................................................ 67
 Discussion .............................................................................................................................................................................69
 Early
life
history ..................................................................................................................................................... 69
 Recruitment
mark ................................................................................................................................................. 71
 Conclusion................................................................................................................................................................. 71
 Conclusion ............................................................................................................................................................................73
 CHAPITRE
3
­
 PHYLOGENIE
 ET
 EVOLUTION
 DE
 LA
 DIADROMIE
 CHEZ
 LES
 KUHLIIDAE ........................................................................................................................................................................... 75
 Préambule ............................................................................................................................................................................76
 RESUME.................................................................................................................................................................................77
 ABSTRACT ............................................................................................................................................................................78
 Introduction.........................................................................................................................................................................79
 Material
and
methods .....................................................................................................................................................80
 Sampling .................................................................................................................................................................... 80
 DNA
extraction,
amplification
and
sequencing......................................................................................... 81
 Phylogenetic
analysis........................................................................................................................................... 83
 Results ....................................................................................................................................................................................84
 Sequences.................................................................................................................................................................. 84
 Phylogeny.................................................................................................................................................................. 85
 Ancestral
life
history ............................................................................................................................................ 87
 Discussion .............................................................................................................................................................................88
 Diadromous
origin
of
the
Kuhliidae .............................................................................................................. 88
 Lost
of
diadromy .................................................................................................................................................... 89
 Conclusion................................................................................................................................................................. 90
 Conclusion ............................................................................................................................................................................91
 CHAPITRE
4
­
 DUREE
 DE
 VIE
 LARVAIRE
 DE
 DEUX
 ESPECES
 DE
 KUHLIIDAE
 AUX
 AIRES
 DE
 REPARTITION
 GEOGRAPHIQUE
 CONTRASTEES
:
 ESTIMATION
 DE
 LA
 CAPACITE
 DE
 DISPERSION
DES
KUHLIA
DIADROMES................................................................................................. 93
 Préambule ............................................................................................................................................................................94
 RESUME.................................................................................................................................................................................95
 ABSTRACT ............................................................................................................................................................................96
 Introduction.........................................................................................................................................................................97
 Materials
and
Methods ...................................................................................................................................................99
 Specimen
collection .............................................................................................................................................. 99
 Study
sites ................................................................................................................................................................. 99
 Staining
experiment.............................................................................................................................................. 99
 Unstained
otolith
preparation
and
increment
counts ........................................................................ 101
 Statistical
analyses
of
the
data ...................................................................................................................... 103
 Results ................................................................................................................................................................................. 103
 Staining
experiment
to
validate
daily
increment
formation............................................................ 103
 Estimation
of
the
age
at
recruitment.......................................................................................................... 103
 Discussion .......................................................................................................................................................................... 104
 Daily
increment ................................................................................................................................................... 104
 Age
at
recruitment.............................................................................................................................................. 105
 Conclusion ......................................................................................................................................................................... 107


ii
 


CHAPITRE
5
­
 ETUDE
 DE
 LA
 STRUCTURE
 GENETIQUE
 ET
 PHYLOGEOGRAPHIE
 CHEZ
 KUHLIA
RUPESTRIS....................................................................................................................................109
 Préambule ......................................................................................................................................................................... 110
 RESUME.............................................................................................................................................................................. 111
 ABSTRACT ......................................................................................................................................................................... 112
 Introduction...................................................................................................................................................................... 113
 Material
and
methods .................................................................................................................................................. 115
 Sampling
and
DNA
extraction ....................................................................................................................... 115
 Mitochondrial
DNA
analysis........................................................................................................................... 115
 Microsatellite
analysis ...................................................................................................................................... 116
 Results ................................................................................................................................................................................. 118
 Mitochondrial
DNA ............................................................................................................................................ 118
 Microsatellites...................................................................................................................................................... 123
 Microsatellites
vs
mtDNA ................................................................................................................................ 125
 Discussion:......................................................................................................................................................................... 125
 Combined
use
of
mtDNA
and
microsatellites......................................................................................... 125
 Population
structure
of
K.
rupestris ............................................................................................................ 126
 Genetic
population
distinction
in
the
Indian
Ocean ............................................................................ 127
 Phylogeography
of
K.
rupestris ..................................................................................................................... 129
 Systematic
status
of
K.
rupestris ................................................................................................................... 129
 Kuhlia
rupestris
dispersal
and
implication
for
species
management
and
speciation .......... 130
 Conclusion ......................................................................................................................................................................... 137
 CHAPITRE
6
­
SYNTHESE
ET
CONCLUSIONS......................................................................................139
 Migration,
 dispersion,
 histoire
 phylogéographique
 et
 spéciation
 au
 sein
 du
 genre
 Kuhlia
:
 implications
pour
la
gestion
et
la
protection
des
espèces
et
des
habitats............................................. 141
 Les
estuaires,
clé
de
la
sauvegarde
des
Kuhliidae
diadromes ......................................................... 141
 Vers
un
gestion
locale
ou
régionale ............................................................................................................ 141
 Diadromie,
 biodiversité
 et
 îles
 tropicales
:
 apport
 des
 Kuhliidae
 à
 une
 compréhension
 globale. ................................................................................................................................................................................................ 142
 Phase
de
dispersion
courte
et
succès
dans
les
îles
tropicales ......................................................... 142
 Origine
de
la
biodiversité
dans
l’Indo‐Pacifique ................................................................................... 143
 Amphidromie,
catadromie
ou
continuum
migratoire
? ..................................................................... 145
 BIBLIOGRAPHIE .........................................................................................................................................149
 ANNEXES.......................................................................................................................................................168




iii


LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX INTRODUCTION...............................................................................................................................................1
 Figure
0.
1.
Représentation
schématique
des
trois
stratégies
diadromes..................................................3
 Figure
0.
2.
Modes
d’évolution
des
différentes
stratégies
diadromes ..........................................................6
 Figure
0.
3.
Répartition
supposée
des
espèces
de
Kuhliidae............................................................................9
 Figure
0.
4ab.
Espèces
marines
et
diadromes
de
la
famille
des
Kuhliidae. ............................................. 10
 Tableau
0.
1
Espèces
de
la
famille
des
Kuhliidae
classées
selon
l’habitat
des
adultes....................... 12


Tableau
0.2.
Caractéristiques
morphologiques
principales
des
espèces
de
Kuhlia............ 13
 CHAPITRE
1
­
STRATEGIE
D’ECHANTILLONNAGE
ET
METHODOLOGIE .................................... 17
 Figure
1.1.
Carte
récapitulative
de
l’échantillonnage
pour
chaque
espèce
de
Kuhlia......................... 20
 Figure
1.2.
Position
des
otolithes
à
l’intérieur
de
l’oreille
interne
des
poissons. ................................. 21
 Figure
1.3.
Différents
plans
de
coupe
d’une
sagitta
et
marques
de
croissance. .................................... 22
 Figure
1.4.
Transport
des
éléments
depuis
l’environnement
du
poisson
jusqu’à
l’otolithe............ 26
 Figure
1.5.
Schéma
général
d’un
LA
ICP‐MS. ........................................................................................................ 29
 Figure
1.6.
Différence
entre
histoire
évolutive
vraie
et
histoire
observée.............................................. 41
 
 Tableau
1.1.
Récapitulatif
de
l’échantillonnage
par
espèce
et
par
localité.............................................. 20
 CHAPITRE
2
 ­
ETUDE
 DU
COMPORTEMENT
 MIGRATOIRE
 DES
ESPECES
 DE
 KUHLIA
 D’EAU
 DOUCE
 ET
 ESTUARIENNES
 PAR
 MICROANALYSES
 CHIMIQUES
 ET
 STRUCTURALES
 DES
 OTOLITHES. ................................................................................................................................................... 45
 Figure
2.1.
Sampling
locations
on
Moorea
and
Raiatea
Islands ................................................................... 50
 Figure
2.2.
K.
malo
otolith
from
the
Vaipapa
River............................................................................................ 51
 Figure
2.3.
Fish
standard
length
vs
otolith
length.............................................................................................. 54
 Figure
2.4.
Sr:Ca
and
Ba:Ca
in
the
edge
region
of
the
otoliths
from
K.
malo........................................... 55
 Figure
2.5.
Sr:Ca
and
Ba:Ca
profiles
from
the
core
to
the
otolith
edge ..................................................... 57
 Figure
2.6.
Ba:Ca
vs
Sr:Ca
in
otoliths
of
all
fish.................................................................................................... 58
 Figure
2.7.
Sr:Ca
and
Ba:Ca
profiles
in
the
otoliths
of
K.
rupestris,
K.
sauvagii
and
K.
munda
 ........ 67
 
 Table
2.1.
Fish
number
and
size
range
per
sampling
location...................................................................... 50
 Table
2.2.
Operating
conditions
for
the
femtosecond
LA
ICP‐MS................................................................ 52
 CHAPITRE
3
­
 PHYLOGENIE
 ET
 EVOLUTION
 DE
 LA
 DIADROMIE
 CHEZ
 LES
 KUHLIIDAE ........................................................................................................................................................................... 75
 Figure
3.1.
The
50%
majority
rule
consensus
tree
obtained
with
the
Bayesian
analysis
using
the
 five‐genes
concatenated
dataset ..................................................................................................................... 86
 Figure
3.2.
Reconstructed
evolutionary
history
of
migratory
behaviour. ............................................... 87
 
 Table
 3.1.
 Sample
 ID,
 Genbank
 accession
 number,
 geographical
 location
 and
 species
 name
 of
 specimens.................................................................................................................................................................. 81
 Table
3.2.
Forward
and
reverse
primers
used
for
PCR
of
the
five
genes. ................................................ 82
 CHAPITRE
4
­
 DUREE
 DE
 VIE
 LARVAIRE
 DE
 DEUX
 ESPECES
 DE
 KUHLIIDAE
 AUX
 AIRES
 DE
 REPARTITION
 GEOGRAPHIQUE
 CONTRASTEES
:
 ESTIMATION
 DE
 LA
 CAPACITE
 DE
 DISPERSION
DES
KUHLIA
DIADROMES................................................................................................. 93
 Figure
4.1
Otolith
section
of
a
Kuhlia
rupestris
after
staining.................................................................... 101
 Figure
4.2.
Otolith
of
K.
rupestris
under
scanning
electron
and
optical
microscopy........................ 102
 


iv
 


Table
 4.1.
 Standard
 length,
 increment
 counts
 and
 presence/
 absence
 of
 a
 second
 stain
 ring
 for
 each
K.
rupestris
included
in
the
staining
experiment. ....................................................................... 104
 Table
4.2.
Age
at
recruitment
for
K.
rupestris
and
K.
sauvagii.................................................................... 104
 Table
4.3.
Pelagic
larval
duration
for
various
tropical
diadromous
species........................................ 106
 CHAPITRE
5
­
 ETUDE
 DE
 LA
 STRUCTURE
 GENETIQUE
 ET
 PHYLOGEOGRAPHIE
 CHEZ
 KUHLIA
RUPESTRIS....................................................................................................................................109
 Figure
5.1.
Sampling
locations
of
Kuhlia
rupestris
indicated
by
white
stars ....................................... 115
 Figure
5.2.
Phylogenetic
tree
inferred
from
ATP
haplotypes
of
K.
rupestris. ...................................... 119
 Figure
5.3.
Network
of
K.
rupestris
ATP
sequences ........................................................................................ 121
 Figure
5.4.
Correspondence
between
mtDNA
lineages
and
nuclear
clusters ..................................... 124
 
 Figure
S5.1.
Phylogenetic
tree
inferred
from
21
ND4
sequences
haplotypes
of
K.
rupestris ....... 132
 Figure
S5.2.
Network
of
K.
rupestris
ND4
sequences. .................................................................................... 133
 
 Table
 5.1.
 Summary
 of
 Kuhlia
rupestris
 samples
 used
 in
 the
 mitochondrial
 DNA
 and
 microsatellite
analyses ..................................................................................................................................... 118
 Table
5.2.
Summary
of
the
genetic
diversity
of
Kuhlia
rupestris............................................................... 119
 Table
5.3.
Variable
positions
in
the
795
bp
mitochondrial
ATP
segment
of
K.
rupestris. .............. 120
 Table
5.4.
Intra
and
inter‐lineage
mean
divergence
using
ATP
and
ND4
genes ................................ 122
 Table
5.5.
Pairwise
θ
and
ΦST
values
of
K.
rupestris
between
locations
per
mtDNA
lineage,
using
 ATP
and
ND4
genes
and
microsatellite
loci............................................................................................. 122
 
 Table
S5.1.
Variable
positions
in
the
mitochondrial
ND4
segment
of
K.
rupestris ............................ 131
 Table
S5.2.
Genetic
variablity
at
15
microsatellite
loci
of
Kuhlia
rupestris .......................................... 134
 Table
S5.3.
Log
probability
and
ΔK
for
each
number
of
clusters.............................................................. 136
 CHAPITRE
6
­
SYNTHESE
ET
CONCLUSIONS......................................................................................139
 Figure
6.1.
Evolution
du
comportement
migratoire
chez
les
Kuhliidae................................................ 147




v


AVANT-PROPOS Cette thèse de doctorat a été financée par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. L’ensemble des travaux et des missions de terrain a été soutenu par le Muséum national d’Histoire naturelle, l’UMR 7208 BOREA, le PPF ‘Biodiversité actuelle et fossile. Crises, stress, restaurations et panchronisme : le message systématique’ et la Société Française d’Ichtyologie. Les travaux menés au cours de cette thèse ont été valorisés ou sont en cours de valorisation par des publications scientifiques et ont fait l’objet de diverses présentations lors de congrès nationaux ou internationaux. J’ai aussi effectué de nombreuses heures d’enseignement.

Publications Feutry P, Keith P, Pécheyran C, Claverie F, Robinet T (2011) Evidence of diadromy in the French Polynesian Kuhlia malo (Teleostei: Percoidei) inferred from otolith microchemistry analysis. Ecology of Freshwater Fish 20:636-645 Feutry P, et al. First record of Kuhlia sauvagii Regan, 1913 (Telesostei : Perciformes) in Mayotte and Réunion islands. Cybium Accepted Feutry P, Hartmann HJ, Casabonnet H, Umana G (2010) Preliminary analysis of the fish species of the Pacific Central American Mangrove of Zancudo, Golfo Dulce, Costa Rica. Wetlands Ecology and Management 18:637-650 Publications soumises ou en cours de soumission Feutry P, et al. Kuhliidae (Teleostean: Perciformes), a simple model to study the evolution of diadromy. Submitted The American Naturalist Feutry P, et al. Duration of the marine larval phase estimated by otolith microstructural analysis of two diadromous Kuhliidae species (Teleostei: Percoidei) from Indo-Pacific insular systems. Submitted to Marine and Freshwater Research Feutry P, et al. Population structure and phylogeography of the Indo-Pacific diadromous Jungle perch, Kuhlia rupestris. In prep. Feutry P, et al. Confirmation by otolith microchemistry of an obligatory marine larval phase in freshwater and estuarine Kuhliidae species. Submitted to Aquatic Biology Keith P, et al. New datas on freshwater fish of New Caledonia. in Grandcolas P. (ed.), Zoologica Neocaledonica 8. Biodiversity studies in New Caledonia. Mémoires du Muséum national d’Histoire naturelle. Submitted

vi
 


Communications orales Feutry P, Castelin M, Ovenden JR, Dettaï A, Robinet T, Cruaud C, Keith P. Kuhliidae (Teleostean: Perciformes): a simple model to study the evolution of diadromy. Colloque recherche et journées des doctorants. Centre des Sciences de la Mer UMPC. 12-16 Septembre 2011, Paris, France. Feutry, P., C. F. Claverie, Pécheyran, P. Keith, E. Feunteun & T. Robinet. 2008. Histoire de vie du Téléostéen diadrome Kuhlia malo (Perciformes, Kuhliidae) dans l'archipel de la Société, Polynésie Française. Xe Journées Tunisiennes des sciences de la mer et 1ère rencontre Tuniso-Française d'Ichtyologie. 2023 Décembre 2008, Sousse, Tunisie. Feutry, P., C. F. Claverie, Pécheyran, P. Keith, E. Feunteun & T. Robinet. 2008. Histoire de vie du Téléostéen diadrome Kuhlia malo (Perciformes, Kuhliidae) dans l'archipel de la Société, Polynésie Française. Quatrièmes Rencontres de l'Ichtyologie en France. 24-27 Mars 2009, Paris, France. Feutry, P., C. F. Claverie, Pécheyran, P. Keith, E. Feunteun & T. Microstructure et ablation laser femtosecond/ICP-MS des otolithes : détermination de l'histoire de vie du téléostéen Kuhlia malo. 14ème du bureau des étudiants du Muséum. Techniques et méthodes recherche au Muséum. 3-5 Décembre 2008, Paris, France.

Robinet. outils de Congrès dans la

Enseignements Au cours de mes trois années de thèse, j’ai dispensé 32 heures de travaux pratiques, en première année de licence (Biologie générale) et 30 heures de travaux pratiques (s’apparentant à des cours magistraux) en première année de préparation au concours de médecine (Biologie générale et moléculaire), à l’Université Paris 5. J’ai également dispensé 32 heures de travaux pratiques, en première année de licence (Diversité du vivant), à l’Université de Versailles Saint-Quentin-enYvelines.



vii



 
 


viii




 
 
 
 
 
 


INTRODUCTION

DIADROMIE ET PEUPLEMENTS DES ECOSYSTEMES D’EAU DOUCE DES ILES OCEANIQUES TROPICALES.

La diadromie Le terme ‘diadromie’ est introduit pour la première fois par Myers (1949) pour décrire les ‘migrations vraies’ des organismes aquatiques entre l’eau douce et la mer. Myers entend par ‘migrations vraies’ des mouvements réguliers entre les biomes marins et dulçaquicoles et soumis à des régulations physiologiques. Au sein de chaque population, ces mouvements ont lieu à des périodes prévisibles, selon des phases caractéristiques de leur cycle de vie. Pour être considérée comme diadrome, la majorité des individus d’une espèce doit être concernée par la migration, généralement obligatoire (McDowall 1997). Malgré les changements importants d’osmorégulation nécessaires (McKeown 1984), plus de 250 espèces de poissons répondent à ces critères (McDowall 1988) et l’on retrouve aussi ce type de cycle de vie chez les mollusques et les crustacés (Myers et al. 2000, Page et al. 2005, Crandall et al. 2010). Myers (1949) définit trois sous-catégories de comportements diadromes : la catadromie, l’anadromie et l’amphidromie. Leurs définitions, telles que présentées ci-dessous, correspondent à celles redéfinies plus tard par McDowall (1992) suite à l’accroissement des connaissances sur les comportements diadromes (Figure 0.1). Anadromie : les espèces anadromes se reproduisent en eau douce. Les juvéniles migrent ensuite en mer où ont lieu l’essentiel de la croissance somatique et la maturation sexuelle, avant de revenir en rivière pour la reproduction. Catadromie : les espèces catadromes ont un cycle inversé par rapport aux espèces anadromes. La reproduction a lieu en mer alors que la croissance et la maturation sexuelle s’effectuent dans le milieu dulçaquicole. Chez ces deux sous-catégories, la migration d’un biome à l’autre est directement liée à la reproduction et à la croissance qui ont lieu dans des biomes différents.

2
 


INTRODUCTION



 Figure 0. 1. Représentation schématique des trois stratégies diadromes.



3


Amphidromie : la reproduction a lieu en eau douce. Dans les jours qui suivent leur éclosion, les larves migrent en mer pour une durée allant de quelques semaines à plusieurs mois. Le retour en rivière se fait à l’état post-larvaire ou juvénile. S’ensuit alors la phase principale de croissance somatique jusqu’à la maturation sexuelle et la reproduction. La reproduction et l’essentiel de la croissance ont donc lieu dans le même biome, l’eau douce. Un certain nombre d’espèces présentent un cycle de vie amphidrome marin au cours duquel elles effectuent les migrations inverses à celles présentées ci-dessus (McDowall 1988).

Origine, évolution et implication de la diadromie dans les processus de spéciation Selon Gross (1988), un cycle de vie diadrome se met en place selon un processus de sélection naturelle, lorsque la migration entre l’eau douce et les océans procure aux organismes un avantage supérieur aux coûts impliqués par cette migration (par exemple, l’augmentation de leur succès reproducteur par exemple). Ces coûts comprennent les ajustements physiologiques, l’allocation d’énergie pour la nage ainsi que l’augmentation de la mortalité lors des changements de biome. De nombreuses hypothèses ont été formulées pour expliquer la diadromie et la désertion par les juvéniles de leur habitat de naissance. Parmi celles-ci nous retrouvons la diminution de la prédation, des maladies, du stress physiologique, l’augmentation de la disponibilité en nourriture (Harden Jones 1968, Northcote 1978, Thorpe 1987) ou encore l’assurance de maintenir la pérennité de l’espèce en maintenant en permanence en mer des pools larvaires ou juvéniles pouvant assurer dispersion et colonisation (Keith 2003). Les organismes diadromes sont par nature difficiles à étudier tout au long de leur cycle de vie car leurs migrations peuvent s’étaler sur plusieurs milliers de kilomètres. Ces hypothèses n’ont donc pu être véritablement testées. Cependant, un gradient latitudinal inverse est observé chez les espèces anadromes et catadromes. Les espèces anadromes sont plus présentes en milieu tempéré qu’en milieu tropical et réciproquement pour les espèces catadromes et amphidromes (McDowall 1987). La productivité des océans et des milieux dulçaquicoles varie, elle aussi, de manière inversée avec la latitude. Il semble donc que la disponibilité en nourriture joue un rôle important dans la distribution géographique des espèces diadromes. Des travaux sur la croissance chez les Salmonidae semblent montrer que la disponibilité en 4
 


INTRODUCTION
 nourriture a une influence sur leur cycle migratoire et leur capacité reproductive (Nordeng 1983, Neilson et al. 1985, Cucherousset et al. 2005). Les travaux sur les gobies amphidromes montrent que ceux-ci se sont adaptés aux productions de périphyton sur les îles tropicales (Keith 2003). La première hypothèse sur l’évolution et la mise en place de la diadromie a été formulée par Gross (1987). Elle est résumée dans la figure 0.2. Selon lui, les trois sous-catégories de la diadromie représentent des étapes évolutives permettant de passer d’un cycle de vie strictement en eau douce à un cycle de vie strictement marin et inversement. McDowall (1997) discute cette hypothèse 10 ans plus tard et montre qu’il n’existe pour le moment aucune donnée phylogénétique appuyant cette théorie. Par ailleurs, diverses hypothèses contradictoires et équivoques ont été émises sur l’origine du comportement anadrome. Certains travaux concluent à une origine marine, d’autres à une origine dulçaquicole (Johnson & Patterson 1996, McDowall 2002, Ramsden et al. 2003). A notre connaissance, aucune étude reposant sur des données

phylogénétiques

n’a

été

entreprise

pour

expliquer

l’origine

des

comportements catadromes et amphidromes. Si les processus évolutifs menant à un cycle de vie diadrome sont encore largement méconnus, la diadromie semble jouer un rôle important dans les mécanismes de spéciation. La phase dispersive présente chez les espèces diadromes va tendre, a priori, à limiter les processus de spéciation. En effet, elle promeut les flux de gènes entre des populations pouvant être séparées par plusieurs milliers de kilomètres (Lintas et al. 1998, Waters & Burridge 1999, Lord 2009). Elle empèche ainsi la mise en place d’une structure génétique, potentiellement précurseur d’une spéciation (McDowall 2001). A l’inverse, elle promeut la spéciation en favorisant une dispersion lointaine, donnant donc la possibilité à des populations de se trouver isolées à la faveur d’un événement biogéographique. C’est typiquement le cas des Marquises et de la Polynésie Française (Planes & Galzin 1997). De nombreux exemples montrent que certaines populations d’espèces anadromes et amphidromes peuvent abandonner leurs migrations pour passer à un cycle d’eau douce strict lorsque une barrière les empêche de rejoindre la mer (Pollard 1971, McDowall 1988, 2001, Sakai et al. 2004). On parle alors de population ‘landlocked’. Si cette barrière reste en place suffisamment longtemps, il peut y avoir 


5



 Figure 0. 2. Modes d’évolution des différentes stratégies diadromes selon l’hypothèse de Gross (1987) (modifié d’après McDowall, 1997). 6
 


INTRODUCTION
 spéciation et naissance d’une espèce sœur d’eau douce (Waters et al. 2001, Michel et al. 2008). La phase de dispersion permet la colonisation de nouveaux milieux et l’établissement de nouvelles populations. La faculté de certaines espèces à abandonner la diadromie procure un scénario idéal de spéciation et d’évolution de ce caractère (McDowall 2001). Un modèle plus général de spéciation chez les organismes diadromes, appelé ‘boucle de migration’ (‘migration loop’) a été élaboré par Tsukamoto & Aoyama (1998). Dans ce modèle, chaque espèce diadrome présente au sein de son aire de répartition géographique sa propre boucle de migration (i.e. la route circulaire qui relie l’habitat de croissance et l’habitat reproduction ; dans les cas des amphidromes ces habitats sont les mêmes, mais ils sont tout de même liés par une phase de dispersion). Des variations spatio-temporelles de ces boucles de migrations peuvent causer une fragmentation en sous-populations et éventuellement une spéciation. La spéciation par abandon de la diadromie par des populations ‘landlocked’, représente un cas particulier de ce modèle dans lequel la boucle de migration est interrompue. Les facteurs comme la variation du niveau des mers, la formation de barrières terrestres ou encore des modifications de la courantologie, peuvent ainsi jouer un rôle important dans la rupture de ces boucles et dans les processus de spéciation chez les espèces diadromes (Tsukamoto & Aoyama 1998, Keith et al. 2011).

Ecosystèmes d’eau douce insulaires tropicaux Les cours d’eau des îles tropicales, du fait de leur isolement relatif, par rapport aux masses continentales, de leur formation géologique singulière et du régime climatique particulier auxquel ils sont soumis, sont des écosystèmes privilégiés pour l’étude, à différentes échelles de temps, des processus biologiques. La plupart des îles tropicales sont d’origine volcanique. La séquence géologique à l’origine de leur formation a été énoncée pour la première fois par Darwin (d’après Smith et al. 2003). Elle débute par l’éruption et la formation d’une île haute aux pentes abruptes avec la mise en place des bassins versants. Cette phase initiale est éventuellement suivie par l’érosion, la subsidence de cette île ainsi que le développement d’une barrière périphérique de récifs coralliens. La séquence se termine par la formation d’un atoll (i.e. barrière de corail qui entoure un lagon), puis la disparition de l’île sous les eaux (Craig 2003). De la sortie des eaux du volcan à la formation d’un atoll, il ne se passe généralement pas plus de quelques dizaines de 


7


millions d’années (Ma). Les îles hautes représentent des environnements récents, souvent âgés de moins de 10 Ma (Craig et al. 2001). Les cours d’eau de ces îles hautes tropicales diffèrent de leurs homologues continentaux sur de nombreux points. Les premiers cités sont généralement courts et droits. Leur lit repose sur des pentes escarpées au sein de bassins versants plus petits et étroits que sur les continents. Par ailleurs, les fluctuations majeures des régimes de précipitations auxquelles sont soumis les bassins versants, sont à la fois sous l’influence régulière et prédictible des saisons (i.e. alternance d’une saison sèche et d’une saison humide) et sous influence d’évènements climatiques ponctuels et non prédictibles comme les ouragans, les cyclones, les orages ou les sécheresses occasionnelles. Les écosystèmes d’eau douce insulaires tropicaux sont à l’image de l’ensemble de ces conditions particulières : (i) à l’origine, les cours d’eau vierges de faune ne peuvent être colonisés que par des organismes d’origine marine ou capables de disperser en milieu marin ; (ii) suite à une sécheresse ou une crue cyclonique importante, les rivières doivent être en partie ou complètement recolonisées. De ce fait, à un instant donné, ces écosystèmes reflètent à la fois l’histoire géologique de l’île et les perturbations climatiques plus récentes (Craig 2003). Les organismes diadromes, et plus particulièrement les organismes amphidromes et catadromes, sont les seuls à pouvoir s’adapter aux spécificités de ces écosystèmes. En effet, leur phase de dispersion marine larvaire leur permet d’assurer la colonisation initiale mais leur permet également d’avoir en permanence un pool de larves en mer capables de recoloniser ces habitats après une perturbation climatique importante (Herre 1936, Myers 1953, MacArthur & Wilson 1963, Kinzie 1988, Keith 2003, McDowall 2004, Robinet 2004). Les stratégies de dispersion des organismes diadromes sont le moteur essentiel de la structuration et de la persistance des communautés dulçaquicoles, allant de l’échelle locale (i.e. cours d’eau, île ou archipel) à l’échelle régionale (Keith 2003). Le plus bel exemple d’adaptation est sûrement celui des gobies amphidromes qui représentent la majeure partie de la biodiversité de ces îles (Kinzie 1988, Keith 2003). Outre les Gobiidae, parmi les principaux groupes qui composent la faune ichtyologique, on retrouve les Eleotridae amphidromes, les Anguillidae et les Mugilidae catadromes, ainsi que les Kuhliidae dont le cycle de vie est encore largement méconnu. 8
 


INTRODUCTION


La famille des Kuhliidae Il existe un seul genre (Kuhlia) au sein de la famille des Kuhliidae (Teleostei – Perciformes). Il est composé de 12 espèces (Tableau 0.1), présentes dans les eaux tropicales et subtropicales de la région Indo-Pacifique. La figure 0.3 indique la répartition géographique supposée pour chacune des espèces de Kuhlia. Certaines espèces ont une distribution très vaste, notamment K. mugil qui s’étend des côtes est africaines aux côtes ouest américaines ou K. rupestris, présente dans l’océan Indien et l’océan Pacifique Central. D’autres espèces ont une répartition beaucoup plus limitée. Ainsi K. nutabunda n’est présente que dans les eaux côtières de l’île de Pâques et K. salelea est limitée à l’archipel des Samoa. Les caractères distinctifs de cette famille sont : des nageoires dorsale et anale avec chacune un fourreau écailleux bien développé ; une nageoire dorsale avec 10 rayons épineux et 9 à 13 rayons mous et une nageoire anale avec 3 rayons épineux et 9 à 13 rayons mous ; un opercule avec 2 épines ; 25 vertèbres (Nelson 2006). Les Kuhliidae ont des corps argentés avec souvent des marques noires ou de couleur sur la nageoire caudale (Figure 0.4ab). Randall & Randall (2001) ont fait une révision des espèces de Kuhlia présentes dans le Pacifique alors que Loiselle & Stiassny (2007) ont validé le statut de K. sauvagii décrit à Madagascar, qui avait été mise en synonymie avec K. rupestris.

Ces

deux

études

sont

basées

sur

l’analyse

de

caractères

morphologiques et méristiques dont les principaux résultats sont synthétisés dans le tableau 0.2).


 Figure 0. 3. Répartition supposée des espèces de Kuhliidae. 


9



 Figure 0. 4a. Espèces marines de la famille des Kuhliidae.

10
 


INTRODUCTION



 Figure 0.4b. Espèces d’eau douce et d’eau saumâtre de la famille des Kuhliidae



11


Tableau 0. 1 Espèces de la famille des Kuhliidae classées selon l’habitat principal des adultes.

La famille des Kuhliidae a la particularité de présenter différents types de cycle de vie parmi les espèces qui la composent. Certaines sont marines alors que d’autres sont présentes en eau douce ou dans les estuaires (Tableau 0.1). Les espèces marines se nourrissent principalement de petits poissons et de crustacés planctoniques (Randall & Randall 2001) tandis que les espèces d’eau douce se nourrissent essentiellement d’insectes tombant à la surface de l’eau (Resh et al. 1999). Le cycle de vie des espèces marines a lieu entièrement en mer, même si les juvéniles font parfois des incursions en estuaire pour s’alimenter (Randall & Randall 2001, Benson & Fitzsimons 2002). Le statut des espèces présentes en eaux douce et saumâtre est moins bien établi même si elles sont supposées diadromes du fait de leur large aire de répartition s’étalant sur plusieurs îles séparées par la mer (K. rupestris) (Loiselle & Stiassny 2007), l’absence de larves en rivière et des ratios Sr :Ca élevés dans la région centrale des otolithes (K. marginata) (Oka & Tachihara 2008), la présence des plus jeunes stades observés dans le bas des rivières (K. sauvagii) (Loiselle & Stiassny 2007), ou encore une motilité du sperme optimale à des salinités supérieures à 25 ‰ (K. rupestris et K. marginata) (Hogan & Nicholson 1987, Oka & Tachihara 2001).

Contexte, objectifs et organisation de la thèse Les cours d’eau des îles tropicales sont parmi les écosystèmes les plus menacés au monde. Ces écosystèmes sont localisés dans les régions qui se développent le plus rapidement et où la pression sur les ressources est intense 12
 


INTRODUCTION
 (Brasher 2003). L’augmentation de la pression anthropique est telle que souvent les bassins versants n’ont plus grand chose à voir avec ceux qui ont un jour accueilli la faune native. La déforestation, les prélèvements d’eau souterraine ou de surface, la déviation du lit des rivières, liés à l’urbanisation, induisent des changements de la qualité et de la quantité d’eau disponible, ce qui constitue l’un des dangers majeurs pour la faune qui peuple ces cours d’eau. Tableau 0.2. Caractéristiques morphologiques principales des espèces de Kuhlia. BSS : Branchiospines Supérieures ; BSI : Branchiospines Inférieures ; ELL : Ecailles de la Ligne Latérale ; RND : Rayons de la Nageoire Dorsale ; RNA : Rayons de la Nageoire Anale ; RNP : Rayons de la Nageoire Pectorale (modifié d’après Randall & Randall 2001, Loiselle & Stiassny 2007).

De même, la construction de barrages ou de seuils qui bloquent les migrations, peuvent poser des problèmes pour la dévalaison des larves des espèces amphidromes (March et al. 2003, Lord & Keith 2008) qui doivent rejoindre la mer rapidement ou mourir (Valade et al. 2009), ou la montaison des juvéniles, particulièrement chez les Kuhlia (Concepcion & Nelson 1999). L’assèchement périodique du bas des rivières empêche aussi les espèces diadromes de boucler leur cycle vital. Au minimum il va gêner leur migration vers les habitats situés dans la zone en amont (McDowall 1995, Brasher 1996, 1997). La zone des rivières située en aval de la première cascade représente pour de nombreuses espèces, notamment les Kuhlia, le seul habitat disponible. Ces espèces 


13


sont alors vouées à disparaître dans ces cours d’eau en cas de dégradation de ces zones. Enfin, les Kuhlia présents en eau douce et dans les estuaires, représentent une source de nourriture dans de nombreux pays et/ou font l’objet d’une activité de pêche sportive. En effet, leur mode de nutrition en surface fait d’eux des cibles privilégiées pour la pêche à la mouche, surtout K. rupestris qui peut atteindre 450 mm et un poids de 3 kg (Lewis & Hogan 1987). Dans le contexte évoqué ci-dessus, la famille des Kuhliidae est un modèle particulièrement intéressant à étudier. En effet, l’apport de connaissances sur leur cycle de vie est primordial pour implémenter des mesures de gestion et de conservation de ces espèces dans des écosystèmes fragiles, placés sous la menace d’actions anthropiques croissantes. De plus, la diversité des cycles de vie observés ou soupçonnés chez cette famille (diadromie et non diadromie) en fait un modèle privilégié pour l’étude du comportement diadrome. Ceci vaut tant pour son aspect évolutif que pour son rôle dans le maintien de populations dans les écosystèmes particuliers que sont les cours d’eau insulaires tropicaux. A la suite de cette partie introductive, le premier chapitre consacré aux méthodes utilisées dans cette thèse exposera la stratégie d’échantillonnage mise en place. Il présentera également les différents outils utilisés. Le deuxième chapitre sera consacré à la description des cycles de vie des espèces dulçaquicoles et estuariennes de Kuhlia, grâce à l’étude de la microchimie des otolithes. Ce chapitre apporte les premiers éléments de compréhension de la distribution géographique des espèces et pose les bases nécessaires à l’étude de l’évolution du caractère diadrome au sein de la famille des Kuhliidae. Le troisième chapitre s’intéressera aux relations phylogénétiques entre les différentes espèces de Kuhlia. Il aura pour objectif d’apporter des éléments de compréhension sur l’évolution du comportement migratoire au sein de ce groupe. Quelle est la polarité du caractère diadrome ? A l’origine l’ancêtre commun des Kuhlia était-il diadrome ? Etait-il marin ? La diadromie est-elle un caractère synapomorphique ou bien un caractère ayant convergé au sein de différents clades ? Comment et pourquoi ont eu lieu les changements d’état de ce caractère ? 14
 


INTRODUCTION


Puis, afin de mieux comprendre les mécanismes de spéciation et la distribution géographique des Kuhlia, un chapitre sera consacré à la durée de vie larvaire marine de deux espèces diadromes. La première a une large répartition Indo-Pacifique (K. rupestris), l’autre est inféodée à l’océan Indien (K. sauvagii). Cette étude se fera grâce à l’analyse microstructurale des otolithes. L’avant dernier chapitre utilisera des marqueurs génétiques hypervariables (gènes mitochondriaux et microsatellites) afin de déterminer la variation génétique chez l’espèce à large répartition, K. rupestris, sur l’ensemble de son aire de répartition. Cette étude permettra d’évaluer la structure génétique de cette espèce, de voir dans quelle mesure la dispersion marine larvaire (décrite au chapitre précédent) permet de maintenir des flux de gènes entre les populations isolées et parfois très éloignées. La présence ou l’absence d’une structuration génétique forte va permettre de mieux appréhender les possibilités de spéciation chez cette espèce et chez les Kuhliidae diadromes en général. Un dernier chapitre fera la synthèse des connaissances acquises sur la biologie des Kuhliidae. Leurs implications dans la gestion et la conservation des Kuhlia et de leur environnement seront discutées. Enfin, nous verrons dans cette synthèse comment les connaissances acquises sur les Kuhlia améliorent notre compréhension fonctionnement



de des

l’évolution

du

écosystèmes

comportement d’eau

diadrome

douce

ainsi

insulaires

que

du

tropicaux.

15


16
 


CHAPITRE 1

STRATEGIE D’ECHANTILLONNAGE ET METHODOLOGIE

STRATEGIE D’ECHANTILLONNAGE ET METHODOLOGIE Echantillonnage Deux campagnes d’échantillonnage ont été menées au cours de cette thèse. La première a eu lieu en avril et mai 2009, dans les îles de Mayotte et de la Réunion. La deuxième a eu lieu en janvier et février 2010, en Nouvelle-Calédonie et au Vanuatu. Les objectifs de ces campagnes étaient : (i) la capture d’individus de K. rupestris en nombre suffisant pour l’étude génétique des populations ; (ii) la capture d’individus matures chez les espèces de Kuhlia d’eau douce et d’estuaire pour l’étude du cycle de vie ; (iii) la capture de quelques représentants de chaque espèce de Kuhlia présente dans la zone pour les travaux de phylogénie. Au cours de ces campagnes, les spécimens ont été capturés par pêche électrique. Le matériel utilisé était un appareil de type Martin-Pêcheur (de la marque Dekka). Il possède une batterie d’une puissance utile de 180 W et fournit des impulsions rectangulaires à fréquence fixe, 100 ou 400 Hz, à rapport cyclique réglable de 5 à 25%. Trois tensions de sortie sont disponibles : 150, 200 et 300 V. Le principe est de créer un champ électrique entre deux électrodes, l’une négative, la cathode, qui reste en permanence dans l’eau en aval des pêcheurs, et l’autre positive, l’anode. Une fois plongée dans l’eau, l’anode ferme le circuit électrique et le phénomène de pêche se produit. Un champ électrique à ondes sphériques d’intensité décroissante à mesure que l’on s’en éloigne, va rayonner autour de l’anode et influencer le comportement de tout poisson se trouvant dans le champ. Le champ électrique est efficace sur une zone d’environ 1,50 à 2 m autour de l’anode. Ce champ électrique va modifier les signaux électriques de la voie motrice du système nerveux des poissons et ainsi induire une modification de leur comportement et ceux ci vont irrésistiblement nager vers le gradient de potentiel le plus élevé (i.e. vers l’anode). Une fois à proximité de l’anode, là ou le champ est le plus élevé, le poisson entre en électronarcose (plus ou moins une perte de connaissance) et peut être facilement capturé à l’aide d’une épuisette ou d’un filet. La pêche électrique est particulièrement bien adaptée aux petits cours d’eau claire des îles tropicales. On la pratique à pied, en remontant le cours d’eau afin de maintenir l’eau claire dans la zone de pêche. Cela permet aussi d’être plus efficace pour la capture des poissons en état d’électronarcose et dérivant dans le courant.

18
 


CHAPITRE
1
 La campagne dans l’océan Indien a été effectuée en partenariat avec « l’Association Réunionnaise pour le Développement de l’Aquaculture » (ARDA). Elle a permis la collecte de nombreux K. rupestris, essentiellement des juvéniles pour les travaux de génétique des populations mais peu d’adultes pour l’otolithométrie. Nous avons aussi capturé des individus de K. caudavittata, endémique de l’océan Indien et de K. mugil, dans la zone occidentale de son aire de répartition, pour réaliser la phylogénie du genre. Au cours de la campagne dans le Pacifique, différentes localités ont été visitées. Tout d’abord la côte nord-ouest de la Nouvelle-Calédonie, dans les régions de Poindimié et de Hienghéne et ensuite les îles de Pentecôte, Ambae, Malekula et Efate au Vanuatu. Cette mission a permis la récolte de nombreux juvéniles de K. rupestris, ainsi que quelques individus des espèces du Pacifique central K. marginata et K. munda et de l’espèce K. mugil dans la zone centrale de son aire de répartition (tableau 1.1). En plus des collectes réalisées au cours de ces deux missions, de nombreux échantillons ont été obtenus via des partenaires de la région Indo-Pacifique et via d’autres missions effectuées par les membres de l’équipe « Peuplements des écosystèmes benthiques, pélagiques et insulaires » de l’UMR 7208 au sein de laquelle j’ai effectué ma thèse. J’ai ainsi pu obtenir des échantillons de toutes les espèces de Kuhliidae et dans différentes zones de leur aire de distribution pour les espèces à large répartition. Notamment, K. nutabunda de l’île de Pâques (collaboration MNHN/ORCA Diving Center), K. xenura de Hawaii (collaboration MNHN/Tulane University), K. sandvicensis et K. petiti de Polynésie Française (collaboration MNHN/CRIOBE, Moorea), K. rupestris et K. marginata de Okinawa (collaboration MNHN/Ocean Research Institute/University of the Ryukyus, Japon), K. marginata de Guam (collaboration MNHN/Ocean Research Institute, Japon), K. marginata d’Australie et K. rupestris d’Australie et des Philippines (collaboration MNHN/Molecular Fisheries Laboratory, Australie). Lors d’une mission en Polynésie Française en juillet 2007, Tony Robinet a pu collecter de nombreux échantillons de K. malo de toutes les classes d’âge dans l’archipel de la Société ainsi que quelques K. sandvicencis dans l’archipel des Australes. Par ailleurs, Philippe Keith et Gérard Marquet ont rapporté des K. salelea lors d’une mission aux Samoa en juillet 2008. Enfin, Tony Robinet et Gérard Marquet ont collecté des échantillons de K. sauvagii et de K. rupestris durant 


19


une

campagne

DIAMSOI

à

Madagascar

en

mai

2010.

L’ensemble

de

l’échantillonnage est résumé dans le tableau 1.1 et la figure 1.1. Tableau 1.1. Récapitulatif de l’échantillonnage par espèce et par localité. PF : Polynésie Française ; AU : Australie ; MA : Mascareignes ; CO : Comores. Seules les 3 premières lettres de chacun nom d’espèce sont indiquées, de gauche à droite : K. caudavittata, K. malo, K. marginata, K. mugil, K. munda, K. nutabunda, K. petiti, K. rupestris, K. salelea, K. sandvicencis, K. sauvagii, K. xenura


 Figure 1.1. Carte récapitulative de l’échantillonnage pour chaque espèce de Kuhlia. 20
 


CHAPITRE
1


L’otolithe, outil d’étude

privilégié de l’histoire de vie des

Téléostéens Position et fonction des otolithes L’otolithe, du grec « oto » (oreille) et « lithos » (pierre) est une concrétion de carbonate de calcium (CaCO3) que l’on trouve dans le système vestibulaire de l’oreille interne des vertébrés. Les otolithes participent à l’estimation des accélérations linéaires et jouent ainsi un rôle dans l’équilibration de l’organisme. Si, chez l’humain, ces structures mesurent de 3 à 19 µm de longueur, elles sont généralement beaucoup plus grosses chez les Téléostéens et peuvent atteindre plusieurs cm. Chez les Ostéichtyens, l’oreille interne est composée de trois parties, l’utricule, le saccule et la lagena, chacune contenant l’une des trois paires d’otolithes existantes, respectivement la sagitta, le lapillus et l’astericus (Figure 1.2).

Figure 1.2. Position des otolithes à l’intérieur de l’oreille interne des poissons (modifié d’après Secor 1992).



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Chez la plupart des espèces de Téléostéens, les sagittae sont les pièces calcifiées les plus grandes et les plus utilisées dans l’étude des traits de vie. Trois plans d’orientation ont été définis, le plan sagittal, frontal et proximal. Chaque sagitta présente deux faces, une proximale interne et une distale externe. La face externe est convexe alors que la face interne est concave et creusée par le sulcus acusticus. Une sagitta typique a une forme elliptique sur son plan sagittal, comprimée selon son axe interne-externe. Son axe principal de croissance est orienté dans le sens antéropostérieur (Figure 1.3).

Figure 1.3. Différents plans de coupe d’une sagitta et marques de croissance (modifié d’après Pannella 1980). 
 Chaque

organe

otolithique

possède

un

épithélium

sensoriel

appelé

« macula », qui se compose de cellules de soutien et d’un épithélium cilié surmonté d’une membrane extra-cellulaire (aussi appelée membrane otolithique) (Wright et al. 2002). Cette membrane rattache l’otolithe aux cellules sensorielles au niveau du sulcus. Les otolithes baignent dans l’endolymphe et lorsque la tête change de position, du fait de leur densité plus élevée que le milieu les entourant, les otolithes appuient sur les cellules ciliées. Cette stimulation mécanique, traduite en un message nerveux par les cellules sensorielles, va renseigner l’organisme sur sa position et son déplacement dans l’espace. Si cette fonction des otolithes est essentielle pour les poissons, l’intérêt des ichtyologues pour ces structures calcifiées 22
 


CHAPITRE
1
 est plutôt lié aux processus particuliers de leur formation et leur nature physicochimique. Formation, structure et composition Les otolithes sont des pièces minéralisées acellulaires formées par dépôts de couches concentriques alternativement calciques et protéiques (Campana & Neilson 1985). Ces couches se forment à partir d’un primordium, lui même composé d’un ou plusieurs éléments granulaires partiellement calcifiés, expulsés par exocytose par l’oreille interne (Campana & Neilson 1985). Le primordium apparaît pendant les premières phases de l’ontogénèse et les otolithes sont donc présents chez les larves dès leur éclosion (Lecomte-Finiger 1999). Le CaCO3, élément essentiel qui compose les otolithes, cristallise principalement sous la forme de cristaux jumelés d’aragonite (Calström 1963, Gauldie & Nelson 1988, Lecomte-Finiger 1992). Il est parfois possible de le trouver sous la forme de vatérite ou de calcite. Les cristaux d’aragonite sont enrobés dans une matrice d’otoline, une protéine fibreuse proche de la kératine, nécessaire dans le processus de minéralisation. L’alternance des couches de CaCO3 et de protéines fait apparaître une structure similaire à celle d’un bulbe d’oignon. Le dépôt de ces couches est supposé être sous contrôle endocrinien (Simkiss 1974 in Campana et al. 1995). Macrostructure et microstructure des otolithes Depuis la description par Pannella (1971) du caractère journalier de la formation de ces couches de l’otolithe, l’otolithométrie (i.e. étude de la structure des otolithes) a pris un nouvel essor et a supplanté les autres méthodes en sclérochronologie (i.e. reconstruction de l’histoire des organismes vivants par l’étude des pièces calcifiées) telles que l‘études des écailles, des vertèbres, des rayons des nageoires ou encore des opercules. Le taux de croissance de l’otolithe, sous contrôle du métabolisme individuel, est donc indirectement influencé par tout facteur pouvant modifier celui-ci : température, nutrition, reproduction… (Wright 1991). Ces facteurs peuvent, suivant les espèces et l’environnement et indépendamment les uns des autres, varier de manière cyclique et induire ainsi des modifications de la structure des otolithes. D’autres niveaux de résolution temporelle peuvent ainsi éventuellement être observés dans la structure des otolithes, notamment à l’échelle des cycles lunaires (Campana 1984, Thorrold 1989), des cycles saisonniers ou des années (Campana & 


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Neilson 1985). La croissance de l’otolithe est plus rapide au début qu’en fin de vie des organismes. De ce fait, le rythme circadien, bien inscrit sur les otolithes des larves ou des juvéniles, s’estompe avec l’âge jusqu’à ne plus marquer que les saisons ou les années (Campana & Neilson 1985). L’analyse microstructurale des otolithes est donc particulièrement bien adaptée à l’étude des premiers stades de vie des poissons. Cette méthode indirecte a été particulièrement utilisée pour étudier la phase larvaire des poissons des récifs coralliens (Victor 1982, Victor 1983, Thresher 1988) ou celle des poissons catadromes (Umezawa et al. 1989, Lecomte-Finiger 1992) et amphidromes (Radtke et al. 1988, Lord et al. 2010), l’observation directe de leur phase pélagique marine étant extrêmement difficile. L’analyse des macrostructures de l’otolithe (marques saisonnières ou annuelles) permet l’estimation de l’âge et de la croissance à l’échelle annuelle. C’est le champ de recherche sur les otolithes le plus développé ces dernières années avec 40% des articles publiés entre 1998 et 2004 (Campana 2005). Les données obtenues servent notamment aux champs d’investigation de la dynamique et la démographie des populations, ainsi qu’à l’estimation et la gestion des stocks de poissons (Begg et al. 2005, Campana 2005). Au cours de cette thèse la plupart des individus dont nous avons disposé étaient des juvéniles ou des sub-adultes. Les travaux effectués le furent donc uniquement sur la microstructure des otolithes afin d’apporter des connaissances sur la vie larvaire des Kuhlia, notamment sur la durée de la phase larvaire marine (chapitre 4). Microchimie des otolithes L’otolithe, en plus de nous donner des informations d’ordre chronologique, a des propriétés chimiques remarquables. La formation de l’otolithe est presque unique en terme de structure biominéralisée ; elle n’est partagée que par le statolithe, organe vestibulaire des calamars. Sa croissance est continue, même lorsque la croissance somatique est inexistante (Maillet & Checkley 1990, Tzeng & Yu 1992). Les pièces calcifiées squelettiques comme les dents ou les écailles doivent, elles, suivre le rythme de croissance de l’organisme et ne croissent donc pas quand celleci stagne (Bilton & Robins 1971). Cette différence s’accompagne de l’absence de processus de résorption dans les otolithes. Ceci est primordial pour la préservation

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CHAPITRE
1
 d’un historique complet de la vie des Téléostéens. Il a été montré que ce n’est pas le cas pour les autres pièces calcifiées comme les écailles ou les os (Bilton 1974). Lors de la croissance des otolithes, d’autres éléments que le calcium, le carbone et l’oxygène sont intégrés à la matrice calcaire. Parmi les 31 éléments retrouvés dans les otolithes, les éléments constitutifs du CaCO3 sont largement dominants, tandis que les autres éléments sont, soit en concentration mineure (>100 µg.g-1 ; Cl, Fe, K, Na, P, S, et Sr), soit à l ‘état de traces (