de. Constantin. Stanislavski, acteur et met¬ teur en scène russe. Artiste inspiré et
scrupuleux ..... soit assurée la formation pédagogique des Congolais qui les.
UNE
FENÊTRE
OUVi
NOVEMBRE 1963 (XVIe ANNÉE) - FRANCE : 0,70 F. - BELGIQUE : 10 Fr. - SUISSE : 0,80 Fr.
m-
Constantin
UNE
DANS
Stanislavski
RÉVOLUTION
LE THÉÂTRE
Tfl
Photo © Unesco
LES
EGLISES
PEINTES DE
ROUMANIE
Couvertes de fresques, les églises moldaves, dans le nord-est de la Roumanie, évoquent de géants livres d'images. Cette somptueuse fresque du XVIe siècle, « Le Jugement Dernier », illumine la façade ouest de la chapelle du monastère de Voronet. Quelques-unes des plus belles de ces duvres d'art sont reproduites dans « Roumanie : les églises peintes de Moldavie », un nouvel album de la Collection Unesco de l'Art Mondial. Publié par la New York Graphie Society en accord avec I'Unesco, cet album, imprimé en Italie, contient 32 reproductions en couleurs. Il est vendu au prix de 18 dollars U.S. ou l'équivalent.
Le
NOVEMBRE
Courrier
XVie
1963
ANNÉE
NUMERO 11
PUBLIÉ EN
Pages
9 ÉDITIONS 4
Française
L'UNESCO AU
CONGO
Par Garry Fullerton
Anglaise
Espagnole
12
Russe
UNE RÉVOLUTION DANS LE THÉÂTRE Constantin Stanislavski, acteur et metteur en scène
Allemande
Par Grigori Kristi
Arabe U. S. A.
15
Japonaise
MA VIE
DANS
L'ART
Le testament spirituel de Stanislavski
Italienne 20
NOTATIONS ARTISTIQUES Les carnets de Stanislavski
23
A
LA
RECHERCHE
Par Mario
24
D'UNE
LANGUE
UNIVERSELLE
Pei
" ALLO ! HALLÓ ! " OU L'ART DE COMMUNIQUER Un film Unesco sur l'histoire de l'information
NOTRE
28
CARTES
DE V DE L'UNICEF
30
LE MYSTÈRE DE MARAJO
COUVERTURE
On commémore cette année
Une civilisation disparue
le centième anniversaire de la
naissance de Constantin
Par Alfred
Stanislavski, acteur et met¬
Métraux
teur en scène russe. Artiste
inspiré et scrupuleux, tra¬ vailleur infatigable, il donna
à Tait dramatique une for¬
33
NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT
34
LATITUDES
me nouvelle. Son influence,
vingt-cinq
ans
après
sa
mort, s'exerce toujours dans
le monde entier.
(Voir
ET LONGITUDES
ar¬
ticle page 12). Photos
officielles
soviétiques
Mensuel publié par :
Ventes et distribution
L'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture Bureaux
de
la
Rédaction
:
Unesco, place de Fontenoy, Paris-7*. Belgique : Louis de Lannoy, 22, Place de Brouckère, Bruxelles.
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Unesco, Place de Fontenoy, Paris-7", France Directeur-Rédacteur en Chef :
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de I'Unesco », en
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Maquettiste :
Toute la correspondance
Robert Jacquemin
doit être adressée au nom du Rédacteur en
63-1-185 F
concernant la Rédaction Chef.
L'UNESCO AU
CONGO
par Garry Fullerton
la fin de 1960, nul ne savait, à Léopoldville, ni , où que ce soit au Congo, si les écoles secon¬ daires
seraient
ouvertes.
Et si
elles
devaient l'être,
nul
ne savait combien de professeurs seraient à leurs costes pour assurer la rentrée scolaire. Comme tous les autres services publics, l'enseignement était victime de l'instabilité politique et militaire lors des premiers mois d'indépendance de la nouvelle répu¬
blique. Le personnel européen technique et professionnel avait quitté le pays par milliers, professeurs, médecins, juristes, fonctionnaires, journalistes, Ingénieurs, commer¬ çants et industriels et seuls quelques spécialistes congo¬ lais étaient en mesure de le suppléer.
Répondant à
l'appel
du
Gouvernement
congolais, les
terminaient le cycle
des six
années
d'études primaires.
Même état de choses dans le domaine de la science et
de l'information, qui était également du ressort de I'Unesco : beaucoup de journalistes européens avaient quitté le pays, et les quelques Congolais qui avaient une formation journalistique étaient appelés à des postes importants dans le nouveau
presse et radio dénuées à la
étaient
fois
de
gouvernement.
tombées
aux
qualification
Si bien que
mains
d'équipes
professionnelle et de
culture générale.
Pour résoudre le problème de l'enseignement secondaire, I'Unesco aida les autorités congolaises à recruter des pro¬ fesseurs à l'étranger et à fonder un Institut Pédagogique National pour y former des professeurs congolais.
Nations Unies et leurs agences spécialisées tentèrent de
Le recrutement se fit lentement au début, mais I'Unesco
combler ce vide. Un vaste programme coordonné d'assis¬ tance civile, qui couvrait à peu près tous les secteurs de l'activité du pays, fut établi en juillet et août 1960. Il prit vite une telle extension qu'il représenta l'un des plus
parvint cependant à envoyer 66 professeurs au Congo pendant l'hiver 1960-1961. Avec un certain nombre de pro¬ fesseurs belges qui demeurèrent volontairement à leurs postes dans un programme bilatéral d'assistance techni¬
considérables
que, ces professeurs permirent de
efforts
de
cette nature
jamais
entrepris
rouvrir
ou de garder
sur le plan international.
ouvertes un certain nombre d'écoles qui, sans eux, eussent dû fermer leurs portes ou réduire le nombre de leurs
Dans la partie du programme qui concernait I'Unesco, le problème des écoles secondaires était de loin le plus urgent à résoudre. D'abord, il n'y avait pratiquement pas
classes.
de professeurs congolais, et l'on ignorait combien de pro¬
fesseurs
belges regagneraient le pays, après avoir passé
leurs vacances d'été en Europe.
Ensuite, bien que l'on eût désespérément besoin de diplômés des écoles secondaires, tant au gouvernement que dans l'industrie, dans toutes les branches, le nombre des
inscriptions était très peu élevé, et 152 Congolais seule¬ ment avaient obtenu leur diplôme en 1960. Dans l'enseignement primaire, le tableau n'était pas moins sombre, mais là, il s'agissait d'un problème de qua¬ lité plutôt que de quantité. Selon les statistiques officielles,
il y avait pour tout le Congo, près de 1 500 000 enfants dans les écoles primaires en 1960. Us représentaient 71,5 % des enfants de cinq à quatorze ans, c'est-à-dire, l'une des plus fortes proportions d'inscriptions scolaires en Afrique. Mais sur 16 000 écoles, il n'y en avait que 3 500 où l'enseigne¬ ment était dispensé au-delà du cours élémentaire, et près de 70 % des élèves quittaient l'école avant d'avoir terminé le cours moyen, c'est-à-dire d'avoir assimilé le
minimum
indispensable.
9
%
seulement
des
élèves
Pour l'année scolaire
1962-1963,
556
professeurs furent
recrutés pour les écoles du Congo, avec l'aide de I'Unesco soit environ le tiers du corps enseignant. Ces profes¬ seurs sont en fait employés par le gouvernement congo¬ lais, mais I'Unesco paie le tiers de leur salaire de base en monnaie étrangère, plus une prime de 1 200 dollars par an. Dans ce contingent de professeurs. 25 nationalités sont représentées. Les Haïtiens sont les plus nombreux ; puis viennent les Belges, les Français et les Libanais. Mais il y a aussi des professeurs arrivés d'Espagne, d'Italie, de la
République Arabe Unie, de Syrie, de Grèce, d'Afghanistan, de Pologne, du Canada, du Honduras, du Vietnam, des Etats-Unis, de Norvège, de Suisse, des Pays-Bas, de Chine, du Luxembourg, du Mexique, du Rwanda, du RoyaumeUni, de Colombie et de Suède. Dans plusieurs facultés, il n'y a pas moins d'une douzaine de nationalités chez les enseignants, et 15 dans l'une, l'athénée de Goma.
En dépit des difficultés de ment pour l'alimentation et cultés de l'enseignement, ces tâche, dont ils peuvent être fait remarquables.
la vie quotidienne notam¬ le logement et des diffi¬ professeurs ont accompli une fiers. Certains ont été tout à
SUITE PAGE 6
Photo
Unations
ÉTUDES SOUS LE Rɬ Avides d'étu¬
VERBÈRE.
dier. Les jeunes Congolais, passent de longues heures, la
nuit, à
lire sous
les ré¬
verbères qui bordent les rues de Léopoldville (à droite) si la maison fami¬ liale
est
mal
éclairée.
1959 à 1962 dans
De
les éco¬
les secondaires les inscrip¬ tions scolaires ont plus que doublé au Congo. A gau¬ che, l'un des professeurs recrutés
avec
l'aide'
de
I'Unesco pour enseigner au Congo, faisant un cours d'histoire
dans
une
école
secondaire de Luluabourg.
Photos Unesco - Unations - Basil Zarov
Photos Unations
L'UNIVERSITÉ
LOVANIUM,
ci-dessus,
a
son
origine
dans une fondation médicale et un centre agricole créés près
de Léopoldville par l'Université belge de Louvain. Le Lovanium reçut le statut d'université en 1 956, et comprend aujourd'hui
LES JOURNAUX, selon un rapport de I'Unesco, ont une diffusion plus grande au Congo que dans tout autre
pays
africain
de
langue
française.
Les
six
diverses
quotidiens
facultés
:
droit,
médecine,
philosophie
et
arts,
congolais tirent actuellement 34 000 exemplaires au total,
théologie, science, sciences sociales et politiques, études polytechniques. Son équipement de recherches comprend
pour 24 000 avant l'indépendance, et il existe une douzaine
un réacteur nucléaire, le premier de l'Afrique. En 1951-52,
d'hebdomadaires. Au cours de l'année dernière, les jour¬
1 100
nalistes congolais ont suivi des cours de journalisme et de culture générale dispensés par les spécialistes de I'Unesco.
d'enseignement supérieur au Congo qui, outre le sont aujourd'hui au nombre de sept.
Ci-dessous, Antoine
DesRoches,
un
étudiants
ont
été
inscrits
dans
les
établissements
Lovanium
expert de I'Unesco,
explique quelques détails d'une mise en page de « une ».
CONGO (Suite)
" Pour la « L'aide de I'Unesco a été pour nous extrêmement pré¬ cieuse dans les années difficiles qui suivirent l'indépen¬ dance », me disait en mal dernier le ministre de l'Education nationale, M. Michel Colin. Les autres autorités congolaises reconnaissent également que sans l'arrivée des
professeurs étrangers, il n'y aurait pas eu d'enseignement secondaire au Congo. Selon le ministère de l'Education nationale, les besoins
ne cesseront de grandir jusqu'en 1967, où il faudra alors avoir recours à 7 000 professeurs étrangers, avant que ne soit assurée la formation pédagogique des Congolais qui les remplaceront. Cependant, il semble peu problable qu'un contingent aussi considérable puisse être garanti par l'assistance internationale ou l'assistance technique bilatérale, et il se peut que les écoles secondaires congo¬ laises n'aient que des équipes enseignantes réduites pour
quelques années. Mais, à partir de 1964, une centaine d'étudiants sorti¬ ront chaque année de l'Institut Pédagogique National munis de leur diplôme d'enseignants. L'Institut, qui a ouvert ses portes en 1961, constitue un exemple parfait de coopération internationale. Le directeur est congo¬ lais, et le personnel enseignant comprend des experts de 12 nations, envoyés par I'Unesco. L'Institut bénéficie d'une assistance financière du gouvernement congolais et des Nations Unies comme du programme d'aide des Etats-Unis et du
British
Council.
DES
ÉQUIPES MOBILES DE
L'UNESCO font
actuellement
des
tournées
au
Congo, pour donner des cours de perfectionnement à beaucoup des 42 000 ensei¬ gnants des écoles primaires. Chaque équipe est composée de trois éducateurs de I'Unesco et d'un spécialiste de l'Unicef pour la nutrition et l'hygiène. Ci-dessus, de
jeunes institutrices congolaises prennent une « vivante » leçon de puériculture.
mentale " Quant aux étudiants de l'INP, ce sont des jeunes gens originaires de toutes les provinces du Congo, choisis sansdistinction d'origine ethnique ou d'appartenance religieuse. De plus et c'est là une innovation dans un pays où les femmes recevaient traditionnellement fort peu d'instruc¬
tion, et où le professorat était surtout un monopole mas¬ culin
l'Institut
est
ouvert
aux
femmes
comme
aux
nommes.
Le programme d'études comporte les grands courants linguistiques africains, l'histoire de l'Afrique et du Congo, l'anthropologie et la sociologie. En insistant sur l'héritage particulier du Congo, il vise à devenir ce que Joseph Ngalula, ancien ministre de l'Education nationale, appelait «
un instrument
de
décolonisation mentale
».
Antonio Chiappano, l'expert de I'Unesco chargé des pro¬ grammes d'études, est profondément convaincu qu'il faut combiner les expériences les plus remarquables réalisées dans tous les pays, en les adaptant toutefois aux besoins spécifiques du Congo. « Nous savons que l'expérience d'un pays ne peut être appliquée directement à un autre pays », dit-il, « mais cependant nous ne savons pas ce qui peut être retenu et
ce qui doit être éliminé. Nous devons procéder à une révision continue
et
nous
nous
corrigeons
sans
cesse.
L'Institut
est, au premier chef, expérimental. Ce que nous appre¬ nons ici pourra être appliqué dans d'autres Institutions de formation pédagogique, quand elles seront créées. »
C'est encore la même philosophie pragmatique qui oriente le travail de la commission de réforme, établie par le gouvernement congolais avec l'aide de I'Unesco, pour réviser et déterminer toute la structure de l'enseignement secondaire au Congo. La réforme embrasse à la fois la modernisation du système pour bénéficier des toutes der¬ nières recherches en matière d'enseignement (des efforts analogues sont faits dans la plupart des autres pays) et
l'africanisation des disciplines, particulièrement de l'his¬ toire et de la géographie. Constituée en février 1961, la commission était présidée
par
Henri Takizala,
secrétaire
général
du
ministère
de
l'Education nationale du Congo. Elle comprenait des représentants de l'administration, du bureau catholique de l'enseignement, du bureau protestant de l'enseigne¬ ment, de l'Université de Lovanium, de l'enseignement pri¬ maire et de l'enseignement technique, et des conseillers de I'Unesco.
Ce conseil proposa de créer deux cycles dans l'enseigne¬ ment secondaire : l'un serait un cycle « d'orientation »
de deux ans,
pendant
lesquels
vraient les mêmes cours ;
tous
les étudiants
sui¬
le second cycle s'étendrait sur
quatre ans, et comprendrait des sections spécialisées : sciences, humanités, commerce et administration, agricul¬ ture, pédagogie et technologie (mécanique, électricité, construction et chimie industrielle). SUITE PAGE 8
CONGO (Suite)
Sur le long chemin de l'école t La différence essentielle entre
le nouveau système et
l'ancien tient à ce que le nouveau se fondait sur la « pro¬ motion » et cherche à pousser le plus grand nombre possible d'étudiants, sans abaisser toutefois le niveau des
études, au lieu de se borner à former une étroite élite en pratiquant une sélection intransigeante. Dans l'ancien
système, bon nombre de ratés étaient incapables d'exer¬ cer un métier quelconque; le nouveau système, lui, est conçu de telle manière que les étudiants qui interrom¬ pent leurs études, à quelque niveau que ce soit, peuvent commencer à exercer utilement un métier auquel les connaissances acquises les ont préparés.
UN
FOYER
SCIENTIFIQUE
important, au Congo, est l'Institut
pour la Recherche Scientifique en Afrique Centrale. Les installations principales
(ci-dessous)
sur
Kivu,
le
Lac
meilleur
sont
équipement
à
Lwiro,
dotées
du
existant
en
Quant au cycle « d'orientation », il a déjà porté ses fruits dans la plupart des écoles congolaises, et la pre¬ mière année d'études du second cycle de quatre ans vient
Afrique pour les mesures séismo-
de commencer. Certes, le programme est bien établi noir
que de
sur blanc, mais il y a des obstacles énormes à son applica¬ tion : pour commencer, pénurie de professeurs, pénurie de livres de classe et manque de crédits. Un système scolaire idéal et c'est à cela que tend le programme est fort coûteux, et plusieurs années peuvent s'écouler avant que
mologie
logiques et géomagnétiques, ainsi vastes laboratoires bota¬ niques et zoologiques. L'Institut est aussi un rendez-vous pour les congrès régionaux et internatio¬ naux. Lors d'un séminaire de séis-
et
de
géophysique pa¬
ne soit achevée la transition entre l'ancien et le nouveau
tronné par I'Unesco en avril 1963,
système.
des
Enfin, bien que la réforme ait reçu
l'approbation sans
réserve de la plupart des enseignants congolais, une mino¬ rité, petite mais bruyante, y reste opposée. Pour une part,
visites
ganisées du
au
d'études
ont
Niragongo,
été
volcan
voisinage, et aux champs de
lave de Goma (à droite).
*ê V
or¬
ftfc! Photos Unesco - Unations - Basil Zarov
cette opposition tient au conservatisme spontané des tra¬ ditionalistes ; d'autre part, elle traduit la crainte, d'ail¬ leurs
dénuée
de
fondements,
que
la
réforme
ne
tente
d'abaisser à outrance le niveau de l'ancien programme, à seule fin de le mettre à la portée de tous les Congolais.
IAIS peu
à
peu,
psychologiques
on
et
surmonte
si
l'on
ces
peut
obstacles
résoudre
les
problèmes ardus qui concernent les professeurs, les livres et l'argent,
la
réforme
peut
devenir effective.
Et
dans
ce cas, il est hors de doute qu'elle constituera la plus importante des contributions de I'Unesco pour le Congo. Avec l'aide de I'Unesco, le gouvernement congolais s'attaque simultanément à tous les aspects de l'enseigne¬ ment, à tous les niveaux. Au début de cette année, un expert de I'Unesco en architecture scolaire a parcouru 35.000 km en un laps de temps de cinq mois, pour faire des plans et superviser la construction de salles de classe, de bâtiments pour les laboratoires, de facultés, de maisons
d'étudiants, tant pour l'enseignement secondaire que pour l'enseignement supérieur. Un autre est chargé de l'achat de
tous les livres
tous les
degrés,
et fournitures scolaires
et supervise
la
vente
nécessaires à
des
coupons
de
I'Unesco à cet usage. Jusqu'ici, ces coupons ont été utilisés au Congo pour une valeur de plus de 7 000 000 de dollars. D'autres experts encore aident le gouvernement central et les gouvernements provinciaux à réorganiser et à renfor¬ cer les services administratifs et financiers des ministères de l'Instruction publique. Mais
l'un des
travaux les
plus
passionnants est celui
qu'accomplirent quatre équipes mobiles de I'Unesco voya¬ geant à travers le Congo pour donner des cours de perfec¬ tionnement aux enseignants des écoles primaires. Au
contraire des professeurs des écoles secondaires, ces insti¬ tuteurs sont presque uniquement des Congolais, mais le niveau
de
leur
qualification
professionnelle
et
de
leur
culture générale est souvent fort peu élevé.
arçfSrÇJtaX:
Un jour d'avril dernier, j'ai rencontré dans le port fluvial de Kindu l'une de ces équipes mobiles, composée de deux Français, d'une Française et d'un Haïtien. Quelques jours plus tôt, ils avaient quitté Bukavu, à 700 km de là,
pour traverser les chaînes parallèles de montagnes qui séparent les lacs d'Afrique orientale du bassin du fleuve Congo. Il leur avait fallu trois jours pour faire le voyage. Leur Jeep lourdement chargée avait fait 20 km à l'heure en moyenne sur des routes qui n'étaient guère plus que des pistes, traversant des ponts glissants qui oscillaient sous la poussée du flot bouillonnant, passant dans des marécages où la boue bloquait les moyeux et où l'eau envahissait la
voiture.
De tels voyages ne sont pas le lot quotidien des équipes
° mobiles, mais ils illustrent bien le genre de difficultés que SUITE PAGE 10
»«111«'.
,
J»**fi&.'
>*
LE
CENTRE
DE
RECHERCHE
de Uvira, sur les rives du Lac Tan¬
ganyika,
se
consacre
hydrobiologiques.
aux
études
Les savants tra¬
vaillant sur un navire de recherches,
comme le « président Paul Ermens »
(à droite)
ont
plus de 400 vivant dans
identifié
espèces de
et
classé
poissons
les eaux du lac, un fait
de la plus grande importance pour le régime alimentaire des Congolais et des Tanganyikais. Parmi les autres installations scientifiques au Congo, citons un réseau de plus de 100 sta¬
tions d'observation reliées au
près
de
diants utiliser
météorologique
Bureau central de
Léopoldville,
où
Binza,
les
étu¬
(ci-dessous) apprennent à le matériel météorologique.
L'Organisation
Météorologique
Mondiale forme des Congolais spé¬ cialistes de météorologie.
WEHamMMMMuw
Photo A. Gille
Photo Unations
D'ÉNORMES Avec
ses
dispersés
15
millions
sur
un
RESSO d'habitants
territoire
aussi grand que l'Europe Occidentale, le Congo (Léopoldville) est l'un
des plus vastes et, virtuellement,
des plus riches pays d'Afrique. Il possède d'énormes ressources d'énergie hydro-électrique inex¬
ploitées, et quelques-uns des plus grands gisements minéraux du monde. Les mines du Katanga (à droite) fournissent sept pour cent du cuivre utilisé dans le monde, et
les deux tiers du cobalt. Il est pos¬ sible de développer l'industrie tou¬ ristique dans la région des lacs, à la frontière orientale du Congo autour du Lac Kivu (à gauche), par exemple qui bénéficie en Photo Unesco-Unations-Basil Zarov
CONGO (Suite)
Un pays vaste comme le quart de l'Europe fectionnement à Bukavu. Aujourd'hui, tous ses institu¬ teurs enseignent l'hygiène à leurs élèves (un des points sur lesquels insistent les équipes), et il a commencé à charger ses meilleurs instituteurs des classes de première
ces pionniers des temps modernes doivent affronter. L'amélioration de l'enseignement primaire au Congo leur donne également beaucoup de fil à retordre. Comme nous le disions tout à l'heure, la qualité des moniteurs et des instituteurs, dans beaucoup d'écoles primaires, n'est pas
et
fameuse.
les réserver aux plus grandes classes.
Théoriquement, c'est le français qui est maintenant la
langue officielle d'enseignement dans toutes les écoles du Congo. Mais, pratiquement, la plupart des classes pri¬ maires sont faites dans les auatre langues principales qui
sont utilisées au Congo :
ïingala, kikongo, tshiluba et
swahili.
Il y a aussi la question de l'équipement scolaire. Certes,
dans les grandes villes,
quelques écoles sont bien équi¬
pées, mais la petite école de chaume sur quatre perches
la brousse un toit de est très souvent démunie
de tout : tables, chaises, bureaux ou bancs. Pas de tableau
noir, pas de craie, pas de cahier ni de crayons. Juste quel¬ ques
livres
de
classe
et
aucun
matériel
visuel quel
qu'il
soit.
Etant donné cette situation, les quatre équipes mobiles de I'Unesco (auxquelles s'ajoute une cinquième qui pro¬ cure le matériel audio-visuel) ne peuvent guère s'attaquer au fond du problème. Cependant, preuve a déjà été faite de la valeur du projet mis en en octobre 1962 sur une base expérimentale. A Kindu, par exemple, je me suis entretenu avec Benoît
10 Kayombo, comment
un il
inspecteur
avait
mis
en
d'école
primaire,
pratique
qui
certaines
de
seconde
Jusqu'en
année,
avril
où
1963,
ils
1 702
sont très
utiles,
instituteurs
au
lieu
congolais
de
ont
participé aux cours donnés par les équipes mobiles dans quatorze endroits différents, et bien davantage ont été contraints d'attendre les sessions ultérieures. Les pro¬ grammes
actuels
réclament
la
création
de
nouvelles
équipes et de cours plus nombreux, qui s'étendront sur de plus longues périodes et comprendront moins de partici¬ pants. On espère aussi que les experts congolais pourront bientôt s'associer aux équipes et former par la suite leurs propres équipes afin de poursuivre le travail. En plus de l'amélioration de l'enseignement primaire et de l'expansion de l'enseignement secondaire, I'Unesco a aidé le Congo à créer deux nouveaux instituts de forma¬ tion technique au niveau post-secondaire. Ce sont l'Ins¬ titut de la Construction et des Travaux Publics, à Ozone, dans la banlieue de Léopoldville, et, à l'autre bout du Congo, un Institut des Mines, à Bukavu. Ces
deux
instituts,
dont le personnel
est entièrement
constitué d'experts de I'Unesco, dispensent une formation pratique et théorique intensive à un nombre limité d'étu¬ diants qui veulent devenir techniciens, chefs de chantiers et conducteurs de travaux dans les mines et les industries
m'a
dit
du bâtiment. Quelques-uns d'entre
idées
qui
études au niveau universitaire pour obtenir leurs diplômes d'architectes ou d'ingénieurs. Beaucoup, au moins pendant
l'avaient frappé pendant l'un des premiers cours de per
eux continuent
leurs
URCES NATURELLES outre
d'un
climat
tempéré
fort
agréable; les lacs sont entourés de volcans. C'est dans cette région qu'est situé le Parc national Albert (ci-dessous) qui s'étend sur 800 000 ha. Aucune partie du monde tropical n'a été l'objet d'une étude aussi longue, atten¬ tive et approfondie, comme en témoigne « l'Enquête sur les res¬ sources
naturelles
africain
», que
du
vient
Continent
de
publier
I'Unesco. Elle a été effectuée par
des spécialistes de 15 nationalités différentes.
Ces
recherches
se
poursuivent et il faudra plusieurs années avant de terminer l'examen
de tous les renseignements recueil¬ lis
au
cours
de
ces
travaux
Photo A. Gille
Photo Unations
les prochaines années, seront détachés à des postes admi¬ nistratifs du gouvernement central ou des gouvernements provinciaux.
Après fin
1960,
des le
commencements
travail de
I'Unesco
relativement au
modestes,
Congo s'est tellement
développé qu'aujourd'hui il englobe, en fait, tous les pro¬ blèmes à résoudre dans le domaine de l'enseignement. Mais cette activité ne serait guère efficace si elle ne visait
en même temps à former des experts congolais, qui puis¬ sent assumer les tâches qu'accomplissent actuellement les spécialistes étrangers dans les ministères de l'Education nationale du gouvernement central et des gouvernements provinciaux. On y est parvenu de deux manières : d'abord
en assurant leur formation au Congo même, ensuite en envoyant le personnel congolais faire à l'étranger des études spécialisées. Deux groupes de fonctionnaires impor¬
tants du ministère de l'Instruction publique par exemple, ont été envoyés à Genève pendant neuf mois pour rece¬ voir une formation accélérée, dans le cadre d'un pro¬
Pour la science, l'effort essentiel a porté sur la sauve¬ garde au Congo des principales institutions pour la recherche scientifique. L'une d'elles en particulier, l'Insti¬ tut pour la Recherche scientifique en Afrique Centrale (IRSAC) s'enorgueillit de quelques-uns des plus beaux équipements de laboratoires de l'Afrique pour l'étude des sciences de la terre. Un autre, l'Institut des Parcs Natio¬ naux au Congo (IPNC) joue un rôle extrêmement impor¬ tant pour la conservation de la faune sauvage africaine. En obtenant des ressources financières des gouvernements belge et congolais et des fondations privées, I'Unesco a contribué
à
assurer
la
continuité
de
ces institutions. En
même temps, un expert de I'Unesco a aidé à établir une charte pour la coordination de toutes les recherches scien¬
tifiques dans la nouvelle nation, et une autre pour assurer la transformation des instituts, d'organisations belges en organisations
congolaises.
du Bureau International de l'Education. A leurs études à
A la fin de 1963, les activités de I'Unesco au Congo auront sans doute atteint leur maximum. Près de 800 pro¬ fesseurs étrangers, recrutés avec l'aide de I'Unesco, ensei¬ gneront cette année dans les écoles du Congo. Plus de
gramme établi conjointement sous l'égide de I'Unesco et
l'université de Genève et dans des séminaires spécialisés,
100 experts pour l'enseignement, la science et l'information
se sont ajoutés des voyages d'études consacrés aux divers
aident le gouvernement central et les gouvernements pro¬
systèmes
scolaires
en
Suisse,
en
France,
en
et
en
vinciaux de la République à préparer un avenir meilleur.
domaine
de
près
Italie
Autriche.
L'aide
Dans le courant de l'année prochaine de
I'Unesco pour
le
Congo
dans
le
à quelque chose
on attend ce qui devrait être une diminution pro¬
l'enseignement s'est doublée d'une assistance pour le déve¬ loppement de l'information et de la science. Pendant l'année 1963, quatre experts de la radio et de la presse écrite ont aidé le gouvernement congolais à réorganiser le ministère de l'Information, ont rédigé les statuts d'éta¬ blissement de la radio congolaise et des agences d'infor¬ mation nationales, assuré la formation de reporters, de
gressive de cette forme d'aide d'urgence et une « norma¬ lisation » des relations entre le Congo et les diverses agences spécialisées des Nations Unies.
rédacteurs
la participation de I'Unesco dans le vaste programme d'assistanci des Nations Unies à la République du Congo.
et
de
commentateurs
et
amélioré
et l'efficacité des programmes radiophoniques
le
nombre
éducatifs.
Nous signalons à nos lecteurs la brochure (à paraître prochai¬
nement) « L'Unesco au Congo », par Garry Fullerton, qui retrace]]
STANISLAVSKI une
révolution
dans
le
théâtre
par Grigori Kristi
On commémore cette année le centenaire
de la naissance de Constantin Stanislavski,
acteur rénova
fut
et
metteur
l'art
immense
du
et
le monde entier,
en
scène
russe,
théâtre.
Son
s'exerce
toujours
qui
influence
dans
« Le Courrier de I'Unes¬
co » présente ici quelques aspects de la vie et de l'tuvre de ce très grand artiste.
Photo officielle soviétique
LE SYSTÈME de Stanislavski (à gauche), issu de longues recherches sur la formation de l'acteur, a exercé une
influence
monde
du
déterminante
théâtre,
dans
le
puis du cinéma.
En Amérique en particulier le « sys¬ tème », plus communément désigné sous le nom de « méthode », constitue
la base même de l'apprentissage du comédien.
Le
fameux Actors'Studio,
à New York, est aujourd'hui associé à
des
de
noms célèbres de
l'écran,
comme
la
ceux
scène et
de
Paul
Newman, Maureen Stapleton, Mar¬ lon Brando. On voit ce dernier (ci-
dessus) dans le film: «Sur les Quais» rriis en
scène
par
cien
co-directeur
Il
a
y
écrivait
un :
Elia
de
demi-siècle, «
Ce
Kazan,
l'an¬
l'Actors'Studio.
sont
Stanislavski les
acteurs
du cinéma moderne qui enseigneront
ce que doit être un acteur. L'écran révèle tout, et le moindre effet conventionnel est enregistré à jamais. On perçoit alors clairement la diffé¬ rence entre l'ancien et le nouvel art. »
Photo Columbia Pictuies
s'après
iTANisLAVSKi
est
né
à
Moscou
en
1863,
peu
l'abolition du servage en Russie. Les
théâtrales, aux critères esthétiques périmés. « Croyezmoi, écrit-il à un critique français qui l'avait accusé d'avoir
Révolution russe et il est mort en 1938, alors que l'incendie d'une nouvelle Guerre mondiale allait s'allumer en Europe.
enfreint la tradition dans la mise en scène d'Othello, la tâche de notre génération consiste à chasser de l'art les traditions périmées et la routine, à donner libre champ à la fantaisie et à la création. C'est seulement ainsi que nous
D'énormes
sauverons l'art. »
soixante-quinze ans de sa vie ont été marqués par de prodigieux événements. Il a vécu la Grande Guerre et la
changements
sont
intervenus
durant
ces
soixante-quinze années. L'art de Stanislavski, qui faisait écho aux exigences de l'époque, ne cessait lui-même d'évo¬ luer. Son développement artistique est fait de recherches continuelles, méticuleuses, de nouveaux essais, de nou¬
chenko, critique théâtral et auteur dramatique bien connu,
velles réalisations.
d'Alexis Tolstoï
En
1898,
Stanislavski
et
fondent le célèbre Théâtre
est
Constantin Alexéev (il adopta par la suite le pseudonyme
marquée
par
la
Vladimir d'Art de
première
de
Némirovitch-DantMoscou.
la
Sa
tragédie
« Le Tsar Fédor Ioannovitch
création
historique
».
Mais la véritable naissance du Théâtre d'Art est la mise
de Stanislavski), est issu de la bourgeoisie moscovite qui, à partir de la deuxième moitié du xrx° siècle, allait par¬ ticiper de plus en plus à la vie culturelle et sociale de la
en scène de la «
Russie.
dont l' répond aux préoccupations vitales de l'épo¬ que. Leurs pièces contribuent à l'épanouissement rapide du Théâtre d'Art et déterminent pour longtemps les voies de
Au
nombre
des
amis
de
sa
famille,
citons Pavel
Trétiakov, fondateur du musée d'art, le mécène Savva Mamontov, créateur d'un opéra privé, l'éditeur Sabachnikov, et l'industriel Morozov, amateur éclairé qui devait apporter une aide matérielle considérable à la construc¬ tion du
Théâtre
d'Art
de
Moscou.
Dès l'âge de quatorze ans, le jeune Stanislavski jouait sur une
scène
familiale.
Tout
le
système
de
son
éducation
entretenait en lui la passion du théâtre ; c'était une tra¬ dition dans sa nombreuse famille
l'actrice
française
Marie
Varley,
: sa mère était la fille de
ses
deux
sBurs
et ses
lavski
ville à ceux des tragédies de Shakespeare et de Schiller.
C'est à cette époque qu'il fait ses premières armes comme metteur en scène, ce qui lui vaut immédiatement l'attention des milieux artistiques de Moscou. Les specta¬ cles de Stanislavski frappent par leur réalisme et les solu¬ tions originales qu'il trouve. Il découvre de nouveaux pro¬ cédés de présentation, de nouveaux aperçus sur le jeu de l'acteur,
créant
ainsi
un
ensemble
scénique
homogène.
Dès ses premiers pas, il s'engage dans la voie des innova¬ tions hardies, déclarant la guerre aux vieilles conventions
et
Némirovitch-Dantchenko
son développement.
Ce
n'est
pas
trouvent
par
des
auteurs
hasard que la
« Mouette » devient l'emblème du Théâtre qui sera baptisé plus tard du nom de Gorki. Stanislavski est lié à Tchékov par des affinités spiri¬ tuelles et artistiques qui se transforment peu à peu en une profonde amitié. Les pièces de Tchékov sont originales, inédites ; elles exigent des procédés nouveaux. Avec elles naît l'art de la mise en scène dans son acception moderne.
deux frères devinrent acteurs ou metteurs en scène.
En 1888, Stanislavski participe à la fondation et à la direction d'une troupe créée à Moscou près la « Société des amateurs d'art et de littérature ». Il joue un très grand nombre de rôles, qui vont de personnages de vaude¬
Mouette », de Tchékov. En la personne
d'Anton Tchékov et, peu après, de Maxime Gorki, Stanis¬
Stanislavski excelle dans l'interprétation des personna¬ ges
de
Tchékov
et
de
Gorki.
Mais
le
Théâtre
d'Art
est
célèbre également pour ses mises en scène d' d'au¬
teurs étrangers : Hauptmann, Ibsen, Maeterlinck... Presque chaque nouveau spectacle, chaque nouveau rôle a la portée d'une découverte. Si dans sa jeunesse Stanislavski cherche
à
créer une
illusion
scénique
proche
du
naturalisme, il
approfondit par la suite sa conception de l'art. A une cer¬ taine époque, il se passionne pour le symbolisme, mais, avec les années, ses recherches s'orientent vers des formes
plus dépouillées et plus expressives, susceptibles de ren¬ dre
sur
la scène
l'esprit humain
toutes
les
complexités
«
de
la
vie
de
».
Après l'avènement du régime soviétique, Stanislavski^ SUITE PAGE 14
STANISLAVSKI
(Suite)
poursuit sa lutte en faveur du réalisme. Le nouveau spec¬
tateur populaire auquel la révolution a ouvert les portes du théâtre veut, affirme Stanislavski, « une nourriture spirituelle simple et substantielle ; pour l'art comme pour
la nourriture, il n'est pas habitué aux mets relevés ni aux finesses gastronomiques destinées à aiguiser l'appétit ». Stanislavski ne se limite pas à la production de pièces modernes. Il se tourne aussi vers les classiques russes et
étrangers, et met en scène des pièces d'Ostrovski, de Gogol, de Pouchkine, de Shakespeare, de Molière, de Beaumar¬ chais... Sa réforme n'est pas seulement une réforme du
théâtre dramatique : en 1922, dans son appartement de la rue Léontievski, il présente l'opéra de Tchaïkovski « Eu¬ gène Onéguine », dans une interprétation foncièrement
nouvelle qui modifie toutes les conceptions traditionnelles du théâtre lyrique. A partir de ce jour, il se partagera entre l'opéra et le drame.
I 'appuyant sur son expérience propre comme S -.mmJ sur celle de ses prédécesseurs et de ses contem¬ porains, Stanislavski cherche à mieux définir les principes qui régissent le jeu des acteurs.
Pour les jeunes, à qui tout semble simple et facile, il cite les qualités nécessaires pour devenir comédien : il faut, dit-il, que l'acteur possède l'esprit d'observation, qu'il soit impressionnable, qu'il ait une bonne mémoire, du tem¬ pérament, de la fantaisie et de l'imagination, qu'il sache entrer dans la peau du personnage, qu'il ait du goût, de l'intelligence, le sentiment de la cadence et de la mesure, qu'il soit musical, sincère, spontané, ingénieux, qu'il sache se maîtriser ; il faut qu'il soit prêt « à suivre un chemin dur et pénible, couvert de ronces et d'épines, en dédai¬ gnant la gloire et en aimant son métier ». De nombreuses années de recherches et d'efforts abou¬
tissent à l'élaboration du « système » de Stanislavski, qui
devient par la suite célèbre. Ce « système » est un ensem¬ ble de méthodes dont le but essentiel est de mettre l'acteur
dans la bonne voie, en l'incitant à l'étude plus ou moins
« systématique » du double instrument dont il dispose
:
son âme et son corps, et des techniques psycho-physiques de l'art dramatique qui en découlent. Il se fonde sur l'expression de la pensée et des émotions de l'acteur, considéré
lui-même
comme
un
créateur
apte
à enrichir
spirituellement son auditoire. « Le théâtre, écrit Stanis¬ lavski, est la plus importante de toutes les chaires d'en¬ seignement, plus importante encore par son influence que les livres et la presse... La tâche que j'accomplis, dans la mesure de mes forces, consiste
à révéler à la génération
montante que l'acteur est l'apôtre de la beauté et de la vérité. »
La tâche est difficile
: Stanislavski doit lutter contre le
dilettantisme et la routine ; sa méthode vise à éliminer également le naturalisme stérile et l'esthétique sans âme. Se basant sur ce système, Stanislavski a formé plusieurs générations de metteurs en scène, dont les plus connus en U.R.S.S. sont Meyerhold, Vakhtangov, Soulierjitski et Dikii. De nombreux acteurs et chanteurs célèbres ont été
également ses élèves ou ses disciples. Certains, comme Mikhaïl Tchékov, Sanine et Boleslavski, ont propagé sa doctrine dans d'autres pays d'Europe et en Amérique. Stanislavski s'est lié d'amitié avec de nombreux hommes
de théâtre occidentaux qui venaient en Russie ou dont il avait fait la connaissance pendant les tournées du Théâtre d'Art : Gordon Craig, Max Reinhardt, André Antoine, Jacques Copeau, le considéraient comme leur maître.
Aujourd'hui encore, l'influence de ce metteur en scène russe s'exerce en profondeur et avec une ampleur crois¬
Photo officielle soviétique
sante sur l'évolution du théâtre dans le monde entier. De
grands artistes de France et d'Italie tels que Jean Vilar et Eduardo de FUippo en portent témoignage, de même que des hommes de théâtre de Grande-Bretagne, d'Amé¬ rique, du Japon, de Chine, de Tchécoslovaquie, de Pologne et de divers pays nouvellement indépendants.
UNE TRADITION
campagne que ses parents possédaient à Lioubimovka, près de Moscou (à droite). Dès l'âge de 14 ans, il apparut régulièrement sur la scène familiale. Tout son entourage avait la sa
vocation.
actrice
Grigori Vladimirovitch Kristi, metteur en scène soviétique, est professeur à l'école du Studio du Théâtre d'Art de Moscou. Il fut
14 l'ami et l'élève de Stanislavski, sous la direction duquel il fit ses débuts de metteur en scène d'opéra et de professeur au Studio d'Art dramatique que Stanislavski créa en 1935.
DE FAMILLE. Stanislavski avait
trois ans quand il monta pour la première fois sur une scène, dans le petit théâtre de la maison de
les
frères
ou
lavski en
passion
du
grand-mère
française,
deux
acteurs
Sa
Marie de
Varley;
Stanislavski
metteurs
1881, à
théâtre
en
l'âge
scène.
de
et
maternelle
les
deux
favorisait était
devinrent eux
Ci-dessus,
18 ans,
une
s
et
aussi
Stanis¬
alors qu'il joue
dans une troupe d'amateurs « Le secret d'une femme ».
L'année suivante, il mettait en scène sa première pièce.
"MA Dernières
VIE
DANS
L'ART"
pages
du
testament
spirituel
de
Stanislavski
J' che.
e ne suis plus jeune ; le dernier acte de ma vie artistique appro-
.....
mes
Le temps est venu de faire le bilan et de fixer le plan de
derniers travaux.
Régisseur
et acteur,
j'ai travaillé, d'une part,
dans
le dómame de la mise en scène, d'autre part dans celui de la création spiri¬ tuelle de l'acteur. :-
J'ai essayé toutes les voies et tous les moyens ; j'ai payé mon tribut à tous les modes de mise en scène réaliste, historique, symboliste, idéolo¬
.-
gique ; j'ai étudié les courants et principes les plus divers
réalisme, natu¬
ralisme, futurisme, architecture, statuaire, stylisation par le moyen de dra¬ peries, paravents, tulles, effets de lumière. Je suis arrivé à la conviction
qu'aucun de ces moyens ne crée pour l'auteur le fond que réclame son art. Après avoir étudié le décor, pour en venir à constater l'extrême pauvreté de ses possibilités, je ne puis que répéter qu'elles sont usées jusqu'à la trame. Le seul maître de la scène, c'est l'acteur de talent. Mais je n'ai pas réussi, en fin de compte, à lui trouver un milieu scénique qui faciliterait son travail au lieu de l'entraver. Ce milieu doit être simple, d'une simplicité provenant d'une invention non point pauvre, mais abondante. Et je ne- sais comment m'y prendre pour que cette riche simplicité ne soit aussi criarde que le luxe outré, car l',il habitué à l'ambiance théâtrale en est plus fortement frappé.
4 :.-
X^^'X'M :.
:
.
-
.
Peut-être, un jour, naitra-t-il un grand peintre pour résoudre ce problème, le plus difficile de tous les problèmes scéniques.
:
:
':*"" En ce qui concerne l'euvre spirituelle de l'acteur, tout est abandonné au talent, à l'intuition, au dilettantisme effréné de chacun. Les lois profondes
de la création dramatique ne sont pas connues ; beaucoup estiment qu'il est inutile, sinon nuisible, de les étudier.
La
patiente
poursuite de
la
vérité
-
Pour les uns, l'acteur n'a besoin que d'avoir du talent et d'être inspiré ;
pour les autres, la technique prime tout ; si l'on a, en plus, du talent, tant mieux !
Si ces derniers craignent tellement la vie de l'esprit, n'est-ce pas
parce qu'eux-mêmes ne savent ni sentir ni vivre sur la scène ?
Puisque neuf dixièmes du travail de l'acteur consistent -à sentir le rôle, à le vivre, et que, ceci fait, la tâche est presque achevée, il est absurde d'aban¬ donner ces neuf dixièmes au hasard. Les lois ne sont pas faites pour les
talents exceptionnels, et ce sont plutôt eux qui les dictent. Mais comment se fait-il que jamais aucun de ceux-ci ne m'ait confié que toute technique était inutile, qu'ils m'aient au contraire déclaré que c'est à elle qu'appar¬
tient la première place ? Plus l'acteur est grand, plus il s'intéresse à la technique de son art.
Pas d'art sans virtuosité. Degas ne disait-il pas
:
« Si tu as pour cent
mille francs de maîtrise, achètes-en encore pour cinq sous. »
Cette nécessité est particulièrement évidente dans notre art. Tandis que les traditions des autres arts sont conservées dans les musées, les livres,
les partitions, la tradition théâtrale ne vit que- par l'acteur. Le flambeau ne peut être transmis que de main en mam ; et non pas du haut de la scène, mais à l'aide de l'enseignement, au moyen de révélation et de constantes indications, d'une part, de labeur tenace et inspiré, de l'autre.
L'art de l'acteur diffère des autres en ce que tout autre créateur peut
attendre l'inspiration. L'acteur doit savoir commander à l'inspiration et la
faire surgir quand l'affiche le réclame. Tout est là, contre quoi la technique extérieure la plus parfaite, les dons les plus heureux restent inefficaces. Malheureusement le secret en est jalousement défendu. A quelques rares
exceptions près, les grands maîtres de la scène non seulement ne cherchent pas à le transmettre à leurs jeunes émules ; ils le dissimulent sous un voile épais, et nous avons perdu la tradition. Or, faute de cette tradition, notre art est voué au dilettantisme. Faute de pouvoir se frayer consciemment le
chemin de la création inconsciente, les acteurs en vinrent au funeste pré¬
jugé qui rejette la technique intérieure, spirituelle. Ils s'immobilisent sur le point mort du métier, prenant une quelconque émotion d'acteur pour de l'inspiration.
Des pensées isolées des grands législateurs de notre art ont été conser¬ vées, pensées formulées par Shakespeare, Molière, Riccoboni père et fils,
Less'ing, le grand Schrrder, G Talma, Coquelin, Irving, Salvini et bien d'autres. Mais ces réflexions et ces conseils précieux ne forment pas un
système, ne sont pas ramenés à un même dénominateur ; et notre art ne possède toujours pas de principes solides capables de guider l'enseignement. Tout ce qui est écrit sur le théâtre est soit philosophie, parfois très inté¬ ressante, mettant fort bien en lumière les résultats souhaitables, soit examen 'critique raisonnant de l'utilité des résultats obtenus. SUITE
PAGE 17
15
« Je suis un acteur de composition » disait de lui-même Stanislavski. En scène, sa métamorphose physique tenait du prodige, en partie parce qu'elle était provoquée par l'exacte compréhension d'un caractère, en partie parce que, sous le masque du maquillage, Stanis¬ lavski pouvait sans contrainte exprimer les sentiments du personnage qu'il incarnait beau ou laid, bon ou méchant, ridicule ou sublime.
Ces six photos de Stanislavski dans divers rôles permettent de mesurer l'étonnant registre de l'acteur. Ci-dessous, Argan, le « Malade Imaginaire » de Molière.
L'ACTEUR
AUX
CENT
VISAGES
Photos officielles soviétiques
Dans «Un mois à
la campagne » de Tourgueniev.
Dans «Le cadavre vivant» de
Léon
Tolstoï.
Dans «Oncle Va¬
nia » de Tchékov.
Dans
«
Le mal¬
heur d'avoir trop
d'esprit » de Griboïedov.
16
Dans « Lili », opé¬ rette
de Hervé.
STANISLAVSKI
et
(Suite)
Tous ces travaux, précieux et indispensables, n'apportent pratiquement immédiatement rien, car ils passent sous silence la question du
« comment » ? Comment aboutir ? Par où commencer ? Puis, comment aller
plus loin,
au cours de l'enseignement tant avec le
débutant qu'avec un
acteur expérimenté, Voire gâté ? Quels exercices lui proposer, semblables à
ceux du solfège ? Quels arpèges, quelles gammes sauront développer le sen¬ timent créateur et celui de la vie ? Il faut les énumérer par articles, comme
dans des manuels d'arithmétique avec exemples systématiques, a l'école comme dans le privé. Pas un des livres écrits sur le théâtre n'en parle. Pas une seule méthode pratique : des essais, dont il est Inutile ou dont il est prématuré de parler. Est-il besoin de dire qu'il ne peut y avoir de système pour créer l'inspira¬ tion, comme il ne peut y avoir de système pour être un violoniste génial ou pour chanter comme Chaliapine ? Ceux-ci possèdent l'essentiel, le don des
dieux. Si peu que ce. soit, il y a cependant quelque chose de pareillement indispensable à Chaliapine et au dernier choriste, puisque l'un et l'autre possèdent des poumons, un système respiratoire, des nerfs et tout un orga¬ nisme physique, plus parfait chez l'un, moins parfait chez l'autre, qui, pour émettre les sons, suivent les mêmes lois humaines. De même pour la vie
psychique. Tous les acteurs sans exception absorbent la nourriture spiri¬ tuelle selon les lois naturelles établies ; ils conservent leurs perceptions dans la mémoire intellectuelle, affective ou musculaire, ils transforment ces matériaux à l'aide de leur imagination d'artiste, ils conçoivent une image avec toute la vie qu'elle implique, et ils l'incorporent d'après des lois obligatoires et connues.
Tel un chercheur d'or... Ces lois de la création, accessibles à notre conscience, ne sont pas nom¬ breuses ; leur rôle n'est pas un rôle honorifique, 11 a ses tâches précises. Ces lois doivent être étudiées par tout acteur. C'est par elles seules que l'on peut mettre en marche le superconscient, dont l'essence, à ce qu'il
semble, restera pour nous à jamais miraculeuse. Plus le génie est grand, plus le secret est grand et mystérieux,
et moins il peut se passer des
procédés techniques, accessibles à la conscience ; c'est par eux qu'il pénètre dans les refuges secrets où repose l'Inspiration.
Nous devons chercher à comprendre les perspectives, le but final qui atti¬ rent la jeune génération. Il est extrêmement intéressant de vivre et d'obser¬ ver ce qui se passe dans les jeunes c et les jeunes esprits.
Cependant, dans cette situation nouvelle, je voudrais éviter deux atti¬ tudes : celle du petit vieux qui se maquille et qui fait la cour aux jeunes, espérant passer pour leur contemporain, et celui du vieillard trop chargé d'expérience, ayant tout compris, intolérant, hargneux, coléreux, qui n'admet
aucune
nouveauté,
oubliant les
recherches
et
les
erreurs
de sa
propre jeunesse.
Pendant les dernières années de ma vie, je voudrais être ce que je suis en réalité, ce que je dois être suivant les lois mêmes de la nature, selon
lesquelles j'ai travaillé et vécu. Mais qui suis-je ? Qu'est-ce que je représente dans cette nouvelle vie théâtrale qui naît ? Puis-je, comme par le passé,
comprendre jusqu'à la moindre nuance tout ce qui se passe autour de moi, tout ce pour quoi se passionne la jeunesse ?
.. Organiquement, je ne le puis pas toujours. Il faut avoir le courage de l'avouer. M'ayant lu, vous savez comment nous fûmes élevés. Comparez notre vie d'alors avec celle qu'a endurée la jeune génération dans les dan¬ gers et les épreuves de la Révolution ! En outre, nous savons, par expérience, et non seulement en théorie, ce
qu'est l'art éternel et la voie qui lui est tracée par la nature, et nous savons également ce qu'est la mode et ses courts sentiers. Nous avons pu nous convaincre qu'il est bon parfois pour un homme jeune de quitter la grande route et d'errer quelque temps par les sentiers. Mais il est dangereux de perdre tout à fait la grande route, sur laquelle l'art avance depuis des temps immémoriaux.
Comment pourrais- je communiquer aux jeunes générations les résultats de mon savoir et les avertir des erreurs engendrées par l'inexpérience ?
Quand je jette un coup d'*il rétrospectif sur ma vie dans l'art, j'ai envie de me comparer à un chercheur d'or qui eut longtemps à errer dans la brousse pour découvrir le filon et qui dut ensuite laver des quintaux de sable pour en extraire quelques pépites. Comme le chercheur d'or, je ne puis transmettre ni mes peines, ni mes joies, ni mon labeur, mais ce que j'ai obtenu de noble métal.
Le texte ci-dessus est extrait de « Ma Vie dans l'Art », de Constantin Stanislavski,
traduit par Nina Gourfinkel et Léon Chancerel (© Librairie Théâtrale, Paris, Editeur. (Deuxième édition, avec une Préface de lacques Copeau). Un autre ouvrage important de C. Stanislavski, « La Formation de l'Acteur », a paru chez Olivier Perrin © Paris
(Traduit par Elizabeth lanvier, avec une introduction de lean Vilar). La publication 17 des
de Stanislavski en 8 volumes est actuellement en cours en U.R.S.S. aux
Editions de l'Académie des Sciences de 1'U.R.S.S.
STANISLAVSKI
(Suite)
LE METTEUR EN
SCÈNE / e 7A
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25
.; ? ¿X ' ¿.:f«!*
A la recherche d'une langue universelle (Suite de la page 23) a suscité un grand intérêt et bénéficié au cours des années
s'est dégagé
du patronage.de personnalités
Hugo,
d'une langue fondée sur la logique, est le suivant :
Lamartine, Humboldt et Napoléon III ; à certain moment,
plus grande facilité pour le plus grand nombre. »
cette langue a été
telles
que
Victor
parlée par un grand nombre de gens,
Du point de vue statistique, les différentes combinaisons do, ré,
mi, fa, sol,
binaisons de latin, de grec, de roman, parfois de langues germaniques, plus rarement encore de langues slaves, et ne
passer l'accent d'une syllabe sur une autre, on peut chan¬
tiennent pas compte, ou bien peu, de la multiplicité des
ger la fonction d'un mot, faire d'un substantif un verbe,
individus qui parlent d'autres types de langues.
un adjectif ou un adverbe. Cette langue peut être chantée,
La première langue a posteriori accueillie avec faveur
jouée ou fredonnée au lieu d'être parlée. Il est possible de portée
musicale ;
pour
des
« La
mélanges ne sont autres, même aujourd'hui, que des com¬
d'une seule syllabe, 49 mots de deux syllabes, 336 mots de
sur une
première
quement des langues du type occidental, beaucoup de ces
la et si donnent 7 mots
trois, 2 268 mots de quatre et 9 072 mots de cinq. En faisant
l'écrire
remplaçant l'idée
Mais étant donné qu'à l'époque où cette théorie a été énoncée le plus grand nombre dont il s'agit parlaient uni¬
et elle a gardé des partisans irréductibles jusqu'en 1900. des syllabes
au xvin" siècle,
est le « Volapuk » de Schleyer, qui apparut en 1885, lan¬ gue où s'amalgamaient des éléments néo-latins, anglais
communica¬
tions à distance, on peut indiquer les syllabes en frappant des coups ou même à l'aide de couleurs. L'expression « Je
et allemands. «
n'aime pas » se rend par «
se dit, en Volapuk : No vilob eli bvJci, sod uni buki.
doré do mïlasi ».
Je ne veux pas le livre mais un livre »
du type a priori, sans
La vogue du Volapuk ayant déjà cessé vers 1890, c'est
aucun rapport avec les langues existantes, n'est pas entiè¬
Ï' « Espéranto », inventé par Zamenhof, qui acquit alors une importance internationale. Là aussi, on constate une
L'idée d'une langue artificielle
rement morte, comme le prouvent deux systèmes intéres¬ sants mis au point au xx« siècle, l'un et l'autre d'origine américaine. Il s'agit, d'une part, du « Ro » de Foster (1912), dans lequel le début du Notre Père se traduit
prédominance d'éléments classiques, néo-latins et germa¬
comme suit
(chose surprenante, car Zamenhof était polonais) *.
:
niques, tandis que les éléments d'autres langues, notam¬
ment de langues slaves, n'y
Abze radap av el in suda, ace rokab eco
La
sugem ; ace rajda ec kep ; ace va eco uz in suda asi in
popularité de
jouent qu'un
rôle
mineur
l'Espéranto subsiste encore, et
l'on
buba ». L'autre langue est la « Suma » de Russell (1957),
estime à 8 millions le nombre
dans laquelle
verses régions du monde, le parlent d'une manière ou d'une autre. Il semble d'ailleurs que cette popularité ait
ainsi : «
le premier
livre
de la
Genèse
commence
Talo moti sima baki boto e beto e beto te peka
de gens
qui,
dans les
di¬
e ena gide e ena doba ».
plutôt encouragé que découragé d'autres tentatives. Plus
Bien plus nombreuses et plus variées sont les langues du type a posteriori, ayant leur base dans une ou plu¬ sieurs langues naturelles existantes. Ici, il convient d'éta¬
rition depuis le début du xx* siècle.
blir une distinction entre les systèmes qui apportent des
que l'Espéranto,
étant dotées
modifications à une langue existante unique et ceux où
moins arbitraire
et d'un vocabulaire
il y a fusion de langues de divers genres.
occidentales. Cette observation s'applique même aux lan¬
Exemple typique de langue naturelle modifiée, le « Basic English »
est de l'anglais ordinaire
dont le vocabulaire
est limité de telle sorte qu'il faut rendre «
participate »
de 400 langues artificielles, en effet, ont fait leur appa¬
La plupart d'entre elles sont, au fond, du même type
d'une
grammaire
plus
ou
dérivé des langues
gues créées par quelques-uns des plus grands linguistes du monde (comme de Saussure et Jespersen, pour ne citer que deux noms).
(participer) par « take part » (prendre part) , et « selfish »
Par ailleurs, quelques systèmes très ingénieux ont été
(égoïste) par la paraphrase « without thought of others »
proposés pour assurer une certaine représentation à d'au¬
(sans que
penser
ce soit
à
autrui). Ses
absolument
NO VILOB SOD
UNI
créateurs
justifié)
ELI
prétendent
qu'avec
les
850
(sans
tres
mots
« Népo », de Techechikhine, apparu en 1910, ajoute des
groupes
linguistiques
importants. Par
exemple, le
BUKI
BUKI
(Je ne veux pas le livre mais un livre)
anglais dont elle est composée cette
langue
peut satis¬
faire la totalité des besoins linguistiques de l'humanité. Si le «
Basic English » conserve les sons et la gram¬
maire de l'anglais normal,
les
auteurs
d'autres
langues
modifiées ont préféré ne conserver que le vocabulaire et transformer
la structure
grammaticale.
a présenté un système appelé
«
En
1903,
Latino sine
Peano
flexione »
éléments slaves à la combinaison d'éléments néo-latins et
germaniques (le « Notre Père » débute, en Népo, de la manière suivante : « Va tero nia, Ikotoryja estas in la njeboo, heiliga estu nomo vie. ») L' « Interglossa », créé par Hogben en 1943, a un vocabulaire gréco-latin, mais sa syntaxe est d'inspiration chinoise (« Na Parenta in Urani ; Na dicte voló ; tu Nomino gene revero »). La «
(Latin sans flexion), dans lequel les terminaisons latines sont supprimées ou uniformisées : « Studio theorico pro¬
de Steiner, qui date
de 1885,
offre
ba que es necessario nullo regula de grammatica, nullo
que : « bon » peut se dire soit bono, soit guto ; « Dieu »
suffixo
se dit Deo ou Gotto ; « souvent » se dit saepe ou oftis.
de
derivatione
»
(Une
étude
théorique
prouve
qu'aucune règle grammaticale, aucun suffixe de
dériva¬
En
«
tion ne sont nécessaires).
Les mélanges de langues sont très variés, allant de mo¬ difications à peine déguisées du latin et du roman jusqu'à 26
Pasilingua »
des synonymes d'origine néo-latine et d'origine germani¬
1893, Fred Mill est allé
encore plus loin avec son
Anti-Volapük », qui combine des mots internationaux
de connection, issus en grande partie du néo-latin, avec
des combinaisons où sont, en fait, représentées propor¬ tionnellement
toutes
les
grandes familles
linguistiques,
du monde. Le principe original qui est à leur base, et qui
* Voir dans le « Courrier de ¡'Unesco » de décembre 1959 l'arti¬
cle sur « Zamenhof, père de l'Espéranto ».
des substantifs et des verbes tirés de la propre langue de celui qui
parle,
interlocuteur
étant
aura
supposé
appris
sans
un
doute
nombre
substantifs et des verbes utilisés
par
que
chaque
suffisant
l'autre
des
pour être
tout au moins capable de les comprendre. La phrase «
Je
ne sais pas où est votre frère, mais je crois qu'il est dans la rue », par exemple, serait libellée comme áuit dans les
versions anglaise, française, italienne, espagnole et russe :
du terroir, ne peut être le support de valeurs culturelles. Toutefois, pour une langue destinée de prime abord à devenir un instrument de communication matérielle plu¬
tôt qu'à servir les fins d'un Impérialisme culturel,
il ne
s'agit pas là d'un Inconvénient, bien au contraire. L'His¬ toire enseigne que les cultures se développent autour de langues qui étaient initialement des instruments de com¬ munication rudimentaires, grossiers, purement matériels.
Io think ke le es in le street ;
Si une culture universelle se développe de manière ana¬
Io croire ke le es in le rue ;
logue autour d'une langue universelle, on ne pourra que
Io credere ke le es in le strada ;
s'en réjouir. Quoi qu'il en soit, l'Espéranto, par les nom¬
lo creer ke le es in le calle ;
breux ouvrages
Io dumat ke le es in le ulitsa.
permis de produire, apporte la preuve qu'une langue arti¬
Le plus large des projets tendant à assurer la représen¬
ficielle est parfaitement capable, dès qu'elle est utilisée, de créer ses propres valeurs culturelles.
tation de toutes les grandes familles linguistiques a été
formulé récemment
par
Leidenfrost, qui a
originaux,
en
prose
ou
en
vers,
qu'il
a
proposé de
Deux observations de caractère essentiellement pratique
charger une commission de linguistes d'élaborer une gram¬
trouvent ici leur place. Qu'elles soient grandes ou petites,
maire
les langues nationales
et un vocabulaire
universels,
en
amalgamant
dix
ont rarement un système
parfait
langues représentatives : l'arabe iraquien, le chinois man¬
de notation phonétique. Cela est particulièrement vrai de
darin, l'anglais, l'hindoustani, le hongrois, l'indonésien, le
langues comme le français et l'anglais, qui sont au ser¬
kpel,
vice de civilisations existant depuis des siècles
parlé
au Libéria,
le russe,
l'espagnol
et le swahili.
: le déca¬
Cependant, deux grandes familles linguistiques sont ainsi
lage
négligées
modernisation de l'orthographe tend à creuser plus pro¬
:
le japonais coréen et le dravidien de l'Inde
méridionale, parlés l'un et l'autre par plus de
100 mil¬
lions de personnes.
l'évolution normale
du
langage
parlé
et
la
fondément le fossé entre la parole et l'écriture. Les lan¬ gues
Les dangers que peuvent présenter des mélanges si hété¬
entre
artificielles,
rement «
au
contraire,
sont,
en
principe,
entiè¬
phonétisées », la correspondance entre son et
rogènes sont mis en relief par Gode, l'un des promoteurs
symbole étant absolue (l'Espéranto offre à cet égard un
d'
excellent exemple).
«
Interlingua
linguistes,
sur
la
»,
langue
base
élaborée
habituelle
par
d'une
une
équipe
de
combinaison
de
langues occidentales.
Il donne comme exemple le passage suivant, rédigé en «
Interlingua » pure
sol.
Io
es
multo
Par conséquent, toute langue nationale choisie comme langue auxiliaire internationale devrait, avant de pouvoir
:
«
Le sol dice
brillante.
Io me
:
«
leva
être convenablement employée, subir une réforme d'ortho¬
Io me appella
graphe (tout au moins en vue de son utilisation à des fins
est,
internationales),
al
e
quando
tandis
qu'une
langue
artificielle
pour¬
io me leva, il es die. Io regurda per tu^ fenestra con mi
rait entrer immédiatement en usage, sans autre recherche
oculo brillante
ni modification.
como
le
auro,
e
io
te
dice
quando
il
es
tempore a levar te. » Puis, il en donne une version inter¬ continentale qui comprend des éléments chinois, japonais,
indonésiens ou issus d'autres langues orientales : « Matahari yu
:
« Wo-ti nama Mata-harl. Wo taihen brillante.
Wo leva wo a est, dan tokl wo leva wo,
ada hari. Wo
miru per ni-ti fenestra sama wo-ti mata brillante como
kin, dan wo yu ni toli ada tempo a levar ni' ». Gode fait
observer qu'aucun Occidental ne comprendra quoi que ce
soit à la deuxième version s'il n'a pas spécialement étu¬ dié le système et (ce qui est peut-être plus important encore)
qu'un
interlocuteur
indonésien,
dont
la
langue
a donné mata-hari, ne comprendra pas les termes chi¬
Voici qui est encore plus important : les langues natio¬ nales
présentent habituellement
de
profondes
disparités
de caractère dialectal, et il y a souvent incertitude quant à la forme «
normale » des termes. Il en est particuliè¬
rement
de
ainsi
mesure un existe
peu
l'anglais
moindre,
une norme
«
et de
du
correcte
l'espagnol
français »,
qu'elle
et
et,
dans
du
russe,
soit
ou
une
où
non res¬
pectée par tous ceux qui parlent la langue. Par contre, une langue artificielle est d'ordinaire complètement nor¬
malisée, et le seul problème
en l'espèce
est d'assurer
Ces deux caractéristiques des langues artificielles
nois wo-ti, ni et yu, ni le terme japonais taihen. Ajoutons un dernier mot au sujet de l'utilité que peut
le
respect de la norme quand la langue entre en usage.
phonétisation et la normalisation
ou non présenter une langue artificielle, par comparai¬
d'importance que la «
son avec une langue nationale promue au rang de lan¬
et qui, en aucun cas, ne saurait être vraiment parfaite. Nous
pour que l'on envisage sérieusement d'utiliser sur le plan
nationalité, ou neutralité, aucune nation n'ayant lieu de
international une langue artificielle, de pair avec les nom¬
s'en défier sous le
breuses langues nationales, anciennes ou nouvelles, dont
et
sont
en fait, est rare
gue internationale. L'un des grands avantages invoqués
véhicule
qu'elles
qui,
par les partisans des langues artificielles est leur inter¬
prétexte qu'elles sont le
estimons
neutralité »
la
ont peut-être plus
suffisamment
importantes
la candidature est mise en avant.
le porte-drapeau de cultures étrangères. Cet argument est tout à fait pertinent pour ce qui est des langues a priori, qui ne se fondent sur aucune lan¬
gue connue, mais il est loin de l'être pour la majorité des langues a posteriori, game de langues
qui ne sont,
d'Europe
en
fait,
qu'un
occidentale, laissant
amal¬
de
côté
d'autres familles linguistiques qui acquièrent de plus en plus d'importance dans le monde moderne.
Mario romane
correspondant, souligné
par
bien
des
linguistes est que la langue artificielle, n'étant pas issue
linguiste
américain,
est
Columbia,
professeur
à New
York,
de
philologie
Etats-Unis.
Il
est l'auteur d'une « Histoire de la langue anglaise » qui vient de paraître aux Etats-Unis. Le lecteur trouvera dans son ouvrage « One Language for the World » (Une seule langue pour le
monde), L'inconvénient
Pei,
à l'Université de
York
publié par Devin-Adair
10, N.Y.
Pei expose ici.
(U.S. A),
Co,
23
East
26
Street,
New 27
un développement des idées que Mario
«
Devoirs
»,
du
peintre
français Jean Commère, vi¬ vante évocation des enfants
à la maison, occupés à leurs
jeux et à leurs travaux.
CARTES DE
VUUX
DE
L'UNICEF
L'ANNÉE dernière, le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) a vendu plus de 26 millions de cartes de vnux; le bénéfice de cette vente est utilisé pour acheter du lait, des vaccins, et permet de protéger de la maladie des millions d'enfants nécessiteux dans le
monde. L'UNICEF espère vendre cette année 30 millions de cartes. Chaque boîte de cartes de l'UNICEF vendue assure un verre de lait quotidien pendant une semaine à 45 enfants, ou une quantité de vaccin suffisante pour protéger 60 enfants de la tuberculose. Pour aider le Fonds, des artistes de divers pays font don chaque année de dessins et de peintures. Les 18 cartes qui sont en vente cette année ont été créées par 11 artistes. Nous reproduisons ici quelques-unes de ces uuvres. D'autres sont dues à Gordon McCoun, un peintre du dimanche, de nationalité américaine, qui vit actuel¬ lement
Jeanyee
au
Pérou;
Wong,
à
Otto
artiste
Nielsen,
américain
artiste
d'origine
« Une étoile brille » par Adolf Oehlen (République Fédérale d'Allemagne). Cet¬ te carte sera imprimée sur papier Avion.
« La Famille » par le sculp¬ britannique Henry
teur
Moore.
Cette carte sera
la
carte officielle des Nations
Unies pour 1963. Elle sera éditée en grand format
spécial
(16
cm x 14
mwê
cm)
Prix : 1 2 F fr. la boîte de 1 0.
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Pour obtenir gratuitement
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