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Observatoire du Management Alternatif. Alternative Management Observatory. __. Fiche de lecture. L'Atlas des migrations. Le Monde - Hors Série. 2009.
Observatoire du Management Alternatif Alternative Management Observatory __ Fiche de lecture

L’Atlas des migrations Le Monde - Hors Série 2009

Céline Lévy – Janvier 2012 Majeure Alternative Management – HEC Paris – 2010-2011

Lévy Céline – Fiche de lecture : «L’Atlas des Migrations » - Janvier 2012

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L’Atlas des migrations Cette fiche a été réalisée dans le cadre du cours « Grands défis planétaires » donné par Denis Bourgeois, David Khoudour-Castéras et Thanh Nghiem au sein de la Majeure Alternative Management, spécialité de 3ème année du programme Grande Ecole d’HEC Paris. Le Monde-La Vie, Paris, 2009 Date de première publication : 2009 Résumé : L’Atlas des Migrations est un recueil d’analyses et d’études de cas de phénomènes migratoires humains. L’ensemble des spécialistes qui y ont contribué présente une analyse à la fois temporelle et géographique des migrations : le lecteur a un aperçu des processus qui se dessinent dans le passé, actuellement, et qui se profilent – et ce aux quatre coins du globe. Les enjeux des migrations sont pluriels. Les deux derniers chapitres de l’Atlas présentent, en particulier, leurs dérives sociales, environnementales, et sanitaires. Mots-clés : Migrant, Illégal, Réfugié, Diaspora, Inégalité, Réchauffement climatique

The Atlas of Migrations This review was presented within the framework of the « Global Challenges » course taught by Denis Bourgeois, David Khoudour-Castéras and Thanh Nghiem. This course is part of the “Alternative Management” specialization of the third-year HEC Paris business school program. Le Monde-La Vie, Paris, 2009 Date of first publication : 2009 Abstract: The Atlas of Migrations is a corpus of analysis and case studies of human migrations. The group of experts that contributed to the volume presents an analysis of migrations throughout time and space: the reader gains an insight into the processes of the past, present and future - across the globe. Migrations entail a number of far-reaching issues. The last two chapters of the Atlas particularly stress the social, environmental and health challenges. Key words: Migrant, Illegal, Refugee, Diaspora, Inequality, Global warming

Charte Ethique de l'Observatoire du Management Alternatif Les documents de l'Observatoire du Management Alternatif sont publiés sous licence Creative Commons http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/ pour promouvoir l'égalité de partage des ressources intellectuelles et le libre accès aux connaissances. L'exactitude, la fiabilité et la validité des renseignements ou opinions diffusés par l'Observatoire du Management Alternatif relèvent de la responsabilité exclusive de leurs auteurs.

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Table des matières 1. Le Monde-Hors Série ..........................................................................................................4 1.1. Brève biographie ...........................................................................................................4 1.2. Contexte de parution de l’ouvrage ................................................................................6 2. Résumé de l’ouvrage ...........................................................................................................7 2.1. Plan de l’ouvrage........................................................................................................... 7 2.2. Principales étapes du raisonnement et principales conclusions......................................8 3. Commentaires critiques ....................................................................................................17 3.1. Avis d’autres auteurs sur l’ouvrage............................................................................. 17 3.2. Avis de l’auteur de la fiche .......................................................................................... 17 4. Bibliographie de l’auteur ................................................................................................. 19 5. Références ..........................................................................................................................20

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1. Le Monde-Hors Série 1.1.

Brève biographie

L’Atlas des migrations résulte du travail de nombre de parties prenantes. Coédité par Le Monde et La Vie, sa réalisation graphique fut la responsabilité de l’équipe de l’Atelier de cartographie de Sciences Po. Enfin, divers experts – historiens, géographes, sociologues, chercheurs et journalistes - ont nourri la réflexion que présente cet Atlas. Le Monde Fondé par Hubert Beuve-Méry en 1944, Le Monde est un journal quotidien français. Le général de Gaulle, qui souhaitait que la France possède un grand journal tourné vers l'étranger, est un élément moteur de sa création. L’une des caractéristiques distinctives de ce journal français est en effet son rayonnement à l’étranger : il est le quotidien français le plus diffusé à l’étranger. En outre, il est le seul journal français en 2012 à paraître l'après-midi, daté du lendemain. Le Monde est influencé par de nombreux courants d’idées, principalement liés au courant de la sociale démocratie chrétienne sur le plan intérieur. Fin juin 2010, il a été racheté par le trio formé du propriétaire du magazine Têtu Pierre Bergé, du président du magazine Les Inrockuptibles Matthieu Pigasse, et du fondateur de Free Xavier Niel. Ses Directeur de Publication et de la Rédaction sont, respectivement, Louis Dreyfus et Erik Izraelewicz.

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La Vie

Le magazine La Vie catholique illustrée fut lancé en 1945 par Georges Hourdin, Ella Sauvageot, Joseph Folliet et le dominicain Pierre Boisselot. A l’origine vendu par des militants lors d'animations de paroisse, il est disponible en kiosque à partir de 1976. Le 1er janvier 1977, le magazine devient simplement La Vie. Bien que proche du christianisme social, cet hebdomadaire est indépendant de la hiérarchie catholique. JeanPierre Denis en est le directeur de rédaction.

La Vie – Le Monde

Avec l’arrivée de nouvelles publications naît le groupe de presse Publications de la Vie Catholique, dont le groupe Le Monde prend contrôle en 2003. En résulte le groupe de presse La Vie-Le Monde. Depuis 2008, le président du directoire est Eric Fottorino.

L'Atelier de cartographie

Créé en 1995 par Marie-Françoise Durand et Roberto Gimeno, l'Atelier de cartographie de Sciences Po collecte des données, les traite, et réalise des représentations spatiales de phénomènes sociaux, plus particulièrement de processus de mondialisation. L’équipe de l'Atelier de cartographie forme des étudiants et accompagne chercheurs et doctorants dans la représentation graphique de leur corpus de données issues d’enquêtes de terrain. Enfin, l’Atelier est prestataire de service pour les Presses de Sciences Po, la Documentation Française, Le Monde, l’Organisation des Nations Unies (Office des Nations unies contre la drogue et le crime), la Délégation aux affaires stratégiques du Ministère français de la Défense, l’Agence française de développement, des musées comme la Cité nationale de l’histoire de l’immigration ou encore le Musée du Louvre.

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1.2.

Contexte de parution de l’ouvrage

L’Atlas des migrations est un ouvrage journalistique qui se présente sous la forme d’un magazine de 186 pages. Son éditrice présente le contexte dans lequel il a été composé. Publié en 2009, L’Atlas voit le jour à un moment où le dossier de l’immigration mobilise de nombreuses instances nationales et internationales. Les migrants sont de plus en plus nombreux : en 2009 ils étaient 191 millions, soit 3% de la population mondiale. Ils représentent 14% de la population en Amérique du Nord, 9% en Europe, 2% en Afrique et 1% en Asie et en Amérique latine. En outre, dans un paysage globalisé marqué par les flux de marchandises, de capitaux et d’informations, ces migrants sont de plus en plus visibles. Enfin, depuis les années 1970, quand s’est ralenti le développement économique en Europe, le nombre de migrants illégaux qui arrivent dans le continent a augmenté. A l’ouverture de L’Atlas des migrations figure une note de son éditrice Claire Blandin, suivie d’une introduction générale rédigée par le démographe français Joseph Alfred Grinblat et d’une note sur la cartographie présentée par l’Atelier de Cartographie de Sciences Po. Cinq chapitres composent le cœur de l’ouvrage. Chacun d’eux commence par une introduction de deux pages rédigée par un spécialiste. Ils se déclinent en sept à vingtsous-parties chacun. Leur contenu est ponctué d’analyses, de données chiffrées de 200 cartes.

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2. Résumé de l’ouvrage 2.1. Plan de l’ouvrage Les cinq chapitres de l’Atlas s’intitulent : « les migrations historiques », « les migrations aujourd’hui », « diasporas et peuples transnationaux », « intégrations et fractures », « le monde demain. »

Chapitre 1 : Les migrations historiques Ce chapitre fait l’état des lieux des origines des grands départs et présente une typologie des mobilités.

Chapitre 2 : Les migrations aujourd’hui Dans cette partie est abordée la question d’une gouvernance mondiale sur le sujet de l’immigration, ainsi que la condition des réfugiés.

Chapitre 3 : Diasporas et peuples transnationaux Ce chapitre s’interroge notamment sur les différences identitaires entre les communautés de diasporés et de transmigrants.

Chapitre 4 : Intégrations et fractures Ce sont les inégalités entre les populations qui sont soulignées, dans cette partie.

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Chapitre 5 : Le monde demain Les grands défis sur les plans du climat, de la santé, de la démographie notamment, sont esquissés ici. Chacun des cinq chapitres commence par une introduction, qui fait part d’un raisonnement analytique sur l’un des cinq sujets en question. S’ensuivent de brefs aperçus, essentiellement de nature factuelle, de la situation dans différents pays ou régions du monde. C’est pourquoi, dans ce qui suit, nous parcourrons les principales étapes de raisonnement et de conclusion présentées dans les pages d’introduction de chacune des parties, et les illustrerons par des faits particulièrement marquants esquissés dans les dossiers eux-mêmes.

2.2.

Principales étapes du raisonnement et principales conclusions

Introduction

Longtemps chargé d’étudier la question de l’immigration à l’ONU, le démographe Joseph Alfred Grinblat rappelle les difficultés propres à ce champ d’étude avant de présenter les raisons pour lesquelles le sujet est devenu une préoccupation majeure au cours des dernières années. Tout d’abord, les sources d’information sont imparfaites. Les définitions sont peu claires. La distinction entre « migrant » et « immigrant » est floue : pour un démographe, un migrant est quelqu’un qui change de domicile, un immigrant quelqu’un qui vit dans un endroit où il n’est pas né, indépendamment de sa nationalité. Il est important de noter que, pour être migrant ou immigrant, il n’est pas nécessaire de traverser des frontières d’États. En outre, il y a confusion dans la compréhension populaire entre « immigrant » et « étranger ». Les chiffres sont eux aussi imparfaits : les statistiques de mouvements de migration sont incomplètes et il est préférable de se limiter aux analyses de stocks d’immigrés plutôt que de flux de migrants. De plus, les données sur les migrants illégaux sont des estimations approximatives. Lévy Céline – Fiche de lecture : «L’Atlas des Migrations » - Janvier 2012

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Le sujet de l’immigration est une source de préoccupation majeure dans les pays développés notamment pour des raisons sociales, économiques et démographiques. Dans les quinze premiers pays adhérents à l’Union Européenne (UE 15), le pourcentage d’immigrants était de 4% et 1970 et de 10% en 2005. Ces 6 points de pourcentage d’augmentation masquent une grande hétérogénéité entre les pays : si la part d’immigrants est restée stable en France, elle a été multipliée par dix en Espagne ! Par ailleurs, alors qu’en 1950-1960 les immigrants étaient surtout des travailleurs, depuis les années 1970, où s’est ralentie la croissance économique des pays développés, il s’agit essentiellement de migrants illégaux et de regroupement familial. Sur le pan économique, une analyse objective montre que l’immigration a des conséquences essentiellement positives pour les pays receveurs ; il ne paraît cependant pas possible de déterminer objectivement si elle a des conséquences positives ou négatives sur le bien-être individuel des habitants. Pour les pays d’origine, l’immigration a des retombées positives, tels les transferts monétaires des immigrants à leur pays d’origine, ainsi que des retombées négatives, et notamment la fuite de capital humain dite « fuite des cerveaux ». Enfin, en termes démographiques, les Nations Unies estiment que l’immigration pourrait limiter le déclin des populations dans pays développés, mais pas leur vieillissement.

Les cinq chapitres qui composent le cœur de l’ouvrage sont organisés selon un ordre temporel : le premier porte un regard sur le passé, le deuxième, troisième et quatrième sur le présent, et le dernier sur le futur.

Chapitre 1 : Les migrations historiques

Le géographe Gildas Simin présente les principales raisons qui ont conduit les hommes à émigrer au cours de l’histoire. Un moteur fondamental des migrations au cours de la préhistoire et de l’Antiquité a été la recherche de terres permettant la pratique d’activités agricoles fructueuses. Plus tard, le pouvoir politique a instrumentalisé les migrations pour renforcer ses intérêts sur des territoires disputés ou menacés ou répondre à un désir d’expansion, de conquête. La recherche de travail, facteur d’augmentation des revenus, a été un autre moteur de déplacement. Seulement le besoin de travail a aussi conduit à des Lévy Céline – Fiche de lecture : «L’Atlas des Migrations » - Janvier 2012

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migrations forcées, et notamment l’esclavage. La « traite des Noirs » a déplacé plus de onze millions de personnes. Il convient de rappeler ici que, si la traite Atlantique fut abolie dans les années 1850-1860, l’esclavagisme existe toujours aujourd’hui, sous sa forme traditionnelle et sous des formes déguisées1. Un autre type de migrations forcées est celui induit par les conflits de toutes sortes. Le vingtième siècle fut particulièrement marqué par le déplacement de réfugiés : plus de cent millions de personnes ont notamment été contraintes à quitter leur pays d’origine en raison des deux guerres mondiales. C’est ainsi que l’on apprend que l’exportation de la soie en Chine a, à partir de l’ère chrétienne, dessiné huit mille kilomètres de routes de migrations historiques. Pendant près de cinq mille ans, il était interdit de dévoiler le secret de production de la soie, à partir de cocons, hors de Chine sous peine de mort ! La soit fut exportée pour la première fois vers -119 avant Jésus-Christ, afin d’acquérir des chevaux aux longues jambes dits « chevaux célestes ». Différentes routes furent progressivement ouvertes pour effectuer de tels échanges commerciaux. La Route de la Soie fut aussi le moyen d’échange de connaissances scientifiques, techniques et de croyances religieuses. Aujourd’hui, des axes routiers, tels que la Karakorum Highway, suivent les traces de cet itinéraire ; le fait que le point frontière entre la Russie et la Chine se nomme Droujba, soit « amitié, » renvoie à l’espoir que les routes entre les deux pays soient des lieux d’échanges, comme il y a deux mille ans.

Chapitre 2 : Les migrations aujourd’hui

Ce chapitre se compose de deux grandes parties : la première porte sur les enjeux de la migration, et particulièrement de la migration internationale, général, la seconde sur les migrations forcées. En introduction de la première, un extrait d’une étude commanditée par le Ministère des Affaires étrangères et européennes2 explique pourquoi le sujet des migrations aujourd’hui doit être l’objet d’une gouvernance mondiale. Premièrement, « la migration a une existence qui lui est propre, presque méta-étatique. » Résultant d’interdépendances mondiales et de la mobilité accrue des personnes, elle est peu sensible aux politiques d’État. Dès lors, pour 1

Rapport de l’Organisation internationale du travail, 2004 Bertrand Badie et al. Pour un autre regard sur les migrations. Construire une gouvernance mondiale (La Découverte, 2008) Lévy Céline – Fiche de lecture : «L’Atlas des Migrations » - Janvier 2012 2

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comprendre le phénomène de migration, il convient de ne pas la lire à partir des frontières des États : cela créerait une perception d’anomalie et de danger. Il faut l’appréhender comme une somme de micro-stratégies, de micro-intérêts, pour en dégager les compatibilités et opportunités avec les autres intérêts en concurrence. La gouvernance souhaitée est « un cadre de conception, de réflexion et de délibération » qui réunit nombre de parties prenantes, acteurs publics, privés, nationaux, transnationaux, internationaux, et, par des partenariats, mobilise des acteurs sociaux qui se considèrent comme impliqués, tel que des entrepreneurs, salariés, acteurs religieux et Organisations Non Gouvernementales (ONG) spécialisées dans les droits de l’Homme, dans la protection des populations, dans le développement. L’institution de gouvernance définira des objectifs communs et coordonnera ses moyens et ressources pour y parvenir. Il ne s’agit pas d’abolir les choix souverains des États mais de les encadrer. L’introduction est suivie d’une présentation de la géographie des grands flux migratoires et de leurs enjeux, dont les nouveaux foyers de la pauvreté, l’urbanisation croissante, les retombées économiques de la migration, le tourisme et la migration des femmes. Particulièrement marquant est le fait que la migration internationale tend à se féminiser. Le cas extrême est celui du Cap Vert : 85% des migrants du pays partis en Italie sont des femmes. L’organisation des familles doit s’adapter à cette réalité, relativisant ainsi le modèle familial de nombreux pays développés : les familles capverdiennes peuvent se partager entre trois ou quatre lieux différents, avec les femmes qui travaillent en Italie ou au Portugal, leurs maris aux Pays-Bas, et les enfants qui restent sur l’archipel, gardés par d’autres parents. Olivier Brachet, Directeur de l’association Forum réfugiés, ouvre la seconde partie en expliquant que, pour protéger les 67 millions de migrants forcés actuels, il ne faut pas réformer voire abandonner les institutions actuelles mais, dans un premier temps, respecter les engagements pris. On peut distinguer trois types de migrants forcés : les réfugiés qui quittent leur pays à cause de violences généralisées – 16 millions de personnes –, les personnes qui se déplacent à l’intérieur de leur pays du fait de violences – 26 millions – et les personnes déplacées à cause de catastrophes naturelles – 25 millions. L’ampleur du phénomène depuis les deux guerres mondiales a conduit la communauté internationale à créer le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) en 1948 ; il devient une agence permanente en 1967, suite au protocole additionnel de la Convention de Genève. D’après l’auteur, le système HCRConvention de Genève est toujours pertinent : il est nécessaire pour maintenir la distinction entre migrations ordinaires et migrations forcées et toujours adapté car la majorité des déplacements forcés se font pour cause de violences. Si la situation de nombre de réfugiés Lévy Céline – Fiche de lecture : «L’Atlas des Migrations » - Janvier 2012

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reste dramatique, dit-il, c’est en grande partie à cause d’un manque de volonté politique forte : l’adoption de la Convention de Genève par la quasi-totalité des États du monde ne s’est pas concrétisée partout par la mise en place de systèmes d’asile et, selon le HCR, un réfugié doit aujourd’hui attendre en moyenne dix-sept ans pour trouver une solution durable à son exil, soit l’intégration au pays d’accueil ou le retour volontaire au pays d’origine. Or, avec la volonté suffisante, la communauté internationale peut gérer des déplacements de populations : en attestent la gestion de la crise des réfugiés du Sud-est asiatique dans les années 1970 ainsi que de la crise du Kosovo à la fin des années 1990. Le dossier sur les migrants forcés est nourri par une réflexion sur l’exil, sur les demandeurs d’asile, sur les déplacés pour causes environnementales, et illustré par les exemples du Caucase, de l’ex-Yougoslavie, de l’Afghanistan et d’Irak. L’on prend conscience, dans cette partie, du fait que le groupe le plus important de personnes vulnérables, depuis les années 1990, est celui des déplacés à l’intérieur de leur propre pays – et non pas celui des demandeurs d’asile ni des réfugiés : en 2007, ils étaient 2 millions en Irak, 2 millions au Soudan et plus d’1 million dans l’est de la République Dominicaine. Cependant, le concept de déplacé interne n’est pas reconnu comme une catégorie juridique à part entière, comme l’est celle de réfugié notamment. Bien que le HCR ait le droit d’ingérence, c’est-à-dire qu’il peut violer la souveraineté nationale d'un autre État, dans le cadre d'un mandat accordé par une autorité supranationale, seul un déplacé sur cinq reçoit de l’aide.

Chapitre 3 : Diasporas et peuples transnationaux

Le géographe Michel Bruneau introduit ce chapitre en définissant et distinguant les concepts de diaspora et de peuples transnationaux. Le terme de diaspora vient du grec diaspeirein (disséminer) et fut, à l’origine, appliqué aux communautés juives dans la Bible de Septante. C’est à partir des années 1980 que le terme est appliqué, dans les dictionnaires, à d’autres cas que celui des Juifs. Quatre critères

fondamentaux décrivent une

diaspora communautaire : •

la population en question s’est dispersée en divers lieux, dont plus d’un territoire non voisin du territoire d’origine, et ce sous la contrainte ;

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les chaînes migratoires, composées de migrants nouveaux et de migrants déjà installés qui servent de passeurs vers la société d’accueil, déterminent le choix des pays et villes de destination ;



la population s’intègre dans le pays d’accueil tout en conservant une conscience identitaire forte liée au territoire d’origine ;



les groupes de migrants dispersés développent des réseaux de relations d’échange multiples à la fois entre eux et avec la société d’origine.

La communauté transnationale apparaît beaucoup plus tard, dans la seconde moitié du vingtième siècle. La création de telles communautés résulte de l’émigration depuis des Étatsnations

récents

territorialisés.

Les

communautés

transnationales

ont

pour

caractéristiques principales : •

un fort lien avec l’État-nation d’origine, qui cherche à avoir la plus forte interaction possible avec ses migrants et à les conserver comme citoyens ;



une action politique menée dans le pays d’accueil et dans le pays d’origine ;



des rapports de parenté qui sont à la base des relations sociales et économiques.

Les principales distinctions entre les deux types de communautés émanent des différents rapports qu’elles entretiennent avec l’État d’origine : alors qu’une communauté transnationale conserve un ancrage fort sur son lieu d’origine, une diaspora a une existence propre, en dehors de tout territoire ; alors que le groupe social auquel appartient un transmigrant se limite au réseau transnational, le diasporé fait partie d’une « nation en exil », se sent « porteur d’un idéal. » Cette introduction est suivie d’analyses de nombreuses diasporas, telles que celle des Juifs, du peuple kurde, des Libanais, des Grecs, des Iraniens, des Philippins notamment. La diaspora chinoise, qui comptait, en 1990, trente millions de personnes – soit près de la moitié de la population française – est aussi dépeinte. Présente sur les côtes orientales d’Afrique depuis le Moyen-âge, la migration chinoise a changé d’ampleur il y a une dizaine d’années : en 2007, entre 270 000 et 750 000 Chinois travaillent sur le continent et les entreprises chinoises sont présentes dans tous les secteurs d’activité. Les gouvernements africains réservent un accueil ambivalent aux Chinois : certains, tels que les gouvernements zimbabwéen et nigérian, profitent du fait que tous les partenaires sont considérés légitimes aux yeux de Pékin ; d’autres, comme l’Afrique du Sud, portent un regard méfiant sur la présence des

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entrepreneurs chinois. D’après l’analyse d’Hélène Thiollet, l’Afrique est une terre d’émigration qui peine à intégrer les Africains revenus au pays comme les Chinois.

Chapitre 4 : Intégrations et fractures Le journaliste Philippe Bernard décrit les fractures qui existent entre pays développés et pays en voie de développement – tant à l’échelle des États qu’à celle des individus. Avant toute chose, il souligne l’inégalité qui existe entre les ressortissants des pays développés, qui jouissent d’une liberté de déplacement et d’installation quasi-universelle, et les ressortissants des pays en voie de développement, qui doivent souvent faire face à des obstacles financiers et juridiques lorsqu’ils décident d’émigrer. Ensuite, il interprète les statistiques sur les migrants de façon novatrice, par rapport aux autres auteurs de l’ouvrage : les migrants ne représentent « que » 3% de la population mondiale. Il étaye cette interprétation par l’affirmation que personne ne quitte sa famille et son pays par plaisir, et par le fait que les migrants vivent souvent dans des conditions d’extrême pauvreté. Philippe Bernard représente les zones de fractures géographiquement ; trois barrières aquatiques séparent les régions stables et prospères des régions instables et pauvres, à savoir : le Rio Grande au Mexique, la Méditerranée et la mer de Chine. L’auteur démontre les absurdités, les inégalités qu’induisent et renforcent la lutte contre l’immigration illégale : les États développés sont favorables à ce que les ressortissants de certains pays d’émigration n’aient pas le droit de quitter leurs pays ; or, ces mêmes États occidentaux défendaient le droit de quitter son pays, du temps de la Guerre Froide, comme étant une liberté fondamentale. En outre, la lutte contre l’immigration illégale est devenue un outil de pression sur les pays en voie de développement, qui sont encouragés à signer des « conventions de réadmission » des ressortissants expulsés. Or les migrations internationales sont un puissant facteur de développement des pays d’émigration. Les flux humains génèrent des flux financiers, par des transferts d’argent vers le pays d’origine ainsi que des exportations vers les pays hôte. La présence d’immigrés facilite les échanges et, ainsi, accélère l’intégration économique, comme le montre l’exemple des pays émergents d’Asie. Cette introduction est suivie par un aperçu des stratégies politiques, et de leurs conséquences économiques et sociales, dans différents pays d’immigration et d’émigration. En Allemagne, l’idée d’intégrer les étrangers, arrivés pour beaucoup dans les années 1960 pour travailler, a Lévy Céline – Fiche de lecture : «L’Atlas des Migrations » - Janvier 2012

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longtemps été absente des discours politiques avec pour conséquences, notamment, échec scolaire et chômage : en 2005, 17,5% des jeunes étrangers ont quitté l’école contre 7,2%, soit moins de la moitié, de jeunes allemands. Ce n’est que depuis les années 2000 que des réformes sont perceptibles, et notamment du code de nationalité qui reconnaît à présent le droit du sol.

Chapitre 5 : Le monde demain

Le climatologue et glaciologue Jean Jouzel présente la dernière partie de l’ouvrage, en nous alertant du fait que le réchauffement de la planète a de lourdes conséquences, dont de nouvelles migrations forcées. Depuis l’ère industrielle il y a deux siècles, nous sommes progressivement passés de la période holocène à la période anthropocène. Il s’agit de la première période où l’accélération notable des variations climatiques et environnementales est provoquée par l’Homme. Depuis la fin du dix-huitième siècle, le volume de CO 2 a augmenté de 35%, principalement en raison de l’utilisation des combustibles fossiles, et de 150% pour le CH4 avec l’intensification de l’agriculture. Cela a pour conséquence l’augmentation de l’effet de serre, et donc de la quantité de chaleur disponible dans les couches inférieures de l’atmosphère. C’est maintenant qu’il faut agir pour en limiter les conséquences : pour que le réchauffement moyen soit limité à 2°C par rapport au climat préindustriel ; il faut qu’en 2050 les émissions de CO2 soient de 50% à 85% inférieures à celles de l’année 2000. Les impacts probables du réchauffement sur l’environnement sont nombreux : l’augmentation des précipitations aux hautes latitudes, diminution dans les régions subtropicales, intensification des cyclones tropicaux, et élévation du niveau de la mer en sont seulement quelques exemples. Les impacts du réchauffement sont aussi, invariablement, humains : déplacement forcé des habitants de zones côtières, diminution de la productivité agricole partout dans le monde si le réchauffement dépasse 3°C, stress hydrique et risque d’inondations accrus dans différentes régions, impacts néfastes sur la santé avec la modification de l’écologie de maladies infectieuses. Enfin, Jean Jouzel souligne que certaines régions du monde seront plus vulnérables à ces changements climatiques, soit à cause de leur positionnement sur le globe terrestre – le réchauffement sera deux fois plus rapide en Arctique que dans le reste du monde – soit à cause de leur faible résiliation, liée à la pauvreté – cela est le cas de régions d’Asie et d’Afrique. Lévy Céline – Fiche de lecture : «L’Atlas des Migrations » - Janvier 2012

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Cette introduction est suivie de dossiers sur les enjeux environnementaux, sanitaires et démographiques de demain. Comme mentionné plus haut, le réchauffement de la température mondiale et la pénurie d’eau douce ont des conséquences plurielles – économiques, sociétales, sociales, mais aussi stratégiques. En raison de la fonte de la banquise estivale, le pôle Nord deviendra une zone stratégique majeure d’ici une vingtaine d’années : de nouvelles routes maritimes sont en train de s’ouvrir et des sources d’énergie de devenir accessibles. Selon certains scientifiques, l’Arctique contiendrait près de 25% des réserves mondiales en pétrole et en gaz. La lutte pour l’extension des zones économiques exclusives des pays riverains du pôle Nord, à savoir les États-Unis, le Canada, la Norvège, le Danemark et la Russie, avec la communauté internationale, a déjà commencé.

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3. Commentaires critiques 3.1.

Avis d’autres auteurs sur l’ouvrage

Il est difficile de trouver une critique de cet ouvrage en particulier. Cependant, les critiques faites au journal Le Monde, qui appartient au même courant d’idées que L’Atlas des migrations, tournent autour un manque de neutralité. En 2003, le sociologue de l'école bourdieusienne Patrick Champagne critique l’influence socialiste de Jean-Marie Colombani, directeur du journal Le Monde de 1994 à 2007.

3.2.

Avis de l’auteur de la fiche

Cet ouvrage s’intègre dans les courants de critiques sociale et écologique du capitalisme, abordés dans le cours d’Histoire de la Critique enseigné par Eve Chiapello. Les dérives sociales et économiques du monde actuel sont criantes dans le quatrième chapitre, « Intégrations et fractures ». Nous apprenons que l’émigration depuis l’Afrique de l’Ouest à bord d’une pirogue pour l’Europe est un voyage extrêmement coûteux. Chaque migrant paie entre 450 et 1500 euros pour embarquer. Le convoyeur, qui assure la logistique du voyage et encaisse les bénéfices, a un chiffre d’affaires qui varie entre 23000 et 46000 euros. Les dérives écologiques, quant à elles, apparaissent dans la dernière partie « Le monde demain. » Les retombées du réchauffement climatique sur l’agriculture sont lourdes : avec 1,5°C de plus et une légère baisse des précipitations entre 2030 et 2060, la production de sorgho, notamment au Soudan, diminuerait de 70%. Le nombre de personnes exposées au risque de famine pourrait ainsi exploser. En outre, dans le sud du Mexique, les 2 millions de producteurs qui vivent de la culture non irriguée du maïs – une céréale très sensible aux variations climatiques –, risquent d’être dans une situation de détresse telle qu’ils seront poussés à la migration. Et en effet, un article paru le 26 janvier 2012 dans Le Monde décrit la sécheresse historique qui frappe actuellement 19 des 32 États du Mexique, avec pour conséquence une situation de grave insécurité alimentaire. Lévy Céline – Fiche de lecture : «L’Atlas des Migrations » - Janvier 2012

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La richesse de cet ouvrage tient à la largeur de son champ d’étude, tant en termes temporels qu’en termes géographiques. Le lecteur a un aperçu des grands flux migratoires au cours de l’histoire ainsi qu’à travers les continents. Cette richesse est exacerbée par la diversité des auteurs, des spécialistes dans de nombreux domaines ayant contribué à la rédaction de l’Atlas. Enfin, la forme pédagogique de l’Atlas rend cette richesse d’informations et de points de vue facilement accessible au lecteur. Les nombreuses illustrations, sous forme de cartes, contribuent largement à cette qualité pédagogique. Cela étant, le lecteur peut regretter que les points de vue présentés soient d’une couleur politique homogène ; les visions des différents experts qui participent à l’ouvrage s’accordent en effet. Il aurait été intéressant de voir présentés et analysés les arguments des partis d’extrême droite, et notamment du Front National en France, pour la fermeture (« le contrôle ») des frontières. Le lecteur aurait ainsi, peut-être, été mieux armé pour construire sa réflexion et répondre à de tels arguments. Enfin, il est intéressant de faire le rapprochement entre cet ouvrage, dont l’objet est avant tout de présenter l’état des lieux, avec des recommandations plus précises que présente le professeur David Khoudour-Castéras, économiste du développement à l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques), dans le cadre du cours Grands Défis. Tout d’abord, l’analyse de l’économiste se rapproche de celle du journaliste Philippe Bernard : tous deux relativisent le nombre de migrants, qui représentent seulement 3% de la population mondiale. En outre, David Khoudour-Castéras va au-delà de la critique implicite faite, dans le chapitre « Intégrations et fractures », des nombreux dispositifs de contrôle mis en place aux frontières de l’Union Européenne (UE), tels que Frontex – l'agence de surveillance des frontières de l’UE – et la Société Générale d’Immigration. D’après lui, l’immigration se régule en très grande partie seule, selon la conjoncture économique. Il recommande donc l’ouverture des frontières.

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4. Bibliographie de l’auteur •

Le Monde-La Vie a édité de très nombreux numéros hors série; voir : « Le Monde – Boutique en ligne »,

http://boutique.lemonde.fr/hors-series/hors-series.html

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5. Références •

Rapport de l’Organisation internationale du travail, 2004



Bertrand Badie et al. (2008) Pour un autre regard sur les migrations. Construire une gouvernance mondiale, La Découverte

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