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Article original

Traitement visuel et cognition sociale chez des enfants et adolescents avec traits autistiques Visual processing and social cognition in children and adolescents with autistic traits M. Debbané a,∗,b , R. Murray b , C. Damsa a , L. Cocchi c , B. Glaser a,b , S. Eliez a a

Unité de recherche en neuroimagerie et neuropsychiatrie, service médicopédagogique, département de psychiatrie, faculté de médecine, université de Genève, 1, rue David-Dufour, Case Postale 50, 1211 Genève 8, Suisse b Faculté de psychologie, université de Genève, Suisse c Melbourne Neuropsychiatry Center, National Neuroscience Facility, The University of Melbourne, Melbourne, Australie

Résumé L’autisme est caractérisé par des difficultés majeures dans le domaine de l’interaction et de la communication sociale. De récentes études suggèrent que les déficits du traitement de l’information sociale pourraient contribuer à l’expression des traits autistiques, notamment dans le domaine de la communication et de la socialisation. Notre étude auprès d’enfants et d’adolescents avec traits autistiques a pour objectif d’examiner les caractéristiques du traitement visuel lors du visionnement de scènes à contenu social, afin d’évaluer le lien entre l’expression des traits autistiques et les déficits de traitement de l’information à saillance sociale. Nos résultats suggèrent que les jeunes participants avec traits autistiques traitent l’information sociale visuelle de manière comparable à ce qui est observé chez des individus souffrant d’autisme. Ces résultats sont discutés dans une perspective de psychopathologie cognitive développementale. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Enfants et adolescents avec traits autistiques ; Traitement visuel ; Cognition sociale

Abstract Autism is characterized by major difficulties in the social interaction and communication domains. Recent studies suggest that deficits in social information processing could contribute to the expression of autistic traits, as regards communication and socialization skills. The objective of our study with children and adolescents manifesting autistic traits is to examine the characteristics of visual information processing whilst viewing social scenes, in order to evaluate the relationship between autistic trait expression and deficits in processing socially salient information. Our results suggest that children and adolescents presenting autistic traits show patterns of visual processing of social information that are comparable to those observed in adults with autism. These results are discussed from the standpoint of developmental cognitive psychopathology. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Children and adolescents with autistic traits; Visual processing; Social cognition

1. Introduction Les capacités de traitement de l’information sociale sont actuellement dans la ligne de mire des neurosciences cliniques et développementales portant sur l’autisme. Cet intérêt de recherche est motivé par la possibilité d’étudier les interactions entre les différentes anomalies du développement cérébral



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Debbané).

0222-9617/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurenf.2009.06.003

chez l’autiste et les manifestations symptomatiques principales touchant les domaines des comportements sociaux adaptatifs et de la communication sociale [1]. Les théories neuroscientifiques postulent que les anomalies du cerveau au sein du réseau cérébral dit social (social brain network) chez l’autiste pourraient sous-tendre les déficits du traitement de l’information sociale, ou du moins en empêcher le développement harmonieux [2]. Si de nombreuses recherches ont déjà examiné la nature des altérations perturbant le réseau cérébral social dans l’autisme, la diversité des méthodes employées contribue à l’hétérogénéité

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des résultats. Néanmoins, l’ensemble des données obtenues permet d’identifier les principales zones cérébrales impliquées dans le traitement de l’information sociale, en particulier : l’amygdale, le sulcus temporal supérieur (STS), l’insula, le gyrus fusiforme, la jonction temporopariétale et le cortex préfrontal [3]. Bien que la présence d’altérations cérébrales puisse certainement faire obstacle au développement typique des compétences sociales, les travaux actuels cherchent davantage à caractériser le traitement de l’information sociale au cours de la croissance pour en comprendre le fonctionnement, afin de proposer des interventions focalisées de remédiation cognitive des déficits identifiés. Le développement du traitement et des compétences sociales s’établit notamment grâce à l’orientation spontanée et active de chaque individu vers un échange socio-affectif avec ses proches dès le plus jeune âge [4] et au cours des échanges sociaux plus complexes à l’âge adulte [5]. L’orientation vers les visages et plus particulièrement vers la région des yeux chez le nourrisson et l’enfant en bas âge [6] représentent des comportements critiques au bon développement du traitement visuel [7,8]. Chez des enfants avec autisme, le traitement visuel des visages est précocement dévié vers des régions moins socialement saillantes comme la bouche ou le reste du corps [6,9], bien que l’origine de l’altération de ces comportements visuels reste une source de débat [10]. À l’heure actuelle, les théories neurocognitives du développement suggèrent que ces irrégularités dans le traitement visuel, en lien avec les altérations des centres émotionnels comme l’amygdale et des perturbations de la régulation émotionnelle, amenuisent sérieusement la qualité des interactions sociales dès le plus jeune âge. En conséquence, cet appauvrissement précoce d’échange social direct avec la mère et/ou l’environnement de soin primaire prétérite l’acquisition future et la construction de processus plus complexes comme la reconnaissance des visages. Ces entraves précoces entament alors des perturbations en cascade de l’élaboration des fonctions de cognitions sociales comme la lecture des émotions et la compréhension des interactions sociales complexes à l’adolescence et à l’âge adulte [1]. Si ces hypothèses développementales devaient s’avérer pertinentes, elles nécessitent encore l’apport de recherches portant sur la progression et l’acquisition harmonieuse ou pathologique des compétences liées au traitement de l’information sociale. C’est à partir de cette perspective que plusieurs études utilisent les nouvelles technologies de poursuite visuelle (eyetracking) afin d’examiner les comportements visuels lors du traitement de stimuli sociaux statiques comme des photos de visage [11], ou des stimuli sociaux dynamiques faisant usage de montages vidéos ou de réalité virtuelle [12,13]. La majorité de ces recherches ont été effectuées auprès d’enfants ou d’adultes atteints d’autisme. Celles-ci démontrent, d’une part, une altération de la poursuite visuelle qui se manifeste par un traitement diminué des stimuli à haute valence sociale, comme les visages et en particulier la région des yeux [14]. D’autre part, les études de neuroimagerie rapportent une sensibilité accrue aux stimuli sociaux chez les individus avec troubles autistiques [15]. Ainsi, l’ensemble de ces travaux suggère que le contact visuel direct avec les stimuli sociaux est susceptible d’entraîner :

• une suractivation cérébrale des centres émotionnels comme l’amygdale ; • un évitement du regard ; • une stratégie de compensation du traitement visuel sur des zones du stimulus social moins saillantes (par exemple la bouche). Les études évoquées ci-dessus concernent des enfants ou des adultes atteints d’autisme. Aujourd’hui, la prise en compte des individus avec traits autistiques souffrant d’atteintes plus légères s’avère de prime importance. Un tel regard est susceptible de dégager une perspective du continuum de la sévérité des entraves au traitement de l’information sociale et de permettre une réflexion au sujet du lien entre la cognition sociale et les symptômes autistiques perturbant les interactions et communications sociales chez ces individus. Jusqu’à présent ces études s’inspirent de la tradition psychiatrique à la catégorisation des psychopathologies et ont porté presqu’exclusivement sur des enfants qui présentent des troubles autistiques avérés [6,16]. Plus proche de la perspective psychodynamique, nous retrouvons aujourd’hui une revalorisation de la continuité entre le normal et le pathologique. Nous postulons que cette perspective de continuum est également valable pour les altérations du traitement de l’information qui accompagnent l’expression psychopathologique. L’objectif de notre étude est d’examiner le traitement visuel de l’information sociale chez des enfants et adolescents avec traits autistiques. Ainsi, nous espérons dégager une perspective liant les altérations du traitement de l’information à l’expression des traits autistiques jusqu’à ses manifestations cliniques sévères. Pour réaliser ce projet, nous avons élaboré un paradigme expérimental de poursuite visuelle faisant usage de stimuli dynamiques (segments de film utilisés comme « scènes sociales »). La procédure est inspirée de deux études menées par Klin et al. [5,12] auprès d’adultes avec autisme. Nous émettons l’hypothèse que la poursuite visuelle chez des enfants et adolescents avec traits autistiques prononcés montre des caractéristiques similaires à ce qui est observé chez l’enfant et l’adulte avec autisme, à savoir : • une plus faible exploration visuelle de la région des yeux des personnages ; • une plus importante exploration des régions des bouches et des corps des personnages ; • une plus importante exploration de stimuli non sociaux dans l’arrière-plan des scènes sociales. Nous allons également mesurer le recrutement actif d’informations au cours d’un échange social, en évaluant la fac¸on dont les participants se prêtent à un « monitoring social » en portant leur attention visuelle sur l’échange de va-et-vient propre aux interactions sociales. En effet, le visionnement d’une interaction sociale entraîne de manière frappante des déplacements rapides entre les personnages impliqués. Afin de mesurer le recrutement actif dans l’échange social au cours du visionnement, nous avons élaboré une analyse qui capture le « monitoring social », c’est-à-dire l’évaluation visuelle active d’un échange social qui comprend au moins deux individus.

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2. Matériel et méthode 2.1. Participants Deux groupes d’adolescents appareillés en fonction de l’âge et du genre ont participé à l’étude. Le premier groupe est constitué de 17 adolescents âgés de sept à 17 ans (moyenne = 12,98 ± 2,1) avec traits autistiques prononcés. Ce groupe a été formé à partir de l’échelle Social Communication Questionnaire remplie par les parents [17]. Tous les participants de ce groupe ont obtenu un score équivalent au seuil indiquant l’expression du spectre autistique (moyenne de la note totale au SCQ = 17,01 ± 4,1). Ces participants ont été recrutés auprès du service d’éducation spécialisée cantonal pour les enfants et les adolescents (service médicopédagogique) et d’une étude sur le syndrome vélo-cardio-facial financée par le Fonds national de recherche Suisse (n = 9). Ce service est affilié à la faculté de médecine à l’université de Genève et au département d’instruction publique (Éducation) du Canton de Genève en Suisse. Le groupe témoin est constitué de 14 enfants et adolescents âgés entre huit et 17 ans (moyenne = 12,73 ± 2,1), recrutés par annonce dans un journal destiné aux écoles publiques et à la communauté située près du centre de recherche. Ces adolescents ont été contrôlés pour des maladies neurologiques et psychiatriques et pour l’expression du spectre autistique (moyenne de la note totale au SCQ = 1,86 ± 1,2). Le consentement informé écrit a été transmis aux sujets et à leurs parents, selon les protocoles approuvés par la Commission centrale de l’Éthique de la faculté de médecine et par le département de psychiatrie à l’université de Genève. 2.2. Outils et logiciel La poursuite du mouvement des yeux a été réalisée à l’aide d’un système de capture visuelle (Tobii 1750 eye tracker, Tobii Technology AB, Stockholm, Suède), qui consiste en un écran LCD de 15-pouces avec une caméra digitale de Basler 1394 à sa base pour capturer le mouvement des regards et des fixations des yeux. Le logiciel Clearview 2.6.3 a été utilisé afin de diffuser les scènes sociales sur l’écran, de capturer la poursuite visuelle et les fixations, et d’exporter les données. 2.3. Stimuli Les scènes sociales proviennent de deux films franc¸ais en noir et blanc, n’ayant jamais été visionnés par les participants : Le Président [18] et Le Deuxième Souffle [19]. Les critères de sélection des scènes étaient les suivants : • l’angle de caméra statique ; • les mouvements des personnages restreints ; • le débat animé entre les personnages, dont le propos est compréhensible aux participants sans qu’ils connaissent le reste du film.

Fig. 1. Exemple du tracé des aires d’intérêts permettant la récolte des données concernant le temps de fixation visuelle au cours du visionnement (scène 2).

2.4. Paramètres de la poursuite et fixation visuelle Notre objectif principal fut de récolter des données quantitatives caractérisant le comportement visuel des participants. Une fixation visuelle est définie à partir d’une durée égale ou supérieure à 100 millisecondes (ms) et qui ne se propage pas audelà d’un cercle ayant un rayon de 1 cm [20]. Afin d’enregistrer les caractéristiques des fixations visuelles (durée et coordonnées sur l’écran), des aires d’intérêts (AI) ont été dessinées à l’aide de Clearview. Ces RI suivaient les cadres des régions pertinentes dans chaque scène et elles ont été appliquées à chaque encadrement de chaque scène pour tous les sujets (Fig. 1). Dans la première scène, nous nous sommes intéressés spécifiquement à la durée des fixations sur les AI des bouches et des yeux des personnages. Les régions dites moins pertinentes ont été divisées comme suit : régions du reste de la tête, du corps et de l’arrière-plan. Dans la deuxième scène (Fig. 1), nous avions pour but de mesurer l’aspect dynamique du comportement visuel qui navigue entre les différentes zones d’intérêts (AI). En prenant compte de l’angle relativement large de la caméra dans la deuxième scène, les AI ont été construites autour de la région de la tête et du corps seulement. Toutes les autres régions ont été considérées comme étant dans l’arrière-plan. 2.5. Variables Comme variable d’intérêt principal, nous avons mesuré la durée des fixations dans les différentes AI. Les proportions individuelles de la durée des fixations dans les RI ont été calculées en divisant le temps de fixation sur une AI donnée par la durée de fixation totale au cours du visionnement de la scène en question. Les variables pour la scène 1 ont été nommées comme suit : AI Yeux, AI Bouches, AI Têtes, AI Corps, AI Arrière-plan. Dans la scène 2, les variables ont été nommées comme suit : AI Personnages, AI Corps, AI Arrière-plan. Comme il a été mentionné dans l’introduction, la deuxième scène a été sélectionnée grâce à sa capacité à mobiliser un monitoring social, permettant une analyse plus approfondie du recrutement actif de l’information sociale au cours du visionnement. Cette analyse est inspirée des études de social referencing chez les nourrissons et les enfants. Les paradigmes expérimentaux sollicitent chez le nourrisson un recrutement

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Fig. 2. Exemple de la trajectoire visuelle impliquée dans le monitoring social.

actif des signaux de communication afin de construire une perspective personnelle de la situation [21,22]. Nos analyses préliminaires ont dégagé de manière frappante la fac¸on dont les regards des sujets se déplacent rapidement d’un personnage à l’autre et de retour sur le personnage (Fig. 2). Le monitoring social est défini comme étant une série des trois fixations qui a commencé sur un personnage, se déplace ensuite sur un deuxième personnage, et revient sur le premier personnage, tout cela en moins de 1500 millisecondes. Afin d’obtenir les proportions individuelles de monitoring social, chaque instance de cette série de fixation est multipliée par trois pour tenir compte des trois fixations impliquées. Ensuite, ce nombre est divisé par le nombre total des fixations et multiplié par 100 afin de déterminer le pourcentage des fixations qui ont été impliquées dans l’activité de monitoring social au cours de la deuxième scène. En résumé, le sujet se sert d’une personne comme un point de repère et contrôle l’échange social depuis ce point de repère. C’est en utilisant ce point de repère social que le sujet lance un regard rapide à un autre personnage dans la scène et revient ensuite au personnage initial (Fig. 2 et 4). 3. Résultats Au cours de la première scène sociale, nous avons observé des différences significatives au niveau des temps de fixation sur les aires d’intérêts principales (Fig. 3). En comparant le groupe témoin au groupe SA, les analyses non paramétriques montrent que le groupe clinique passe significativement moins de temps à fixer les personnages en général (Z = −2,50, p = 0,012), et en particulier moins de temps à fixer le regard sur les yeux des personnages (Z = −2,10, p = 0,035). En contrepartie, le groupe SA fixe plus longtemps les corps des personnages (Z = −2,00, p = 0,046) ainsi que l’arrière-plan (Z = −2,50, p = 0,012). Aucune différence significative n’a été observée en ce qui concerne les régions d’intérêt des bouches des personnages. Au cours de la deuxième scène sociale, le groupe SA a montré davantage de temps de fixation sur les corps des personnages (Z = −3,49, p < 0,001) et moins de temps de fixation sur les têtes des personnages (Z = −4,22, p < 0,001). Quant au monitoring social, le groupe témoin a effectué presque le

Fig. 3. Répartitions du temps de fixation pour le groupe témoin (a) et pour le groupe avec trouble dans le spectre autistique (b) sur les aires d’intérêts de la scène 1.

double d’activité de monitoring en comparaison au groupe SA (Z = −3,49, p = 0,001). 4. Discussion Cette étude a eu pour objectif d’examiner le traitement de l’information sociale chez des enfants et adolescents avec traits autistiques. Nous avons cherché à caractériser les différences dans le comportement visuel de jeunes participants avec traits autistiques en comparant les manifestations de leurs poursuites et fixations visuelles au cours d’un visionnement de scènes sociales à celles d’enfants et adolescents sans traits autistiques. Nous avons mis en évidence d’importantes différences de traitement de l’information sociale chez les participants du groupe SA en comparaison au groupe témoin. De manière générale, les jeunes avec traits autistiques montrent une plus faible exploration visuelle des aires à saillance sociale élevée, notamment les têtes et plus particulièrement les régions des yeux des personnages. À l’inverse, ils montrent une exploration visuelle accrue des aires périphériques comme le corps des personnages et l’arrière-plan. Ces résultats sont comparables à ceux rapportés par des études auprès d’enfants et d’adultes avec autisme, qui montrent également une plus faible exploration du regard des personnages au cours du visionnement d’une vidéo avec contenu social [5,12]. En revanche, nous n’avons pas observé une exploration visuelle accrue sur les aires de la bouche des personnages

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sion des émotions chez des individus avec troubles du spectre autistique [25] afin d’étayer le développement des processus nécessaires à l’éclosion et à l’élaboration de la communication sociale au cours de la croissance. Les premiers résultats suggèrent qu’une réorientation du regard vers les zones à haute saillance sociale provoque une plus importante activation du réseau cérébral social [26]. De futures épreuves devront être mises au point afin de comprendre comment l’entraînement de ces fonctions de base peut étayer le développement des aptitudes à l’interaction et la communication sociale. En conclusion, les récentes découvertes issues des neurosciences cliniques et développementales portant sur l’autisme favorisent les pistes de prise en charge thérapeutiques dont le vecteur principal s’articule autour de l’interaction sociale individualisée. Si certaines techniques thérapeutiques apportent une maîtrise de l’angoisse des enfants autistes en structurant les apprentissages à l’aide d’un matériel éducatif inanimé, les données actuelles soulignent l’importance de l’interaction visuelle précoce en face-à-face, qui doit être soutenu afin d’étayer les processus de traitement de l’information sociale indispensables à l’élaboration des compétences sociales plus complexes. Conflits d’intérêts Aucun. Fig. 4. (a) Tracé typique de la poursuite visuelle chez un participant du groupe témoin qui illustre le monitoring social ; (b) tracé typique de la poursuite visuelle chez un participant du groupe SA qui illustre l’absence de monitoring social et de fixation sur les visages des personnages. Le diamètre de chaque cercle bleu traduit la longueur des fixations.

souvent rapportée chez les participants autistes qui visionnent des stimuli dynamiques ou statiques des visages [12,11]. Il est difficile d’interpréter cette disparité de résultats, qui pourrait être attribuable à la puissance statistique restreinte liée au petit nombre de participants à notre étude. En effet, le groupe SA montre une augmentation de 13 % du temps de fixation sur les bouches des personnages, ce qui demeure cohérent avec les données relatives au traitement visuel des informations sociales chez les autistes. Les performances du traitement visuel de l’information sociale dans le groupe à traits autistiques s’inscrivent dans la perspective du continuum du spectre autistique. Ces résultats contribuent à étayer l’hypothèse selon laquelle certains déficits du traitement de l’information sociale peuvent contribuer à l’expression des difficultés dans le domaine social, et ce non seulement chez les enfants et adolescents atteints d’autisme, mais également chez ceux qui présentent des traits autistiques. Ces observations sont susceptibles d’engendrer des stratégies de détection précoce et de prise en charge ciblant les processus du traitement de l’information sociale. Déjà, certains centres spécialisés proposent, au sein de leur dispositif de détection précoce de l’autisme, des évaluations des comportements visuels entre la mère et l’enfant et d’autres processus développementaux [23,24]. Par ailleurs, plusieurs centres développent des stratégies de remédiation cognitive de la lecture et compréhen-

Remerciements Nous tenons à remercier les enfants et les adolescents ayant participé de fac¸on volontaire à cette étude, et également les intervenants des écoles de formation préprofessionnelle (EFP) du service médicopédagogique. Merci à Bertrand Auckenthaler, Mélanie Chabloz et Catherine Pasca pour leur travail dans la récolte et le dépouillement des données, ainsi qu’à Evelyne Merlach pour ses commentaires. Références [1] Schultz RT. Developmental deficits in social perception in autism: the role of the amygdala and fusiform face area. Int J Dev Neurosci 2005;23(2–3):125–41. [2] Senju A, Johnson MH. The eye contact effect: mechanisms and development. Trends Cogn Sci 2009;13(3):127–34. [3] Frith CD, Frith U. Social cognition in humans. Curr Biol 2007;17(16):R724–732. [4] Klin A, Jones W, Schultz R, Volkmar F. The enactive mind, or from actions to cognition: lessons from autism. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci 2003;358(1430):345–60. [5] Klin A, Jones W, Schultz R, Volkmar F, Cohen D. Defining and quantifying the social phenotype in autism. Am J Psychiatry 2002;159(6):895–908. [6] Jones W, Carr K, Klin A. Absence of preferential looking to the eyes of approaching adults predicts level of social disability in 2-year-old toddlers with autism spectrum disorder. Arch Gen Psychiatry 2008;65(8):946–54. [7] Le Grand R, Mondloch CJ, Maurer D, Brent HP. Neuroperception. Early visual experience and face processing. Nature 2001;410(6831):890. [8] Le Grand R, Mondloch CJ, Maurer D, Brent HP. Expert face processing requires visual input to the right hemisphere during infancy. Nat Neurosci 2003;6(10):1108–12. [9] Klin A, Jones W. Altered face scanning and impaired recognition of biological motion in a 15-month-old infant with autism. Dev Sci 2008;11(1):40–6.

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