Un monde manga - CNDP

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27 avr. 2008 ... célèbres mangaka, les auteurs de mangas, tente de comprendre le phénomène manga en France, genre littéraire japonais qui s'est imposé en.
teledoc le petit guide télé pour la classe

2007 2008

Un monde manga Le documentaire d’Hervé Martin-Delpierre, en enquêtant auprès de lecteurs anonymes et de célèbres mangaka, les auteurs de mangas, tente Un documentaire d’Hervé MartinDelpierre (2004), produit par Génération Vidéo. 51 min

de comprendre le phénomène manga en France, genre littéraire japonais qui s’est imposé en cinquante ans mais qui pâtit encore d’une mauvaise réputation.

FRANCE 5 TNT : LA NUIT DU SAMEDI 26 AU DIMANCHE 27 AVRIL, 0 h 50

Des « images futiles » aux images utiles Français, arts plastiques et histoire, collège et lycée Un monde manga se présente comme l’exploration d’une gigantesque industrie culturelle, tant du point de vue économique qu’artistique, et pourtant quasi inconnue en Occident : le manga, la bande dessinée japonaise. Le documentaire traite avec curiosité à la fois des œuvres, des auteurs, et des lecteurs qui en ont fait un phénomène de société : tous les Japonais ou presque lisent des bandes dessinées, les festivals réunissent des centaines de milliers d’amateurs, le manga est omniprésent dans la mode, la musique ou l’art contemporain nippon. Avec des interviews de mangaka (auteurs de mangas) parmi les plus célèbres de l’archipel (Naoki Urasawa, Takehiko Inoue, Yoshihiro Tatsumi, Jirô Taniguchi), le documentaire parvient également à percer certains secrets de fabrication de ces bandes dessinées.

Rédaction Denis Sigal, professeur de lettres modernes Crédit photo Éditions René Château Édition Émilie Nicot et Anne Peeters Maquette Annik Guéry Ce dossier est en ligne sur le site de Télédoc. www..cndp.fr/tice/teledoc/

Précis dans sa terminologie, le documentaire ne confond pas manga et anime, l’animation nippone: souvent proche de celui des dessins animés, le monde de la bande dessinée ne se confond pas avec lui. Le mot manga signifie donc littéralement «image futile» et s’utilise pour «bande dessinée» en japonais.

Une origine satirique

> À partir de la séquence sur le bonze et l’origine du manga, dégager les origines de cette expression graphique. Le film permet de s’intéresser à ce qui semble être l’ancêtre de la bande dessinée japonaise, un récit satirique dessiné par un bonze du XIIe siècle. On remarquera comment la dimension d’apologue de l’œuvre est liée au contexte politique de l’époque: l’utilisation d’animaux permet par son aspect léger et indirect de critiquer les travers des puissants seigneurs sans que l’œuvre soit un affront. Compte tenu des images aperçues dans le passage, quels sont les défauts des seigneurs que le bonze tourne en dérision dans son récit? Quels liens peuvent être établis avec les œuvres d’autres époques, comme les fables (par exemple celles de La Fontaine) ou encore les caricatures (par exemple celles de Daumier)?

Aspects socioéconomiques du manga

> Montrer que le monde du manga est révélateur de tendances importantes de la société japonaise. Le manga est une véritable industrie culturelle qui se situe entre les loisirs d’une jeunesse sans souci et l’exutoire des salary men (employés de bureau) surchargés de travail. Le cosplay (abréviation de costume play) concerne des milliers de personnes. C’est une activité de loisirs plutôt régulière. On dégagera sa finalité sociale: comment ce loisir déterminet-il le cercle d’amitié de ses pratiquants? Dans une société où l’employé se voue corps et âme à son activité professionnelle, le mangakissa («café manga») apparaît comme un îlot de réconfort où se détendre. On répertoriera les services qui y sont offerts aux clients, en plus de la lecture de manga à volonté: n’importe quel besoin ou désir de consommation donne lieu à un ajustement du service proposé. On constatera que l’organisation sociale au Japon (dont l’organisation des loisirs) est fonction de l’activité de production. Le manga prend son essor après guerre et a un rôle historique dans la reconstruction de l’archipel, comme média de propagande pour soutenir le moral du peuple; il prend ensuite une dimension d’industrie culturelle. On établira les liens entre les impératifs de production du manga et les caractéristiques de cette

production: la pénurie de papier après guerre encourage le système de location de manga; le papier bon marché, noir et blanc, permet les publications à très fort tirage; la concurrence entre les très nombreuses publications sélectionne les séries par le succès. On opposera la pratique japonaise de la BD et la pratique occidentale, en comparant le rythme de publication d’un auteur comme Naoki Urasawa et celui d’un auteur français, puis en relevant les lieux de pratique de la lecture dans les deux pays. Ce marché gigantesque est trop gros pour s’adresser à un public unique. Selon Kan Takahama, quelle est la catégorie de public la plus représentée? Quels sont les publics auxquels s’adresse Naoki Urasawa dans ses œuvres, et pourquoi cela fait-il son succès?

Filmer la bande dessinée

> Observer les différentes manières de mettre en scène à l’écran ce média visuel afin de le faire vivre dans l’espace de l’écran. Dans le documentaire, plusieurs bandes dessinées sont filmées, mais non de façon uniforme. On répertoriera les différentes techniques audiovisuelles employées pour restituer la narration des bandes dessinées: banctitrage, split screen, zoom, voix off... On distinguera trois séquences où les techniques de la bande dessinée sont utilisées de façon complémentaire: la bande dessinée filmée selon le procédé du cinéma (image après image); une page de bande dessinée dont les cases s’animent; l’audiovisuel utilisant la structure d’une planche de bande dessinée (images filmées montées en split screen comme une planche de bande dessinée). Dans ces mises en scène, images fixes et images mobiles cohabitent et se répondent. On notera les enchaînements des unes aux autres et on remarquera à quels moments ces transitions entre le monde dessiné (imaginaire) et le monde filmé (réel) sont particulièrement porteuses de sens. Quel est le rôle joué par la bande-son dans les plans où une bande dessinée est filmée? De quelle façon le support audiovisuel restitue-t-il les bulles de dialogue, la musique notée graphiquement et les onomatopées dessinées? „

Pour en savoir plus • BLANCOU Daniel, MARY Thierry, Manga, origines, codes et influences, CRDP de Strasbourg, L’Iconograf, 2006. http://www.cndp.fr/Produits/DetailSimp.asp?ID=85446 • GROENSTEEN Thierry, L’Univers des mangas: une introduction à la bande dessinée japonaise, Casterman, 1996. • Le site du magazine Anime Land, sur le monde du manga et de l’animation japonaise. http://www.animeland.com/index.php?rub=home

« Une fenêtre ouverte sur une autre culture » Questions à Agnès Deyzieux, spécialiste des mangas Le manga pâtit encore aujourd’hui d’une mauvaise réputation auprès des enseignants, semblable à celle dont souffrait la BD d’une manière générale il y a quelques décennies. Quels arguments avanceriez-vous pour vaincre leurs préjugés ? On pourrait avancer en faveur du manga bien des arguments : la force de ses scénarios, capables de se développer sur des centaines de pages sans jamais perdre l’intérêt du lecteur, la diversité de ses thématiques qui explorent tous les genres de la fiction tout en donnant une large place à la réalité quotidienne, en développant des préoccupations très actuelles (écologie, précarité des jeunes, chômage), le charme de ses spécificités graphiques basées sur une grande complicité avec le lecteur... Le manga a permis à des milliers de jeunes de trouver (ou retrouver) le plaisir de la lecture et du livre. Cet argument devrait à lui seul convaincre les enseignants de son extraordinaire force et intérêt. Et ensuite, de comprendre que c’est loin d’être une « lecture pauvre ». Le manga comme la bande dessinée développe de grandes compétences de lecture : observation des images, hypothèses de lectures, apprentissage de codes graphiques et narratifs, sans parler de la très grande stimulation de l’imaginaire des lecteurs due à la fertilité des scénarios. Enfin, le manga c’est une fenêtre ouverte sur une autre culture, très différente de la nôtre et qui exerce un très grand attrait auprès des adolescents. Quels préalables conseillez-vous aux enseignants et aux documentalistes dans leur approche des mangas avec des élèves ? Un documentaliste doit pouvoir offrir une sélection à la fois appropriée à son public et représentative de la diversité des tendances éditoriales. Vu qu’il est très difficile de se repérer dans la production foisonnante du manga, il conviendra de s’appuyer sur des outils propres à tous les professionnels du livre (magazines spécialisés, sites, ouvrages documentaires). Les plus jeunes élèves, souvent « accros » à quelques titres précis très médiatisés, n’ont pas conscience de la diversité de la production. Ce pourra être là où s’inscrit le documentaliste: proposer, tout en s’appuyant sur une certaine production attendue, des séries différentes qui ouvriront leurs champs de lecture. Pour les enseignants, il s’agira plutôt de se lancer dans la lecture de quelques titres conseillés qui, en changeant leur regard sur le manga, suscitera peut-être une envie de travailler avec leurs élè-

ves autour de ces titres. Si le contenu de certaines séries peut se prêter à des rapprochements avec leurs programmes disciplinaires, il faudra néanmoins garder à l’esprit que l’étude d’un manga ne peut se faire sans prendre en compte ses spécificités narratives et graphiques et que l’étude de l’image reste dans ce cadre essentielle. Vous avez écrit un ouvrage pédagogique, édité par le CRDP de Poitiers, sur deux mangas célèbres au Japon: L’Histoire des 3 Adolf et Gen d’Hiroshima. Pourquoi avoir choisi ceux-là pour faire la promotion du manga dans les classes ? J’aurais personnellement souhaité choisir plus de titres variés et axer davantage la problématique sur l’analyse de l’image. Finalement, en concertation avec l’éditeur, nous proposons un ouvrage à la fois théorique et pratique. La présentation des caractéristiques graphiques et narratives du manga nous a semblé essentielle : il faut que chaque enseignant ait les clés indispensables pour être capable de mener une analyse avec ses élèves qui prenne bien en compte ces dimensions. L’ouvrage propose ensuite à titre d’exemples des séquences pédagogiques « clés en main» autour des deux titres cités. Le biais de la seconde guerre mondiale, et en particulier de la propagande et de l’endoctrinement, a été retenu pour être au plus près des programmes d’histoire, susceptible d’intéresser des enseignants de troisième ou première. La mise en relation d’extraits de mangas avec des documents historiques complémentaires est passionnante et montre le travail de mise en scène et d’interprétation des mangaka. Enfin, ce sont des titres très riches à tous points de vue, qui pourraient bien sûr être étudiés par d’autres biais (le caractère autobiographique pour Gen, l’inventivité du découpage et la construction narrative pour L’Histoire des 3 Adolf). „

Agnès Deyzieux est documentaliste et spécialiste des mangas. Auteur de Découvrir le manga avec L’Histoire des 3 Adolf et Gen d’Hiroshima (CRDP de Poitiers, 2007), elle collabore aux revues InterCDI et Lire en lycée professionnel, et anime également Gachan, le site d’informations générales sur la bande dessinée japonaise. http://www.gachan.org/

Le manga, objet de consommation La consommation de mangas au Japon est gigantesque et représente un tiers du secteur éditorial. Il suffit de fréquenter les quais de gares et les transports en commun pour se rendre compte du succès de ces ouvrages. Il s’en vend partout, il en arrive dans les kiosques et dans les conbini (magasins de proximité) à tout moment, les jours de publication n’étant pas fixes. Les magazines de prépublication sortent d’ailleurs toujours en avance par rapport à la date officielle de sortie (le numéro de juin d’un mensuel sort le plus souvent tôt dans le mois de mai). Vendus sous plastique (les nouveautés mises en avant), les mangas sont disposés en piles sur lesquelles les amateurs peuvent trouver un exemplaire consultable. Beaucoup se voient également recouverts par le vendeur d’une couverture en papier kraft, afin de vanter la nouveauté du numéro ou d’assurer au client une discrétion concernant ses lectures. Il s’en jette aussi beaucoup : à peine lu (et il est lu à 90 % le jour de sa sortie en kiosque), il est jeté dans ces poubelles destinées à accueillir le papier à recycler.

Vers une esthétique BD réaliste ? Fiche de travail Un mouvement esthétique se constitue toujours en réaction à celui qui le précède. À partir des exemples des mangaka japonais du documentaire, les élèves de seconde s’efforceront de décrire l’univers esthétique propre à chacun d’eux et de définir en quoi il s’oppose à la tradition qui le précède.

Questions 1. Reconstituez l’évolution esthétique du manga à travers les propos des mangaka interrogés : quelles nouveautés recherche chacun d’eux ?

L’auteur

s’oppose à…

en recherchant…

Osamu Tezuka (selon Tatsumi) Yoshihiro Tatsumi

Takehiko Inoue

Kan Takahama

2. Vers quel type de représentation se dirige le manga ? S’agit-il d’un type unique, et peut-on parler d’une et une seule école japonaise de bande dessinée ?

Proposition de corrigé pour le tableau L’auteur

s’oppose à…

en recherchant…

Osamu Tezuka (selon Tatsumi)

La simplicité des anciens manga.

Une « vraie dramaturgie ».

Yoshihiro Tatsumi

La représentation infantile et mensongère du réel.

Une représentation vraisemblable de la violence.

Takehiko Inoue

La faible valeur de la vie humaine dans la fiction.

Kan Takahama

La naïveté sentimentale et graphique des séries pour jeunes filles.

Une manière de montrer la valeur de la vie et de la mort d’un homme. Un réalisme des sentiments et des comportements.